Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Voilà ce que se répétait Hana depuis qu'elle avait instinctivement ramené ses bras autour de la taille de sa nouvelle et mystérieuse connaissance lorsque cette dernière avait démarré.
Yelena ne cessait de s'assurer qu'elle aille bien et Hana ne pouvait que hocher la tête.

Comment donc ne pouvait-elle pas aller bien alors que la femme la plus belle qu'elle n'avait jamais vu la ramenait chez elle ? Sur une moto qui plus est !

Peut-être un quelconque dieu l'avait-il pris en pitié et avait déposé une autre déesse à sa porte ? Elle ne voyait que ça.
Toujours est-il qu'elle ne pouvait cesser de sourire sous le casque que Yelena lui avait donné.

Néanmoins son sourire disparut bien rapidement lorsque cette dernière freina d'un coup en poussant un juron, faisant faire un arc bouté plus que dangereux à la moto.
Une grosse voiture leur coupa la route à toute vitesse et Yelena ne se priva pas de l'insulter à grand cris.

Hana ne sut comment elle l'entendit, mais elle se figea sur place alors que tout son petit corps se remplissait à son tour de colère.

- Tourne à gauche. Fit-elle en observant la direction d'où était venu la voiture avec fureur.

Yelena ne la questionna même pas et s'exécuta. La route ne tarda pas à s'enfoncer dans la forêt et Hana sut avant même de percevoir parfaitement les aboiements qu'elle ne s'était pas trompée.
Sa colère ne fit que redoubler lorsqu'elle vit enfin le chien.
Un énorme berger suisse blanc qui tirait inlassablement sur le bout de sa corde sans cesser d'aboyer.

- J'en étais sûr ! Il l'a abandonné, c'est pour ça qu'il roulait aussi vite.

À peine Yelena fut elle arrêtée qu'elle bondit de la moto.

- Tu pourrais appeler le refuge et leur donner notre location s'il te plaît ? fit Hana en enlevant rapidement son casque sans cesser d'observer le chien.

Ses aboiements redoublèrent lorsque Hana commença à esquisser un pas vers lui.

- Peut-être que s'approcher du chien super en colère est pas la meilleure des idées ? fit Yelena dubitative. Je sais qu'ils peuvent vraiment être dangereux...

Hana pour toute réponse enleva alors son sac et fouilla avec lenteur dedans sans détacher ses yeux du chien qui commençait déjà à montrer les crocs. Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait et mit fin à la distance qui la séparait du chien avec lenteur.

- Salut mon beau. Ne t'en fais je ne te veux aucun mal.

Elle tendit sa main vers le chien en se baissant vers lui pour se mettre à sa hauteur.
Ce dernier finit par comprendre qu'elle n'était pas une menace en se rendant compte de ce que sa main contenait.
Il s'arrêta d'aboyer et ne tarda pas à attraper les friandises que Hana venait de sortir de son sac.

- C'est bien ça. Bon chien, susurra Hana en passant sa main sur sa tête avec toujours autant de douceur.

Le chien accepta docilement ses caresses et ne tarda pas à même se presser contre elle. Elle se tourna finalement vers Yelena et ne put retenir un sourire en voyant sa tête.
C'était à son tour de l'observer d'un air ébahi.

- Il n'était pas vraiment agressif, expliqua simplement Hana sans cesser de caresser le chien. Juste terrifié. Un abandon c'est très traumatique pour un chien. Heureusement qu'on est vite arrivé. Je n'ose pas imaginer ce qu'il aurait pu vivre à cause de ce...

Elle ne put terminer tant elle était furieuse. Furieuse et, comme toujours, pleine d'incompréhension face aux comportements du genre humain. Elle prit néanmoins une grande inspiration, ce n'était pas le moment de se mettre en colère alors que le chien restait malgré tout certainement encore terrorisé.

- Viens. dit-elle donc à l'égard de Yelena.

La jeune femme s'exécuta avec suspicion. Mais ce fut tout juste si le chien grogna à peine avant d'accepter ses caresses à elle aussi.

- Tu vois, observa finalement Hana avec un sourire. Il a juste besoin qu'on le rassure un peu.

Yelena hocha la tête et ne put s'empêcher de sourire à son tour face à la mignonnerie du chien.

- Comment est-ce que quelqu'un a pu t'abandonner toi...

Les deux jeunes femmes restèrent ainsi durant un long moment, s'adressant à peine quelques mots, faisant de leur mieux pour que le chien se sente rassuré et calme.

Hana ne dit guère plus de mots lorsqu'une voiture du refuge que Yelena avait appelé arriva. Ni quand Yelena finit par enfin la raccompagner chez elle. Parce que si elle parlait, elle craignait que Yelena ne la considère comme une cinglée tant elle était courroucée face à ce qu'elle venait de voir.

Elle aurait dû savoir pourtant que les pensées de la blonde étaient bien loin de cela...

****

- Hana ! s'exclama Nour en voyant la jeune femme arriver au refuge le lendemain.

Cette dernière se figea d'un coup sur place, craignant un instant que sa patronne ait entendu parler de l'incident de hier.
Mais ses craintes retombèrent bien rapidement lorsqu'elle vit Nour presque bondir vers elle avec joie, ses mains triturant avec excitation les bords de son hijab.

- Il s'est passé quelque chose de bien ?

- S'il s'est passé quelque chose de bien ?! Tu rigoles j'espère !? Il s'est passé quelque chose de plus que bien ! Quelque chose de merveilleux !!

Hana l'observa d'un air perplexe, ne comprenant strictement rien à ce qu'il se passait. Nour dû enfin comprendre que si elle voulait que Hana partage son excitation, il allait falloir qu'elle sache au moins de quoi il fallait se réjouir.

- Bon, dit finalement la patronne en tentant de se calmer comme elle pouvait. Je t'en ai pas parlé parce que tu t'inquiètes déjà pour tout. Mais on avait de réel problème de financement ces derniers temps et je craignais qu'on doive se mettre à refuser les chiens par manque de fonds.

- Oh mon dieu non ! s'exclama alors Hana avec panique, ne pouvait retenir une grimace d'horreur.

- Voilà. C'est exactement ce dont je parlais... Enfin bon toujours est-il que tu n'auras pas à t'inquiéter bien plus longtemps. Parce que figure-toi que je regardais nos mails ce matin, et l'univers a dû prendre pitié de nous parce qu'on a reçu un don anonyme de... accroche toi bien ! CINQUANTE MILLE DOLLARS !!!

Hana se figea sur place pour la deuxième fois en à peine cinq minutes. Mais cela n'avait plus rien à voir avec de la crainte mais plutôt avec une joie, une pure joie extatique.

- Oh mon dieu ! s'exclama-t-elle alors, sentant des larmes de joies perler ses yeux. Oh mon dieu ! Mais on va pouvoir améliorer tellement de choses !

- Et on aura plus à s'inquiéter d'avoir de la place avant longtemps ! Si on s'arrange bien on va pouvoir agrandir le bâtiment ! Et je pourrais même te fournir un meilleur salaire !

Hana ne put retenir des petits couinements de joie à cette idée. Même si sa raison ne tarda pas à bien rapidement la rattraper.

- Mais tu en es sûre ? Je veux dire, ça pourrait être une arnaque ou je ne sais quoi...

- Oh que oui j'en suis sûre ! J'ai appelé le banquier à l'instant même où j'ai vu le mail pour m'en assurer. Je n'ai pas tout compris les motivations de ce mystérieux donateur, il était question d'excuses pour nous avoir blessé ou je ne sais quoi...

Quoi ?

Hana n'eut même pas le temps de bien enregistrer l'information que la porte d'entrée s'ouvrit derrière elle avant qu'une voix à l'accent mélodieux ne se mette à résonner dans la salle.

- Bonjour ! s'exclama ainsi Yelena.

Hana ne put s'empêcher de la regarder avec de grands yeux alors que Nour faisait de son mieux pour reprendre son professionnalisme en réajustant son hijab par reflexe afin de l'accueillir comme il se devait.
Hana quant à elle l'observa dans les moindres détails, et elle ne put retenir un léger hoquet de surprise en constatant que ses poings étaient couverts d'écorchure alors qu'une pensée s'insinuait en elle.

Nour quant à elle ne put garder son sérieux bien longtemps et ne tarda pas à étaler toute leur vie et sa joie d'avoir eu ce don à la nouvelle arrivante.
Alors il se passa une chose des plus étranges.

Hana n'en était pas sûr mais elle crut pendant un instant capter le regard de la blonde dont elle profita pour lui offrir un léger clin d'œil.

Alors Hana sût, elle n'avait aucune idée du pourquoi ou du comment. Mais elle sut que leur mystérieux donateur n'était autre que le conducteur d'hier, et que Yelena était responsable de son don.

Peut-être aurait-elle dû prendre peur à cet instant.

Peut-être aurait-elle dû ignorer Yelena pour éviter de se fourrer dans les ennuis.

Peut-être cela lui aurait évité de trouver Yelena chez elle, à trois heures du matin couverte de sang, trois semaines plus tard.

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