𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟻𝟺, 𝙺𝚒𝚎𝚛𝚎𝚗
Note d'autrice.
Et nous y voilà... le dernier chapitre ❤️ on se retrouve mercredi pour l'épilogue !
☾
Le pick-up s'arrête devant la grande maison principale, et Kieren coupe le moteur. Adrian ouvre sa portière et s'extirpe de la voiture d'un bon, qui lui arrache une légère grimace. Il a refusé de boire les deux derniers milkshake protéinés de Leyna, affirmant que c'était la chose la plus dégoutante qu'il avait jamais bu, et depuis sa guérison ralentit légèrement.
Kieren se tourne, attrape leurs sacs à l'arrière de l'habitacle, puis saute à son tour.
— Tu conduis plutôt bien, lui dit Adrian alors qu'ils s'avancent vers la porte. J'aurais jamais cru que t'avais le permis voiture, vu que tu conduis que ta moto.
Depuis que les agents du Bureau sont venus dans la chambre d'Adrian pour y trouver Kieren et lui imposer le bracelet de surveillance à la cheville, il ne cesse de perdre son équilibre et de lui donner des coups d'épaule involontaire.
La porte de la maison s'ouvre à la volée, et Lizzie saute les quelques marches du perron avant de courir vers eux.
— Oh, je l'ai pas. Mais c'était pas si compliqué.
Adrian a tout juste le temps de lui renvoyer un regard médusé avant d'attraper la jeune fille qui saute dans ses bras. Il la fait tourner deux fois avant de la poser au sol dans une grimace.
— Tu vas mieux ? demande-t-elle. Vraiment mieux, cette fois ?
Apparemment, quand elle a sauté sur son lit à l'hôpital en le voyant enfin réveillé, elle a été presque outrée de le voir geindre sous son poids. Apparemment, réveillé mais pas totalement guéri ne vont pas de paire pour elle.
— Oui, vraiment mieux.
Kieren hausse un sourcil et lui renvoie un air dubitatif, et Adrian pose son index sur ses lèvres pour lui intimer de se taire.
Dans les faits, Adrian est presque remis. Il a encore quinze jours d'arrêt maladie, et une pommade à appliquer sur son torse matin et soir, ainsi qu'un médicament à chaque repas pour l'infection sanguine.
Mais Kieren ne peut s'empêcher de se concentrer sur sa respiration ou sur les battements de son cœur chaque fois que le capitaine est silencieux plus de deux minutes. Ce qui arrive très souvent, car Adrian n'a jamais été un gros bavard non plus.
— Bon, tant mieux. C'est demain soir la pleine lune, et ça me manque de la faire avec toi. Papa est pas assez grand pour que je passe entre ses pattes.
Neil hausse un sourcil en entendant sa fille, alors qu'ils arrivent dans le salon. Kieren pose les sacs dans un coin, caresse la chienne Olympe qui prend soin de tartiner son pantalon pour une fois noir de poils, puis Iris s'approche de lui avant de s'asseoir sur ses pieds et de lever la gueule jusqu'à la poser à la vertical sur son ventre.
Ils s'observent plusieurs secondes, et il acquiesce lentement.
— Je sais, dit-il tout bas, seulement à elle. Bientôt.
Ari, comme tous les jours depuis que Kieren est rentré, lui fait les gros yeux quelques secondes avant de s'écraser contre lui un instant pour lui faire un câlin. Il se dégage rapidement pour se diriger vers son oncle, l'air de rien.
☾
Le repas est délicieux.
Il y a des bougies, de la viande, une assiette remplie pour lui, et Kayu sourit en le voyant tout engloutir. Neil est ravi quand il lui dit que c'est délicieux. Il ne boit pas une goutte de sang durant le dîner, et ne loupe pas l'air intense d'Adrian de l'autre côté de la table, alors qu'il étire exprès sa tête sur le côté pour dévoiler sa gorge.
Kieren déglutit, et passe le dessert à essayer de penser à autre chose.
— Ils parlent tous de lui, sur internet, confirme Lizzie en croquant dans sa madeleine recouverte de yaourt nature. Certains disent que c'est faux, d'autres trouvent ça chouette. Et d'autres... trouvent ça flippant.
Elle se tourne vers lui.
— Moi, je trouve ça cool, précise-t-elle en pointant ses cheveux. On va pouvoir choisir la couleur, hein ? Si tu deviens roux, on pensera que t'es notre oncle.
Adrian s'étouffe avec son verre d'eau, et Mika lui tape deux fois dans le dos.
— Tu pourras sûrement plus te balader en ville tranquillement, souligne Neil dans un soupir. J'ai aussi été faire un tour sur les réseaux, et il y a ton visage. Et celui d'Adrian, aussi. J'ai éteint le téléphone fixe, parce qu'on arrêtait pas d'avoir des appels.
Kieren grimace.
— Désolé, dit-il en posant ses couverts sur le coin de son assiette. Je pensais pas que...
— Au moins ils ne tentent pas d'entrer sur la réserve, le coupe Kayu avec de gros yeux, le défiant de continuer. Ca serait stupide de leur part.
Mika acquiesce.
— Ils disent que tu peux tuer des humains d'un claquement de doigt, et qu'Adrian arrache la tête de ceux qui posent un pied sur sa propriété.
Tout le monde se tourne vers elle.
— C'est Océane qui a lancé la rumeur, sourit-elle. Tant qu'à surfer sur la vague, autant que ça vous soit utile.
Pour être honnête, Kieren peut très certainement tuer un humain d'un claquement de doigt, d'une façon ou d'une autre. Et Adrian possède déjà cette réputation depuis un moment. Mais il ne va certainement pas cracher sur un peu de tranquillité après tout ça.
Plusieurs minutes plus tard la vaisselle est faite, la cuisine est rangée, et la TV est allumée. Les enfants commencent à prendre place sur le canapé quand Kieren s'arrête au milieu du salon.
— En fait je... je voulais essayer quelque chose.
Sa voix se perd dans le salon, mais ils se retournent tous vers lui. Adrian est déjà dans le fauteuil, les pieds sur la table. Kayu a volé le coin du canapé, et Neil leur prépare des fruits coupés. Seule Mika est encore debout.
Elle remarque la façon dont Iris s'arrête aux pieds de Kieren. Ses sourcils se froncent.
— Vous avez dû lire le rapport que j'ai donné à Ruby, n'est-ce pas ?
Ce rapport, d'une bonne vingtaine de pages, relatait avec détails toute l'affaire : les motivations de Violette Arche, sa fille, ses victimes, et surtout la seule qui a réussi à s'échapper et qui est à présent sous la protection des McHale.
Depuis son lit d'hôpital, Adrian a réussi à faire en sorte qu'Iris sorte des dossiers du département des crimes magiques, simplement en proposant au responsable Kerton de revoir Ruby et d'avoir un rendez-vous avec elle.
Mika acquiesce lentement, et son regard coule vers Iris. Il imagine parfaitement la peine qui doit lui retourner l'estomac chaque fois qu'elle pose les yeux sur elle, chaque fois qu'elle se dit que même si elle a rencontré sa liée, qu'elle peut la serrer dans ses bras, elle n'a jamais entendu le son de sa voix ou vu la forme de son visage.
— Alors je pensais...
Il jette un coup d'œil à Adrian, qui semble comprendre ce qu'il veut dire. Il a essayé, en tant que Descendant des loups, et ça n'a pas marché.
Kieren ferme les yeux. Quand il les rouvre, ses pupilles brillent et Mika déglutit.
— Oh..., souffle-t-elle en le regardant. Ça fait bizarre, quand même.
Il sourit doucement, s'amuse de l'air ébahi des enfants, puis baisse les yeux vers Iris. Il s'accroupit à sa hauteur, et voit Mika froncer les sourcils.
— Attends, dit-elle. Tu ne penses pas...
Il ordonne :
— Reprends forme humaine.
Une seconde. C'est le temps pendant lequel rien ne se passe. Tout le monde retient son souffle, fixe la louve.
Puis son museau se baisse, entraine sa tête : elle semble s'enrouler sur elle même, se tasser, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une petite femme avec des cheveux blonds, une peau bronzée, et de jolies yeux bleus.
Elle baisse son regard vers ses mains, écarte les doigts. Sa tête se relève vers Kieren. Ses lèvres s'ouvrent, comme pour dire quelque chose, et Kieren oublie un instant de bloquer le flux de ses pensées.
Il voit son visage, son visage, ses yeux dans l'obscurité, ses cheveux qu'il doit couper, sa peau presque rosée, ses sourcils épais, son nez droit. Il voit merci, merci, merci. Il voit une vague de sentiments, d'émotions, tellement forts qu'il se demande comment les autres peuvent vivre en ressentant tout ça en permanence : il tente encore de se faire à son ventre qui se tord quand Adrian lui prend négligemment la main ou la pose sur le bas de ses reins.
Elle ouvre la bouche, puis éclate en sanglots.
La pièce implose dans un capharnaüm d'exclamations surprises, de va chercher une couverture, de tiens, prend un fruit, de mon dieu tu es là, tu es là.
On entend même plus la TV, et Adrian finit par venir se placer à ses côtés. Il laisse un baiser discret dans ses cheveux, et Kieren rit.
☾
— Je t'attends en bas, d'accord ?
Adrian emporte avec lui le dernier carton, et le laisse seul dans l'appartement.
Toutes les fenêtres sont ouvertes, le ménage a été fait, et son propriétaire passera demain pour récupérer les clés. La cuisine ne contient plus que le minimum, le lit a disparu, le canapé a été donné à l'étudiant du dessous, et le reste des courses à la petite mamie du dessus.
Ils ont retiré ses rideaux, ont mis ses affaires dans des cartons et des sacs. La veille, Mika est passée récupérer ses fleurs et ses plantes alors qu'Adrian se rendait à sa séance de psy. Ils ont emmené Lace avec eux, et sa simple présence a fait grandir ses ficus de plusieurs centimètres. Le mage a été tellement satisfait de la manière dont Kieren s'est occupé de ses plantes qu'il lui a donné une tape sur l'épaule et un je savais que t'étais un bon gars. Il n'est resté que le temps de boire tout son café, de critiquer sa décoration, et de câliner ses fleurs, puis est reparti chez Océane l'air de rien.
A présent, il se rend compte qu'il a accumulé pas mal de choses. Il se rend compte qu'il a acheté des bibelots, des accessoires, des vêtements, qu'il s'est installé, qu'il a fini par oublier la première chose qu'il s'est dit en arrivant dans l'Atrium : je visite, puis je continue mon chemin.
Ne pas s'attacher. Ne pas rester.
Aujourd'hui, il ne sait même plus pourquoi il s'est imposé ça. L'envie de ne pas faire comme son père, s'enfermer dans une immense forêt pendant des siècles, l'a poussé à avoir peur de s'ancrer.
Il vérifie la salle de bain, puis le salon. Quand il revient vers la fenêtre, un grand sourire étire ses lèvres et il se déplace rapidement d'un bout à l'autre de la pièce. Il attrape sa chatte noire d'un mouvement de bras et la ramène contre lui.
Elle miaule de surprise.
— J'ai hésité, tu sais ? Je me disais que c'était pas très juste de ma part de t'emmener.
Il se souvient quand on la lui a mis dans les bras pour la première fois, dans ce café où il travaillait. Une cliente était entrée avec un air paniqué, un carton rempli de chats dans les bras. Apparemment la sienne avait accouché en secret dans la nuit, sous son lit, et depuis elle tentait d'en donner à toutes ses connaissances.
— Ma copine voulait déjà pas qu'on ait la nôtre, et j'ai réussi à la faire craquer, mais là...
Il en restait trois.
La patronne, une quarantenaire qui avait embauché Kieren au moment même où il lui avait fait un sourire suppliant, avait pris un petit bonhomme roux. Un homme qui venait enfin d'être en retraite avait pris la petite tricolore qui ne cessait de miauler.
Il ne restait plus qu'une grincheuse toute tremblante, entièrement noire, qui fixait Kieren de ses grands yeux.
La cliente lui a mis dans les bras.
— Quoi ? Non ! avait-il dit.
L'idée de s'occuper de quelque chose de vivant, de fragile, qui a besoin d'être nourri et occupé, de faire ses besoins quelque part et d'être caliné parfois lui donnait le tourni. Mais son poids dans ses bras, son petit corps étrangement agile, la manière dont ses pattes s'accrochaient à sa chemise : il a fini par ne plus vouloir la reposer.
Et à présent, elle miaule devant son visage.
— Mais finalement, parfois on te force un peu la main, on te met un bébé dans les bras ou on te colle devant des légos avec des enfants, et soudain t'as comme l'impression d'être chez toi.
Il la calle sur son épaule, et elle frotte sa tête contre sa mâchoire, essayant de lui mordre l'oreille à deux reprises.
D'un bras, il attrape le dernier sac, ferme la fenêtre, et va couper l'électricité dans l'entrée.
L'appartement est aussi vide qu'au premier jour.
— Allez, murmure-t-il alors qu'elle tente de jouer avec le cordon de son pull. Cette fois, quelqu'un nous attend.
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