Chapitre 3 : Le dernier salon
La pièce était plus moderne que les autres. Bien que moderne soit un grand mot. Les murs étaient tapissés en gris clair et le sol était carrelé en blanc avec des arabesques grises. Les trois fenêtres étaient les mêmes dans chaque pièce et donnaient une touche d'ancienneté à ce salon. Des sofas en cuir noir avec des oreillers rouges sombres étaient alignés devant les murs latéraux qui n'avaient ni porte ni fenêtre.
Chelsea entra dans la pièce avec un plateau plein de coupes de champagnes. Chacun en prit une sauf, Maggie qui ne buvait pas d'alcool et prit donc à la place un verre de jus de pommes. Sa flûte à la main, Aurélie s'avança avec élégance vers Maggie pour lui parler.
« —Tu ne t'ennuies pas trop ?
—Non, pas du tout pourquoi ?
—À part Louisa, Nico et moi, tu ne connais personne. Ce n'est peut-être pas évident pour toi.
—Tu me vois comme un être asocial et incapable de s'intégrer en société ? la taquina Maggie.
—Non, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire, tenta de se justifier son amie qui n'avait visiblement pas saisi l'ironie dans la question.
—Ça va, je rigolais. Non, je t'assure que je ne m'ennuie pas.
—Tant mieux alors ! Et à part ça, ma nouvelle maison te plaît ?
—Oui, elle est magnifique. Bien qu'un peu trop petite à mon goût.
—C'est vrai qu'on a vu les choses en grand. Mais ça a été le véritable coup de foudre quand on l'a vue en se baladant. Et c'est tellement satisfaisant de tout retaper et voir notre petit nid s'embellir de jour en jour. Un autre jour je te ferai visiter ! J'aimerais beaucoup que nous nous voyions plus souvent...
—Oui, on se perd de vue et c'est dommage. »
Les deux amies restèrent un instant silencieuses avant que Maggie ne relance la conversation :
« —J'ai une question à te poser.
—Oui ?
—D'où connais-tu tout ce monde ? Tu ne m'en as jamais parlé. Sauf Louisa et Éric, évidemment.
—Agnès est une amie de ma famille, nous avons grandi ensemble, même si elle est un peu plus âgée. Ses parents sont amis avec les miens. André est le père de Léa, qui est une jeune amie à moi. Nous prenons des cours de piano ensemble. Elle a insisté pour qu'il vienne avec elle car elle n'arrête pas de se plaindre qu'il ne sort jamais et que cela le déprime. Je ne pense pas qu'il soit heureux d'être ici pour tout te dire, mais il a l'air de beaucoup céder aux caprices de sa fille. Il n'est pas dérangeant, en plus il connaît déjà les lieux, il a un peu travaillé pour nous. Enfin, Ewen est un très bon ami de Nicolas, même si je le connais assez peu. »
Maggie fit un signe de la tête afin de signifier à son amie qu'elle avait compris ses explications. Elles allaient continuer à papoter à propos de tout ce beau monde lorsque Chelsea fit son apparition dans la pièce avec sa fidèle desserte. Au-dessus trônait fièrement un énorme fraisier joliment orné de roses en pâte à sucre. Chelsea alluma les bougies déjà plantées dans le gâteau puis fit signe à tout le monde de se rassembler autour pour la photo.
Ensuite, Aurélie souffla ses bougies, Nicolas coupa le gâteau et Chelsea le servit dans des assiettes. Pendant que tout le monde mangeait et parlait, l'employée de maison installa la desserte dans un coin de la pièce où il manquait un fauteuil, puis sortit du salon. Elle rentra quelques minutes plus tard avec tous les cadeaux dans les bras qu'elle posa dans le fauteuil à côté de la desserte.
Nicolas attendit que tout le monde eut terminé son assiette pour appeler sa fiancée afin qu'elle ouvre ses cadeaux. Aurélie attrapa le premier paquet qui était celui d'André et Léa. Il contenait un recueil de partitions pour piano assez volumineux. Le second paquet était celui de Nicolas. Il cachait un collier simplement chic en or avec un pendentif orné d'un rubis flamboyant. Le collier idéal pour une brune. Le troisième paquet était celui de Maggie. C'était un gilet distingué qui s'intégrait parfaitement à la garde-robe de son amie. Le quatrième paquet était celui de Louisa. Dedans, il y avait un album photo. Aurélie l'ouvrit et eu le plaisir d'y découvrir plusieurs photos des années au lycée. C'était un cadeau très émouvant qui correspondait totalement à Louisa. Le dernier paquet était celui d'Ewen. Il avait offert à Aurélie une paire de boucles d'oreilles, sûrement choisie avec Nicolas puisqu'elles étaient assorties au collier, le rubis en moins.
Aurélie remercia tout le monde chacun leur tour, puis proposa de se resservir du gâteau ou du champagne. Chacun se servit à boire et à manger puis les conversations reprirent de plus belle. Maggie discutait avec Léa.
« —Tu es en quelle classe ?
—En terminale S.
—Et tu voudrais faire quoi ensuite ?
—J'aimerais être avocate.
—C'est ambitieux. »
Les deux filles se sourirent.
« —Tu connais du monde ici à part Aurélie et Nicolas ? la questionna Maggie.
—Oui, je connais Agnès. C'est une amie de ma mère. Et je suis allée plusieurs fois dans son salon, aussi bien pour faire des soins que pour y travailler pendant les vacances. Je faisais le ménage.
—Ta mère n'est pas venue ?
—Non, elle vit à Paris avec mon beau-père.
—Ah, je ne savais pas.
—Et toi, tu connais du monde appart Aurélie et Nico ?
—Oui, Louisa et son mari. J'ai été au lycée avec elle. »
Les deux filles se sourirent une seconde fois et Léa s'en alla parler avec Aurélie. Maggie la regarda s'éloigner.
« —Tu vis encore chez tes parents ? »
Maggie se retourna pour voir qui parlait. Ce n'est pas possible, on ne devait pas s'adresser à elle, on pouvait pas lui poser cette question. Quel âge lui donnait-on à la fin ? Tout le monde devait pourtant se douter qu'elle était aussi vieille qu'Aurélie et Louisa puisqu'elles partageaient la même classe au lycée.
La question avait été posée par Agnès. Elle persistait à ne pas assimiler l'âge de Maggie qui s'agaça de l'indélicatesse dont elle était la victime.
« —Non pourquoi ? répondit Maggie tentant d'afficher un air serein.
—Je te trouve bien jeune pour une fille vivant de ses propres moyens. À vrai dire, cela m'intrigue. Je suis moi-même partie de chez mes parents assez tard. »
Maggie était interloquée. Agnès avait l'art et la manière de poser des questions indiscrètes sans aucun tact. Elle ne devait pas se faire beaucoup d'amis malgré son apparence enjouée et sympathique au premier abord. C'est assez froidement qu'elle lui répondit :
« —J'ai préféré partir tôt, je ne m'entendais pas bien avec eux. Et puis je ne suis pas aussi jeune que tu le penses.
—C'est vraiment dommage de ne pas s'entendre avec sa famille, moi je m'entendais très bien avec eux. Je suis fille unique, alors ils avaient plus de temps à m'accorder. Tu as des frères et sœurs ?
—J'ai un frère.
—C'est bien, c'est beau de partager des moments fraternels ! »
Elle vit dans un monde enchanté celle-là pensa douloureusement Maggie. Agnès, quant à elle, poursuivi son interrogatoire indiscret :
« —Qu'est-ce qui t'a donné envie de travailler dans ce magasin ?
—J'aime cet univers.
—Tu m'as l'air d'être quelqu'un de très sensible. »
Aussitôt après avoir dit ça, Agnès s'en alla rejoindre Léa et Aurélie qui papotaient encore « Mais qu'est-ce que tu en sais avec ta psychologie de comptoir ?! » voulut s'agacer Maggie exaspérée mais qui préféra aller voir André et Éric qui parlaient près de la fenêtre plutôt que de déclencher un scandale.
« —Tu n'as pas rénové l'extérieur du manoir ? demanda Éric à André.
—Non, je n'ai fait que l'intérieur, surtout l'étage.
—Et c'est toi qui as refait toute l'électricité du manoir ?
—Non, je n'y connais rien en électricité. Tu étais au courant du problème qu'il y a eu ?
—Non, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
—Les plombs on sauté, Nicolas a été obligé de refaire tout le tableau électrique du manoir et de changer une bonne partie des fils. Je l'ai aidé. »
Éric allait ajouter autre chose quand il s'aperçut que Maggie était à côté d'eux.
« —Ça fait longtemps que tu es là ? la questionna André sur un ton de reproche.
—Non, je viens d'arriver.
—Tu voulais quelque chose ?
—Non, je suis juste venue faire connaissance.
—On parle de bricolage, ça ne va pas t'intéresser.
—Au contraire, j'aime bien bricoler. »
Les deux hommes la regardèrent, ébahis. Les stéréotypes ont la vie dure s'agaça la jeune femme. Sur un ton tout à fait neutre, elle enchaîna :
« —C'est vous qui avez refait le manoir ? demanda Maggie à André.
—Oui, c'est bien moi.
—Et toi Eric, tu bricoles ?
—Oui. Un peu.
—Tu étais électricien toi ?
—C'est exact.
—Tu as arrêté il y a longtemps ?
—Oui. Non. Je ne sais plus exactement. »
Éric paraissait mal à l'aise à propos de la question que lui avait posée Maggie. S'en rendant compte, elle préféra partir. Elle alla alors voir Frédéric et Ewen qui parlaient eux aussi ensembles.
« —Je n'ai pas bien compris en quoi consistait ton métier, dit Frédéric.
—Je suis un peu comme l'assistant du patron. C'est compliqué.
—C'est qui déjà ton patron ?
—Je ne l'ai pas dit. Peut-être que Maggie le connaît. »
Il regarda la jeune femme qui était arrivée derrière Frédéric. Il lui lança un sourire provocateur.
« —Tu ne préviens pas quand tu arrives toi ?
—Non, je cherche juste Louisa.
—Nous ne l'avons pas vue. »
Maggie les remercia et s'en alla un peu honteusement. Elle avait dit ça afin ne pas passer pour une idiote, mais s'aperçut que Louisa n'était vraiment plus dans la pièce. Elle alla donc vers le groupe que formaient Aurélie, Agnès et Léa dans le but de prendre des nouvelles de la disparue.
« —Vous n'avez pas vu Louisa ?
—Non pourquoi, elle n'est plus là ? demanda Aurélie qui s'était mise à la chercher du regard.
—Non, je viens de m'en apercevoir.
—Elle ne doit pas être loin. Peut-être qu'elle est montée dans sa chambre, elle m'a demandé de lui indiquer le chemin tout à l'heure. »
Maggie acquiesça d'un signe de tête et resta près des deux filles tout en guettant la porte d'entrée du salon. Elle vit André sortir, suivi d'Éric. Ewen et Frédéric, qui avaient vu les deux hommes sortir, s'approchèrent du groupe de filles.
« —Où sont partis les gars ? questionna Léa.
-Ils sont partis fumer, lui répondit Ewen qui avait été plus rapide que Frédéric. »
Au même moment, André rentra dans la pièce, il paraissait chercher quelque chose.
« —Qui peut aller chercher Louisa ? Elle est partie depuis trop longtemps, cela m'inquiète un peu, déclara Aurélie.
—Moi, je veux bien y aller, fit Maggie qui était elle aussi très inquiète et de plus en plus mal à l'aise. »
Maggie atteignit la porte et s'apprêtait à l'ouvrir quand Aurélie, complètement affolée, la rappela.
« —Essaye de trouver Nico, s'il te plaît, je viens de m'apercevoir qu'il n'est plus dans la pièce lui non plus ! Et Chelsea, aussi si ça ne te dérange pas, j'ai besoin de lui parler d'une chose qui me chagrine un peu. »
Maggie lui fit « oui » de la tête et commença à ouvrir la porte. Elle n'alla pas plus loin car la lumière s'éteignit soudainement.
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