A terre
AVRIL
Lundi 15 septembre
11h05
C'est la sonnerie du téléphone qui nous a réveillée toutes les deux en sursaut.
En soulevant la peluche qui cachait la lumière du réveil et que j'ai vu l'heure bien avancée, je me suis levée d'un bond. Je suis descendue en trombe vers le combiner, loupant misérablement les deux dernières marches de l'escalier.
J'ai grogné lorsque Camille, à l'autre bout du fil, s'est exclamée :
- Ah, madame daigne enfin donner signe de vie ! Depuis quand tu fais des grasses matinées le lundi matin ? En cours banane, Romain va avoir une attaque s'il ne te voit pas de suite ! Tu sais à quel point il est lourd quand il s'inquiète, il m'étouffe ! Et dès que tu arrives, faut qu'on cause de plusieurs trucs...
Elle a raccroché avant que je n'ai pu dire quelque chose.
Causer de plusieurs trucs ? Fred ? Romain ? Harcèlements à venir ? Tout mélangé ?
- Je vais prendre une douche, besoin d'émerger, j'ai murmuré.
Quitte à aller au lycée seulement pour le déjeuner.
Je n'allais pas m'incruster en plein cours ! J'ai prévenu Camille par sms que je mangeais avec elle.
Elle m'a prévenu qu'il y aurait aussi Valentine avec nous.
Mon anxiété durant le trajet vers le lycée n'a cessé d'augmenter. J'appréhendais le retour dans cette antre diabolique d'élèves, le regard de Romain après l'accident d'hier, la raison pour laquelle Valentine avait accepté la présence de Camille.
En arrivant, j'ai eu la surprise de voir Romain assit sur le muret des grilles au-devant du lycée. Il s'est levé d'un coup.
- Tu vas bien ? est la première chose qu'il m'a demandé.
J'ai regardé la chemise qu'il portait avant de déporter mon regard vers les rires et les messes-basses dont nous faisions l'objet par une bande de quelques filles près de nous.
- Oui, j'ai assuré, mal-à-l'aise d'être ainsi épiée. Je ne me suis pas réveillée, c'est tout, j'ai précisé dans un murmure. Et toi, ça va ?
- Oui, je voulais juste te prévenir que Camille et Valentine ont dû aller à l'infirmerie, a ajouté Romain en passant une main derrière sa nuque.
- Pourquoi ? j'ai de suite questionné en continuant d'ignorer les rires haineux et jaloux des filles autour de moi.
- Mon cœur s'est serré.
- Il...il s'est passé quelque chose en cours, a dit Romain, d'une voix nouée. Olivia a lancé son livre à la tête de Valentine, et Camille est sortie de ses gongs. Elle a insulté et balancé sa chaise sur Olivia. Mais Olivia l'a évité et elle a mise à terre, pour la ruer de coups.
Il m'a fallu quelques longues secondes pour visualiser la scène. J'ai frissonné en sentant la tristesse m'envahir. Tristesse et rage, au bout d'un moment, les deux étaient tellement présentes en moi qu'elles se mélangeaient très facilement.
- Le prof d'espagnol a mis un certain temps avant de rétablir le calme, il se peut que Camille écope d'un avertissement.
- Et Olivia ? C'est elle qui commence à chaque fois...
- Il n'a pas vu Olivia frapper Valentine avec son livre, m'a expliqué Romain en se mordant la joue droite (signe qu'il était anxieux). Elle l'a fait quand il l'avait le dos tourné.
- Mais ce n'est pas juste, je me suis exclamée. Personne n'a défendu Camille ?
- Si, mais elle passera tout de même en conseil de discipline Avril...
Un flot de jurons m'a échappé des lèvres.
- Personne d'autre que Camille n'a réagi ? j'ai balbutié.
- Je n'ai pas réagi, a avoué sèchement Romain en plissant les yeux.
Sous l'instinct de la colère, ma main s'est levé secouée de spasmes nerveux. Mais je me suis arrêtée, la respiration saccadée, consciente des paires d'yeux qui nous dévisager avec curiosité.
- Avril, a murmuré Romain.
Je me suis éloignée sans un mot, à grands pas. Je me suis dirigée vers l'infirmerie.
J'aimerais bien que Romain me coure après et qu'il me prenne dans ses bras, j'avais besoin de le sentir encore plus près de moi. D'être rassurée, épaulée au moins à l'annonce de cette nouvelle. J'ai regardé une fois en arrière, il était au téléphone. Ne me regardait absolument plus.
La douleur de son indifférence face à l'instant m'a tordu de nouveau le cœur.
J'ai avancé une bonne centaine de mètres avant que l'on m'attrape le bras et que l'on me tire de force en arrière. Je tombe maladroitement au sol.
L'ambiance autour de moi change brusquement, je le sens. Ça ricane.
Là, je sens leurs regards à tous plantés dans mon dos. D'un coup, j'ai très chaud. Ma main tremble. J'aperçois des sourires moqueurs. Tara et ses copines m'entourent.
Je reçois un grand jet d'eau sur le visage puis la bouteille suit. La silhouette d'Olivia me fait de l'ombre. Celle d'Amandine et de Pauline qui mâchent leur interminable chewing-gum la suivent de près.
- Alors, on fait moins la fière salope, non ? Tes petits amis ne sont pas là pour te défendre ?, dit Amandine en nouant ses cheveux blonds.
- En même temps, qui défendrais de la merde ? a conclu son amie sur un ton haineux.
Quand j'ai essayé de me relever, Pauline m'a envoyé un coup de pied dans le ventre qui m'a donné le hoquet. Olivia a continué de m'insulter tout en prenant mon sac à main. J'ai regretté de l'avoir rempli puisque j'ai reçu son inventaire dessus. Quand Pauline a essayé de me retaper j'ai lancé mes jambes en l'air au hasard en espérant que ça la fasse reculer. Une gifle en retour a atterri sur ma joue.
J'entends des rires autour de moi, ce sont les autres élèves, les spectateurs qui se régalent.
- Tu ne gagneras jamais demain, à l'élection des délégués de classes...a craché Olivia dans mon oreille.
- Tu es trop sûre de toi, j'ai riposté, le souffle saccadé.
Olivia a froncé les sourcils face à ma répartie. Son rouge à lèvre violet me donnait le tournis. Tout comme ses rides du front.
Elle a lâché ma tête qui s'est étalée contre les cailloux. Putain que ça fait mal. Tomber encore plus bas que terre. Pourquoi personne n'intervient ? Pourquoi les humains pensent-ils tous qu'à leur gueule ?
- Bonne à rien, j'ai entendu en restant à terre.
Faire le mort me servira peut-être à quelque chose. J'ai senti la foule se disperser dont Olivia. Le pion est passé derrière moi sans un regard. Durant le passage express du pion, Pauline a fait comme si elle m'aidait à me relever avant de me redonner un coup de pied dans la cheville.
- Au fait, a conclu Pauline en se penchant à son tour. J'ai couché avec Jack, tu as vraiment loupé quelque chose, espèce de sale coincée du cul !
Quelques mots suffisent à tuer. Je ne cesse de le confirmer.
- Pute ou coincée du cul ? Faudrait que t'arrives à me définir avant de dire n'importe quoi ! je me suis exclamée, folle de rage.
- T'es qu'une sale pute coincée du cul...a conclu Pauline. Reste dans ta merde, tu nous feras plaisir !
Ne pleure pas, m'a murmuré la voix de Jim. Ne pleure surtout pas, ne leur fait pas ce cadeau...
- Je peux t'aider à quelque chose Pauline ? a retentit une voix masculine.
- Non Ben, a répondu mielleusement Pauline en détournant sa tête. J'en avais fini avec elle, elle est tout à toi.
Trois choses ont finies de me broyer l'esprit.
La première est qu'en me relevant grâce à l'aide de Benjamin, j'ai vu que Jack avait fait partie de la foule des spectateurs. Romain de loin, était en train de parler avec Tara.
Et enfin, mon sac à main avait fini dans la poubelle. Bon, ça à force, j'y étais habituée, ce n'était qu'une broutille.
Mais être rabaissée autant, je vous avoue que ça fait toujours aussi mal.
12h45
AVRIL
Envie de tout casser.
D'exploser.
Renvoyer les coups, insulter.
Envie de partir loin d'ici.
De ce lycée pourri.
On me dit « souris ».
Juste besoin de râler.
D'exploser.
Tout casser...
Me barrer.
Envoyer balader.
Foutre en l'air.
Jungle. Rage. Colère.
Différence.
Indifférence.
Tant de mots me viennent à l'esprit...
S'arrêter de vivre.
De respirer ?
Romain...
Je ne te demande qu'une seule chose, de m'aider à survivre.
Je n'en peux plus, je n'en plus de tout ça.
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