Nous déposons nos plateaux. L'air frais sur mon visage me fait du bien.

Des fois, j'aimerais être une fille « normale », pour draguer Romain sans trop de soucis, profité de la beauté charnelle de mon meilleur ami. Mais je n'arrive même pas à le regarder dans les yeux...

A rester calme en sa présence ! Je sautille sur place lorsque l'on s'arrête sur un banc derrière la cantine.

- Arrête de gesticuler, a grogné Romain. Assieds-toi, je ne vais pas te manger !

" Quoique j'aimerais bien que tu me manges en entier..." j'ai pensé en esquissant un sourire. Mon sourire s'est dissipé quand Tara et sa cour sont passées près de nous.

- Je reste déjà suffisamment assise en cours, j'ai besoin d'être debout !, j'ai répondu néanmoins, en jetant un œil au banc tagué.

- Ça fait du bien de se poser deux secondes, petite pile électrique ! a insisté Romain, avec son foutu sourire charmeur.

J'ai précise :

- Il va falloir que j'aille au CDI de toute façon, Jack avait bientôt fini de manger quand je suis sortie...il devrait me biper d'ici quelques minutes !

- Je peux t'aider à faire tes maths, si c'est ce qui te pose soucis...a répliqué Romain.

- J'aimerais le questionner sur d'autre chose, j'ai avoué en me tripotant nerveusement le bras.

Silence gênant. Regards qui se croisent furtivement. Pendant deux longues minutes, nous nous sommes fixés sans rien dire. Je n'ai retrouvé ma gestuelle que lorsque de loin, Jordan nous a sifflé pour nous taquiner ce qui m'a drôlement mis mal a l'aise...

J'ai voulu fuir Romain et toutes les jalousies que je ressentais autour de moi, de la part des autres filles mais il m'a retenu par le poignet, stoppant net mes plans d'évasions improvisés! Ses doigts sur ma peau m'ont donnés de sérieux spasmes dans le bras.

- Laisse-les ricaner, Avril, s'il-te-plait ! a-t-il insiste.

Moi, je redoutais les conséquences de chacun de ses instants. La réactions de celles qui m'harcelaient me terrifiais...

- Lâche-moi Romain, j'ai soupiré en me sentant trembler.

Je commençais à stresser car Tara et Olivia, nous dévisager du terrain de rugby, à 500 mètres de nous.

- Baptiste m'a dit que tu avais accepté de retourner aux répétitions de leur groupe, a ajouté Romain en me lâchant le poignet.

- Oui, je n'ai pas encore pris de décision définitive, mais les membres du groupe, ont l'air assez cool ! Je vais aussi avoir besoin de me changer les idées cette année, entre le BAC, le code de la route, le sport et ta chère amie Tara qui va m'en faire voir de toutes les couleurs, j'aurais besoin de cet échappatoire...

- Tu voudras que je t'accompagne ?

- Non, ça ira...j'ai assuré.

- Et si j'ai envie de voir mon frère jouer ? Ou seulement t'encourager ?

- Ou juste passer du temps avec moi ? j'ai coupé sèchement, amusée de le voir hésiter autant à dire vraiment ce qu'il pensait ! Je l'avais connu bien plus franche avant qu'il ne sorte avec Tara...

Romain a esquissé un petit sourire ce qui me confirmait que j'avais vu juste sur ses intentions.

- Une répétition sur deux ? j'ai négocié en recevant un bip de Jack.

- D'accord ! a conclu Romain en se levant. Et on peut manger au moins une fois par semaine ensemble, au lycée ?

J'ai soupiré. "On verra !", j'ai répondu en souriant.

*

Point de vue de Romain

En cours de latin

J'observe Avril, assise seule, au premier rang de la classe. Je regarde ensuite Valentine derrière elle. Seule, elle aussi.

Depuis le début du cours, je n'écoute Jordan que d'une oreille. Jordan est le genre de mec à aimer les belles filles. A coucher avec elles et à les jeter ensuite. On se ressemble malheureusement sur ce point, j'avoue que j'ai plusieurs fois trompé Tara. Pourtant mes pensées sont tournées vers Avril. Toujours. Pour en revenir a Tara, ce n'est pas pour rien, si l'on s'est séparé plusieurs fois en deux ans de relations...

La fidélité, ce n'est pas trop mon truc. En revanche, pour mes sentiments c'est tout autre chose, j'aime ne les confier qu'à une seule fille ! Et cette fille, c'est Avril.

J'aimerais lui dire combien je me sens coupable des harcèlements scolaires qu'elle subit, j'aimerais lui décrire, l'ampleur de ma tristesse, quand elle subit toutes les formes d'intimidations, de rejet et d'agression, par ma faute, juste parce que je la considère comme ma meilleure amie, enfin, mon âme-sœur. Ce n'est pas juste tout ce qu'elle vit au lycée ou depuis le collège juste à cause de sa différence, de la jalousie.

Mais la vie est semée d'embûches, et cela ne fait que commencer. Alors j'aimerais pouvoir lui prouver, avant la fin de cette année, que je suis celui qu'il lui faut à ses côtés pour tout surmonter ! Problèmes passés et avenirs.

**

Le cours de latin est l'un de mes préférés, parce que nous sommes en nombre d'élèves réduits, et que les autres foutent la paix à Avril ! Il n'y a plus, pendant une heure, d'harcèlements scolaires violents comme les coups ou des insultes. On respire, tout simplement !

Cours de philosophie.

Rien d'extra, une sieste improvisée. Dernière moi, Avril et Camille ont carrément joué au « baccalauréat » sans arrêt, jusqu'à la dernière minute de cours ! Tous les élèves papotaient sinon dans leur coin, enfin, philosophaient à sa façon...

Vint ensuite le cours collectif de sport. Classe normale. Nous devons choisir un trinôme d'activités qui déterminera la note globale du bac.

Je surprends plusieurs fois le regard d'Avril sur moi, au moment de cocher et de remplir la feuille de choix. N°1 : Badminton, Course d'orientation, Football. N°2 : Volley, VTT, danse. N°3 : Basket, piscine, Escalade.

Je sais par avance qu'elle va choisir le n°1. Il lui faut absolument un sport d'endurance pour assurer. Mais j'hésite un peu avec le choix n°3, elle adore nager. Avril ne choisira pas le n°2 pour éviter toutes les sorcières qui vont prendre l'option « danse ». Je veux être avec elle pendant ces heures, elles seront cruciales pour me rapprocher de nouveau d'elle !

Camille me siffle une fois. Je comprends qu'Avril a fait le choix n°1. Camille re siffle de nouveau, trois fois. L'info est cette fois-ci pour Enzo.

Je saurais vendredi si je fais aussi sport avec Avril, le mardi et le jeudi après-midi...

Je l'espère de tout mon cœur ! J'ai envie de me rapprocher d'elle assez rapidement. Pendant deux ans, nous avons été comme deux étrangers à l'un et l'autre, et je ne peux plus le supporter. Sans Avril, une partie de moi à cesser de vivre.

Point de vue Avril

Je sens mon cœur qui se serre lorsque je vois Claire qui touche et touche encore Romain dès qu'elle le peut...

Des envies de meurtres me prennent subitement, empreint d'un certain niveau élevé de jalousie ! J'aimerais tellement être à sa place, aussi à l'aise avec mon corps, les garçons ! Etre aussi sociable ! Claire est le genre de filles que tout le monde apprécie. Elle ne laisse aucun garçon indifférent. Aucune fille ne peut s'empêcher d'en être envieuse. Cette fille a tout ce qu'il faut, là où il faut...c'est carrément désespérant !

Je sais que Romain n'est pas indifférent à Claire. Et Claire aime bien les garçons à la peau mate, aux yeux clairs.

Non je n'ai pas de complexes pour ma petite taille, non pas du tout non plus pour ma poitrine inexistante...

- Je t'offrirai une hache pour Noel, a plaisanté Diane qui courait près de moi, lors de l'échauffement

- Une hache ne ferait pas assez de dégâts pour calmer sa jalousie, a ajouté Camille. En fait, les deux sont aussi jaloux l'un que l'autre, mais ils ne veulent pas se l'avouer !

Un sourire a accompagné mon soupir exaspéré :

- Je ne suis pas jalouse du tout !

- Tu rougis Avril, a commenté Diane en regardant son portable.

- N'importe quoi... (Pourquoi elle me connaît si bien ?!?)

J'ai sursauté quand Enzo m'a lancé une tape sur la tête.

- Tu es à la traîne Avril Gomez, je te rappelle que tu dois courir avec moi normalement ! Les VMA de 17 ne partagent pas leur souffle avec celles des petits nains...

- On t'emmerde la calculatrice, a répliqué Camille pour le taquiner. Laisse les nains finir leurs tours tranquillement !

- Gomez, tu finis le tour avec Enzo, m'a ordonné le prof de sport. Tu n'es pas là pour papoter !

- Fais chier, a grogné Camille. Pourquoi je ne courre pas aussi vite que toi ? Tu dragues ma cible, t'es morte, amie ou pas ! (Ça fait plaisir dis donc...)

- Parce que tu ne fais que parler en courant...a ajouté Diane en rigolant.

J'ai laissé mes amies pour rejoindre Enzo qui avait déjà deux tours d'avance sur moi. Enzo, Julien et Jack sont les seuls garçons avec qui je me sentais bien. En plus de Romain, mais je n'ai plus besoin de le préciser...

Alors quand Jordan s'est mis à nous rattraper avec Enzo, parce qu'il fait partie des mêmes temps que nous, je me suis renfermée comme une huître ! Il n'arrête pas de me détailler du cul à la tête depuis mon changement. Je préfère encore la réaction de Benjamin, qui est moins lourde....plus discrète.

D'un regard, Enzo a dû comprendre mon malaise car il m'a proposé de s'arrêter pour boire un peu. Mais Jordan devait avoir une idée en tête car il nous a suivi. J'ai regardé autour de moi, personne ne semblait intéressé par notre pause improvisée, chacun continuait son entraînement sans se soucier de nous. Tout le monde, sauf Romain ! Je ne voyais pas où il était, mais je sentais qu'il me suivait du regard de là où il était.

Je ne l'ai cependant pas vu arrivé, quand il est apparu derrière moi, au moment où je me penchais pour prendre une bouteille d'eau, parmi les packs proposés près du terrain de course. Je n'ai eu que le temps de l'empêcher de frapper Jordan ; qui s'apprêtait à poser ses mains baladeuses et perverses sur mes fesses...

Un « dégage » agressif et brusque, est sorti de la bouche de Romain, vis-à-vis de Jordan.

Je ne savais pas que c'était une chasse gardée, a indiqué Jordan en me désignant.

On ne touche pas le cul des filles comme ça Jordan, a répliqué Enzo. T'as vraiment un problème dans ta tête...

Il a éloigné Jordan en lui proposant de nouvelles cibles. J'ai regardé Romain, le cœur en feu. J'ai fixé ses mains, celle de droite que je venais d'effleurer. Si je voulais, je pourrais le remercier, par un câlin, un bisou, une tape amicale, n'importe quel geste affectif. N'importe quelle autre fille ne s'en priverait pas... Je le veux bien, dans mon imagination mais mon corps lui, le refuse. Il refuse toute coopération affective...

Le sifflet du prof m'a fait dévier de ce long silence, de ces quelques secondes précieuses. Celles où l'on se parle seulement d'un regard, où l'on voit si ça va pas ou pas. Un regard peut en dire long des fois, j'ai vu son inquiétude, son malaise et autre chose. De bien plus précieux, la même chose qui m'avais tenu un peu avant, la jalousie et la peur. Peur de l'autre, des concurrents ?

Je dois me faire des films. Romain, jaloux des autres mecs qui essaient de me toucher ? De m'aborder ?

Il doit me considérer juste comme une sœur, fragile, qu'il faut protéger des vilains sorciers ! L'amour fait vite perdre la tête. J'avais cette impression, que mon cœur et le sien ne faisait plus qu'un, pendant d'infimes secondes...

Je rêve, trop souvent.

*

Une fois à la maison, je me suis mise à faire mes devoirs. Jim tournait une de ses vidéos You Tube dans sa chambre donc j'ai mis mes écouteurs pour être au calme.

Cependant, j'avais des difficultés pour me concentrer. Je repensais à Valentine, qui avait été toute seule en sport collectif. Aux insultes de Tara qui me traitait de pute dès qu'elle me croisait. J'ai aussi retrouvé mon haut simple et à dentelle tout déchiré dans les WC...a la fin du cours de sport.

Mais j'ai l'habitude. Je préfère qu'elles dégradent mes affaires plutôt que les coups. J'ai sursauté en recevant un sms privé.

« Va te faire pendre salope ». Sympas, pour commencer sa soirée ! Boule au ventre, j'ai éteins le téléphone et je l'ai planqué comme si c'était un objet du diable. !

Je me suis remise calmement à mes devoirs. Une heure plus tard, j'ai entendu ma mère rentrer.

Une odeur de paella réchauffée s'est mise à influer mes narines. Les voix de Jim et maman m'ont déconcentrées.

Je me suis figée lorsque la voix grave de Romain s'est interposée entre les deux. Fais chier, j'ai pensé en me regardant dans le miroir de la chambre. J'ai juste eu le temps d'arranger mes cheveux mouillés...de me morfondre sur mon physique si banal !

Ma mère est entrée dans ma chambre pour m'indiquer que le dîner était prêt, et que Romain restait manger.