𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟸𝟸, 𝙺𝚒𝚎𝚛𝚎𝚗
Note d'autrice.
Bonsoir ! Je vous avoue qu'avec mon retard de lundi le mercredi est arrivé tellement vite que j'ai bien failli me louper encore une fois et oublier de poster mdrrr
Ce chapitre est sûrement une petite feinte pour vous, parce que ce n'est pas la suite directe du chapitre précédent (et non, pas encore la baston...) mais... UN FLASHBACK ! Certains les adorent, d'autres les détestent : je suis désolée pour ces derniers, mais pour moi le passé de Kieren est important et il montre pourquoi il fait certains choses dans l'histoire, et en plus j'adore imaginer sa petite bouille de vampire et ses cheveux blancs...
BREF, aujourd'hui on repart dans les bois enneigés pour voir la relation de Kieren et de... son père :)
Je vous souhaite une bonne lecture ❤️
☾
Vingt ans plus tôt
Le coup lui arrive dans la poitrine, et Kieren tombe en arrière dans la neige, glissant sur plusieurs mètres. Un gémissement lui échappe, et il se relève en observant ses genoux éraflés.
Son père s'approche et soupire en voyant que ses blessures ne se referment pas.
— Je t'avais dit de boire aussi le sang, fait-il d'un air désolé.
— La viande était meilleure, répond le garçon en haussant les épaules.
Ses cheveux sont trempés à cause de la neige dans laquelle il chute depuis plus d'une heure et des flocons qui n'ont pas cessé de tomber.
— Tu peux prendre les deux, je te l'ai déjà dit.
— Mais quand je bois trop de sang j'entends trop de choses et ça fait mal.
La semaine dernière, quand il a bu presque trois verres d'affilés du sang de sanglier que son père a ramené pour lui — Kieren est le seul à en manger la viande à chaque fois — il n'a pas réussi à trouver le sommeil pendant trois jours ensuite, beaucoup trop perturbé par tous les sons de la forêt et de ses habitants nocturnes. Il a même entendu son père, qui en ce moment s'échappe de la cabane toutes les nuits, aller se baigner dans le lac à moitié gelé de l'autre côté de la clairière.
En l'entendant, son père fait la moue. Ils ont coupé ses longs cheveux blancs quelques jours plus tôt : c'est Kieren qui l'a fait, avec la lame qu'il lui a tendu. Il a fait comme il a pu, il s'est appliqué, il a suivi ses instructions, pourtant ses mains se sont mises à trembler à la première petite coupure.
Le sang de son père lui fait toujours cet effet. Il lui a dit que c'était normal.
— Pardon, s'excuse-t-il en lui caressant la tête avec ses grandes mains. J'oublie toujours que tu n'as pas l'habitude.
Kieren adore quand il sourit. La plupart du temps, c'est un sourire assez triste même si dans les histoires qu'il lui raconte le soir il précise toujours que lui ne ressent pas tout aussi fort que les autres. La peine ne l'atteint pas comme un humain, la douleur non plus, et sûrement pareil pour l'amour et ou la joie. Mais ses sourires, quand ils sont là, Kieren les observe avec de grands yeux et essaye de les imprimer dans sa mémoire.
Ça ne fonctionne presque jamais, car sa mémoire est nulle.
Son père l'observe, de ses yeux bleus si intenses que Kieren se demande parfois ce qu'il voit avec. Plus de choses que lui, certainement.
— À quoi tu penses ? demande-t-il.
Son père est encore tellement plus grand que lui. Il dit toujours que Kieren grandit vite, qu'il a l'impression que c'était hier encore qu'il pleurait dans son berceau en retournant la cabane d'une simple colère.
Il a appris à marcher dans cette forêt, à utiliser ses pouvoirs, à lire et à écrire, à courir entre les arbres, et à présent il est là, pieds nus sous les flocons, à apprendre à se battre car son père souhaite qu'il sache se défendre.
Ça fait mal quand il n'arrive pas à éviter et qu'il se prend un coup, mais pas autant que l'expression froissée de son père chaque fois que Kieren est trop lent pour esquiver, comme maintenant.
— Tu veux toujours savoir à quoi je pense, en ce moment.
— C'est parce que j'arrive pas à deviner. Et toi aussi, en ce moment, tu me regardes tout le temps.
— Je regarde mon fils, c'est tout. Je ne pense à rien.
Kieren fronce les sourcils.
— C'est pas possible. Moi, je pense toujours à quelque chose.
Son père sourit, et un ricanement s'échappe de ses lèvres. Il lui arrive à peine à la hanche, et il lui paraît si grand.
— Je sais. Sûrement ton côté humain.
— C'est... une bonne chose, alors ?
— Ce sera toujours une bonne chose de vivre. Mange de la viande si ça te fait plaisir, et pense à autant de choses que tu veux. Mais si tu veux survivre, alors tu ne peux pas éviter le sang. Sinon, ton corps sera aussi fragile que celui de n'importe qui.
Il baisse les yeux sur les bleus de ses bras et l'écorchure de ses jambes qui se referme tout doucement. Ses lèvres se serrent.
— On va arrêter là pour aujourd'hui, dit-il.
Kieren secoue la tête.
— Mais je t'ai pas touché une seule fois.
— Demain, on reprend. Et ce soir, tu manges et tu bois correctement.
Il lui tend la main et Kieren ouvre grands les yeux. Un contact physique, c'est tellement rare qu'il les savoure comme les bonbons au sucre qu'il ramène de chaque voyage. Son père n'est pas quelqu'un de très stable, un jour il le traite comme son soleil, comme un don qu'il a reçu et dont il prend soin, et le lendemain il s'éloigne, il le fuit, et seulement l'entendre semble lui faire du mal.
Quand il l'invite pour une histoire au coin du feu, dans la cabane, prélassé sur ses genoux, jamais Kieren ne refuse. Quand il lui tend la main, le visage doux et les traits détendus, il la prend et la serre fort.
Son père est ainsi, et même s'il affirme ressentir moins fort, Kieren est presque certain que pour une fois, il se trompe.
— Et toi, à quoi tu penses ? demande-t-il en voyant que le regard de Kieren est perdu vers l'orée de la forêt.
Leur cabane est bâtie dans une clairière, enneigée dix mois sur douze. Il y a de l'eau à côté, de la nourriture tout autour d'eux, et les montagnes les entourent à des kilomètres de là. Une vallée, seulement l'une des nombreuses que comptent l'immense forêt du nord.
— Je pense aux loups.
— Ah ?
— Je me demande s'ils voudront bien que je reste encore une fois avec eux quand tu seras parti.
La main glacée de son père se serre autour de la sienne. Il voit qu'une émotion passe sur son visage, et se demande s'il lui a fait de la peine en parlant de ça.
Régulièrement, son père disparaît. Il s'éloigne dans la forêt, toujours du même côté, et revient quelques semaines plus tard les bras chargés de cadeaux. Les villages humains sont par là-bas, c'est ce qu'il dit, et il lui ramène de la nourriture différente, des vêtements, des petits objets pour leur cabane, et d'autres choses qui le surprennent à chaque fois.
Les livres, c'est peut-être ce qu'il préfère. Tout un mur de leur cabane en est rempli, même s'ils s'abiment vite à cause de l'humidité.
Kieren sent toujours ces voyages arriver, maintenant. L'expression de son père se fait lointaine plus régulièrement, il s'éloigne davantage la journée, et s'énerve plus facilement. Il s'excuse quand sa voix se hausse, mais Kieren a eu sa réponse il y a des années déjà : son père n'a jamais eu l'habitude de vivre avec quelqu'un. Il a été seul pendant longtemps, tellement longtemps, et maintenant la présence de quelqu'un d'autre le bouleverse encore parfois.
La solitude est pesante, tout comme l'est une présence permanente. C'est un équilibre précaire, mais un équilibre tout de même.
Alors il sait que ces voyages sont nécessaires. Mais ça ne l'empêche pas d'être triste, à chaque fois, de se retrouver seul.
— Je suis désolé, lui dit son père d'une voix presque rauque.
— J'aime bien les loups, contre Kieren. Je disais pas ça pour te faire de la peine.
— Je déteste te laisser seul.
— Je sais.
Il tente de lui offrir un sourire : ça fonctionne parfois, et là il voit que son père se détend légèrement.
— Je te ramènerai d'autres livres.
— Plusieurs ?
— Assez pour que tu n'aies plus à relire les mêmes trop souvent.
La porte de la cabane grince sur ses gonds quand son père la pousse. Il la referme derrière eux, puis agite la main pour qu'une bûche s'élève dans l'air et aille se poser dans le cheminée. Le petit bois suit, de même que le briquet qui s'allume et enflamme le tout.
Kieren observe le tout avec fatigue et satisfaction : il n'arrive pas encore à faire la même chose, surtout aussi facilement, mais son père dit qu'il apprend bien.
— Change-toi et reste près du feu, ordonne ce dernier après avoir vérifié les réserves presque vides. Je vais chasser quelque chose, je reviens dans un instant.
— Une histoire, ce soir ?
— Tu n'as presque pas dormi la nuit dernière. Alors non.
— Mais si jamais tu pars demain ?
— Je ne partirai pas demain.
— Promis ?
Son père l'observe. Pendant de longues secondes, avec ses yeux luisants dans la cabane sombre, la main sur la poignée de la porte.
Kieren voudrait tellement savoir à quoi il pense.
— Promis, confirme-t-il.
Quand la porte claque, le laissant seul, Kieren ne bouge pas tout de suite. Il écoute son père qui s'éloigne dans la neige, puis l'entend partir en courant, d'une vitesse qu'il peine à suivre et qu'il perd au bout d'un moment.
Le craquement bruyant du bois, finalement, est la seule chose qu'il perçoit.
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