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Chapitre 6 - La mission

Propre, j'enfile une robe simple, couleur mastic et vaporeuse qui se lace dans le dos, ainsi qu'une ceinture en cuir, un pantalon en lin et des souliers en tissu ajustables par des boucles métalliques. Je tire les rideaux et passe la tête par l'alcôve. En bas, la rue est déserte. L'eau de pluie s'évacue par les égouts.

Des égouts ? Quelle bonne nouvelle ! La ville est donc nettoyée !

Je rejoins l'archer au rez-de-chaussée, frais et dispo dans sa tunique opale. À le revoir dans ces conditions, je songe que les Elfes sont très grands, athlétiques et lumineux. Leur personnalité est complexe et leur comportement empreint d'animalité et de grâce. Sans jamais m'offenser par sa nature singulière et ambivalente, Ryön a jusqu'à présent pris soin de se tenir à distance.

Ses yeux fixes, très bridés, se posent sur moi. Il me propose une chaise et s'assied à son tour. Dans son mutisme, je le regarde passer ses cinq doigts sur les nervures boisées de la table massive. De l'autre main, il triture un petit artefact. C'est un caillou gris qu'il tourne entre ses doigts. Son porte-bonheur.

« Tu as vécu à la Cité des Elfes, traversé une région et vu la Capitale de Fendôr sous un beau jour. Envisages-tu toujours de retrouver un portail ?

— Il le faut. La Confédération ne m'a-t-elle pas autorisée à consulter les bibliothèques en ce sens ?

Mon ton a été suppliant. Songeur, Ryön acquiesce. J'insiste, les yeux tournés vers la cour noyée sous une averse torrentielle.

— Tu as côtoyé Charles. Lui aussi a dû rechercher une sortie.

L'archer relève le menton. Il émet une énergie qui semble aspirer l'air de la pièce. Même les flammes dans la cheminé ont diminué. Je lutte contre mon accès de timidité et tends l'oreille.

— Charles chercha longtemps et je lui prêtai assistance pendant d'innombrables lunes. Nous voyageâmes et combattîmes ensemble. Cet Humain aurait pu s'abîmer dans la folie et la tristesse, mais son intelligence le guida. Il mit son savoir au service de ce monde, le développa et devint héros de la Capitale et au-delà. Charles le Traverseur s'attira le respect de toutes les races dont il croisa le chemin. Jehanne, peut-être est-ce également ta destinée ? »

Son discours me terrifie. Un malaise me prend. Je me précipite dans la cour régurgiter le repas de la veille.

La viande et les pois cassés feront un bon engrais au pied du puits.

La tête cuisante, je rampe dans la boue jusqu'à l'écurie et y retrouve Cleón. Ses oreilles pointées en avant, il me renifle doucement. Il hennit lorsque je m'allonge contre lui. Pour m'excuser, je gratte son encolure. Le ronflement de sa respiration, fort et régulier, finit par m'apaiser, juste au moment où la pluie cesse.

De retour dans la maison, je m'aperçois que l'archer s'est absenté. Sans réfléchir, je fourre quelques vivres en vrac dans un sac de toile et m'enfuit en courant par la porte de la cour. Si ces gens pensent un instant qu'ils vont me garder contre ma volo...

Un trait de flèche stoppe mon élan. La pointe se plante à quelques centimètres de mes pieds.

« Où penses-tu te rendre de la sorte ?

Son arc déjà replacé dans son carquois, l'archer s'est matérialisé dans mon dos. Bras croisés sur la poitrine, il n'a pas l'air étonné de ma tentative d'évasion.

— Tu m'as tiré une flèche dessus ?

— J'ai visé la terre.

— La boue, oui ! Elle aurait pu glisser...

— Ce n'est point l'instant propice pour remettre en cause mes compétences au tir. Le repos t'est nécessaire.

Me soupesant du regard, il lâche :

— À ta place, je m'abstiendrais de ce genre de fuite. Tu ne survivrais pas deux nuits seule. »

Déconfite, je laisse mon sac tomber dans la gadoue et regagne ma chambre. Allongée sur mon lit les yeux clos, j'évite de me projeter. Penser à l'avenir me précipite dans un gouffre vertigineux.

L'archer revient au crépuscule. Je me rhabille lentement et redescends dans la salle commune. Il décharge du pain, des sacs de graines, de légumes, de racines et d'herbes de son destrier et le reconduit à l'écurie. Je m'affaire à ranger les provisions dans des bocaux en verre et des jarres en céramique. 

Notre cohabitation sera peut-être plus difficile que dans la forêt où nous étions à l'affût des dangers. Malgré son indulgence, à la Capitale, je dois devenir autre chose qu'un fardeau.

Ryön est derrière moi. Je n'ai pas entendu son pas souple approcher.

« Viens t'asseoir, Jehanne. Je t'ai apporté un présent.

Je m'exécute de bonne grâce, apaisée par cette réconciliation. L'Elfe déroule plusieurs dizaines de parchemins vierges que j'aurai tout le loisir de découper. Il a acheté une paire de ciseaux, un tire-ligne, une équerre, un compas, une palette, des plumes, des pinceaux, des crayons à mine, une éponge à usage de gomme, des encres et des minéraux pour effectuer mes propres mélanges.

J'examine les objets un par un, les tourne dans mes doigts, les essaie, les repose et les aligne. Même à la Cité des Elfes je ne disposais pas d'autant d'outils pour dessiner. Je ressens la joie et l'excitation pour ma passion.

— Tout ce matériel... C'est pour esquisser des inventions, n'est-ce pas ? Charles décrivait les objets que vous adaptiez.

— Malgré son ingéniosité et son rythme de création, le tracé de Charles était imprécis. Ses premiers essais n'étaient guère fructueux et il devait s'y reprendre pour ajuster ses travaux aux justes proportions. Tes aptitudes au dessin surpassent largement les siennes.

— Briant aurait été tout indiqué pour accomplir cette tâche.

— Qui est Briant ?

— Mon... Mon partenaire. Il construisait des maquettes.

— Des maquettes ? Cela est-il en lien avec l'architecture ?

J'opine lentement, regrettant déjà d'avoir mentionné Briant. Si seulement nous étions tombés ensemble dans cette clairière. À deux, nous aurions été plus forts.

Ryön joint les mains sur la table, avec un regard que je ne saurai définir. Je me sens toute petite.

— De quoi vais-je vivre ici ?

— Peut-être inventeras-tu moins vite que Charles, mais plus efficacement. La Capitale achètera tes croquis, comme elle l'a fait pour lui. Elle pourvoira aussi aux frais de ton matériel, de ce logis et de ma garde. Si tu retombes malade, je te reconduirai à la Cité auprès d'Edhelís.

Ses paroles rassurantes et logiques confirment mon intuition. Je serai protégée à la mesure de mon utilité. Malheureusement, des mois m'ont été nécessaires pour esquisser deux inventions et seul le sous-marin a été retenu. Je dois d'ailleurs encore peaufiner ce dessin.

— Charles est arrivé en ces terres après de nombreux siècles depuis ses prédécesseurs, une situation différente de la tienne. Ses idées n'ont trouvé que peu de réalisation, car sa technologie était impropre à Fendôr.

— As-tu une idée du niveau de développement de Fendôr par rapport à mon monde ?

— Charles estimait que Fendôr se tenait à l'intersection de la fin de ton « Moyen-Âge » et de « l'Empire français ».

— Rien n'a évolué depuis ?

— Les évolutions technologiques dépendent essentiellement des Traverseurs. Charles, de la « Troisième République », a exercé une influence marquante, induisant des changements plus rapides que les derniers siècles d'arrivées humaines.

Que me reste-t-il en ce cas ? Je devrai être productive et pour cela, me creuser la tête. J'ai encore quelques idées d'inventions, mais les garde de côté. Elles pourraient m'être d'un grand secours à l'avenir.

Ryön ressent ma détresse. Il n'est pas dupe :

— Le temps joue en ta faveur.

— Travailler au contact de cette société me donnera l'occasion de comprendre ses besoins, n'est-ce pas ? C'est pour cela que la Confédération a insisté pour me transférer à la Capitale.

Cette fois, j'ai mouché l'archer : il a compris que je n'aimais ni diriger ni être contrôlée.

Les commissures de ses lèvres remontent et son regard polaire se fait espiègle. Une expression que je ne lui ai encore jamais vue.

— Il est regrettable que personne ne t'ait demandé ton avis. Peut-être cela t'aurait-il épargné de la frustration.

— Ne me prends pas pour une imbécile.

L'Elfe tique. La gorge serrée, je contiens ma colère :

— On ne me donne pas le choix. Je suis asservie à la Confédération.

— Préfèrerais-tu être abandonnée à ton inhabilité à survire seule ?

— Je préfèrerais disposer de mon temps comme je le souhaite.

— Tu ne te sauveras pas. Tu es en sûreté en ces lieux et tu ne connais rien de ce monde.

Il a parlé de son ton traînant, mais j'ai la sensation qu'il vient de me transpercer d'une flèche.

— Je n'aurais de toute façon pas l'occasion d'aller bien loin. Tu m'auras déjà rattrapée !

— Fine d'esprit et indépendante comme Charles...

Il ferme les yeux et cogite :

— Mais à sa différence, tu es jeune et n'élabores aucun plan. Je garderai ceci en mémoire.

Piquée, je suis prête à réagir, mais il hausse les épaules, non sans une certaine rigidité.

— Si tu as besoin de moi, je te guiderai.

Comment interpréter ses paroles ? Va-t-il me chaperonner ou simplement me surveiller de loin ?

Je pointe du doigt les victuailles triangulaires et écarlates sur le bord de l'évier.

— J'ai surtout besoin que tu m'expliques ce que sont ces légumes. Ils ne poussent pas chez moi.

— Ce sont des friandises destinées aux chevaux. »

Sous son hilarité cristalline, je m'en empare et vais les porter à l'écurie. Aujourd'hui, j'ai déridé un Elfe. Demain, je rencontrerai les Représentants de la Confédération.

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On tambourine à la porte de notre maison. Je dis « notre » parce que des indices laissent deviner que Ryön y a dormi. Il s'est encore éclipsé. Le rustre qui frappe est sur le point de dégonder l'entrée.

J'ouvre la porte, qui vient immédiatement taper contre le mur.

« Ce n'est pas trop tôt ! »

Une femme de taille gigantesque en armure scintillante et cabossée se tient sur le seuil, le port noble et altier, l'œil céruléen, trouble, cerné et furieux. Une horrible balafre défigure tout un pan de son visage grimaçant aux pommettes hautes. Sa prestance martiale sied à son teint pâle qui rappelle le froid mordant de l'hiver. Parachevant son visage fier, ses cheveux blond platine coupés courts mettent en exergue une mâchoire définie, symboles d'une praticité sans compromis. 

Armée, terrifiante, cette guerrière me rappelle à quel point je suis étrangère à ce monde. Un seul faux pas peut être mon dernier.

La Scandinave rengaine son glaive et clame d'une voix tonitruante :

« Ysma Sunryian, Commandante de la Capitale. Vous êtes en retard ! Les Représentants n'attendent pas ! Vous n'avez donc pas reçu l'épervier ?

— Nous partions, assure Ryön qui a surgi dans son dos.

Il tient les licols des chevaux du bout des doigts. Sur son épaule, l'oiseau frotte sa jolie tête contre sa joue.

Les traits renfrognés, Ysma se tourne dans un effet de cape et l'invective de toute sa hargne. Même sa bouche tailladée exprime le dédain.

— Capitaine Fíldræl, j'ai des ordres ! La paresse n'est pourtant pas l'apanage des tueurs de sarthaks ! »

Sous ses vociférations, l'épervier s'envole à tire d'ailes et les deux chevaux grattent la terre de leurs sabots en secouant leurs crinières. Je tremble sous l'injure qui ne m'est même pas destinée, tandis qu'imperturbable, Ryön s'incline légèrement et me pousse à l'extérieur. J'ai conscience qu'il m'a laissée dormir tout mon soûl.

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« Alors comme ça, tu es Capitaine de la Capitale... Je suis honorée. Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?

— Chaque chose en son temps.

Voilà donc la raison pour laquelle les Elfes m'ont confiée à Ryön. La Capitale est tout simplement son lieu de travail !

Nous chevauchons côte à côte, escortés de la garde armée d'Ysma. Les soldats sont tous en tabard. Leur armoirie a pour symbole un chêne doré. En tête, la Commandante bat le pavé en vilipendant les badauds qui marchent en sens contraire à la circulation. Pour ma part, tout sens de circulation m'échappe.

— Voilà donc la fameuse Ysma... J'aurais préféré l'oublier.

— La Commandante est une vaillante combattante et une meneuse hors pair, bourrue, mais respectable. La Capitale ne pourrait se passer d'elle. Même les Trolls la fuient !

J'ai un sursaut. Aussitôt, Ysma me hurle de respecter l'ordre public :

— Tenez-vous ! C'est une procession officielle, nom du Chêne Doré ! »

Les Représentants siègent dans le château fort de la Capitale. Celui-ci a été bâti par les Humains sur une butte naturelle qui surplombe la plaine. On y entre par un pont levis après avoir franchi une barbacane. Un bras du fleuve Ciliren noie les douves profondément enfoncées, si bas qu'il est impossible de distinguer la faune aquatique. Les créneaux de cette muraille laissent entrevoir des canons, probablement en fonte, ainsi que des archers qui surveillent tous mouvements depuis les tours de guet. 

Les murs sont larges et je crois que les Traverseurs d'Europe Occidentale sont passés par là : après l'enceinte, on aperçoit sur le château des voûtes d'ogive qui rehaussent le bâtiment avec force, des arcades pointues, des pinacles effilés et des courbes sinueuses en forme de flammes. Les toits en tuile vernissée sont agrémentés de crochets de feuillage et de pignons à redents comme ceux de la ville haute. Ce sont des inspirations directes du gothique flamboyant que j'ai eu la chance d'étudier aux Beaux-Arts.

« À l'époque, les Humains vouaient leur foi à ce qu'ils nommaient Dieu, me glisse Ryön. Lorsque les hordes Urhoqs les anéantirent, ils renièrent leur déité et se tournèrent vers les Elfes. Seuls les bâtiments demeurèrent et celui-ci en est l'exemple le plus abouti à Fendôr. »

Notre arrivée est saluée par une envolée de trompettes. La garde nous fait traverser la cour intérieure jusqu'à l'angle sud-ouest, puis pénétrer une galerie protégée par une nouvelle herse. Ysma avance d'un pas martial et si, dans la seconde, la porte qu'elle rencontre ne lui est pas ouverte, elle l'enfonce sans hésitation. 

J'ai à peine le temps d'observer les murs riches de frises géométriques ornées de rosaces, de quatre-feuilles et d'arcatures trilobées. Sans être ostentatoire, ce château construit sur les vestiges d'une cathédrale luxueuse.

À toute vitesse, me reviennent les explications d'Edhelís. En dehors de la Capitale, les royaumes ou contrées indépendantes conservent le choix de leur régime et leur souveraineté. La Confédération ne se préoccupe que de la paix commune et tente de faciliter les échanges économiques. Elle est composée des Représentants de toutes les races dont le mode d'élection est propre à chaque territoire.

Outre cette représentation, la Confédération est pourvue de quelques ministères en vue du maintien de la bonne entente entre les races à Fendôr. Lorsque je fais un parallèle avec mon monde, cette organisation me rappelle celle des Nations Unies et les Elfes y exercent un grand pouvoir.

Nous grimpons plusieurs dizaines de marches irrégulières. Sous le poids du regard d'Ysma, j'ai l'impression que chacune d'elles va s'effondrer sous mes pieds. Enfin, nous débouchons dans une étroite tourelle.

J'ai besoin d'air et surtout de m'éloigner de la Commandante. Haletante, je me repose contre la rambarde du balcon, œuvre d'une ferronnerie maîtrisée. Il donne sur une vue transcendante à la lumière chaude et vive des rayons du soleil. 

Le Ciliren aux berges fleuries s'écoule paisiblement en bordure des barbacanes et des murailles et les champs s'étendent dans le lointain en direction de Prestown, tout à l'ouest. Si l'on se penche, on discerne plusieurs rangées d'élégants arcs-boutants maintenant les extensions du château dans l'escarpement. La nuit, on doit pouvoir se perdre dans le scintillement des illuminations nocturnes de la ville.

Ysma tonitrue que nous avons perdu assez de temps et nous commande de la suivre dans un long corridor.

J'entrevois pourquoi le drapeau de cette citadelle évoque un chêne doré. L'arbre et la couleur sont omniprésents sur les ornements des chapiteaux sculptés et du mobilier. 

La pression monte à mesure que nous gravissons les étages. « Calmez-vous, Traverseuse ! Vous n'allez pas succomber pour cent marches ! me raille Ysma. Desserrez les poings et tenez-vous droite ! »

Faiblement, nous parvenons à une gigantesque salle dallée dont les murs sont porteurs de torches allumées. Il fait pourtant jour grâce aux vitraux ambrés. Ces lumières doivent être disposées là pour impressionner.

Nous remontons l'allée dont la longueur rappelle celle un transept. Tout au bout, une grande table rectangulaire est disposée là où le chœur d'une cathédrale a dû être démoli. Sept hauts sièges de pierre sont enclavés dans ses pans. La place centrale est occupée par l'imposante sculpture en métal d'un chêne constellé de feuille d'or. C'est le majestueux symbole de l'alliance entre les peuples. Autour de lui trônent les Représentants des sept races urbanisées : Humain, Urhoq, Elfe, Hardu, Kovewalt, Gnöme et Adayosh.

La Gnöme, s'apparentant à une enfant joufflue et respirant la bonhommie, apparaît insignifiante à côté l'Adayosh qui ressemble à une chimère mêlant le minotaure à l'antilope. Le gobelin, qui porte le nom de Kovewalt, est lui aussi d'une très petite taille. Entre celui-ci et l'Humaine se trouve un nain, ou plutôt un Hardu trapu à la barbe fournie et au visage renfrogné. Son œil vif et curieux m'épluche de la tête aux pieds. Il n'est pas le seul. Je suis le point de mire de tous les regards. L'impression qu'ils font sur moi doit se lire sur mon visage.

Un héraut annonce Ysma et Ryön. Ils s'alignent devant les marches de l'estrade de pierre. Ysma met genoux à terre, tête baissée. Quant à Ryön, il demeure austère, le dos droit comme un if, les mains croisées devant lui. Dans l'une d'elles, je l'ai vu glisser son porte-bonheur qu'il serre fermement.

Le héraut marque un temps d'hésitation protocolaire, ignorant probablement mon nom. Il me présente simplement comme la Traverseuse. Je ne sais quelle posture tenir. Agrippant les pans de ma robe, j'exécute une révérence sous les paires d'yeux luisantes.

La Représentante Humaine prend la parole. Son menton est couvert de tatouages tribaux et son nez nubien est percé d'anneaux fins reliés à ses lobes d'oreilles et à sa coiffe en éventail. Son visage bistre apparaît ainsi couvert d'une fine toile d'or tissée à partir de ses cheveux crépus tressés en arrière. Elle a les traits saisissants, marqués de rides sans doute dues aux tensions et aux épreuves. Son regard ténébreux, gravé de sillons profonds, me toise.

« Je suis la Doyenne Gurreal, Représentante de la race Humaine. Bienvenue à Fendôr, Jehanne la Traverseuse. De votre venue, nous attendons les merveilles qui bouleverseront les prochaines générations.

Ses paroles graves résonnent en écho dans la salle. Mon cœur bat dans mes oreilles et mes jambes tremblent. Submergée par le trac, je pousse un peu ma voix pour me faire entendre :

— Je vous remercie, mais je ne suis pas une Inventrice. Je ne vois pas comment je pourrais vous aider et je dois rentrer chez moi.

Un silence de plomb frappe l'assemblée. À ma gauche, Ysma tressaille. Elle brûle sûrement de me donner un coup de glaive dans les côtes pour me punir de mon insolence.

La Doyenne se lève de son siège. Les pans de sa tunique colorée se froissent dans son élan. Son regard m'évoque une nuit sans étoiles.

— Rejetez-vous notre protection ?

— Je ne possède pas les compétences que vous escomptez.

— Rejetez-vous notre protection, celle des races urbanisées ? répète la Doyenne en détachant chaque mot.

Devançant ma réponse, une lueur passe dans l'entrebâillement de ses paupières :

— Pensez-vous pouvoir errer dans ce monde à votre guise, à la recherche d'un portail ? Charles le Traverseur y consacra sa vie en vain. En empruntant cette voie, vous gaspilleriez le reste de votre existence et nous ne sommes pas en mesure de garantir votre sécurité en dehors des murs de la Capitale.

Son propos fait sens, mais comment la croire alors que je ne peux vérifier ces informations par moi-même ? Déglutissant, je relève les yeux. 

Malgré son grand âge, la Représentante se tient droite. C'est une femme digne et effrayante qui porte de nombreuses vies sur ses épaules. Face à mon manque de réaction, elle poursuit :

— Nous ne vous imposerons nullement de rester, mais vous devez prendre une décision.

Une décision ? Égarée, je cherche dans le regard placide de Ryön un refuge que je ne trouve pas. La tête désespérément vide, je m'entends dire :

— Puis-je bénéficier d'un délai ?

La Doyenne fronce encore les sourcils.

— Il n'est nul besoin de délai alors que nous vous tendons la main. Songez-y, Traverseuse. Vous pourriez œuvrer au profit de centaine de milliers de créatures qui ont patiemment attendu l'ouverture d'un portail depuis le décès du dernier Traverseur. Il est cependant convenu que vous serez libre de rechercher un portail, autant que votre quête n'empiète pas entièrement sur votre mission parmi nous. Le cas échéant, vous deviendrez une simple habitante de Fendôr et nous devrons vous retirer vos laissez-passer.

Mes épaules se voûtent. Une décision, une décision... Quelles sont ces manières d'exiger d'un étranger de prendre une décision aussi radicale ? Accepter ou de refuser une protection à vie n'est pas une simple affaire ! Face à la noblesse de cette femme, je ne dispose d'aucune force de proposition.

— Ai-je d'autres options ?

— Vous ne devriez pas donner au peuple de Fendôr de raisons supplémentaires de vous traquer. Il fut un temps, les Traverseurs étaient vendus à prix d'or par-delà la Voie des Songes.

Devant son attitude oppressante, je n'ai en réalité pas le choix. Vaincue et écœurée, je courbe l'échine.

— Je ferai de mon mieux.

Ma voix s'éraille à la fin de la phrase.

La Doyenne se rassoit avec toute la distinction et la satisfaction d'une décideuse qui a atteint son objectif.

— Nous apprécions votre coopération.

Reprenant une posture désinvolte, elle s'abandonne contre le dossier de son fauteuil.

— Oubliez votre ancienne identité. Votre Traversée vous confère un privilège que d'autres paieraient cher à obtenir. Vous avez l'opportunité de vous forger une nouvelle vie. À partir de maintenant, vous êtes la Traverseuse. »

Je m'incline de nouveau avec déférence, criant en mon for intérieur que je me suis fait rouler par une vieille bique.

C'est le Kovewalt qui détend l'atmosphère en jugeant que mon accent elfique lui casse déjà les oreilles.

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Merci de votre lecture !

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