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𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟹𝟻, 𝙺𝚒𝚎𝚛𝚎𝚗

Note d'autrice

HIHI !! Bien le bonsoir :)

Je suis très contente de vous poster ce chapitre et j'espère qu'il vous plaira, ça y est c'est reparti héhé 

Je suis en retard sur vos commentaires mais sachez que je les lis évidemment et plusieurs fois en plus, et je suis trop contente de lire vos retours à chaque fois ❤️ Aussi je me demandais, pour ma simple curiosité, à quelle moment de votre journée vous lisiez cette histoire ? Je poste deux fois par semaine et pourtant vous êtes toujours au rendez-vous, alors je me demandais si vous étiez plutôt histoire le soir dans le lit, le matin dans les transports, le midi à la pause...? Ca m'intéresse vraiment !

Je vous souhaite une très bonne lecture et je vous dis à dimanche !


Kieren hésite pendant une bonne dizaine de minutes.

Une fois seuls, Mika part s'enfermer dans son bureau presque immédiatement. De l'autre côté de la porte, il entend ses doigts taper sur le clavier, le ronronnement des ordinateurs, et son soupir quand elle se rend compte que Kieren reste debout derrière la cloison.

— Bon, ça suffit, soupire-t-elle. Vas-y, entre.

Il pousse la porte du bout des doigts. Il fait bien plus chaud à l'intérieur, il le sent directement sur ses joues. L'odeur de Mika, complètement omniprésente, détend ses épaules.

Ce n'est pas la même chose qu'avec Adrian. Avec lui, c'est quelque chose de brûlant, quelque chose qui lui donne envie d'oublier de contrôler ses mouvements, de traverser la pièce en quelques secondes pour se plaquer contre lui. C'est quelque chose de brutal ou de doux, quelque chose comme l'embrasser avec force jusqu'à le fondre dans le lit, ou le regarder dormir pendant des heures. Comme l'écouter donner des ordres, ou s'écrouler dans le canapé à ses côtés. Faire ses courses ensemble, poser des lèvres dans son cou. C'est comme le sexe, le sang, la tendresse.

Avec Mika, c'est presque plus facile. Il a envie de se rapprocher, de poser sa tête sur son épaule, de l'écouter parler de films ou de séries. Il a envie de manger avec elle, de la regarder faire la cuisine. Quand il pense à Mika, aux enfants, à Neil et Kayu, à la réserve, c'est comme la cabane au fond des bois. Comme les histoires de son père devant le feu, comme les caresses dans ses cheveux.

Elle se retourne vers lui, et ses sourcils se froncent devant son expression.

— Fais pas cette tête, soupire-t-elle. Ça me donne envie de tout te pardonner d'un coup.

— T'es encore en colère ? demande-t-il.

Elle croise les bras. Il grimace.

— J'aurais dû venir avant, pour m'excuser. Je pensais vraiment pas que ça t'avait...

— Enervée ?

Il acquiesce.

— Je comprends toujours pas vraiment pourquoi tu l'es, d'ailleurs. C'était une soirée difficile pour vous tous, et quand j'ai entendu que vous l'aviez retrouvé j'ai juste... je vous ai laissé de l'espace. Vous n'aviez plus besoin de moi.

— Tu penses que je t'avais appelé pour quoi, au juste ?

Il penche la tête sur le côté. Pour être honnête, cette soirée commence à remonter et sa mémoire affreuse fait son office. Il se souvient de la fin, du moment dans la forêt où il a abandonné son humanité pour devenir un chasseur, de la façon dont la seule chose à laquelle il pouvait penser, c'était qu'un enfant était en danger, que Ari — le petit garçon silencieux qui pour une raison inconnue semble apprécier Kieren — avait eu peur, qu'il avait été terrifié, blessé.

Cette fureur, il s'en souvient bien. La chaleur du petit corps du garçon en sécurité contre lui, il s'en souvient.

L'avant et l'après, en revanche, c'est assez vague.

Par contre, il se rappelle également ça :

— Tu pensais que je pouvais pister le sang. C'est pour ça que tu m'as appelé.

Elle lève les yeux au ciel.

— Je t'ai appelé, parce qu'en quelques semaines à peine t'étais devenu mon meilleur ami. Ca pourrait paraître ridicule, mais s'il y a bien un truc que nous, les loups, on fait très bien, c'est suivre notre instinct. Et mon instinct me disait : oui, c'est lui.

Elle s'écroule plus profondément dans son fauteuil. Kieren en profite pour se rapprocher, fait quelques pas dans la pièce. Il n'y a qu'une fenêtre ici, et à l'extérieur le ciel est sombre.

Il commence déjà à être tard.

— Alors je t'ai appelé. J'ai pensé à ton dossier et à cette observation sur tes soi-disant pouvoirs. Plus rapide que la moyenne, sûrement plus fort physiquement, et peut-être capable de pister le sang. Je sais pas d'où Ruby tient ça, mais c'est ce qu'elle a déduit sur toi. Personne ne connaît les pouvoirs précis de Ruby, mais ça a un rapport avec la lecture des gens.

Il ne dit rien. Kieren a l'impression que s'il répond trop vite, il risque d'en dévoiler trop. Et vu comme les McHale se rapproche de lui ces derniers temps, il a l'impression que ce n'est plus qu'une question de temps.

Peut-être qu'ils comprendront. Peut-être que ça ne changera rien.

— Enfin bref. Je voulais que tu sois là, parce que les fils de ma tante sont des cons, que mon frère est la pire personne pour rassurer quelqu'un, que Neil était occupé par sa femme terrorisée, et que mon neveu avait été enlevé dans sa chambre. Et t'as été là quand on avait pas de nouvelles. T'as cherché avec nous. Pourtant une fois que c'était fini, quand j'ai voulu me tourner vers toi pour te remercier, tu n'étais plus là.

Te remercier.

La manière dont elle le dit ne lui donne pas l'impression qu'elle parle de sa simple présence.

— Je pensais que c'était votre moment, dit-il lentement. Je ne fais pas partie de votre meute.

Elle lâche un rire sec.

— Oh, tu crois ?

Sa réponse le glace d'une étrange manière. Ses épaules se crispent, il se retient de reculer d'un pas.

— Mika, je suis pas un loup.

— Pitié, Kieren. T'as vu de tes yeux qu'une meute n'est pas forcément constituée uniquement de loups.

Et voilà.

Dans sa poitrine son cœur frémit. Ce n'est pas de la peur, pas vraiment : il a l'impression que son père vient de le surprendre à boire du sang de biche en cachette, dans la forêt.

— Quoi, vous pensiez que j'étais stupide ? Que toi et Ad' vous pouviez me laisser dans l'ignorance parce que je ne suis que la petite sœur ? Des gens enlèvent Ari, nous menacent, et tout à coup l'usine brûle et on le retrouve endormi dans la neige : et toi, la minute suivante, tu fuis comme un coupable en te disant que personne ne verra rien ?

— Mika...

— Je ne t'en veux pas seulement parce que t'es parti, Kieren. Je t'en veux parce t'as fait quelque chose, cette nuit-là, quelque chose pour laquelle je ne peux même pas t'en vouloir tellement j'avais peur et que j'étais enragée. Tu sauves mon neveu, ma famille, et ensuite tu la fuis. C'est vraiment ça que tu penses ? Pas de la meute ? Par pitié. Tu sais très bien quelle est ta place, Kieren. Tu l'as su dès que t'es entré dans la réserve.

Il déglutit.

D'un mouvement brusque il ferme les yeux, se concentre : son cœur veut repartir, contre son gré, et il sent presque son côté humain crier, ramper pour revenir à la surface. L'équilibre est fin, il l'a toujours été.

Dès le moment où, dans le miroir de sa salle de bain, il a décidé de l'arrêter. De devenir le vampire qu'ils voulaient tous qu'il soit.

Quand il rouvre les yeux, il se sent au bord des larmes. Des vraies, translucides : son corps est assez fort pour cela. Et quand son regard croise celui de Mika, l'expression de la jeune femme s'adoucit presque immédiatement.

Elle étire ses lèvres avec douceur.

— Oh, Kieren. Je suis désolée, je voulais pas...

Elle secoue la tête.

—... dire ça comme ça.

Sa main s'agite dans l'air, elle lui fait signe de se rapprocher. Ce qu'il fait, parce que là tout de suite il se sent comme un enfant en faute, et il a envie d'être proche d'elle.

— Je suis désolé, murmure-t-il. Je pensais... c'était...

Je devais être seul. C'est ce que je m'étais promis : jamais trop près.

— C'était trop, souffle-t-il. Et j'ai eu peur.

Il secoue doucement la tête en s'appuyant contre le bureau.

— Et t'as tort, tu sais ? Je l'ai pas compris tout de suite. Je suis plutôt du genre long à la détente.

Elle sourit, et il l'imite.

Ce n'est pas un mensonge. Il est parti, cette nuit-là, parce qu'il était hors de question qu'ils le voient tous comme ça : qu'ils voient ses cheveux, ses yeux, le sang sur ses vêtements. Il y avait des étrangers, les cousins et la tante, et il ne pouvait pas deviner leurs réactions.

Mais même s'il n'y avait eu que Mika et Adrian, il ne serait pas resté. Même maintenant, il ne se sent pas prêt à tout leur dire.

— Sans blague, répond-elle en haussant un sourcil. J'avais pas remarqué.

Son fauteuil grince alors qu'elle s'étire vers l'arrière.

— Bon, maintenant que je suis plus si en colère contre toi, faut qu'on se mette au boulot. Je vais m'occuper de sortir les détails pour les victimes qu'on avait pas encore. Toi, vois si y'a des différences dans la manière dont ils sont morts.

Ils ont planché sur l'affaire jusqu'à minuit.

C'est frustrant, ce genre d'enquête : dans les enlèvements ou les agressions, il n'y a pas besoin d'analyser chaque ligne d'un dossier pour essayer d'en sortir un détail oublié, de fixer la même photo pendant des dizaines de minutes sans y voir autre chose qu'un mort affreusement mutilé, de relire encore et encore le compte rendu du légiste sur les cinq cadavres retrouvés.

Pour comparer le tout, Kieren a même été obligé de faire un tableau de différences/ressemblances sur la manière dont les corps sont morts. Il a eu l'impression d'avoir trois ans, et de travailler sur les livres d'images que son père lui ramenait du village le plus proche pour lui apprendre du vocabulaire.

Alors quand ils ont finalement reçu un message fatigué d'Adrian sur la conversation de groupe qui leur indiquait que c'était bon pour ce soir et qu'ils pouvaient revenir demain à la première heure, Mika et Kieren n'ont pas hésité.

Ils ont remballé leurs affaires, ont éteint les PC, et se sont dirigés vers le rez-de-chaussée. A cette heure, il n'y a plus personne dans les locaux.

— T'as besoin que je te ramène à la réserve ? T'es venue comment ?

Mika sourit et remonte son sac sur son épaule. Ses cheveux sont remontés en une queue de cheval lâche à la base de son cou.

— Je suis venue comme une grande, avec ma voiture. C'est pas parce que je squatte celle de mon frère presque tous les jours que je sais pas comment ça fonctionne.

Elle lui lance un regard entendu.

— Encore heureux que j'ai mon permis, d'ailleurs. Parce qu'Adrian est pas rentré depuis deux jours : mais je pense pas t'apprendre quelque chose, là.

Il ne retient même pas sa grimace. Peu importe ce qu'elle a senti sur lui quand il est arrivé dans la salle de réunion, elle a compris tout de suite.

Il se racle la gorge.

— Est-ce qu'on... a besoin d'en parler ?

— Du fait que tu couches avec mon frère ? Je sais pas, t'en penses quoi, toi ?

Dehors, la nuit est sombre. Il voit les pupilles de Mika jaunir légèrement alors qu'elle s'adapte au manque de lumière. Le ciel couvert cache même la lune.

— Je ne pense pas que ça veuille dire grand-chose.

— Oh, vraiment ?

Kieren hausse les épaules.

— On en a pas parlé, en tout cas.

Il ne sait pas quoi dire de plus. Même lui se sent complètement perdu par ce qui arrive avec Adrian : le loup lui en voulait, s'irritait de la simple présence de Kieren, finit tout de même par le considérer comme un membre de l'équipe, comme un invité dans sa meute, et tout à coup il lui propose son sang, le touche comme s'il était la personne la plus précieuse au monde.

Ils ont regardé des films, ils ont dormi dans le même lit, ils ont mangé ensemble — et ça aussi, Kieren considère ça comme un geste plus intime que le sexe.

Mais ils n'ont pas parlé. Adrian n'est pas franchement quelqu'un de loquace, et Kieren s'est toujours promis de ne jamais se rapprocher de quelqu'un à ce point. Quelques années plus tôt, il ne savait même pas que c'était possible.

A présent qu'il en a presque envie, ça le terrifie.

— Les mecs et le manque de communication, soupire-t-elle. Je suis pas devin, j'aimerai te donner des conseils ou te renseigner sur les sentiments de mon frère parce qu'ils sont évidents, mais c'est un sale coincé et un cœur d'artichaut de temps en temps, alors on peut jamais deviner.

Elle s'arrête, et tire sur sa manche pour le forcer à faire de même.

— Vous faites ce que vous voulez, hein. Ça me regarde pas, et je sais que j'ai mal réagit tout à l'heure en sentant... enfin pour ma défense va falloir que tu investisses dans du gel douche annihilant, parce que je peux presque deviner ce que vous avez fait exactement. Mais je t'en veux pas à toi, pas pour ça c'est sûr. Par contre j'en veux juste un peu à Ad' parce qu'encore une fois il couche avec l'un de mes amis, et avec lui ça finit toujours mal.

Kieren fait la moue, et tente de renifler son propre col. Ça sent la lessive et l'odeur corporel d'Adrian. Lui, en tout cas, ne sent rien de honteux.

— Tu veux dire, comme avec Rose ?

— Ouais, comme avec Rose. J'ai voulu me mêler de ce qui me regardait pas, et j'ai cru que c'était elle qui l'avait fait souffrir alors qu'en fait...

Elle soupire.

— Bref. Cette fois, c'est vos affaires alors je m'en mêle pas. Mais même si tu finis par t'engueuler avec Ad' et par plus vouloir voir sa tronche, sache que t'es toujours le bienvenue à la réserve.

Elle lui donne un léger coup d'épaule. Son sourire est amusé, doux, et surtout fatigué.

— Bon, allez. Si on doit revenir ici demain matin, je vais essayer de dormir autant que je le peux, j'ai une migraine atroce : je sais pas où j'ai mis mes lunettes pour les écrans et je sens que ça tire.

— Tu t'es garé où ? Je croyais que vous aviez une place au parking du sous-sol.

Elle acquiesce en levant les yeux au ciel.

— On en a une, oui. Et c'est Ad' qui l'a prise, alors je me suis garée à deux rues d'ici.

Sa main fait un geste en vague en direction des ruelles qui s'échappent de la grande avenue. L'une d'elle est sombre, et même si Kieren y voit bien, il se retourne tout de même vers Mika.

— Tu veux que je t'accompagne ?

Le regard surpris qu'elle lui renvoie lui prouve qu'il vient presque de l'insulter.

— Je ne suis peut-être pas la Descendante des loups, et je ne peux certainement pas lire dans les pensées des autres vampires, mais je suis quand même un être magique, Kieren. Je suis une louve. Ce qui veut dire que...

— ... que t'es plus forte qu'un humain, je sais. Mais on vient de travailler pendant des heures sur des meurtres de mages, de sorcières et de loups. Alors je préfère —

Elle lève les yeux au ciel à nouveau.

— Arrête de faire le mâle alpha, ok ? Ça te va pas du tout. Monte sur sa moto bariolée et va enfin te laver correctement, par pitié.

Il laisse échapper un rire bruyant et pose sa main sur sa bouche pour retenir le reste. Ils échangent une dernière accolade, et elle lui tourne enfin le dos pour s'éloigner de l'autre côté.

Il a à peine commencé à enfiler son casque quand son téléphone vibre dans sa poche.

Capitaine : Je suis devant chez toi, j'ai déjà acheté à manger. Dépêche.

Kieren retient son sourire de toutes ses forces.

Kieren : Je croyais que tu squattais seulement parce que j'étais blessé. Je le suis plus, tu t'en es assuré.

Capitaine : Très drôle.

— Je suis plutôt sérieux, en fait, murmure-t-il dans la nuit.

L'air s'est vraiment refroidi, et il est surpris par la brume qui sort de sa bouche. Son regard s'éteint légèrement. Il adore la neige, ça lui rapelle chez lui, mais il a très vite remarqué que les vampires ne produisaient aucune chaleur. Pas au point de créer de la condensation devant leurs bouches, en tout cas.

Adrian n'a pas eu l'air de remarquer que ses souffles étaient vrais, remplissaient réellement ses poumons. Il n'a pas remarqué à quel point son corps brûlait de plus en plus cette nuit-là.

Il adore la neige, mais l'hiver ici signifie plus de respirations. Plus d'air. Un pas de plus pour enterrer l'humain à l'intérieur de lui, et pour forcer le vampire à prendre encore plus de place. Arrêter son cœur a déjà été si douloureux qu'il en tremble encore quand il y repense. Les deux hivers qu'il a vécu dans cette ville l'ont forcé à arrêter également ses poumons pendant plusieurs mois, et la douleur était presque étourdissante.

Il maîtrise son corps. Il le dresse comme un animal dont il est le maître.

Mais c'est tellement épuisant que l'idée de le faire à nouveau lui donne envie de pleurer, pour la première fois depuis des lustres.

Kieren : Je suis pas sûr qu'on devrait continuer. C'était une erreur et

Il n'a pas le temps de terminer son SMS. Tout à coup ses doigts se crispent sur son téléphone, et sa tête se redresse dans un craquement.

Un léger cri, un corps qui tombe au sol.

C'est à peine audible, apporté par une brise fraîche qui vient de plusieurs mètres devant lui. L'avenue est complètement silencieuse, mais...

Son sang se glace, son cœur se serre. Il laisse tomber son téléphone au sol. Dans sa tête, un murmure résonne encore et encore.

Meute.

Danger.

Il ne se rend même pas compte que ses pieds bougent avant que son corps ait déjà fait plusieurs mètres. D'un petit bon, il passe au-dessus de la rambarde de sécurité et traverse la route déserte. Sa vitesse le prend de court, ça fait longtemps, mais la rage et la peur prennent le pas sur tout le reste : son épaule tape contre le mur quand il entre dans la ruelle.

Il dépasse les poubelles, atterrit dans une nouvelle avenue. Il y est presque. Une voiture manque de le faucher, mais il passe devant elle sans faire attention et les freins crissent un instant.

Le bruit résonne dans les ruelles désertes.

C'est peut-être ça qui attire l'attention de la personne penchée sur Mika. Une silhouette encapuchonnée se fige dans les ombres et la fumée de ce coin isolé. Elle se redresse vers lui. Leurs regards se croisent : des yeux noirs, profonds, qui s'écarquillent doucement.

Le choc immobilise Kieren quelques secondes.

La première chose qu'il sent est le sang : un sang sucré, agréable, qui vient de la petite flaque rouge autour du crâne de Mika. Elle est immobile, sur le sol, le visage détendu et pâle. Son élastique s'est cassé, et ses cheveux sont libérés en auréale sur le bitume.

Ensuite c'est l'argent : l'odeur traîne dans l'air, manque de lui arracher un frisson de dégoût. Il ne sait pas d'où ça vient, mais la sensation l'enrage autant qu'elle l'affaiblit.

Et enfin, quelque chose de plus sous-jacent. Ce n'est pas mauvais, ce n'est pas réellement puant, mais ça lui rappelle un arôme fort et dégoûtant. Ca lui fait mal aux dents, mais il se rend rapidement compte que c'est sa mâchoire trop serrée qui fait pression sur ses molaires.

— Éloignez-vous d'elle, ordonne-t-il d'une voix tellement sourd qu'il a l'impression que son cœur va s'échapper de sa poitrine.

La silhouette se redresse lentement, et il est incapable de dire si c'est un homme ou une femme.

— Tout de suite, insiste-t-il en faisant un pas en avant.

L'inconnu baisse les yeux vers Mika, vers son sang qui s'étire doucement vers l'extérieur. Elle a besoin d'un médecin. Elle a besoin d'un médecin tout de suite. La panique étreint Kieren avec force, tout son corps tremble.

Il ne bouge pas pour autant.

Si le paterne est correct, alors la prochaine victime sera un mage. Ils se sont trompés. Ils se sont trompés, et à présent ils en payent le prix. L'odeur du sang manque de le faire rugir. Mika ne sera pas la prochaine victime, ça c'est certain.

— J'ai dit..., souffle Kieren et cette fois le vampire en lui refait surface.

Ses yeux brûlent, s'illuminent. En face, l'inconnu retient son souffle et quelque chose passe dans son regard : le choc le traverse, il se fige.

Car Kieren se laisse remonter à la surface. Et il voit presque le reflet de ses propres couleurs dans les prunelles sombres qui l'observent en silence.

Du rouge, celui des vampires, celui de la mort.

Et du bleu, celui du Représentant, celui de Cole.

De la voix autoritaire du Descendant des vampires, il ordonne :

Ecarte toi. Sur-le-champ.

Le tueur en série, le vampire qui ne tue que des loups, des sorcières et des mages, l'inconnu qui se tient face à lui reste immobile. Il ne remue même pas un orteil.

Et alors Kieren l'entend. Son cœur.

Ce n'est pas un vampire.

Quelque chose en lui se glace. Son esprit s'embrouille, ses sourcils se froncent. Ce n'est pas lui ? Je me suis trompé ?

Et : il m'a vu, il m'a vu, il m'a vu.

Alors Kieren fait un pas en avant, car Mika gémit lentement, les paupières tremblantes. Elle a besoin d'un médecin.

C'est ce mouvement qui fait enfin réagir l'inconnu. D'un coup il tourne les talons, s'enfuit vers la seule autre sortie de la ruelle. Sa vitesse n'est pas affolante, il est rapide mais Kieren l'est sûrement bien plus. Les odeurs se mélangent sous sa panique, et il cligne plusieurs fois des yeux pour faire disparaître les couleurs qui imprègnent ses pupilles. Il n'a pas senti le picotement caractéristique qui lui indique habituellement que ses cheveux ont blanchi, mais c'est la dernière chose à laquelle il pense sur l'instant.

Il hésite à le rattraper. Les images défilent, il se voit passer au-dessus de Mika, plaquer cet enfoiré au sol. Il se voit le retenir, lui casser peut-être les jambes pour l'empêcher d'aller plus loin. Il se voit se retrouver avec deux corps à transporter, se faire ralentir, laisser l'état de Mika empirer.

Il voit tout ça, et une pierre tombe sur son estomac.

Alors il tombe à genoux à côté de sa meilleure amie, et la prend dans ses bras.

— Ça va aller, d'accord ? dit-il d'une voix perdue. Ça va...

Leyna. Elle est médecin en ville. Dans quel hôpital ? Pas celui où t'es allé, ça c'est sûr. Elle a son cabinet, dans le centre, mais elle fait parfois des heures à la clinique privée sur la grande avenue ouest.

La grande avenue ouest n'est pas loin, dans l'autre sens. Alors il la soulève, déglutit, et se prépare à foncer.

Quand il sort de la ruelle, il n'entend même plus les pas de l'inconnu. 

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