11. (Tom)
Je composai puis décomposai une énième fois le numéro de Jess. Je m'inquiétais de ce qu'elle pouvait faire et avec qui. Pourquoi était-elle partie sur un coup de tête ? Et sans rien dire !
— Putain, grognai-je en mordant mon poing.
Une migraine lancinante battait sourdement dans ma tête, me donnant l'impression que mon cerveau se faisait essorer. Elle était telle que je sentais mes jambes trembler. Je passai une main – tremblante elle aussi – sur mon front et remarquai que j'étais fiévreux.
Où es-tu, Jess ?
Je n'avais pas avalé une goutte d'alcool depuis trois jours, si ce n'est plus, préférant me tenir tranquille après l'épisode d'il y a quelques jours. Je regrettais amèrement mon acte odieux. Et les effets secondaires du sevrage se faisaient ressentir. Qu'aurait dit Jess à un de ses patients s'il était dans mon cas ? La simple idée de me retrouver dans ce sofa où elle disséquait l'esprit de ces gens instables me filait la nausée.
Mais n'y tenant plus, je composai cette fois le numéro de Lenni. Elle répondit à la troisième sonnerie.
— Lenni, salut.
— Mais c'est ce bon Tom ! Tu as disparu, dit-elle d'une voix dans laquelle je pouvais sentir son sourire carnassier.
— J'ai quelques problèmes, tu ne pourrais pas m'aider un peu ?
— Écoute, beau gosse... Je ne suis pas sûre que tu me rembourseras tout ce que je t'ai déjà prêté. Je préfère ne pas prendre de risques.
— Je te... je rembourserai.
— Je pensais que t'avais perdu ton travail...
Je restai silencieux. De longues secondes passèrent avant que je ne prenne une longue inspiration et réponde.
— Je t'ai toujours remboursé, Lenni. Puis tu me dois bien ça. Tu n'aurais pas pu monter ton business sans mon aide, lui rappelai-je sèchement.
Elle resta silencieuse puis brisa le suspense en me demandant de passer chez elle au plus vite, ce que j'acceptai.
Une fois que j'eus enfilé un fute et un tee-shirt que je surmontai d'une chemise parce que j'avais froid, malgré le soleil qui tapait fort, je sortis et me ruai vers ma voiture.
*
J'arrivai rapidement chez Lenni. Son petit appartement se trouvait heureusement au rez de chaussée. Je traversai rapidement le hall et me postai devant sa porte d'où provenait une musique forte. Du rock peut-être.
Je donnai deux coups énergiques – assez fort pour être entendus par-dessus la musique. Avec mes crampes et mon léger vertige, je n'avais pas de patience.
— Bordel, tu viens ouvrir ou pas ?!
Une petite vieille sortit sa tête de l'appartement voisin quatre mètres plus loin et me toisa, l'il méfiant. Je lui offris un sourire crispé. Elle se barricada derrière sa porte comme si le diable lui courrait après.
Je toquai à nouveau et cette fois la musique s'arrêta. Peu après, je l'entendis retirer le loquet. La porte s'ouvrit pour laisser apparaître une Lenni pimpante et souriant jusqu'aux oreilles. Troublé par ma migraine je ne remarquai même pas la tenue en dentelle et en soie légère qu'elle portait.
Elle dégagea ses cheveux auburn de son épaule d'un geste qui se voulait gracieux et minauda en battant des cils.
— T'en as mis du temps.
Sans considération pour son petit jeu, je la poussai du chemin et entrai dans son appartement que je connaissais bien. Contrairement à l'accoutumé, il n'y avait aucun vêtement qui encombrait son salon qui lui servait de showroom privé ; elle était vendeuse à domicile. L'intérieur était presque crépusculaire à cause des rideaux tirés et j'eus l'impression que mon mal de crâne redoublât d'intensité dans cette pièce aux allures oppressantes.
Une main se glissa dans mon dos, je m'éloignai et jetai un regard sévère à Lenni qui me regardait de ses yeux de biche, la tête légèrement penchée sur le côté. Elle s'approcha à nouveau.
— Tu n'as pas l'air bien. Assied-toi, je crois que tu as besoin de boire quelque chose.
Une fois dans son canapé, elle m'offrit un whisky que je ne refusai pas. Je m'empressai même de le boire, me délectant du calme qui suivrait. J'en oubliai presque la raison de ma venue.
— Pourquoi je suis là ? m'enquis-je après avoir vidé mon verre.
— On ne parle pas argent au téléphone, voyons, elle se rapprocha de moi et posa une main sur mon torse avant de me souffler à l'oreille : nous sommes tous sur écoute.
— Putain, Lenni, grognai-je, agacé.
J'avais la patience déjà rongée jusqu'à moelle. J'avais mal au crâne, ma femme ne me parlait plus et j'étais assis dans le canapé d'une folle furieuse qui croyait que les reptiliens nous avaient infiltrés. Je la fixai un instant. Lenni avait des yeux de dragon et un sourire de vipère. Et elle s'apprêtait à planter ses griffes dans ma chair. Et dire que je n'étais même pas encore ivre... Je la repoussai et elle s'éloigna sans rechigner.
— Je pense t'avoir assez aidé, Tom. Et puisque tu n'as plus de boulot, je ne vois pas comment tu pourrais me rendre ça.
— T'as besoin de cet argent maintenant ?
— Je suis célibataire et sans enfants, chéri. Je gagne bien ma vie et c'est un peu grâce à toi. J'ai encore de quoi vivre. Mais j'aimerais investir et te prêter du fric en permanence ne m'aidera pas.
— Pourquoi tu as voulu que je vienne si c'est pour me dire que tu ne pouvais pas ?
— Je te ressers ?
Elle remplit mon verre. Je m'en emparai et y trempai les lèvres.
— Ta femme est-elle au courant de tout ça ?
— De quoi tu parles ? aboyai-je.
— Tes emprunts. Tes dettes dans le bar de mon frère, le jeu, moi...
Je ne répondis pas, les yeux rivés sur le visage de Lenni. Dans ma tête se jouait une scène horrible : la destruction de mon couple, de ma famille et tous mes proches qui s'éloignaient. Mais je détallai la jeune femme à mes côtés avec minutie. Son petit nez, ses grands yeux verts en amande, ses fines lèvres, son cou... Je compris à son regard qu'elle me tenait par une laisse. Elle était jolie mais diabolique. J'avais beau avoir été un connard avec Jess, je ne pouvais pas la laisser savoir pour tout ça.
Une idée de ce que voulait Lenni me trottait dans la tête, mais j'espérais silencieusement que ça reste tel quel : une idée. Elle comprit vu que son sourire s'élargit davantage.
— Chéri, susurra-t-elle en posant une main sur ma cuisse. Dégouté ou surpris, je bandai mes muscles dans un geste de recul. Wahou ! gémit-elle en attardant sa main, admirative. Tu sais ce que je veux, n'est-ce pas ?
Elle se leva à nouveau et passa sa nuisette au dessus de sa tête, dévoilant deux seins lourds et une petite culotte en dentelle noire. Je restai bloqué sur la vue qu'elle m'offrait, bloqué sur ce corps frais, ce ventre plat, cette peau laiteuse sans imperfections et puis... ses yeux étaient brillants et affamés, voilés d'un dévoreur sournoisement appelé désir. Sans m'en rendre compte je désirais la toucher, mais le visage de Jess vint se superposer à celui de Lenni. Ses yeux humides, ses traits tirés, cette mine triste qui avait remplacé l'expression enjouée qu'elle portait d'habitude. J'étais l'ouragan qui vint troubler la quiétude de son cur. J'avais fait bien trop de dégâts.
Non.
— Non ! dis-je plus fort en me levant.
Je titubai à reculant. Une fois devant sa porte je remarquai qu'elle était fermée.
La salope.
Derrière moi de la musique, plus douce que la précédente, s'éleva dans l'appart.
— Ne fais pas l'idiot, Tom ! Toutes tes dettes seront effacées et ton petit secret bien gardé. Tu pourrais même te débarrasser de ta femme et partir avec moi !
— Tu es complètement tarée !
— Tu n'es pas en position pour ça, chéri, souffla-t-elle en venant poser ses mains sur mon torse.
Je restai paralysé face à elle qui criblait mon cou de baisers, baladait ses doigts à la ceinture de mon pantalon avant de les laisser trainer sur mon ventre. Elle se colla complètement à moi, à moitié nue. Quelque chose remua dans mes entrailles.
— Je suis exactement ce qu'il te faut. Fais de moi ce que tu veux et je règlerai tous tes problèmes.
Elle me regarda dans les yeux puis sans prévenir m'embrassa doucement. Pris dans son jeu, je n'osai même pas la repousser et pire, je répondis à son baiser.
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