Chapitre 21 : Quelqu'un est en danger
Un prénom, trois lettres, Ewen démarra la voiture et quitta en trombe la maison des jumelles pour se rendre au domicile d'Eva.
« —Donc tu penses vraiment que c'est Carla qui a tué Driss et Célia ? redemanda Ewen pour la cinquième fois, de plus en plus convaincu par cette éventualité.
—Tout tournait autour d'elle. Si elle n'a pas tué Driss, c'est Célia qui l'a fait mais, dans tous les cas, elle aura tué Célia. On n'a pas voulu accepter ce qui était évident. On a cherché quelque chose de compliqué alors que c'était limpide dès le début.
—Et pourquoi elle s'en prendrait à Eva maintenant ?
—Parce qu'elle dormait avec Eva la nuit où Carla a tué Célia. Elle faisait peut-être semblant de dormir et elle est au courant de tout. Elle aurait vu Carla s'échapper par la fenêtre et revenir. D'où ses angoisses et ses larmes. Et ça a pu mettre la puce à l'oreille de Carla qui veut maintenant se débarrasser d'un dernier témoin gênant. »
Ewen accéléra encore, il était largement au-dessus de la vitesse autorisée et priait pour arriver en vie chez Eva. Le trajet leur parut interminable. Par chance, tout se déroula bien et ils arrivèrent en un temps record chez les parents de la jeune adolescente.
Quand ils sonnèrent au portail, ils tombèrent sur la mère d'Eva qui ne voulait pas les laisser entrer.
« —On vous dit que votre fille est en danger ! s'énerva Ewen.
—Moi je vous dis que non. Elle est dans sa chambre, sous mon étroite surveillance. Il ne lui arrivera rien.
—Madame Delarosa, soyez compréhensive. Nous ne sommes pas là pour vous casser les pieds, nous sommes là pour arrêter un meurtrier.
—Il n'y a pas de meurtrier chez nous, maintenant partez, je ne veux plus entendre parler de vous. »
Ils entendirent le déclic de l'interphone qui se fait raccrocher au bout de la ligne.
« —Merde à la fin ! hurla Ewen en jetant son pied contre le lourd portail. Aïeuh putain ! »
Il sautilla sur place sous le coup de la douleur.
« —Carla finira par venir, dit Maggie qui était perdue dans ses pensées. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera un autre jour. Elle ne tardera pas parce qu'Eva peut craquer d'un moment à l'autre.
—On ne va quand même pas camper là à attendre gentiment que princesse Carla arrive non ?!
—Je n'ai pas dit ça, j'essaie juste de réfléchir à comment protéger Eva.
—Si on allait cueillir Carla directement chez elle hein ? On prévient le lieutenant Messant qui vient avec quelques hommes. On bluff, on lui dit qu'on sait tout et elle avoue.
—Elle ne craquerait pas comme ça, on ne l'aura pas de cette façon. On peut toujours se rendre chez elle mais ça la rendra plus dangereuse qu'autre chose. Et ses parents vont finir par perdre patience eux aussi, et là on est bons pour se retrouver une nouvelle fois à la morgue avec un cadavre en plus. Il faut qu'on parle à Eva, il faut qu'elle avoue qu'elle sait tout.
—Elle ne sait peut-être rien du tout, elle dormait peut-être vraiment...
—Je sais, c'est risqué mais c'est notre seule solution pour avoir Carla rapidement avant qu'elle ne fasse d'autres dégâts.
—Je rêve. On parle d'une ado à peine majeure comme si c'était une tueuse en série ultra dangereuse.
—Elle a sûrement tué deux personnes dont celui qu'elle aimait, elle est ultra dangereuse Ewen. »
Le silence se fit. Ewen s'était assis contre le portail pour masser son pied encore douloureux à travers sa chaussure. Maggie relisait ses notes. Elle cherchait une faille, elle cherchait quelque chose qui lui prouverait la culpabilité de Carla pour la faire arrêter au plus vite. L'adolescente avait déjà été entendue par la police et ils l'avaient relâchée, faute de preuves. Ils en étaient arrivés exactement au même point. L'ADN ne dirait rien puisque tous les adolescents impliqués étaient invités dans cette maison et se côtoyaient. Il n'y avait pas de traces de sang compromettantes non plus. Où chercher ?
« —Ewen ?
—Mmmh ? fit ce dernier toujours appliqué à masser son pied.
—T'as encore très mal ?
—Ça lance, mais rien de bien méchant, merci de t'en inquiéter.
—Tu penses que tu peux m'aider à passer par-dessus le portail et l'escalader après ?
—Ah donc tu t'en foutais de mon pied en fait. Oui je pense qu'on pourrait... Attends. T'es vraiment en train de me dire que tu veux qu'on rentre par effraction dans une propriété privée ?
—Je crois que c'est tout ce que nous pouvons faire pour le moment.
—Je ne sais pas si c'est une idée géniale ou complètement idiote.
—C'est une idée géniale, je t'assure. Maintenant fais-moi la courte échelle. »
Ewen s'exécuta et escalada le portail à la suite de sa collègue. Il se laissa retomber lourdement de l'autre côté sans étouffer le juron qui sortit lorsque son pied blessé toucha le sol. Au même moment, une alarme retentit dans la maison.
« —Super, et maintenant madame la casse-cou ? Maintenant qu'on a alerté tout le quartier et qu'on est en infraction, on fait quoi ?
—On fonce vers la maison les prévenir. »
Les deux détectives galopèrent jusqu'au domicile des Delarosa. Ils étaient presque arrivés que la mère d'Eva sortit en trombe de chez elle.
« —La police sera là dans 5 minutes, vous êtes allés beaucoup trop loin.
—Nous sommes allés beaucoup trop loin pour protéger votre fille, lança Maggie précipitamment et encore complètement essouflée.
—Vous aviez promis de ne plus l'embêter avec vos questions.
—Oui, mais à ce moment-là elle n'était pas encore en danger et nous ne savions pas encore qu'elle était une témoin clé dans cette affaire.
—Une témoin clé ? Qu'est-ce que c'est encore que ces conneries ?
—Elle a vu Carla quitter sa chambre la nuit où cette dernière est allée tuer Célia. Nous n'en sommes pas sûrs à 100% mais nous pensons que Carla, si ce que nous avançons est vrai, cherchera à éliminer votre fille avant qu'elle ne craque et avoue tout.
—Foutaises, Célia s'est suicidée, vous...
—Maman ? la coupa la toute petite voix d'Eva qui paraissait être si fragile.
—Quoi ? Retourne dans la maison et ne te mêle plus de ça, tu n'es pas en danger, arrête d'angoisser. »
À ces mots, Eva se métamorphosa. Elle passa d'une apparence d'enfant perdue à une jeune femme pleine d'assurance et de haine envers sa mère si autoritaire et écrasante.
« —LAISSE-MOI PARLER LIBREMENT POUR UNE FOIS POUR L'AMOUR DE DIEU ! »
Amélie Delarosa se tassa sur elle-même. Sa bouche béante ainsi que son expression ahurie marquaient sa stupeur quant au comportement de sa fille. L'adolescente, qu'elle a constamment prise pour une enfant, devenait soudain une femme de caractère.
« —Bon, reprit Eva avec une voix plus calme mais tout de même assurée. Je vous assure que ce n'est pas Carla qui a tué qui que soit. En tout cas pas Célia, c'est certain. Et pour Driss, je ne pourrais pas vous le jurer mais j'en mettrais quand même ma main à couper qu'elle est innocente aussi.
—Comment ça ? la questionna gentiment Maggie. »
Eva n'eut pas le temps de continuer car la police était arrivée et avait sonné à l'interphone.
« —Police municipale, nous sommes ici après votre appel concernant une intrusion dans votre propriété, pouvons-nous entrer ?
—Bonjour, euh... commença madame Delarosa encore complètement déboussolée. C'était une erreur. Mon alarme s'est déclenchée par accident et j'ai pris peur. Mais c'est une fausse alerte je vous assure. Désolée de vous avoir fait déranger.
—Vous êtes sûre que tout va bien ?
—Oui oui, j'ai visionné les images de vidéo surveillance et ce n'était qu'un chat qui a fait bouger le capteur. Toutes mes excuses, vous pouvez repartir.
—Bien. N'hésitez pas à nous rappeler si vous avez le moindre problème.
—Oui oui, merci bien, bonne journée. »
Et elle raccrocha. Eva pût répondre à la détective :
« —Parce que je ne dormais pas quand Célia a été tuée. Malgré la télé, j'ai entendu du bruit dans la chambre à côté. Carla dormait à poings fermés et je suis sûre que c'est à ce moment qu'elle a été tuée.
—Donc tu savais que Célia avait été tuée ? Qu'elle ne s'était pas suicidée ?
—J'avais des doutes, mais vous venez de les confirmer.
—Pourquoi tu ne parles que maintenant ?
—J'avais peur, terriblement peur qu'on me tue moi aussi si je parlais, comme Célia.
—Tu as eu raison d'être prudente, ne t'en veux surtout pas d'avoir gardé cela secret. Maintenant, peux-tu me dire de qui as-tu peur ?
—J'en ai aucune idée, c'est pour ça que c'est aussi terrifiant... »
Là, elle redevint complètement l'enfant perdue et effondrée qu'ils connaissaient. Sa mère se jeta sur elle pour la câliner. Elles tremblaient toutes les deux comme des feuilles.
« —Restez enfermées chez vous et, surtout, n'ouvrez à personne, leur ordonna Ewen qui était resté en retrait jusqu'alors. Vous êtes protégées ici par votre système de sécurité.
—Oui, souffla Amélie Delarosa.
—Nous allons devoir vous laisser, nous ne servons à rien ici.
—Pas de problème. Faites au mieux.
—On essaie. »
À ces mots, ils retournèrent à la voiture qui était garée n'importe comment sur le bas-côté. Les policiers de tout à l'heure avaient sûrement dû l'examiner tellement elle semblait suspecte. Et ils n'auraient pas vraiment eu tort de le faire en y réfléchissant bien.
Les deux collègues s'assirent à leurs places de prédilection : Ewen au volant, Maggie côté passager. Ils ne dirent pas un mot, ils se concentraient. L'un comme l'autre n'avait aucune idée de qui pouvait être alors le meurtrier de Driss et Célia, si ce n'était pas Carla. Ils tournaient en rond, encore et toujours. Ils perdaient leur temps et, par la même occasion, risquaient la vie d'autres adolescents venus juste fêter leur bac au départ.
« —Ewen ? fit Maggie après un long moment de réflexion.
—Une piste ?
—Non. Mais as-tu encore tes feuilles des interrogatoires que tu as menés le premier jour chez les Morel ?
—Elles sont au bureau pourquoi ?
—J'aimerais bien les relire. Je connais mes notes par cœur mais pas les tiennes, et j'y ai peut-être raté quelque chose.
—Tu veux qu'on aille les chercher ?
—Si ça ne t'embête pas, j'aimerais bien.
—Sinon je m'en rappelle un peu, je peux t'en faire part. Ça nous évitera de quitter le coin où sont regroupés tous nos ados.
—Non, j'ai besoin d'une lecture neutre. Tu risques de m'influencer malgré toi avec l'avancement de l'enquête qui se mêlera à tes souvenirs. Enfin si on peut parler d'un avancement...
—Ok j'ai compris, on retourne aux bureaux.
—Merci, t'es un super collègue.
—Je sais, et je trouve aussi que tu ne me le dis pas assez. »
Maggie soupira d'amusement et ils prirent la route vers les bureaux.
Le trajet leur sembla lent et long. Après avoir roulé comme des dingues pour se rendre chez Eva, ils avaient l'impression d'être des tortues à présent qu'ils respectaient les limitations de vitesse.
Au bout d'une petite heure de trajet, ils firent irruption dans les bureaux. Morgane fut surprise de les voir débarquer et ne s'en cacha pas :
« —Qu'est-ce qui vous amène ici ? Vous n'êtes pas auprès des ados ?
—Contents de te revoir Morgane, lui répondit ironiquement Ewen tout en se dirigeant vers son bureau. Non, franchement ça fait plaisir de travailler avec toi.
—Soit sérieux un peu Ewen, pourquoi vous n'êtes pas sur le terrain ?
—Je viens récupérer mes notes, dit Ewen en secouant les feuilles manuscrites qu'il venait de saisir sur son bureau.
—C'est une perte de temps de ne pas les avoir eues sur toi. Patron ne va pas aimer.
—Patron n'est pas obligé d'être au courant de ce qui vient de se passer si tu ne lui dit pas, ironisa le détective sur le même ton que sa collègue. »
Morgane soupira et se replongea dans le travail qu'elle avait entamé avant qu'ils n'arrivent et ne la dérangent. Pendant ce temps, Maggie s'installa dans un des fauteuils au centre de l'open-space et s'immergea dans la lecture des notes de son collègue, bercée par le cliquetis que faisait Morgane en tapant sur son clavier. Ewen, quant à lui, s'était avachi sur sa chaise de bureau et attendait que le temps passe tout en massant de nouveau son pied qui n'était en fait plus douloureux du tout.
« —Ce que tu écris mal Ewen !
—Tu es venue relire mes notes ou critiquer ma calligraphie ? Pas besoin d'être désagréable à ton tour. »
Maggie ne lui répondit pas et retourna dans sa lecture, ou plutôt dans son décryptage.
« —Qu'est-ce que tu as écrit là ? lui demanda-t-elle en plissant les yeux au maximum tout en rapprochant la feuille en question de son visage.
—Si tu ne me montre pas je ne vais pas pouvoir deviner. »
La jeune femme se leva de son fauteuil et se déplaça vers son coéquipier qui ne fit aucun effort de son côté pour se rapprocher de sa collègue. Maggie lui tendit la feuille tout en pointant du doigt l'espèce de gribouillis illisible qu'elle n'arrivait pas à déchiffrer. Ewen se redressa sur sa chaise, se saisit de ses notes et relut l'endroit qui posait problème à sa collègue.
« —Sans doute...
—...FRIENDZONE ! hurla Maggie. »
Morgane arrêta de taper sur son clavier et se retourna vers les deux détectives l'air à la fois agacé et interrogateur.
« —Ça va Maggie ? lui demanda Ewen gêné de cette intervention bruyante de sa collègue qui avait dû être entendue par tout l'immeuble.
—Non ça ne va pas, on fonce chez Carla, elle est en danger !
—Carla, mais...
—Pas de mais, on y va et c'est tout. »
Maggie avait déjà quitté le bureau en courant, Ewen derrière elle. Patron essaya de les interpeller au passage mais tout ce qu'il réussit à faire c'était manquer de se faire renverser par la furie qu'était devenue sa jeune employée.
« —Désolé Patron, s'excusa Ewen en passant devant lui à son tour. Moi non plus je ne comprends pas mais on vous explique tout ce soir, promis ! »
Et il disparut de l'étage à son tour.
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