« Dans cette pièce, chaque invité avait une raison pour tuer Agnès. Même si pour certains il faut avoir le sens de l'observation, ils en ont tout de même une. Pour Frédéric, son mobile serait la haine et l'usure. Plusieurs personnes pourront dire que l'entente dans le couple était devenue difficile, qu'il y avait beaucoup de disputes. Pourtant, ces mêmes personnes disaient aussi qu'il aurait été impossible pour Frédéric de lever la main sur sa femme. Serait-il possible pour lui de lever un couteau et de le rabattre à plusieurs reprises sur sa femme ? J'ai pu voir au cours de ces derniers jours un Frédéric au bout du rouleau, fou de rage et rabaissant sa défunte femme. En cas de divorce il perdrait trop. En cas de décès, il garde tout.

« Ensuite, il y a Nicolas et Chelsea, qui avaient une raison commune de vouloir tuer Agnès. En effet, Nicolas et Chelsea avaient une liaison. Agnès l'a découverte. Mais il ne faut pas qu'Aurélie le sache ! Aurélie est aussi la source d'argent pour Nicolas et pour Chelsea. Si Aurélie décidait de rompre, Nicolas ne vivrait plus dans le grand luxe. Et si Aurélie décidait de licencier Chelsea, elle se retrouverait au chômage. Alors le crime est préparé à l'avance par les deux amants qui, par amour et par intérêt, ont besoin de commettre l'irréparable. De plus, cette soirée leur permettait aisément de faire accuser quelqu'un d'autre à leur place. Mais sont-ils assez amoureux l'un de l'autre au point de tuer une mère de famille pour continuer à vivre leur amour dans ce luxe ?

« Aurélie aussi aurait pu tuer Agnès. Encore une histoire d'argent et d'amour... Nicolas avait des dettes envers Agnès. Il ne pouvait plus lui rembourser dans les délais qu'elle lui avait imposés. Aurélie voulait aider Nicolas. Elle ne pouvait pas le faire financièrement, car sa plus grosse source de revenus venait ses parents. Ils savaient que Nicolas était dépensier, plus que leur propre fille, et que l'argent lui servait à lui et pas à elle. Alors, ils se sont mis à surveiller les comptes d'Aurélie, la menaçant de ne plus lui verser d'argent, ce qui l'obligerait à revendre le manoir. Alors, par amour pour Nicolas car elle ne voulait pas le voir travailler durement pour gagner l'argent qu'il avait emprunté à Agnès, et pour ne pas être privée de l'argent de ses parents, Aurélie décide de tuer Agnès, pour que son fiancé puisse dormir tranquille. Mais est-elle assez idiote, pour ne pas dire amoureuse, pour tuer une femme avec un mobile aussi simplet ?

« Louisa et Eric avaient également un mobile pour tuer Agnès. Il faut s'en douter, c'est encore une histoire d'argent. Louisa venait souvent à Paris pour des raisons professionnelles. Pendant ces voyages, elle se rendait au salon d'esthétique d'Agnès, qu'Aurélie lui avait conseillé. Elles parlaient beaucoup et, étant une amie d'Aurélie, Agnès traitait Louisa autrement car, comme on dit, les amis de mes amis sont mes amis. Un jour, Louisa lui a parlé de son rêve d'ouvrir un magasin d'antiquités avec son mari. Elle avait de l'argent de côté, de l'héritage, mais pas suffisamment pour avoir le magasin de ses rêves. Agnès lui aurait alors prêté de l'argent. Mais, le magasin ne marche pas comme le couple le voudrait. Enfin si, il fonctionnait très bien. Le problème venait donc d'Éric qui, ne laissant pas sa femme gérer les papiers, détourne son propre argent, et celui d'Agnès, pour se payer des petits plaisirs. Nous avons des preuves (fit Maggie voyant qu'Éric allait riposter). Le couple ne pouvait donc plus rembourser Agnès qui commençait à s'impatienter. Alors, ils profitent d'un anniversaire où ils seront réunis pour la tuer, et pour dire au revoir aux dettes. Mais si Éric arrêtait de détourner l'argent du magasin, ils pourraient payer. Agnès leur aurait laissé un délai. Ont-ils donc vraiment tué cette femme ?

« Ewen pouvait aussi avoir tué Agnès, ainsi que Patron (Ewen regarda la jeune femme avec de grands yeux rond, quant à Patron, il se mit à sourire). J'ai trouvé étrange le fait qu'Ewen et Patron se connaissent déjà. Lorsque Patron m'a demandé de collaborer avec lui, je me suis tout de suite imaginé qu'il voulait mettre quelqu'un derrière les barreaux à la place d'Ewen, son complice, en me manipulant. Je vous avoue que je n'ai pas cherché à leur trouver de mobile car je leur ai fait une confiance aveugle, et j'imagine que j'ai eu raison de le faire (elle leur jeta un rapide coup d'œil et vit Ewen sourire bêtement en rougissant légèrement, ce qui étonna la jeune femme, et Patron qui gardait un petit sourire en coin).

« Léa avait deux raisons de tuer Agnès. La première était un ras-le-bol du comportement de sa patronne envers elle. La soirée m'a suffit pour comprendre qu'Agnès n'avait pas sa langue dans sa poche et aimait fouiner. Elle n'aura pas été tendre avec Léa. La fatigue d'être inlassablement harcelée par cette femme, et la haine d'avoir vu sa reputation d'adolescente brisée par une adulte, le cocktail était explosif. L'autre raison est plus obscure que les autres, mais elle avait un mobile. Elle voulait protéger un proche. Son père ? Sa mère ? Pour cette personne, elle décrocherait la lune. Il s'agit de son père. Le nez dans une histoire d'argent, bien entendu, et il ne pouvait plus faire face. Alors, Léa qui ne supportait plus de voir souffrir son père, se saigner aux quatre veines pour rembourser son emprunt auprès d'Agnès, décide de la tuer sur un coup de tête. Mais admire-t-elle son père suffisamment, et a-t-elle développé une telle haine pour tuer une femme ? C'est ce que tout le monde ici, ou presque, croit.

« André aussi avait une raison de tuer Agnès. Comme je l'ai dit lorsque j'ai parlé de Léa, c'est une histoire d'argent. Il devient alors fou de ne plus pouvoir rembourser le prêt qu'il lui a fait pour son restaurant qui ne rapporte pas autant que ce qu'il aurait aimé, donc il décide de tuer la pauvre mère de famille. Mais a-t-il vraiment perdu la tête au point de tuer ?

« J'aurais moi-même pu tuer Agnès. Mais au risque de vous décevoir, je n'avais jamais rencontré cette femme avant la soirée d'anniversaire d'Aurélie. »

Maggie fit une courte pause. Le silence régnait dans le salon. Tout le monde l'écoutait avec attention. Ils étaient pendus à des lèvres. La jeune femme se sentit soudain mal à l'aise. Elle qui ne se trouvait aucun charisme, qui préférait l'ignorance plutôt qu'être mise en avant, elle se retrouvait devant une foule d'inconnus — ou presque — à débiter un monologue d'une importance capitale. Qu'est-ce que Patron avait fait pour produire une telle scène ? Elle se ressaisit rapidement et continua son discours :

« —Ce n'est pas Frédéric qui a tué sa femme. Même si le couple traversait une période quelque peu difficile, Frédéric est incapable de tuer sa femme, qui est aussi la mère de ses enfants (les parents d'Agnès levèrent les yeux au ciel).

« Ce n'est pas non plus Nicolas et Chelsea qui ont fait le coup. Les deux amants n'étaient pas dans ce salon au moment du meurtre. Ils étaient tous les deux dans une autre pièce. Inutile de me demander laquelle, je l'ignore, mais ils étaient ensemble. Il est aussi inutile de me demander ce qu'ils faisaient tous les deux, je l'ignore aussi.

« Quant à Nicolas, il n'a jamais eu de dettes envers Agnès. Il a inventé cette histoire du début à la fin, pour soutirer de l'argent à sa fiancée et pour gonfler secrètement la paye de sa chère Chelsea. Est-ce qu'elle le faisait chanter ? Je ne sais pas et ce ne sont pas mes affaires. Mais il est entré dans un terrain dangereux, car l'argent d'Aurélie était aussi celui de ses parents. Il ne pensait pas que ses beaux-parents s'apercevraient de quelque chose, et le mensonge commençait à peser lourd sur ses épaules car Aurélie cherchait par tous les moyens de se procurer de l'argent pour son fiancé. Maintenant, ce n'est pas envers Agnès que Nicolas a une dette, mais envers Aurélie, à qui il a soutiré de l'argent pendant un long moment ! (Aurélie fusilla du regard son ex petit ami).

« Nicolas aurait aussi pu tuer Agnès par erreur. Il aurait pu vouloir tuer Aurélie et s'être trompé de cible. Aurélie à qui il devait de l'argent, Aurélie qui a rédigé un testament à son nom et dont il était complètement au courant de l'existence de ce papier, Aurélie qui gênait sa relation avec Chelsea. Avec la nuit et la proximité entre Agnès et Aurélie, ainsi que leur ressemblance physique, la marge d'erreur était élevée. Mais Nicolas n'avait pas à se salir les mains pour arriver à cette fin. En effet, tout comme il sait qu'Aurélie a rédigé un testament l'incluant dans l'héritage sans même qu'ils soient mariés, il sait qu'elle est malade. Je n'ajouterai rien de plus à ce propos. »

Un silence de mort pesait dans l'assemblée. Aurélie baissa la tête et une larme roula le long de sa joue. Elle la laissa s'écraser au sol. Maggie poursuivi sans s'émouvoir :

« Même avec ses problèmes d'argent, causés par un fiancé un peu trop coureur, Aurélie n'a pas tué Agnès. Elle ne l'a pas tuée, mais elle a doublé ses heures de travail, pour donner de l'argent à Nicolas.

« Louisa et Éric n'y sont également pour rien du tout dans cette affaire de meurtre. Certes, ils avaient une dette envers Agnès, mais elle n'était que très faible, et Eric savait ce qu'il faisait. Il savait qu'il aurait un délai supplémentaire pour rembourser la jeune femme et que son magasin fonctionnait suffisamment bien pour avoir l'argent dans les temps. Le couple n'avait donc pas besoin de tuer Agnès pour s'en sortir financièrement.

« Ewen et Patron ont à la fois tout et rien à voir avec le meurtre. Effectivement, Ewen n'est pas le meurtrier et Patron n'est pas son complice, puisqu'ils ne connaissaient pas la victime avant toute cette histoire. Ewen était juste un invité comme un autre, et Patron, euh... Bref, ils se sont retrouvés mêlés de près à cette histoire, car Patron fait partie de la police en quelque sorte, et Ewen est son sbire. Patron s'est retrouvé chargé de cette enquête, avec le lieutenant Messant, et a eu comme indics Ewen et moi-même. Nous lui avons apporté des précisions qui lui ont permis de résoudre cette énigme. C'est grâce à lui que Léa va être innocentée car c'est lui qui a trouvé le meurtrier dès le début, il lui fallait juste quelques preuves en plus.

« Car oui, Léa n'est pas non plus la meurtrière. Elle s'est certes faite passer pour le tueur, mais ce n'est pas elle qui a tué Agnès. Si elle a voulu se mettre ce meurtre sur le dos, c'est pour protéger son père qui lui est le véritable meurtrier. »