Maureen
Un lourd parfum de rose flottait dans la pièce, imprégnant les draps et les vêtements. Maureen fit le tour de la salle assez rapidement. Ses yeux dorés observèrent les moindre détails, avides. Un grand lit double occupait le centre de la chambre, de pas trop mauvaise facture, aux couvertures grossières mais cependant attrayantes. Le matelas semblait un aperçu du paradis pour son corps courbaturé par les longues heures de chevauchée. La couleur était peu présente, apportée peut être par le tapis de laine rouge posé devant l'unique fenêtre. Dans un coin, une malle pour les vêtements, et c'était tout pour l'ameublement.
- On dirait une chambre de princesse, hein ? Breval me la loue contre tu-sais-quoi, c'est vraiment une bonne affaire, se réjouit Nessa à ses côtés, frappant des mains comme une enfant malgré ses vingt-six ans bientôt révolus.
Maureen lui offrit une grimace crispée qui se voulait un sourire, posant son maigre bagage dans un coin sans trop de poussière. Le ménage n'était pas le point fort de l'établissement, même si ça restait correct.
- Oui c'est... Vraiment immense, répondit elle avec un faux sourire enthousiaste.
Elle peinait à croire que cette chose puisse être considérée comme digne d'une personne de sang royal. C'était bien trop vétuste, sale et étroit par rapport à ses appartements au château, où on aurait pu faire tenir deux pièces comme celle ci rien que pour la partie chambre à coucher. Il n'y avait même pas de pièce annexe où ranger les robes, ni de coiffeuse sans même parler d'une simple bassine d'eau claire. L'adolescente commençait à comprendre à quel point le niveau de vie était différent ici, loin du palais.
Se faire passer pour quelqu'un d'ordinaire allait s'avérer plus difficile que prévu, mais elle n'avait pas vraiment le choix. De ce qu'elle comprenait, pas grand chose malheureusement, Nessa ne portait pas la royauté dans son coeur. Sans sa protection, Maureen tremblait de ce que pourrait faire le si impressionnant patron de l'auberge. Une véritable montagne, plus effrayante que tous les chevaliers armés qu'elle avait jamais rencontrés, alors qu'il ne faisait rien pour se donner un air menaçant. Même si elle reconnaissait à son visage une certaine beauté, ses traits droits avaient le mérite de lui dessiner une figure pas désagréable à contempler, ses yeux verts la glaçaient immédiatement. Il avait un regard si perçant qu'elle s'en sentait menacée.
L'adolescente, se trouvant un peu cruche à rester plantée au centre de la pièce, s'approcha de la fenêtre qui donnait sur l'arrière de l'auberge, où un joli parc qui débouchait lui-même sur une forêt étalait sa magnificence. Verdoyant et fleuri, il l'attirait plus que tout. Cependant, elle ne s'était pas enfuie pour prendre du bon temps, mais pour en finir avec cette histoire de chevalier. Si à présent, face à la menace que paraissaient représenter Nessa et Breval pour son père, trouver un chevalier lui paraissait secondaire, elle n'en oubliait pas son objectif pour autant.
Cette histoire l'inquiétait. Elle voulait découvrir de quoi il en retournait vraiment, avant de se préoccuper de sa propre situation. Et si elle venait de mettre le doigt dans un engrenage révolutionnaire visant à renverser la royauté ? On lui avait dit que ce genre de groupes existait. Elle tremblait de ce qu'elle allait découvrir.
Mais elle devait en avoir le coeur net, et pour que sa conscience soit en paix, se rapprocher de Nessa afin de lui demander des informations semblait être la meilleure solution.
Maureen se sentait un peu coupable d'utiliser ainsi la jeune femme, tout en ayant peur de la malice qu'elle lisait dans ses yeux noirs. Nessa avait été si gentille avec elle ! Cependant, ce sourire lumineux ne cachait il pas un esprit bien plus sombre ?
L'adolescente comptait bien le découvrir. Elle aurait aimé jouer le même jeu avec Breval, qui lui apparaissait comme celui tirant les ficelles, mais le tenancier blond lui faisait bien trop peur. Ce n'était pas tant sa stature, mais ce qui irradiait de lui. Il avait l'aura d'un meneur, d'un chef de troupe. Cette force dans le regard, de ceux qui ont l'habitude de commander, et surtout l'habitude qu'on leur obéisse.
De Breval se dégageait une sorte de prestance qui effrayait la princesse. Elle le sentait dangereux, et préférait écouter son instinct. Bien qu'elle brûle de connaître dans quoi cet homme suspect pouvait bien tremper, elle se garderait bien de l'approcher pour le lui demander.
Réussir à obtenir des informations de Nessa serait sans doute même plus difficile que se tenir loin du blond. Au vu de la manière dont la jeune femme avait tiré Maureen des questions de Breval, elle paraissait avoir une certaine influence. Assez du moins pour que l'homme la respecte, et l'écoute, bien que la paysanne soit apparement son employée. En quelque sorte.
Nessa cachait sans doute bien son jeu derrière un caractère en apparence exhubérant et rieur. Après tout, si elle récoltait des informations auprès des nobles sans se faire trop soupçonner, elle devait être bien plus habile que ne le laissaient suggérer son sourire et son attitude franche.
Maureen se retourna vers la brune, qui enfilait sans pudeur une robe verte taillée dans un tissu pas trop mauvais faisant ressortir sa peau mate.
L'adolescente fixa de nouveau son regard vers le parc, se détournant vivement pour laisser son aînée s'habiller.
- Pourquoi te changes tu ? Une occasion spéciale ? demanda la princesse, intriguée.
Elle entendit quelques froissements d'étoffe -Nessa devait arranger son vêtement- avant que la jeune femme ne lui réponde :
- Ce soir, les locataires de l'auberge mangent ensemble. C'est Decadi après tout, Breval aime bien nous avoir tous à l'oeil de temps en temps, sourit sa compagne en venant s'asseoir sur le rebord de la fenêtre, face à elle.
Maureen sourit au clin d'oeil de la jeune femme. Il serait vraiment difficile de ne pas se sentir coupable en utilisant Nessa pour obtenir des renseignements. Elle était tellement gentille et sympathique !
- D'ailleurs tu ferais mieux de changer cette chose qui te sers de vêtement, c'est bientôt l'heure de descendre, la prévint la brune en balançant les jambes comme une enfant, faisant joliment bouger les jupons de sa robe dans un mouvement ondoyant.
- Hum... C'est que je n'ai rien d'autre à me mettre, hésita Maureen, bloquée par les prunelles sombres de son interlocutrice.
Un sourire fendit le visage de Nessa. Un grand sourire révélant des dents étonamment blanches, qui plissa ses yeux et éclaira son regard.
- Je m'en doutais. Tu es négligée et pleine de poussière, ma fille, j'ai un tas de choses à t'apprendre conçernant la discrétion, s'exclama t-elle en sautant à bas du rebord, glaçant l'adolescente d'effroi. Alors, qu'est ce qui t'amènes ici, Maureen ? Une fugue ?
La princesse recula d'un pas effrayée devant le rapprochement physique que lui imposait son aînée. Son esprit affolé ne pouvait produire un résonnement cohérent, et elle ne réussit qu'à bégayer une partie de la vérité, lamentablement. Nessa semblait avoir changé du tout au tout, et la pression qu'elle lui imposait à présent la faisait simplement paniquer.
Comment faisait cette femme pour avoir tant de pouvoir sur elle ? Pour paraître si menaçante avec un sourire aimable ? Pour faire si peur...
- Je... Je... Suis partie de chez moi pour trouver un chevalier ! J'en ai besoin pour retourner à la maison, finit elle par avouer, au bord des larmes tant elle était terrifiée par ces yeux noirs.
Nessa avança la main pour lui caresser les cheveux, avec une certaine tendresse. Son expression était redevenue moins inquiétante.
- D'accord, d'accord. Ne te mets pas dans cet état là, je ne te ferais rien tu sais ? Je suis désolée de t'avoir fait peur, mes manières sont trop brusques. Il s'agissait de vérifier si tu n'étais pas une espionne envoyée par la famille Royale, plaisanta t-elle ensuite pour détendre l'atmosphère.
Elle ne connaissait heureusement pas assez bien Maureen pour savoir que le rire qui franchissait la barrière de ses lèvres sonnait faux, ni pour reconnaître la lueur de peur dans ses prunelles dorées.
Aucun des vêtements de la paysanne n'étaient à la taille de l'adolescente, aussi Nessa se contenta t-elle de démêler la crinière châtain toute désordonnée de la plus jeune. Pour la robe, rien à faire, elle resterait sale. Sûre d'elle, la brune promit que Breval n'avait pas vraiment d'intérêt pour ce qu'ils portaient, du moment que tous les locataires étaient bien présents.
Une cloche sonnant huit heures leur annonça cependant que la question était superflue puisque Maureen se retrouverait très bientôt confrontée à la situation.
L'adolescente descendit nerveusement les escaliers, à la suite de son aînée qui sautillait presque, ayant repris son air innocent.
Elle apréhendait plus que tout le spectacle de tous les convives de Breval attablés à un seul endroit. Si chaque locataire était de la trempe de Nessa...
La gorge nouée, Maureen poussa la porte des cuisines.
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