Chapitre 6-1
*Version non corrigée*
— Malheureusement, je n'ai pas ce plaisir non ! lui répondis-je sur le même ton.
S'il voulait jouer à ça, pas de problème, on allait être deux.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas. D'après ce que vous m'avez expliqué, cette communauté est constituée de plusieurs espèces de métamorphes ? Alors que pourrais-je bien faire de plus que vous sous votre forme animale ?
— Je vous ai déjà dit que nous l'avions fait, en vain !
Malgré sa voix grondante, il faisait un effort évident et visible pour maîtriser sa colère, tandis qu'il faisait une pause avant de reprendre ses explications.
— Nous avons pu suivre leur trace tant qu'ils étaient sous forme humaine et ensuite...plus rien. Les trois pistes s'arrêtent toutes dans une clairière située dans la forêt commençant derrière notre propriété. C'est là que nous allons chasser et nous ressourcer sous notre forme animale. Le problème est que nous n'avons retrouvé aucun de leurs effets personnels, ce qui aurait dû être le cas après leur transformation. Mais là...rien ! Ils ont tout simplement...disparus, volatilisés. Nous ne savons pas si c'est dû à un enlèvement, ou s'ils se sont fait tuer par accident. Bien que trois, cela fasse un peu beaucoup pour une coïncidence, même s'ils sont de la même espèce. Sans compter que nos bois sont assez bien surveillés.
— Je ne vous suis plus bien là, dis-je un peu perdue.
— Les trois métamorphes disparus sont de la famille des reptiles et nous savons tous comme les humains détestent les serpents. Ils auraient pu être pris par surprise...bien que cela soit hautement improbable. De plus, ils dégagent peu d'odeurs exploitables pour nous, qui sommes pour la plupart des carnivores et Martha possède le pouvoir de masquer complètement son odeur. Mais la question est...pourquoi l'aurait-elle fait ?
Mais bien sûr ! Mon esprit avait déjà du mal à concevoir l'idée d'hommes se transformant en animaux, mais j'avais inconsciemment pensé qu'il s'agissait exclusivement de mammifères. Des ours, des loups...comme dans les films quoi. Imaginer des êtres humains qui se transformaient en serpents, brrr... c'était carrément flippant.
— Vous n'avez pas un chien sous la main ? lançai-je, plus pour plaisanter qu'autre chose.
— Nous avons une louve et elle a essayé...sans succès malheureusement.
D'accord, tant pis pour l'humour. De toute manière à bien y réfléchir, ce n'était pas étonnant que Charles soit insensible à toutes formes de plaisanteries.
— O.K, comment suis-je sensée m'y prendre ?
Il était temps d'agir, tous ces discours commençaient à me peser et mon mal de tête ne s'arrangeait pas.
— Je vais vous conduire à la clairière où aboutissent toutes les pistes et je vous expliquerai une fois sur place.
Puis sans un mot de plus et sans m'accorder le moindre regard, il se leva et me fit signe de le suivre. Décidément cet homme était un vrai bout en train ! N'ayant ni l'envie ni l'énergie de lui faire remarquer son manque de politesse flagrant, je me contentai de le suivre en silence.
Une fois à l'extérieur, nous nous dirigeâmes vers l'un des bâtiments les plus proches de la forêt. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions, je me rendis compte que ce que j'avais de loin pris pour une maisonnette, était en fait une sorte de grand chalet divisé en quatre logements. Deux au rez-de-chaussée et deux à l'étage, auxquels on accédait par un escalier extérieur.
Charles me fit signe de l'attendre et alla frapper à la porte de l'un des deux appartements du rez-de-chaussée, où il s'entretint quelques minutes sur le pas de la porte et à voix basse avec quelqu'un que je ne pouvais voir. Ensuite et toujours sans un mot, nous pénétrâmes dans la forêt. Après une marche épuisante de plus d'une heure où je maudis mes bottes à talons, nous arrivâmes à la clairière.
Elle était relativement petite et entourée par de grands arbres dont les feuilles se réunissaient aux sommets pour former un dais verdoyant. Avec la luminosité automnale, c'était magnifique. Charles me ramena à la réalité de sa voix froide et autoritaire. Tiens, il ne l'avait pas perdue finalement !
— Bien. Fermez les yeux. Apprenez à ressentir votre environnement et surtout...détendez-vous. Je reviens...
Puis il me planta là !
— Non mais...attendez !
Je me retournai brusquement, prise de panique...mais il était déjà parti. Il n'allait quand même pas me laisser là, seule, au milieu de nulle-part ? Je m'apprêtai à lui emboiter le pas, bien décidée à ne pas lui obéir, quand je me rendis compte avec horreur que je n'avais aucune idée précise du chemin par lequel nous étions arrivés. Je tournai sur moi-même, fébrile et essayai de repérer le sentier par lequel nous avions débouché dans cette clairière. Mais tous les arbres et les buissons se ressemblaient et il ne semblait y avoir d'issue nulle-part.
Sentant ma panique atteindre des sommets inégalés jusqu'à présent, je me forçai à fermer les yeux et à me calmer. Je me répétai en boucle dans ma tête que paniquer ne servait à rien. Le but de Charles n'était certainement pas de me perdre dans les bois, il allait forcément revenir à un moment ou à un autre.
Bon sang qu'est-ce que je me sentais idiote, debout et seule au milieu de cette forêt. Plus le temps passait et plus j'avais le sentiment que c'était une mauvaise blague. Non, j'avais bien vu la main de Charles se transformer ? Je commençai à ne plus savoir ce que je devais croire et la panique tenta de faire un retour en force, que je contrai férocement de mon mantra, tout en fermant à nouveau les yeux pour me concentrer.
Quand, subitement je sentis mes poils se dresser sur mes bras et des picotements désagréables me traverser tout le corps. Je n'étais plus seule dans cette clairière et mon instinct me hurlait qu'il fallait que je parte de là au plus vite. Quelque chose ou quelqu'un rodait et ce n'était pas Charles. Même si je n'aurais pu expliquer comment je le savais, mais je le sentais...jusque dans mes tripes.
Je commençai à me ramasser sur moi-même dans l'éventualité d'avoir à faire le sprint de ma vie et ouvris doucement les yeux pour ne pas montrer trop rapidement à l'intrus que je l'avais repéré. Quand l'odeur de sous-bois omniprésente changea subtilement pour se mâtiner d'une sensation d'air frais et...chaud ! Curieux et plaisant à la fois. C'est alors qu'une voix douce me murmura à l'oreille. Je sursautai violement et manquai de peu faire une crise cardiaque.
— N'ouvrez pas les yeux. Respirez profondément et essayez de « ressentir » votre environnement.
C'est ça oui ! Comme si j'allais rester sagement là, les yeux fermés, avec un inconnu dans le dos. Il y en avait vraiment qui croyait au père-Noël !
— Qui êtes v...essayai-je de demander en commençant à me retourner.
— Chuuut...Je suis là pour vous aider, me dit-il. Allez-y essayer.
— Mais, c'est ridicule...
Il me fit taire efficacement et posa brusquement ses mains sur mes épaules.
Ce fut spectaculaire ! Comme lorsqu'on retrouve la lumière après être resté des heures dans le noir...éblouissant et violent. J'avais la sensation de sentir et ressentir absolument tout ce qui m'entourait. Les senteurs boisées des arbres dominaient, surtout celle plus piquantes des pins blancs qui prédominaient dans cette région. Venait s'y ajouter les senteurs plus ténues des quelques fleurs réussissant à survivre à l'ombre des grands arbres, ainsi que de tas d'autres choses que je n'aurais su nommer avec précision.
Mais le plus stupéfiant fut la transformation de mes perceptions. C'était comme si un barrage avait cédé, laissant toutes les émotions des êtres vivants présents aux alentours, me percuter de plein fouet. Même si cela fut envahissant et extrêmement violent, ce fut avant tout révélateur. Révélateur de ce que j'étais et avais toujours été.
Je percevais un écureuil dans un arbre proche, tout un tas d'oiseaux dans les branches des différents arbres et tellement d'autres présences que je ne savais plus où donner de la tête. La comparaison de Charles avec un sonar me revint subitement en mémoire et m'apparut très approprié.
Je sentis un sourire se former sur mes lèvres et des larmes se mettre à couler sur mes joues sans que je puisse les en empêcher. Mais cette fois-ci c'était des larmes de joie et de soulagement. Je n'étais pas folle, je ne l'avais jamais été. C'est à cet instant que je compris que j'avais toujours eu cette peur au fond de moi, peur qu'ils aient eu raison. Je l'avais portée comme un fardeau toutes ces années et à présent que j'étais libérée de ce poids je me sentais...Légère. C'était tellement intense que je vacillai sur mes jambes et serais tombée si mon mystérieux compagnon ne m'avait pas retenu.
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