Chapitre 15 : Dans l'intimité de Djamila
Djamila habitait à environ 15 minutes en voiture des bureaux de Patron. L'immeuble était récent, bien entretenu, et placé dans un quartier calme. Deux petits garçons et une petite fille, qui devaient avoir une dizaine d'années, jouaient devant la porte. Ils avaient grossièrement dessiné une marelle à la craie sur le trottoir et ils y sautaient à cloche-pied après avoir jeté un caillou dessus. Maggie n'avait jamais compris les règles exactes du jeu qui changeaient en fonction des personnes avec qui elle jouait. Il y avait sûrement une mère ou un père qui jetait de temps à autre des regards par une fenêtre pour surveiller les enfants.
Béthanie sonna à l'interphone. Djamila ne répondit pas, mais déverrouilla aussitôt la porte. Maggie suivit ses deux collègues qui avaient l'air de savoir où ils allaient. Djamila habitait au premier étage de son immeuble. Béthanie frappa à la porte et l'ouvrit après que la maîtresse de maison leur eut hurlé d'entrer.
Les détectives se retrouvèrent dans un petit vestibule qui débouchait sur une salle d'un côté, une cuisine de l'autre et une porte fermée sur le dernier mur. Djamila était dans sa cuisine et préparait un plat qui sentait divinement bon. Elle les invita à entrer dans la salle. Elle leur proposa de s'asseoir sur le canapé qui constituait l'un des meubles du salon disposé dans un renfoncement de la salle. Jawad était déjà dans le salon, avachi sur un pouf.
Quand tout le monde fut installé, il fallut attendre quelques minutes, qui parurent une éternité, avant que Djamila ne vienne les rejoindre. Comme le canapé ne contenait que trois places, il était rempli par les trois détectives qui venaient d'arriver. Djamila alla chercher un autre pouf rangé entre le meuble télé et le mur, et elle s'installa à côté de son frère.
« —Je ne vous propose rien à boire, commença-t-elle, ça ira vite.
—C'est agréable de passer du temps avec toi, ironisa Ewen.
—Bon, s'empressa de dire Béthanie avant que Djamila n'ait eu le temps de répondre à son collègue, pourquoi tu nous as fait venir ?
—Jawad voulait vous parler. »
Les regards se tournèrent vers l'adolescent qui avait le regard figé en direction de la table basse en bois juste devant lui.
« —Tu as quelque chose à nous dire ? lui demanda gentiment Béthanie.
—Oui. Mais je ne veux pas que Djam soit là.
—Pardon ? lança cette dernière interloquée.
—Je ne veux pas que tu sois là pendant que je vais leur parler. Tu vas me couper, vouloir te justifier à ma place et je ne veux pas que tu fasses ça ! »
Jawad avait haussé le ton et il fut vite imité par sa sœur.
« —Je suis ta grande sœur, je...
—T'es pas ma mère, j'en ai rien à foutre qu'on me protège je suis assez grand !
—Mais je...
—Non ! Laisse-moi leur parler, juste eux et moi.
—Ok. »
Ce dernier mot fût jeté sèchement. Djamila se leva de son pouf d'un bond, le renversant au passage, et se rendit dans la cuisine qui communiquait avec la salle par une porte qu'elle claqua si violemment qu'elle fit tomber de son piédestal un petit bibelot disposé sur une étagère près de la porte.
« —J'aimerais pas être son voisin, dit Ewen. »
Béthanie préféra ignorer cette remarque :
« —Tu peux te lancer Jawad, on t'écoute.
—J'ai réfléchi à l'interrogatoire que j'ai eu avec vous (il désigna Ewen qui lui indiqua pour la seconde fois son prénom). En fait, je crois que je n'ai pas vraiment dit la vérité. C'était pas voulu, ce que j'ai dit, c'était vraiment comme ça que je voyais les choses. Maintenant c'est un peu différent.
—Qu'est-ce qui a changé ?
—Je crois que Driss était pas si bien que ça en fait. Je vous avais dit qu'il s'était engueulé avec Célia. »
Maggie et Béthanie fusillèrent Ewen du regard car ce dernier avait oublié de le noter sur ses feuilles. Un « détail » selon la justification qu'il tenta de donner.
« —Et ? reprit Béthanie après avoir sermonné son collègue.
—Après leur engueulade, il était plus bien du tout.
—C'est-à-dire ?
—Il voulait faire genre il était content, bonne ambiance et tout. Au fond y'a quelque chose qui le tracassait. Puis quand il a vu que Carla et Célia parlaient, il a carrément changé, il a dit qu'il était fatigué et il est allé se coucher.
—Tu sais à propos de quoi ils se sont disputés ?
—Carla j'imagine. Si c'est pas à cause d'elle c'est parce qu'il se plaignait qu'elle le collait trop, Célia je veux dire, mais comme il a passé un bon moment de la soirée à lui rouler des pelles c'est que ça devait pas être ça.
—Célia aurait-elle pu tuer Driss ? »
La question avait été posée d'un coup, sans préparation. Pourtant, Jawad ne parût pas surpris de l'entendre et il se mit à y réfléchir.
« —Peut-être bien que ouais, finit-il par dire au bout de plusieurs minutes de réflexion.
—Elle était jalouse à ce point ?
—Elle était surtout carrément dérangée. Un coup tout allait bien, et cinq minutes après elle était en pleine déprime. Impossible à comprendre comme fille. Je sais pas ce que Driss lui trouvait. »
Un silence s'installa dans la pièce avant que Béthanie ne reprenne :
« —Autre chose à ajouter ?
—Nan, rien. Je me rappelle plus du reste, il fallait juste que je vous dise qu'en fait Driss avait pas été si bien que ça dans la soirée. Même s'il essayait de le cacher.
—Et il le cachait si bien que même Julien n'a rien remarqué, lança Maggie plus pour elle-même que pour les autres.
—Bien sûr que si il l'a remarqué Julien, affirma Jawad.
—Alors pourquoi il ne nous a rien dit ?! s'exclama Ewen interloqué.
—J'en sais rien. En tout cas je me rappelle un peu qu'il essayait de me convaincre que tout allait bien pour Driss.
—Pourquoi faire ça ? demanda machinalement Maggie, toujours en réfléchissant.
—Qu'est-ce que j'en sais ?
—Essaye de trouver une réponse, le supplia presque Béthanie. Même si ce n'est pas la bonne, il faut que tu nous aiguilles, tu le connais mieux que nous. »
Jawad se remit à réfléchir un moment, plus longtemps cette fois-ci et, visiblement, plus intensivement encore. Il finit par dire :
« —Je crois que Julien est au courant de ce qu'il s'est passé. »
L'étonnement prit possession des détectives qui étaient dans la pièce.
« —Tu peux expliquer ? articula Béthanie qui était devenue un automate, incapable de penser.
—Je crois qu'il en a vu plus que nous dans la soirée. C'est même sûr, en fait, parce qu'il a assisté à un moment de la dispute avec Célia et de la conversation qu'elle a eue après, avec Carla. Je crois, qu'en fait, c'était plus grave que ce qu'on aurait pu penser et que Julien avait vu clair dans tout ça.
—On ne lui a pas posé les bonnes questions, lança Maggie dépitée.
—À qui ? À moi ? lui demanda Jawad qui ne comprenait rien à ce que la jeune détective
voulait dire.
—Non, à Julien. On n'a pas cherché à creuser plus loin dans la soirée. »
Il y eut un silence consterné.
« —Jawad, reprit Maggie avec plus de contenance, il faut que tu nous dises maintenant, sans réfléchir, qui a tué Driss selon toi.
—Bah Célia.
—Mais non ! s'énerva Maggie. Non non non et non ! Tu dis ça parce qu'on t'a aidé à le penser. Avant qu'on arrive, tu pensais que c'était qui ?
—J'en n'avais aucune idée.
—Julien peut-être ?
—Nan, il n'avait rien à voir avec tout ça.
—Tu es sûr ? Lui qui en savait trop ? Il n'était pas jaloux de Driss ? Il ne convoitait pas Carla ou Célia ? Ils s'étaient disputés récemment ?
—Calmez-vous, vous êtes toute rouge. Je suis presque sûr de moi, Julien ne peut pas avoir tué Driss. Il n'était pas jaloux de lui, il ne voulait ni Carla ni Célia et ils ne s'étaient pas disputés.
—Tu es « presque » sûr de toi, pourquoi pas à 100% ?
—Parce que peut-être que je sais pas tout, je suis arrivé cette année dans leur groupe, il y a peut-être quelque chose qui date et qui est remonté pendant la soirée.
—Merci. »
Maggie s'empressa de noter tout un tas d'informations sur ses feuilles qu'elle ne quittait plus. Béthanie et Ewen s'étaient contentés de regarder la scène sans rien dire, en se lançant parfois des regards étonnés. Béthanie, jugeant qu'ils en avaient terminé avec Jawad, alla chercher Djamila qui était toujours enfermée dans sa cuisine.
Djamila se rassit sur son pouf qui n'avait pas bougé, après l'avoir ramassé, et elle attendit en silence, le visage fermé.
« —Nous en veux pas Djam, lui lança Béthanie.
—Mmmh... bougonna cette dernière. »
Un silence gêné s'installa dans la pièce. Ewen et Béthanie se regardèrent sans savoir quoi faire pendant que Djamila faisait la tête sur son pouf à côté de son frère qui n'avait visiblement plus envie de rester dans la pièce. Maggie, elle, était dans son monde, perdue dans ses pensées.
« —Bon Maggie on y va ? demanda Ewen en lui pinçant légèrement le bras pour la faire revenir parmi eux. »
La jeune femme acquiesça après avoir eu un léger sursaut de surprise, regroupa ses feuilles qui s'étaient étalées sur ses genoux, et elle se leva pour saluer sa collègue.
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