AVRIL

A la fin du cours d'histoire, je suis allée voir Benjamin qui discutait avec Océane et Camille. Les deux filles se sont éclipsées non sans m'envoyer un sourire plutôt moqueur.Je n'ai pu esquiver un coup volontaire d'épaule de Claire.

Benjamin m'a fixé de ses yeux clairs, un petit sourire en coin éclairé son visage.Un peu froidement, je lui ai demandé :

- A quoi tu joues ?

Du tac au tac, celui-ci m'a répondu :

- J'essaye de t'impressionner, et si tu viens me parler, je pense que cela peut signifier que mon intervention t'a quand même touchée non ?

J'ai dû reconnaître qu'il avait raison. Nous sommes sortis de la classe avant que la prof d'histoire ne nous y enferme.

Seul Romain m'attendait à la sortie. Benjamin et lui se sont dévisagés cordialement mais je sentais clairement une nouvelle tension entre eux. Ce qui me gênait bien sûr parce que les deux étaient quand même amis de longue date.

- Ça va ? m'a demandé Romain une fois Benjamin partit. Soulagée ?

J'ai hoché la tête.

Quelques fois, entre nous, je surprenais ces regards ou ces silences dans lesquels seuls nous, pouvions nous comprendre, où savoir exactement ce que l'autre pensait. Je suis restée cependant loin de lui physiquement.

Etre si près de lui me rendait trop nerveuse.

- Merci pour ton discours, j'ai murmuré pour rompre le silence qui s'était installé subitement.

- Je suis content que tu ne te sois pas désistée...a ajouté Romain. Malgré les rebondissements de cette élection.

***

Le reste de la matinée s'est déroulée tranquillement. Même Valentine a eu la paix.

J'ai discuté avec Fred par sms et nous avons convenu que je passais la soirée chez lui.Salomé est revenue entre midi et deux, elle s'est installée à notre table. Je mangeais avec Camille, Diane et Valentine. Les regards se sont braqués vers elle dès qu'elle est apparue dans le self.

 - Comment va Inès ? s'est enquit Camille.

- Elle dormait quand je suis partie, elle était choquée. Le médecin veut la garder encore demain. Ses parents veulent porter plainte contre Olivia, ou au moins aller en parler au proviseur. Je vous jure que je n'ai qu'une envie c'est d'aller en foutre une à Olivia ! Qui a gagné à l'élection ?

- Celle-ci a été repoussée sur décision de la prof, a avoué Valentine. Océane nous a mis tous au courant de l'histoire...

- Tant mieux, a assuré Salomé en me faisant un clin d'œil.

Elle a émis une grimace lorsqu'on lui a annoncé que Tara et Benjamin se présentaient finalement aussi.

- Tu as une touche sur Benjamin, m'a chuchoté Salomé d'un ton taquin à la fin du repas, au dépose plateau.

J'ai empêché mes joues de rougir, non vraiment, j'ai essayé !

- J'ai déjà quelqu'un en dehors du lycée, j'ai avoué en pensant à Fred.

Salomé a ouvert la bouche de stupeur.- Est-ce que c'est Ro... ?

- Non, ce n'est pas Romain. Un...un mec qui joue dans le même groupe de musique que moi.

Camille m'a fait les gros yeux avant de sourire.

- Romain n'est donc pas une chasse gardée ? s'est enquit Salomé.

Mon cœur s'est accéléré et enduit d'une méfiance nouvelle à l'égard de Salomé.

Camille m'a jeté un regard, du style « ah, et tu dis quoi à ça ? ».

- Il n'a jamais été chasse gardée. Pas pour moi en tout cas.

Deux soupirs m'ont répondu. Un de Camille et de Valentine.

**18h00

Si tu ne défends pas ta cible principale, vous n'avancerez jamais.

Si tu n'es pas affectueuse avec Romain, il t'échappera encore.

Je veux juste le retrouver dans un premier temps, casser cette froideur qui nous lie, tisser une nouvelle complicité avant de rentrer dans la phase des rendez-vous amoureux ou intime.J'ai juste besoin de temps.

Par contre, ce que je ne comprends pas en me changeant, c'est que mon soutien-gorge bleu a disparu de mon sac...

J'ai beau le chercher partout dans le vestiaire, il ne s'y trouve pas.J'ai abandonné au bout de vingt minutes de le retrouver.

Mais cette absence m'a travaillé durant tout le trajet du retour. Camille, Diane ne savaient pas du tout où il pouvait être.

Je me suis dit que je devenais chiante même pour mes affaires vu qu'elles fuguaient !

21h03, chez Fred

Les mêmes questions qui me reviennent en tête. Où est passé mon soutien-gorge ? J'ai eu beau retourner mes sacs de fond en comble, imaginé toute sorte de sorts pour le faire revenir, rien ne s'est produit !

J'ai accusé toutes les filles dans ma tête sans trouver le coupable idéal. Tara et ses amies l'auraient déchiré ou inondé de sang. M'auraient dit que je n'en avais pas besoin...Elles auraient tout de même assumé le fait de détruire mes affaires. Ou de me les prendre.

Soit c'est quelqu'un de nouveau qui m'en veut, soit c'est une mauvaise blague. Ou alors je suis tellement fatiguée qu'il est sous mes yeux sans que je ne le voie.

J'ai été sur Facebook par peur intense que celui-ci ne soit l'objet d'insultes ou propositions salasses. Cette énigme m'a un peu empêchée de profiter pleinement de l'instant que je passais avec Fred.

Mais un soutien-gorge ? Pourquoi me prendrait-on mon soutien-gorge ?

Fred a bien vu que j'étais soucieuse et entre deux notes, m'a demandé :

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

Nous étions assis sur son canapé-lit. Pour ne pas lui parler du soutien-gorge, je lui ai dis :

- Je m'inquiète pour ma sœur...

-Je n'en parlais pas beaucoup mais c'était vrai-

Fred m'a fixé de ses beaux yeux bleus, il n'a pas lâché du regard pour que je lui en dise plus.

- Elle sourit moins, passe moins de temps derrière sa caméra, ne tiens plus son portable comme si c'était son cœur, et elle mange peu.

 - Baptiste m'a dit que sa chaîne You Tube la travaillait tout le temps, ce n'est peut-être qu'une mauvaise passe...

- Une passe de 10 jours ? Sans Baptiste, elle devient un vrai zombie.

- Ah, ils se disputent souvent ?

- Si Baptiste est irritable c'est peut-être en partie dû à ma sœur, j'ai précisé en me rongeant un ongle.

- S'ils ont besoin de se détendre tous les deux, pourquoi ne le font-ils pas ? a questionné Fred

- Ma sœur a peur de s'attacher à quelqu'un, j'ai avoué en espérant ne pas avoir à gâcher cet instant par le souvenir de mon père.

- Comme toi, tu as peur de t'attacher à quelqu'un...

Oui, des années que je n'ose pas avouer mes sentiments à mon meilleur ami. Cela ne m'étonne pas vraiment que Fred l'ait rapidement deviné.

- Je suis très content que tu n'es pas hésité trop longtemps à te lâcher avec moi, m'a avoué Fred d'un ton tendre.

Il m'a pris des mains son ordinateur sur lequel je mémorisais les paroles des chansons que nous jouions. Accoudé contre son canapé, il a rapproché son visage du mien et a fixé ses yeux bleus si intenses dans les miens. Impossible de penser à autre chose que ces deux beautés.

Lorsque les yeux de Romain se sont brutalement immiscés dans ces quelques secondes de scrutation, j'ai fermé les yeux. Mon cœur qui jusque-là était calme s'est mis à s'accélérer à vitesse grand V quand j'ai imagé que c'était Romain qui m'embrassait.

C'est le vibreur de mon portable qui nous a éloigné avec Fred, et qui m'a fait sursauté.Un message de Romain.Je ne l'ai pas lu. Ais aussi laissé passer le deuxième de sa part.

- Tu devrais répondre, ça a l'air urgent, a grogné Fred alors qu'il m'embrassait dans le cou.

J'ai répondu à son deuxième appel en soupirant.

- Oui Romain ?

J'ai eu un petit rire et ai essayé de repousser les mains baladeuses de Fred près de ma poitrine.

- Avril, excuse-moi de te déranger, mais j'ai appris par Salomé que tu sortais avec Fred est-ce que c'est vrai ?

Silence de ma part.

J'ai accusé le coup de cette demande. Cela m'apprendra à mentir.

- Avril, répond-moi s'il-te-plait, m'a supplié Romain au bord de la crise de nerfs.

- J'ai sorti ça pour que l'on me foute la paix sur toi, c'est tout, j'ai grogné.

- Tu sors avec lui alors ou non ?

- Pas encore, j'ai dis agacée par le côté jaloux et possessif de Romain.

- D'accord, à demain, a grogné Romain avant de raccrocher.

« Il m'a raccroché au nez », j'ai pensé en me mordant la lèvre, furieuse.

- Il...il faudrait que je le rappelle au calme, j'ai demandé à Fred en essayant de ne pas m'en prendre à lui pour rien.

- Je vais me prendre quelque chose à boire dans la cuisine, a soupiré Fred.Romain a répondu de suite à mon appel.

- Quoi ? a grogné celui-ci.

- Tu me raccroches au nez et tu me demande ce qu'il y a ? A quoi tu joues Romain ? je me suis énervée

- Ah rien, va retrouver Fred, a répondu sèchement Romain.

- C'est la meilleure, tu me piques une crise parce que je suis avec un mec, si j'aurais dû t'appeler avec une fille dès que tu couchais avec elle, moi, j'aurais fait explosé tous mes forfaits. Je crois que tu es le dernier à pouvoir me donner des leçons Romain !

- Il veut juste coucher avec toi, tu le sais au moins ? a répliqué Romain.

- Et je n'en ai pas le droit ? j'ai demandé ironiquement

- Si mais ça me foutrait les boules. Tu ne le connais que depuis quelques mois. Moi je rame depuis des années pour que tu m'apportes la moindre attention ! m'a reproché alors Romain. Et quand j'en ai enfin tu ne me fais que des reproches !

Un soupir m'a échappé des lèvres. J'en avais marre que l'on se prenne la tête sans arrêt.

- Tu n'as qu'à me proposer des activités drôles et en rapport avec nos passions, cela pourrait me changer les idées et me faire oublier ce long carnet de reproches à ton attention...

- D'accord, promets-moi juste d'accepter nos rendez-vous dès que je t'en propose un ! Et j'essaye de mon côté de ne plus te déranger quand tu es avec Fred.

- Te connaissant tu vas avoir dû mal à tenir ta promesse, j'ai dit maintenant amusée.

- Ce n'est pas de ma faute si tu m'as rendu accro à toi, a murmuré Romain.

J'ai brutalement senti mes joues rosir.Mon cerveau s'est mis à bouillonner, à se dire qu'il m'aimait, que c'était une déclaration.

- Avril, tu es toujours là ?

Lorsque Fred est revenu torse nu dans la chambre, mon silence avec Romain s'est davantage éternisé.

Comme lorsqu'il m'avait offert ce petit poussin en classe de sixième, je me suis encore braquée. Non, il ne t'aime pas, il a juste dit ça en amitié.

- Avril, à demain, a soupiré Romain.

- A plus tard...j'ai murmuré tant bien que mal. Le jour où je lui dirais moi aussi qu'il me rend complètement folle n'est pas pour demain...

- Quoi ? Quelqu'un est mort ? Tu es livide, s'est inquiété Fred.

Et si c'était Romain qui avait mon soutien-gorge ? je me suis demandé, paniquée.