Les deux jeunes détectives prirent congé de Patron. Ils se rendirent dans le bureau pour parler plus tranquillement.

« —Nous avons trouvé l'arme, nous savons le chemin que le meurtrier a emprunté pour la cacher, pourtant il y a toujours quelque chose qui ne colle pas avec le reste, dit pensivement Ewen.

—Tu as raison. Il manque quelque chose pour pouvoir trouver le meurtrier.

—Il faut essayer de reconstituer la scène.

—Tout le monde parle dans le salon, mais certaines personnes s'absentent, pourtant, elles font toutes quelque chose, mais on ne peut pas prouver que ce qu'elles prétendent faire est vrai.

—Si on peut, mais ça va être dur.

—Bon, ensuite il y a une coupure d'électricité qui dure un certain temps, et au retour de la lumière, nous retrouvons Agnès assassinée.

—Mais c'est ça qui ne va pas !

—Qu'est-ce qui ne va pas ?

—La coupure d'électricité ! On ne peut pas prévoir combien de temps elle va durer, on ne peut donc pas savoir s'il y aura assez de temps pour réaliser le meurtre ou non. On ne sait pas non plus s'il va y avoir une coupure d'électricité, le meurtre ne peut donc pas être prémédité et le meurtrier n'a pas forcément un couteau de cette taille avec lui dans sa poche. C'était un couteau de cuisine.

—La liste des suspects baisse considérablement dans ces cas-là.

—Oui. Il ne reste plus qu'Aurélie, Nicolas et Chelsea. À moins que... réfléchit Ewen.

—À moins que l'un des invités ait prévu de prendre un couteau déjà sur lui, le devança Maggie.

—Trop risqué.

—Ou qu'il ait été le prendre dans la cuisine et que cela passe inaperçu. Ils doivent en avoir plein des couteaux. Et toutes les personnes qui se sont absentées au moins une fois dans la soirée ont eu largement le temps d'aller se servir.

—C'est risqué aussi avec Chelsea dans les parages.

—Et il y a autre chose que nous devons prendre en compte concernant la lumière.

—Je t'écoute.

—La coupure d'électricité n'a pas forcément été une surprise pour tout le monde.

—Tu veux dire que quelqu'un se serait débrouillé pour avoir une coupure de courant au bon endroit au bon moment ? la questionna Ewen.

—Oui. La personne éteint les fusibles. Elle commet le meurtre et retourne les rallumer.

—C'est donc une personne qui était à l'extérieur du salon à ce moment-là.

—Oui, je pense.

—Mais il faut aussi connaître l'endroit où se trouve le disjoncteur.

—Dans un manoir comme ça, c'est facile de deviner qu'il est à la cave. Mais si le meurtrier n'était pas dans la pièce à ce moment-là, il a tout le loisir de le chercher.

—Donc, Nicolas, Chelsea, Louisa et Éric.

—Oui, affirma la jeune femme. Sachant qu'Éric et Louisa sont revenus ensemble tandis que Nicolas et Chelsea sont arrivés seuls. Dans un court laps de temps, mais seuls.

—Et leurs motifs ?

—Je ne leur trouve aucune raison de vouloir tuer Agnès...  À moins que... »         

          Maggie n'eut pas le temps de finir sa phrase, qu'ils entendirent un bruit dans la bibliothèque. Quelqu'un les écoutait. Les deux détectives sortirent du bureau en courant et entrèrent en trombe dans la pièce adjacente au bureau, mais il n'y avait plus personne à l'intérieur.

           Ils s'approchèrent de l'endroit d'où venait le bruit et virent sur le sol un morceau de papier. Ewen s'en saisit, mais le bout de papier ne contenait rien. Il avait été arraché d'une feuille qui devait certainement contenir toutes les informations.

« —Quelqu'un nous écoutait, fit Ewen énervé.

—Oui. Et je suis presque certaine que celui ou celle qui nous écoutait est la même personne que celle qui a tué Agnès.

—C'est très probable, oui. »

            Les deux détectives n'eurent pas le temps de continuer leur discussion, qu'un cri se fit entendre à l'autre bout du manoir. Ils se précipitèrent alors dans la pièce d'où venait le cri. C'était la cuisine. Louisa venait de crier et Chelsea était en face d'elle, toute abasourdie.

« —Que s'est-il passé ? demanda Ewen ?

—J'étais dans la cuisine pour me servir un verre d'eau, quand Chelsea est entrée par la porte qui mène dehors. C'est une porte silencieuse que je n'avais pas entendue s'ouvrir et se refermer. Et quand je me suis retournée, il y avait Chelsea derrière moi et elle m'a fait très peur alors je me suis mise à crier bêtement. Je suis complètement sur les nerfs. »

           La jeune femme reprit son souffle. Frédéric, Éric, Aurélie et Nicolas venaient d'entrer à leur tour dans la cuisine. Ils demandèrent aussi ce qu'il venait de se passer. Louisa raconta donc une seconde fois son court récit. Maggie et Ewen, quant à eux, sortirent de la cuisine pour aller retrouver Patron dans le salon où avait été tuée Agnès, sur une idée du jeune homme.

« —Oui, que me voulez-vous encore ? demanda ce dernier, occupé à ouvrir et fermer la porte cachée.

—Justement, nous voulions savoir quelque chose à propos de cette porte, fit Ewen.

—Et que vouliez-vous savoir exactement ?

—Si elle s'ouvre de l'extérieur.

—Eh bien oui, elle s'ouvre de l'extérieur par un crochet caché derrière une petite pierre mobile.

—Bien, merci. »

          Ewen allait reparti, toujours suivi de Maggie, mais il se ravisa :

« —Et nous voulions aussi savoir le bruit que fait la porte en s'ouvrant et en se fermant.

—Visiblement, on l'a graissée il y a peu. Elle ne fait aucun bruit. »

         Maggie regardait attentivement la porte et cherchait ce qui n'allait pas, lorsqu'elle trouva.

« —C'est étrange, dit-elle, vous ouvrez la porte vers l'intérieur, pourtant j'étais persuadée que nous l'avions ouverte vers l'extérieur tout à l'heure.

—Très bonne remarque Maggie, tu es très observatrice ! Oui, effectivement, elle s'ouvre dans les deux sens.  C'est aussi pour cela qu'il n'y avait pas de tas de neige derrière la porte. Nous pensions qu'il avait été recouvert, mais le sol était trop parfaitement lisse pour que ce soit le cas. »

         Les deux détectives sortirent ensuite de la pièce  et Ewen emmena Maggie dans sa chambre.

« —Dans le bureau on est écoutés, on sera mieux pour parler ici. »

           La jeune femme ne trouva rien à répondre.

« —Si j'ai posé ces questions à Patron tout à l'heure, commença Ewen, c'est que j'ai cherché à comprendre pourquoi personne n'avait entendu la porte s'ouvrir et se fermer. Je voulais aussi savoir si le meurtrier avait emprunté le même chemin pour revenir. Car la porte dérobée n'est pas restée ouverte. Sinon, nous aurions senti l'air frais. »

          Maggie réfléchit quelques minutes et prit congé d'Ewen. Elle alla dans sa chambre noter tout ce qu'ils venaient de découvrir, ainsi que leurs questionnements. Elle avait le sentiment qu'ils étaient proches de la solution, et pourtant elle se sentait encore si loin d'y parvenir. Trop de zones d'ombre persistaient.