Chapitre 11 : Les parents d'Agnès
Quand Maggie rouvrit les yeux, il n'était que 7h45. Elle se leva et, mue par un mauvais pressentiment, alla voir si sa feuille de notes était toujours dans son tiroir. Heureusement, elle y était. C'est le début de la paranoïa, songea la jeune femme qui se sentit ridicule. Elle alla ensuite s'habiller puis descendit à la salle à manger pour prendre un petit déjeuner.
Dans la salle, il y avait déjà Éric, Louisa, Léa et Ewen, mais il y avait aussi Patron et le lieutenant Messant qui écoutaient les conversations sans réagir, tout en buvant un café. Ils mettaient visiblement Léa, Éric et Louisa mal à l'aise. Ce qui était complètement justifié.
Maggie salua tout le monde et s'installa à table. Quelques minutes après que la jeune femme se soit assise, André entra dans la pièce, suivit presque aussitôt d'Aurélie, Nicolas et Frédéric. Tout le monde était là.
« —Vous êtes bien matinaux, dit Aurélie au lieutenant Messant et à Patron. »
Ils se contentèrent juste d'acquiescer. Sans un bruit. L'ambiance était particulière.
Quand tout le monde eut fini de déjeuner, Patron demanda à Maggie et Ewen de se rendre dans la bibliothèque. Les deux détectives s'y rendirent donc. Au bout de quelques minutes, ils entendirent Patron et le lieutenant entrer dans le bureau. Ils se mirent à parler avec un homme.
« —Je suis vraiment désolée de vous faire endurer ceci si peu de temps après la mort de votre fille, commença le lieutenant, mais plus vous serez coopératifs, plus vite nous trouverons la personne qui a tué Agnès.
—Vous n'avez pas besoin de me faire subir un interrogatoire comme tous ceux que vous soupçonnez ! Vous me prenez pour qui ?!
—Veuillez vous calmer Monsieur Lequesne. Je vais commencer à vous poser les questions.
—Calme ! Mais c'est impossible ! Vous rendez-vous compte que ma fille a été tuée ?
—Je sais bien, mais si vous répondez à mes questions, nous retrouverons vite le meurtrier de votre fille. »
L'homme bougonna.
« —Nom ? Lequesne ?
—Oui.
—Prénom ?
—Thierry.
—Âge, date et lieu de naissance ?
—74 ans. Je suis né le 11 mars 1947 à Paris.
—Adresse ?
—36 rue du General de Gaulle, Paris.
—Métier ?
—Je suis à la retraite.
—Et que faisiez-vous avant d'être retraité ?
—J'étais PDG dans une entreprise de conception d'électroménager. »
Il y eut un silence.
« —Parmi les personnes présentes au manoir, Agnès avait-elle des ennemis ? reprit le lieutenant avec toujours beaucoup d'assurance.
—Non, je ne vois personne. Elle s'entendait avec tout le monde et il était très difficile de la détester.
—Vous ne voyez donc personne qui pourrait être son meurtrier ?
—En réalité, si. Ça m'arrache le cœur de le dire, mais je pense que c'est Frédéric. »
Maggie et Ewen se firent indépendamment la réflexion qu'il paraissait ne pas être affecté du tout par cela au son de sa voix.
« —Pourquoi ?
—Il s'entendaient très mal depuis un moment. Et divorcer ça coûte trop cher. Au moins maintenant il récupère toute la fortune. Plus l'assurance vie de ma fille adorée.
—Vous avez l'air bien renseigné sur les problèmes de couple de votre fille et sur leurs finances.
— Oui. C'est une partie de mon argent qu'elle a et j'aime savoir où il va.
—Mmh. Comment était Frédéric avec votre fille ?
—Affectueux. Mais il ne fallait pas l'énerver. Et comme je vous l'ai dit, ils ne s'entendaient plus très bien dernièrement.
—Il a déjà levé la main sur elle ?
—Pas que je sache. S'il l'avait fait, ça ferait longtemps qu'il ne serait plus avec ma fille ! Je me serais occupé de lui depuis bien longtemps !
—Vous l'aimez bien votre gendre ?
—Pas vraiment. C'est un intéressé. »
Il y eut un silence.
« —Comment était votre fille dans la vie de tous les jours ?
—Je vous l'ai dit tout à l'heure, elle était très amicale.
—Et au salon avec ses clientes ?
—Pareil. »
Le lieutenant signala au père d'Agnès qu'elle n'avait plus rien à lui demander et ils se saluèrent. Quand Monsieur Lequesne fut sorti de la pièce, le lieutenant Messant, qui l'avait raccompagné, rentra dans le bureau.
« —Madame Lequesne est en larmes, dit-elle sans aucune émotion, il est difficile de la calmer. Si ça ne te dérange pas, je vais faire l'interrogatoire seule. C'est inutile de lui mettre trop de pression.
—Pas de problème.
—Tu n'as qu'à aller rejoindre Ewen et Maggie dans la bibliothèque.
—Ce ne sera pas la peine. J'ai d'autres choses à faire. Ils vont être mes oreilles pendant un moment. Et on va voir ce que la petite Maggie est capable de retenir d'un interrogatoire. C'est elle qui me fera le rapport. »
Patron sortit du bureau, suivi de peu par le lieutenant qui revint quelques minutes plus tard avec une femme en pleurs.
« —Madame, je sais que c'est très dur de perdre une fille, mais si vous coopérez efficacement, nous allons très vite trouver son meurtrier et justice sera rendue. C'est bien ce que vous voulez ?
—Oui, fit la femme entre deux sanglots.
—Bien, on y va. »
Le ton du lieutenant s'était fait tout doux. Elle devait être une professionnelle redoutablement efficace songea Maggie qui était soudainement pleine d'admiration pour la grande femme rousse.
« —Il me faudrait votre nom, votre nom de jeune fille et votre prénom s'il vous plaît.
—Marie-Laure Pierreval épouse Lequesne.
—Merci. Maintenant il me faudrait votre âge, votre date de naissance et l'endroit où vous êtes née.
—70 ans, le 9 mai 1951 à Paris.
—Votre adresse est la même que celle de votre mari ?
—Oui.
—Votre métier ?
—Je n'ai jamais travaillé. Je faisais du bénévolat. »
Silence, puis :
« —Nous allons commencer à parler du meurtre de votre fille, il va falloir être forte. »
La mère d'Agnès éclata en sanglots. Il fallut attendre de longues minutes avant qu'elle ne se calme et qu'elle puisse répondre aux questions du lieutenant.
« —Agnès avait-elle des ennemis présents au manoir hier soir ?
—Non je ne pense pas. Ce n'était pas une fille à avoir des ennemis... »
Elle éclata à nouveau en sanglots, puis se calma quelques minutes plus tard.
« —Voyez-vous quelqu'un comme étant le meurtrier de votre fille ?
—C'est cruel de dire ça, mais Frédéric aurait pu tuer ma fille.
—Pourquoi lui ?
—Pour l'argent. Il voulait certainement se séparer d'elle mais cela lui aurait coûté trop cher. Ils ne s'entendaient malheureusement plus beaucoup. Tout le monde s'en rendait compte. Et qui sait, il avait peut-être aussi rencontré quelqu'un d'autre. Mais je n'en suis pas entièrement convaincue. Il est colérique mais il n'est pas du genre à être violent.
—Personne d'autre ?
—Non.
—Bien. Pouvez-vous me dire comment était Agnès dans la vie de tous les jours ?
—Elle était souriante, toujours prête à rendre des services.
—À son travail ?
—C'était pareil. Elle aimait beaucoup parler avec ses clientes. Elle leur portait beaucoup d'intérêt.
—Bien. Vous n'avez rien d'autre à m'apprendre ?
—Non je ne pense pas. »
Le lieutenant remercia Madame Lequesne et les deux femmes sortirent du bureau. Le lieutenant entra ensuite dans la bibliothèque.
« —Maggie, tu sais ce qu'il te reste à faire, dit-elle simplement à la jeune femme avant de repartir. »
Maggie acquiesça et sortit de la bibliothèque pour aller voir Patron. Elle avait à peine refermé la porte, qu'elle se rendit compte qu'elle ne savait pas où il était. Elle retourna donc dans la bibliothèque pour demander cette information au lieutenant qui était restée discuter avec Ewen.
« —Excusez-moi, mais où est Patron ?
—Aucune idée. »
Maggie ressortit, dépitée. Elle avait l'impression qu'on se moquait d'elle. Mais il n'y avait pas de temps à perdre. Elle se mit alors à chercher Patron dans le manoir. C'est dans la véranda qu'elle le trouva. Il était debout et regardait dehors. Maggie l'interpella.
« —Euh, Patron ?
—Ah Maggie ! Tu as été longue. J'ai cru que je n'allais pas t'attendre.
—Désolée mais je ne savais pas où vous étiez.
—Il va falloir être plus rapide si tu veux intégrer l'équipe.
—Je ne compte pas l'intégrer.
—Tu vas rapidement changer d'avis. Ewen disait pareil au début, et maintenant c'est l'un des membres les plus importants de mon équipe. »
Maggie haussa les épaules. Tant mieux pour lui.
« —Mais tu ne voulais certainement pas me voir pour parler de ça ? reprit Patron.
—Non, effectivement. Je suis venue vous faire un rapport sur l'interrogatoire de Madame Lequesne.
—Je t'écoute. »
Maggie fit le récapitulatif de tout ce qui avait été dit pendant l'interrogatoire.
« —Je te remercie. C'était clair, rapide et précis.
—Vous avez besoin d'autre chose ?
—Tu ferais mieux de regarder ta montre au lieu de dire des choses inutiles. »
Maggie regarda sa montre. Il était 10h02.
« —Oui, tu as déjà deux minutes de retard et le temps c'est de l'argent !
—Merde ! J'ai oublié le paquet !
—Il n'est pas trop tard pour y aller. »
Maggie allait sortir quand Patron la rappela.
« —Au fait Maggie, tu ferais mieux de faire attention à ton langage. Surtout pour si c'est pour dire des choses inutiles qui font perdre plus de temps qu'elles n'en font gagner. C'est comme là, tu n'aurais pas dû m'écouter et tu devrais déjà être dans le bureau. »
Maggie sortit de la véranda et alla au bureau presque en courant. Dans le bureau, il y avait le journaliste, Raphael Potéo.
« —C'est donc toi Maggie ? Enchanté, moi c'est Raphael. Je suis journaliste et je travaille au service de Patron. Mais je crois qu'on s'est déjà parlé hier.
—Oui, tu es venu me poser quelques questions.
—J'ai un paquet pour toi. »
Le journaliste tendit un colis en carton à la jeune femme.
« —Et dépêche-toi, tu es en retard et Patron ne va pas aimer ça !
—Je sais, j'étais avec lui à l'instant. »
Les deux individus se saluèrent et Maggie se rendit à la véranda pour donner le colis à Patron, mais il n'était plus dans la pièce. Elle alla alors dans la bibliothèque et, par miracle, il s'y trouvait, ainsi que le lieutenant Messant et Ewen.
« —Eh bien Maggie, tu étais longue !
—Désolée, je pensais que vous étiez encore dans la véranda.
—Tu as mon paquet ? »
La jeune femme tendit le colis à Patron.
« —Merci. Tu peux y aller. »
Elle allait partir quand il la rappela.
« —Au fait, tu as encore parlé pour ne rien dire.
—Quand ça ?
—Avec Raphael. Tu aurais pu uniquement prendre le colis et t'en aller. Et là, que fais tu ?
—Je n'ai plus rien à faire, je peux prendre mon temps. »
Patron se contenta de sourire. Il aimait qu'on lui tienne tête. Maggie, quant à elle, commençait à s'agacer. Elle sortit de la bibliothèque et fut vite rattrapée par Ewen.
« —Il est bizarre Patron hein ? lui lança ce dernier qui s'amusait de la situation, il était déjà passé par-là récemment.
—Oui très ! Il me parle et après il me reproche de l'avoir écouté.
—Il est comme ça avec les nouveaux. Il aime bien les mettre à l'épreuve pour avoir une petite idée de leur patience et de leur caractère. »
La jeune femme se contenta d'hausser une nouvelle fois les épaules et prit congé d'Ewen pour se rendre dans la véranda. Elle cherchait ce que Patron avait pu faire dans cette pièce. Elle se mit à l'endroit où il était lorsqu'elle était venue le voir et regarda au loin.
Dehors, il n'y avait rien d'autre que de la neige et des arbres.
Elle contemplait la neige sur le sol, lorsqu'elle s'aperçut qu'elle n'était plus tout à fait lisse à un certain endroit. Il y avait de petits creux dans le sol qui partaient du manoir et qui se dirigeaient vers la forêt. Les creux étaient à peine visibles car ils avaient été recouverts par la neige qui ne cessait de tomber. On aurait dit un sillon de traces de pas. Maggie était décidée à aller voir où menait cette piste.
La petite détective en herbe sortit de la véranda, se dirigea vers les escaliers pour se rendre à sa chambre afin de récupérer son manteau, mais quelqu'un l'interpella alors qu'elle s'apprêtait à monter les marches. Elle se retourna et vit le journaliste, Raphael Potéo.
« —Ah Maggie ! Justement je te cherchais !
—Oui ?
—Patron est retourné aux bureaux et il m'a demandé de te dire de ne pas oublier de prendre l'air aujourd'hui.
—Oui, je comptais bien me balader, qu'il ne s'inquiète pas pour moi.
—Je ne voudrais pas être désagréable, mais je pense que Patron avait une idée derrière la tête, autre que ton bien-être, pour t'envoyer te promener.
—Je m'en suis doutée.
—Tu vas travailler avec nous quand ce meurtre sera résolu ?
—Je ne pense pas, non.
—C'est dommage. Tu as l'air plutôt sympa.
—Merci. Et toi tu travailles pour eux ou tu es juste un journaliste « ordinaire » ?
—Les deux. C'est compliqué.
—Comment tu peux avoir deux métiers en même temps ?
—C'est simple, on m'envoie sur une affaire en tant que journaliste où je peux glaner des infos que je rapporte à Patron. La plupart du temps il fait pression pour que ce soit moi qui soit envoyé sur les affaires intéressantes. Donc, en plus d'être sur les bons coups, j'ai une petite prime pour chaque affaire menée avec eux. C'est tout bénef. »
Les deux individus continuèrent à parler pendant quelques minutes encore lorsqu'on appela Maggie pour aller manger. La jeune femme se rendit dans la salle, s'assit à sa place après avoir posé son manteau sur le dos de sa chaise, et partagea le repas avec les autres. La petite promenade de santé recommandée par Patron attendra un peu.
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