Chapitre 9 : Un frère tourmenté
La pièce était, comme l'avait dit Rebecca, un petit salon. Plus que petit, il était minuscule et les quatre détectives s'y trouvaient à l'étroit. Il y avait un tapis rond qui occupait toute la pièce. Sur ce tapis il y avait un fauteuil en tissu vert dans un état déplorable. A côté, il y avait une tablette en bois, pas forcément en meilleure forme que l'autre meuble. Sur cette tablette était posée le journal local, avec à la une, la photo du château et un titre banal de fait divers : « Un meurtre chez les châtelains ». Maggie se doutait que, étant donné la récence des évènements, l'article avait dû être rédigé rapidement avant la publication du journal. Et c'était tout ce que la pièce comportait, si l'on excluait les deux petites appliques murales en forme de bougeoir qui étaient la seule pauvre source de lumière de la pièce.
Il y avait trois portes autres portes que celle par laquelle les détectives venaient d'entrer, une sur chaque mur. Béthanie se dirigea vers la porte de gauche, toujours sur les conseils de Rebecca, et frappa.
« —Entrez ! ordonna une voix grave de l'autre côté de la porte. »
Béthanie appuya donc sur la clenche et la porte s'ouvrit sur une chambre ni trop petite, ni trop grande. Il y avait une grosse armoire normande sur le mur face à la porte et un lit à baldaquin sur la gauche avec, sur chacun de ses côtés, une petite table de chevet plus ou moins encombrée. Sur la droite il y avait deux fauteuils semblables à celui du petit salon, mais en bien meilleur état. Ils étaient face à une immense fenêtre qui donnait sur le jardin, et sur la piscine. L'un des fauteuils était occupé par un homme d'une beauté saisissante qui se leva et se dirigea vers les détectives.
Christophe de Féniel ressemblait beaucoup à Victorine, ainsi qu'à son père. Il avait des traits fins, des yeux d'un bleu magnifique et, sous sa chemise noire, Maggie imaginait sans peine des muscles parfaitement dessinés. Il était visiblement plus jeune que ses sœurs.
« —Bonjour, commença ce dernier en serrant la main tour à tour à chaque personne qui venait d'entrer. Vous êtes les détectives c'est ça ?
—C'est exact, lui répondit Béthanie.
—J'ai vaguement entendu parler de vous. Vous souhaitez m'interroger je suppose ?
—Ce sera rapide.
—Je n'ai pas de rendez-vous de prévu, vous pouvez prendre votre temps.
—Nous, au contraire, nous n'avons malheureusement pas le temps de prendre notre temps. Alors nous allons être brefs. Donc, pour commencer, où étiez-vous au moment où votre sœur est décédée ?
—Ici même. Je dormais. J'ai travaillé toute la journée alors j'étais épuisé.
—Vous avez appris la nouvelle le lendemain ou vous vous êtes trouvé réveillé le soir-même ?
—Avec tout le raffut qui a été fait, il était difficile de ne pas être réveillé. Mais ce qui m'a sorti du sommeil était le cri que ma mère a poussé lorsqu'elle a découvert le corps de ma sœur dans la piscine. J'espère ne plus jamais avoir à entendre quelque chose de semblable. »
Il se retourna précipitamment et se dirigea vers la fenêtre pour ne pas que les détectives puissent voir qu'il pleurait, mais Maggie eut quand même le temps d'apercevoir une larme rouler sur sa joue. Il regardait dehors en se mordant le poing droit. Le silence qui s'installa dans la chambre dura environ cinq bonnes minutes avant que Christophe se retourne à nouveau vers les détectives, le visage aussi neutre que possible.
« —Excusez-moi, reprit-il, mais c'est beaucoup trop récent, je ne peux pas en parler sans m'émouvoir.
—Ce n'est rien, lui affirma Béthanie en s'approchant pour lui poser une main amicale sur l'épaule. Le contraire nous étonnerait davantage.
—Merci. Que voulez-vous savoir de plus ?
—Vous nous avez dit que vous travailliez toute la journée hier, que faites-vous dans la vie ?
—Je suis ingénieur dans l'entreprise familiale.
—L'entreprise familiale ? répéta Béthanie pour inciter l'homme à lui en dire plus à ce propos.
—Oui, elle a été créée par mon arrière-grand-père. C'est une société de construction de villas.
—Vous y avez toujours travaillé ?
—Oui. J'y suis entré à la fin de mes études et depuis je ne l'ai pas quittée.
—Qui d'autre, vivant ici, y travaille ?
—Joshua et Émilien, ils sont tous les deux architectes. Mon père, qui est le patron. Et c'est Bénédicte qui gère la vente et la publicité pour nos agences en Normandie.
—D'accord, merci. Autre chose à ajouter sur cette entreprise ?
—Non, rien. Tout marche comme sur des roulettes. Nous avons des cabinets un peu partout en France et, depuis peu, nous ouvrons à l'étranger. Et si vous voulez savoir, je ne pense pas que Victorine ait quelque chose à voir avec tout ça. Son mari est un très bon architecte et il ne pose de problème à personne. D'autres questions ?
—Oui. Vivez-vous encore chez vos parents ?
—Non, je ne suis ici que pour cette semaine. J'ai un appartement sur Paris. Avec ma femme. »
Maggie ressentit une pointe de jalousie à l'évocation du fait que cet homme ne soit pas célibataire, réaction l'étonna car elle ne lui ressemblait que très peu.
« —Et vous travaillez ici ? continua Béthanie.
—Oui, dans mon bureau grâce à mon ordinateur. Je ne pouvais pas me permettre de poser des jours de congés en ce moment, mais je ne voulais rater pour rien au monde ces retrouvailles. Donc j'ai emmené mon boulot avec moi.
—Mmmh. J'ai une dernière question.
—Je vous en prie.
—Connaissiez-vous des ennemis à votre sœur ?
—Non. Elle n'en avait pas. En tout cas je ne pense pas. Elle était si gentille avec tout le monde... »
Il se redirigea une nouvelle fois brusquement vers la fenêtre de sa chambre et ne dit plus rien.
« —Nous allons vous laisser, finit Béthanie, nous avons eu tout ce que nous voulions, merci de votre coopération. »
Il ne répondit rien à cela et les détectives quittèrent sa chambre ainsi que son petit salon. Ils se retrouvèrent donc dans le couloir vide.
« —C'est un homme qui ne manque pas de charme, fit Djamila avec un large sourire.
—Nous n'avons pas le temps pour complimenter son physique, les pressa Béthanie, il nous faut encore parler au mari de Bénédicte et, si nous avons le temps, à la locataire aussi. D'autant plus que nous ne savons absolument pas où ils se trouvent, alors nous perdrons aussi du temps à les chercher. »
Personne n'eut rien à ajouter et Béthanie se mit en route suivie de ses collègues. Elle redescendit les deux étages et, une fois arrivés dans le couloir du rez-de-chaussée, ils aperçurent Alice, appuyée contre le chambranle d'une porte menant à une pièce qui était encore inconnue aux détectives, son portable à la main. Elle était tellement absorbée par son téléphone qu'elle ne se rendit pas compte que les détectives s'approchaient d'elle.
« —Excuse-moi, dit Béthanie à l'adresse de la jeune femme. »
Cette dernière sursauta.
« —Pardon, reprit la détective, je ne voulais pas te faire peur.
—C'est rien, je ne vous ai juste pas entendus venir. Je peux faire quelque chose pour vous aider ?
—Nous cherchons ton père.
—Quand je l'ai vu tout à l'heure, il était dans le grand salon avec mon oncle. »
Béthanie la remercia et le petit groupe s'en alla en direction du grand salon où ils avaient mené leur interrogatoire le matin même.
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