En entrant, une forte odeur d'alcool et de viande nous imprégna les narines. Les éclats de joie des ivrognes accompagnés des notes de musique du joueur de luth animaient agréablement la soirée. Les murs en pierres de l'auberge et l'ambiance chaleureuse de l'endroit me rappelaient un peu ma maison. Je frémis un peu et souris, le lieu m'apportait une once de réconfort. Une jeune aubergiste de ma tranche d'âge courait de tables en tables, une petite goutte de sueur sur le front, pour prendre les commandes des clients. On s'assit à une table vide. De là, nous avions vu sur la cuisine où des casseroles et des cuisses de bœuf étaient pendues au plafond. Le cuisinier, un homme barbu d'une cinquantaine d'années, était derrière les fourneaux. Il agitait les couteaux à la perfection et préparait les plats à une vitesse déconcertante. Mon regard se posa un instant sur un groupe d'hommes avec leur chope de bière à la main et je laissais aller mes pensées divaguer, fermant les yeux.

-Psst Hélias ! Me chuchota mon compagnon de route Désirée à côté de moi

Je rouvris les yeux et me pencha vers lui, intrigué.

-La serveuse là bas, c'est une Bonémi j'en suis sûr !

Je tourna mon regard vers la jeune fille souriante qui servait la table derrière nous. Je la fixai un instant, jusqu'à ce qu'elle se tourne vers nous et croise mon regard. La brune s'approcha de nous 

-Qu'est ce que je vous sers ?

Je jetai un coup d'œil à mon jumeau en face, qui semblait attendre que je prenne la parole.

 -Ce que vous avez de moins cher, s'il vous plaît.

-Donc du pain de la veille ? répondit elle avec dédain

-Mais non ! Mettez-nous votre meilleure pièce de viande ! répliqua Jeanne, mon autre compagnon de route, Aujourd’hui c’est moi qui invite !

-Non non, le pain c’est très bien ! Insistais-je

-J’insiste pour payer une sublime entrecôte saignante à mes nouveaux amis !

-Merci Jeanne, vraiment.

-Tout le plaisir est pour moi ! 

-Donc, une entrecôte saignante ? nous demanda l’
-Non pas du tout. Cinq entrecôtes saignantes ! dit Jeanne en posant un sac de pièces sur la table.

La jeune fille semblait surprise.

-Si je peux me permettre, pour qui est la cinquième ?

-Pour vous, nous voudrions discuter

-Heu…d'accord très bien,  je reviens tout de suite ! répondit Béatrice en se dirigeant vers les cuisines, Papa ! Des clients m'invitent à manger, je peux prendre ma pause avec eux ?

-Bien sûr ma chérie, donne moi leur commande je te les apportent dès que c'est prêt.

-Merci Papa

Béatrice se tourna vers nous puis vint s'asseoir à notre table.

-Déjà je voudrais vous remercier de venir dans notre auberge ! 

-Avec plaisir, nous cherchions un lieu où passer la nuit et c’est l’endroit qu’on nous a conseillé. répondit Désirée avec un grand sourire.

- De quoi vouliez-vous me parler ? s'interrogea la jeune aubergiste

-Il y a 6 ans, la garde royale est venue dans notre village et a tué nos parents. répondit Peter d’un ton neutre.

Elle regarda mon frère avec de grands yeux ronds, étonnée, mais Peter continua.

-Avec Hélias, mon jumeau, nous avons vu toute la scène à travers la fenêtre de notre chaumière.  Heureusement nous nous sommes enfuis de justesse.

-Et…après vous être enfuis de chez vous, qu’est ce que vous avez fait ? la jeune aubergiste aux cheveux de jais nous fixait intensément, cherchant la raison de notre confidence.

Je jetai un coup d'œil à mon jumeau et lui fis signe de continuer.

-Nous sommes partis vers le Nord avec l’espoir de trouver un refuge pour ceux de notre espèce.

-Ceux de votre espèce ? elle haussa les sourcils puis compris. Vous êtes de bonémis !? nous chuchota-t-elle surprise, lançant un regard autour de nous.

-Oui, en effet mais nos parents eux ne l'étaient pas. lui dis-je.

-Alors pourquoi se sont t’il fait tuer ?

-C’était une erreur, ils les ont pris pour des bonémis.

Elle nous regarda d’un air navré, puis je poursuivis :

-Notre père nous a parlé d’un groupe de Bonémis se cachant dans les Terres du Nord, œuvrant pour se faire accepter au sein du royaume. Nous aimerions les rejoindre pour améliorer notre maîtrise de notre pouvoir et enfin être nous même. Dis-je, la voix chevrotante.

-J'aimerais enfin vivre sans me cacher, chuchota Peter qui tentait de retenir ses larmes

Je lui saisis la main, aussi pris par l'émotion. Ce terrible souvenir nous hantait depuis notre départ du village, nous donnant la force d’avancer. C’est avec cette force là que nous nous tenions devant celle qui allait être notre nouvelle amie ! Une nouvelle bonne amie !