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Chapitre 8 : Le régime de la paix

Décembre 1824, Beaugency.

Juste après la soirée, Augustin avait conduit Hortense hors de Paris dans leur demeure de Beaugency. Elle-même était encore toute remuée par ces retrouvailles inattendues et ils avaient besoin de reprendre leur esprit, avant de revenir affronter l'hiver parisien.

Il ne pouvait s'éterniser trop longtemps. Il lui faudrait revenir vers la capitale, reprendre sa charge à la cour des comptes, faire un semblant de mondanité pour ne pas sombrer totalement dans l'oubli...

Des paquets de neige gouttaient de la tonnelle du jardin. Un vent glacé écrasé sur les vitres embuées des flocons mouillées. La cheminée ronronnait un feu paisible et doux. Augustin avait tenté d'écrire quelques mots aujourd'hui, la plume rêveuse, la mâchoire crispée. Il hésitait encore : se souvenir ? Oublier ? Fallait-il coucher sur le papier le traumatisme et le rendre plus réel que jamais, plus sensible encore ? Pouvait-il oublier ? Seules quelques lignes, irrégulières, éparpillées, composaient ses mémoires. Dans ces moments, il peinait à organiser clairement ses idées. Il fermait les yeux, tentait de reprendre son souffle, mais ses lèvres bégayaient, son corps tombait comme un chiffon.

Le vrai problème, il le savait, c'était qu'il se sentait coupable. Il n'avait jamais dit à Hortense ce qu'il s'était passé en Russie. Il s'était toujours rassuré en se disant que les cadavres ne reviennent pas, que le crime était enfoui dans les neiges de Russie et ne devait plus jamais venir le hanter.

Le visage d'Emeric à la soirée avait tout fait ressurgir. Et le souvenir de ces terribles retrouvailles faisait monter des bouffées de peur et de haine, laissant la colère tout submerger pour affaiblir le sentiment de culpabilité. Il se rappeler, avec une précision terrible, les détails de cette nuit d'hiver en 1812. Il se souvenait de la vieille couverture qu'il avait volée dans une ferme perdue au bord du chemin de la retraite. Il avait eu le choix entre la morsure du froid et les poux : l'instinct de survie avait pris le pas, mais l'avait exposé aux irritations constantes, sans véritablement lui apporter quelque chaleur. Il avait cherché la motivation dans ce qui l'attendait en France : sa fiancée, Hortense... Mais là, dans la nuit, quelque part, Emeric était toujours vivant et continuait d'avancer. Il savait qu'elle aimait le lieutenant Daupias : déjà, leur mariage semblait voué à l'échec. La mort finit par apparaître comme une solution douce, la voie de sortie de toutes ses épreuves. Là encore, Emeric en obstacle. Son ami le secoue, le réveille, le rappelle à ses souffrances. Que voulait-il ? Qu'Augustin vive ? Il n'y avait qu'une solution pour cela !

L'officier laissa sa plume et grimpa au grenier. Il y avait laissé dans une caisse le manteau d'Emeric. La laine était élimée, les couleurs affadies, il n'avait plus guère l'allure somptueuse qu'il avait cette nuit de décembre lorsqu'Augustin le vola à son ami. Il éliminait ainsi son rival et sauvait sa vie... Se rappeler, oui, se rappeler : Emeric était le rival, l'obstacle à sa survie. Il avait eu raison de le trahir. S'il voulait se marier à Hortense, il n'avait pas le choix, et il était capable de tout pour sa femme.

- Augustin ?

Sursaut. La voilà ! Il entendit ses pas dans l'escalier du grenier. Elle se demandait sans doute ce qu'il y faisait. Il dissimula à toute vitesse le manteau, dans un haut-le-cœur qu'il réprima à grand peine et se retourna pour lui faire face. Elle eut un geste de surprise en le voyant rougi, crispé, nerveux, et tenta un geste d'apaisement :

- Tout va bien ?

- Rien qui ne te concerne, répondit-il sèchement.

Elle aperçut la caisse encore entrouverte et devina :

- De mauvais souvenirs ? C'est le retour d'Emeric qui te met dans cet état ?

- Cela doit sûrement te réjouir ! Tu retrouves ton amant de jeunesse.

Il la contourna sans un regard pour descendre l'escalier et rejoindre rapidement le salon où le feu ronronnait. Elle resta interdite. Augustin se montrait parfois lunatique, nerveux, maladroit, mais cette réaction montrait un changement d'attitude, vers plus d'agressivité. Jamais il ne s'en était pris à elle jusqu'alors.

Elle le suivit dans le salon et se risqua à l'embrasser :

- C'est toi mon époux, maintenant. Et rien ne changera cet état.

Elle le sentit s'adoucir. Il se tourna vers elle, encore incertain, confus. L'agressivité était partie.

- Viens Augustin, nous avons des amis. Aide-moi à les accueillir.

Des voisins avaient été invités par Hortense, sans doute pour distraire son mari qu'elle sentait mal à l'aise. Ils appartenaient aux vieilles familles des environs et occupaient presque tous un haut poste dans la fonction publique. L'un d'eux était maire ; un autre diplomate en Angleterre revenu dans ses terres pour quelques jours ; un autre était un émigré de retour en France avec le rétablissement de la monarchie : il était parvenu à retrouver son grade dans l'armée, comme colonel d'artillerie ; le dernier enfin était un membre éminent de la chambre des pairs. Avec pareil public, il était presque certain que la discussion glisserait sur un terrain politique.

Et cela ne manqua pas. L'émigré commença par conter ses voyages en Germanie, Russie et Angleterre, fuyant l'avancée inexorable de Napoléon, et se désola des transformations subies par la France à son retour. Louis XVIII était certes revenu sur son trône, mais les idées révolutionnaires continuaient de prospérer malgré la censure. Dans l'administration militaire où il travaillait, un grand nombre d'officiers cherchaient à retrouver leur place dans le service actif. Lui se méfiait d'eux : ils avaient servi l'Usurpateur. Ils avaient reçu leur avancement en combattant pour la France napoléonienne. Lui avait toujours été fidèle au roi, fidèle aux principes et aux traditions d'une France millénaire. Eux jamais.

Augustin écoutait tout d'une oreille distraite. C'étaient là des conversations qu'il entendait trop souvent et qui finissaient par le lasser.

Le diplomate enchaîna en pointant les menaces actuelles. Ils étaient nombreux à dire que la Révolution n'était pas finie, qu'ils en verraient encore quelque chose. Des sociétés secrètes se formaient, s'organisaient, complotaient, faisaient éclater parfois une bombe, tentaient un coup d'Etat, se terminaient par un assassinat... Il n'y avait de paix qu'en surface et l'illusion nous trompait derrière des apparences tranquilles. C'était une évidence : la guerre allait reprendre.

Guerre. Augustin frémit. Pour la première fois, le mot prit une connotation dérangeante. Jusqu'à présent, l'officier conservait une certaine fierté de sa participation aux guerres napoléoniennes. Mais aujourd'hui, le terme provoqua immédiatement des images dans son esprit. Il sentit la colère monter et s'exclama :

- Personne ne veut la guerre ! Ou alors, c'est qu'on ne la connaît pas. Ceux qui l'ont connu, qui l'ont subi, ne peuvent pas la vouloir. Tous ces gens qui complotent dans l'ombre pour rétablir un régime révolutionnaire, régime illusoire, de guerre permanente... Ces gens ne comprennent pas que c'est Louis XVIII qui a ramené la paix et la stabilité. Sous son règne, l'économie peut prospérer ; les familles peuvent s'agrandir sans craindre de voir le père, l'époux, le fils s'en aller dans une guerre sans issue... Et nos belles familles, qui se sont toujours illustrées en servant la France sur le champ de bataille, dans la diplomatie, dans le gouvernement, n'ont plus la crainte de se voir voler sans scrupule, accuser de traitrise et raccourcir la tête. Personne ne veut revoir la guerre sur le sol français ! Qui pourrait le souhaiter ?

- La France n'a toujours connu que des rois, renchérit Hortense. Ils sont inscrits dans son identité, dans ses fondements, à sa racine. Elles sont belles, les idées de liberté, égalité, fraternité. Mais elles ne sont pas nées avec la Révolution. Elles se sont épanouies sous le christianisme, ont mûri sous le règne de Louis XV, avant d'être exagérées, dénaturées par la violence révolutionnaire.

- On devrait récompenser ceux qui sont restés fidèles au roi, ajouta l'émigré qui ne se départait pas de cette idée fixe. Et virer tous ces officiers qui ont fait la guerre au service de l'Usurpateur.

Augustin n'avait guère écouter les imbécilités proférées par son invité jusqu'à présent, mais cette phrase vint le frapper de plein fouet et il comprit toute l'hypocrisie de l'émigré. D'un bond, il se leva et pointa la porte de son doigt en indiquant d'une voix ferme :

- Cela, je ne vous permets pas. Vous êtes sous mon toit et si vous insultez encore la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour Napoléon, certes, mais avant tout pour la France, vous serez prié de partir sur le champ.

L'autre se sentit piqué dans sa fierté et se leva à son tour pour rétorquer :

- Vous êtes plein de contradictions. Soutenez-vous le roi ou l'Usurpateur ? Défendez-vous la monarchie ou la Révolution ? Vous parlez de liberté, égalité, fraternité. Il en est d'autres, des valeurs françaises, et la fidélité en est une. Où est-elle aujourd'hui la fidélité ? Je ne vois que des girouettes qui refusent de payer les crimes commis sous la Révolution et l'Empire.

- Ils sont morts, idiot ! Cria Augustin.

A l'instant, il revit les cadavres empilés dans le coin d'une grange, l'ami qui s'effondre sur la neige, le camarade infirme battu à mort par les cosaques avant d'être abandonné sur le chemin. Pour qui se battaient-ils ? Pour Napoléon ? Napoléon était mort. Pour la France ? Quelle France ?

Complètement perdu, fragile, blessé, le jeune homme retomba dans son fauteuil et éclata en larmes. Il ne voyait plus ses invités et sa femme s'agiter autour de lui. L'émigré protesta, il voulait obtenir réparation, qu'Augustin retire l'injure ou paie pour ses paroles imprudentes. Hortense tenta de s'interposer, fit appel aux autres invités qui l'aidèrent maladroitement. On comprit qu'il fallait partir. Augustin n'était pas dans son état normal. Il était malade.

Quelle France ?

Il avait du sens, ce drapeau bleu, blanc, rouge, porté aux quatre coins de l'Europe. Mais Louis XVIII avait ramené la paix et pour ce geste Augustin lui accorderait toujours sa loyauté la plus sincère. Il avait ramené la paix, balayant ainsi les vagues sentiments bonapartistes qui demeuraient dans le cœur de l'officier d'infanterie. Le régime qui restaurait la prospérité en France ne pouvait qu'être doté des qualités les plus belles.

Cela voulait-il dire qu'il avait combattu pour rien ? Oui, c'était évident. Sous Napoléon, il avait connu l'hiver russe, il avait été fait prisonnier, il avait été conduit en Sibérie, il avait trahi son ami... Sous Louis XVIII... La paix, le calme enfin... Et Hortense.

Elle s'accroupit pour être à son niveau, essuya délicatement avec son mouchoir les larmes qui ruisselaient sur ses joues et murmura :

- Je ne t'avais jamais vu comme cela.

Elle se releva, vit ses mains trembler, et comprit qu'elle a peur. Peur de qui ? De quoi ? Augustin semblait profondément désemparé, comme si quelque chose s'était brisé en lui et le minait de l'intérieur. Comment savoir ? Comment l'aider ?

Elle lui prit ses mains et les serra doucement, pour le rassurer. Il sembla se détendre un instant, mais très vite les mauvaises pensées ressurgirent et il se tendit de nouveau. Il enleva subitement ses deux mains, se leva pour s'éloigner d'elle. C'était cela : elle lui rappelle bien trop Emeric, et le manteau... Le manteau dans le grenier, miteux, volé, sacrilège.

- Augustin ! Que se passe-t-il ?

- Hortense, promets-moi...

Il se tut. S'il lui faisait promettre, elle se douterait de quelque chose. Et si elle découvrait la vérité sur cette nuit de Sibérie, qui sait si elle l'aimerait toujours ? Si elle ne se tournerait pas vers Emeric, son amour de jeunesse ? Il ne devait pas susciter ses doutes...

Et s'il ne pouvait empêcher Emeric de revenir ? Si l'ami revenait tourner autour de sa femme et qu'il finissait par la lui voler en vengeance ? Tout s'écroulerait pour Augustin. Il savait que sa santé mentale était fragile et ne tenait que grâce au soutien de son épouse.

Il ne voyait pas encore monter en lui les sentiments de méfiance vis-à-vis d'Hortense. Une fissure venait d'apparaître, creusée par la culpabilité, la jalousie et la peur. S'il s'en était rendu compte, il n'aurait pas demandé à Hortense...

- Hortense, promets-moi que tu ne le reverras jamais. Promets-moi de le maintenir loin de moi. Je ne peux pas... le revoir.

Quelques mots... La curiosité d'Hortense fut piquée, son inquiétude déborda et sa décision fut rapidement prise : il lui fallait revoir Emeric.

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