𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟺𝟻, 𝙰𝚍𝚛𝚒𝚊𝚗
Note d'autrice.
Bonne lecture à tous !!
☾
— Adrian ?
Adrian remue. Son rêve s'éloigne, la sensation des draps sur sa peau et la chaleur de son lit lui reviennent. Il se tourne, tend le bras sur le côté.
Il ne rencontre qu'une place froide.
— Adrian, répète la voix, plus proche cette fois.
Une main se pose sur son épaule, et il sursaute en ouvrant les yeux. Son corps est encore lourd de fatigue. Il ne peut retenir un grognement.
— Pas la peine de faire ce bruit, c'est pas ma faute, soupire Lizzie en le secouant un peu plus. Allez.
Cette fois, il finit par se redresser. Sa main trouve le bouton de sa lampe de chevet et il observe sa nièce et son neveu, debout devant son lit dans leurs pyjamas.
— Quoi ? demande-t-il en se passant une main dans les cheveux.
Il jette brièvement un coup d'œil à côté de lui, et est surpris de constater que Kieren n'est pas là. Il ne l'entend pas dans le salon, mais ces derniers temps Kieren est plus silencieux que jamais et il n'est pas bien réveillé.
— Vous êtes pas au lit, vous ?
— Déjà, je me suis réveillée dans le canapé. Papa m'aurait porté jusqu'à mon lit, lui.
Il hausse un sourcil devant l'air grognon de Lizzie. La furie de l'adolescence les guette tous, et la jeune fille s'en rapproche un peu plus chaque jour.
— Tu t'endormiras directement dedans la prochaine fois et tu verras que tu te réveilleras pas dans le canapé. Bon, qu'est-ce qui se passe ?
La jeune fille s'écarte, et Ari l'observe avec de grands yeux écarquillés d'angoisse. Il se balance d'un pied sur l'autre.
— T'as fait pipi au lit ? demande Adrian en fronçant les sourcils.
— Quoi ? Non !
Il paraît outré qu'il puisse même l'envisager, et Adrian se retient de lui rappeler que c'est arrivé au moins trois fois depuis l'enlèvement. A la place, il hausse un sourcil en direction de sa nièce, qui hausse les épaules.
— Il faisait des aller-retours dans le salon. Et la louve arrête pas de gémir. Ils ont fini par me réveiller.
— C'est important, insiste Ari.
— Qu'est-ce qui est important ?
Le garçon observe Adrian comme Olympe lorsqu'elle vient de manger l'une de ses chaussures. Avec l'envie furieuse de venir lui lécher la joue, mais légèrement coupable tout de même car elle sait que ce qu'elle vient de faire est mal.
— T'as fait une bêtise ? demande-t-il.
— Non !
— Tu peux me le dire, tu sais ? Si c'est pas trop grave, j'en parlerais pas à Kayu.
Il secoue vivement la tête. Soudain, Adrian remarque qu'ils n'ont que leur pyjama sur le dos et même pas de chaussures aux pieds.
— Bon, allez. Tout le monde retourne à la maison.
Il se lève, traverse sa chambre et constate que le salon est vide. Ses sourcils se froncent.
— Oh, Ari, murmure Lizzie en se penchant sur son frère. Dis-lui, fais pas ta poule mouillée.
Adrian sort ses chaussures du meuble, et compte bien porter ces gamins jusqu'à leur chambre cette fois. Il ne lui reste qu'une heure de sommeil, plus ou moins, et il doute de parvenir à se rendormir.
Quelque chose, au fond de sa poitrine, serre son cœur d'angoisse. Son loup grogne, frotte le sol de ses pattes. Il ne s'était pas senti aussi anxieux en s'endormant la vieille, est-ce que la peur qu'il ressent pour Tara fait enfin son chemin ?
— Mais, murmure Ari en retour, il avait dit pas avant l'aube.
Adrian s'arrête dans l'entrée et se tourne vers lui.
— Quoi ?
Ari se fige, comme pris sur le fait.
— Qui t'a dit ça ?
— C'est...
Tout à coup, le cœur d'Adrian se met à battre plus fort. Il observe sa dépendance vide : personne n'est sur la terrasse ou dans la salle de bain. Son lien tire, et maintenant il se rend compte que ça n'a rien à voir avec l'inquiétude sincère qu'il ressent pour sa cousine.
Son lien tire, et Kieren n'est pas là.
— C'est Kieren ? demande-t-il tout en connaissant très bien la réponse.
Ari se tord les doigts et relève vers lui des yeux effrayés. Il acquiesce vivement.
— Il m'a demandé de te dire quelque chose à l'aube.
— Il t'a... quand ça ? Quand est-ce que tu lui as parlé ?
Lizzie observe leur interaction, perdue.
— Tout à l'heure, je l'ai entendu dans la cour et la louve voulait absolument sortir et...
Les yeux d'Ari se remplissent de larmes.
— Il a dit que c'était important.
— Qu'est-ce qu'il t'a dit, Ari ? Repète-le moi.
— Il a dit que je devais attendre l'aube et...
Adrian s'accroupit devant le garçon, et pose ses mains sur ses joues pour le regarder droit dans les yeux.
— Je sais que tu lui as sûrement promis, mais il avait raison. C'est important. Et il me faut l'information tout de suite, tu comprends ? Alors dis-le moi.
Ari déglutit. Avec de grands yeux embués, il articule :
— Il m'a dit de vous dire... qu'il allait suivre l'odeur des roses. Il m'a dit de dire ça exactement comme ça. Je te le promets.
Adrian sent tout son corps se refroidir. Une sueur descend le long de son dos, un frisson gelé qui lui plombe l'estomac. Stupéfait, il observe Ari, et le relâche doucement.
— Merde, souffle-t-il.
Il se relève immédiatement. D'un geste vif, il abaisse la poignée et ouvre la porte en grand : il attrape les enfants, et Lizzie lâche un petit cri mécontent, puis traverse la cour jusqu'à l'entrée de la maison principale. Il les pose dans l'entrée, et la louve s'agite dans tous les sens autour d'eux, jappant bruyamment.
Dans le salon, sur le canapé, Mika dort d'un sommeil de plomb.
Adrian lui aboie presque dessus :
— Mika ! Debout !
Peut-être qu'il réveille même Kayu et Neil, à l'étage, ainsi que la petite Zoey, mais là tout de suite c'est la dernière de ses préoccupations.
Sa sœur ouvre les yeux dans un sursaut et se redresse dans le canapé. La louve le dépasse et saute sur le sofa, écrasant Mika de son poids tout en continuant de gémir.
— Quoi ? demande-t-elle désorientée. Oh, t'es rentré ?
Elle se frotte les yeux, baille à s'en rompre la mâchoire.
— Il est quelle heure ? On voulait juste rester un peu avec Ari et Lizzie mais je crois que je me suis endormie...
— Sans blague, souffle-t-il.
Avec son téléphone, il envoie un message sur la conversation de groupe de l'équipe 1 : Tout le monde sur le pont. On se retrouve à l'Agence le plus vite possible.
En voyant son expression, sa sœur se réveille enfin complètement, et regarde autour d'elle d'un air perdu.
— Qu'est-ce qui se passe ? On a du nouveau ?
Il serre les poings.
— Je sais pas encore.
En vérité, il n'en sait même rien du tout. Il fait encore nuit, et Kieren s'est enfui en pleine nuit pour aller suivre une piste encore floue. Ca pourrait être inutile, ça pourrait simplement être sa volonté d'encore une fois tout faire seul, comme au manoir, ça pourrait simplement être le vampire en lui qui s'ennuie face à l'impossibilité de fermer les yeux.
Il est peut-être juste retourné à l'Agence.
Il est peut-être juste retourné lire ses foutues archives en espérant y découvrir quelque chose de nouveau.
Il a peut-être simplement ignoré les ordres d'Adrian, encore une fois, leur intimant un peu de repos. Du sommeil pour eux, une pause nécessaire pour Kieren.
Il m'a dit de vous dire... qu'il allait suivre l'odeur des roses. Il m'a dit de dire ça exactement comme ça.
— Kieren est parti.
Le bruit que fait la louve, tournant autour d'eux comme un chien malade, commence à devenir sérieusement irritant. Il se tourne vers elle et ordonne avec colère :
— Silence.
Tout le monde dans la pièce se crispe, comme à chaque fois qu'il utilise ses pouvoirs de Descendant. Mais la louve, elle, ne fait que se tasser un peu sur elle-même avant de repartir vers la porte pour gratter le sol en gémissant.
Il ne sait pas pourquoi elle résiste ainsi, et il n'a pas envie d'y penser maintenant.
Mika déglutit.
— Il est parti ? Où ça ?
Si seulement il le savait.
— On peut peut-être suivre son odeur, propose-t-elle. Tu sais comme elle est spéciale, en plus c'est l'un des nôtres alors...
— Elle est partout, murmure-t-il.
Le visage de Mika se décompose un peu.
— Son odeur est partout, répète Adrian. Ça fait des jours qu'il se promène dans le coin, tous les soirs, elle part dans toutes les directions et...
Il pose une main sur sa poitrine, attrape le tissu de son t-shirt et le serre avec force. Le lien fait mal, c'est douloureux, ça tire. Mais même s'il est là, s'il existe, s'il s'est renforcé chaque fois qu'Adrian a posé ses mains ou ses lèvres sur lui, chaque fois qu'il l'a fait dormir avec lui, dans son lit, tout contre lui, ce n'est pas suffisant.
Parce que même si Adrian est pleinement conscient de son existence, même si pour un loup comme lui c'est un lien bien plus important que ça ne le sera jamais pour n'importe quelle autre race, Kieren lui ne l'a pas encore accepté.
Et ça, il n'y a rien qu'il puisse faire pour le changer.
— Je vais quand même me transformer et essayer de suivre sa piste, dit-il en relevant la tête. Mais je vais devoir laisser mes affaires ici, donc j'aurais besoin d'un traceur pour que tu puisses me suivre depuis ton ordinateur. Sa moto est encore là, mais ça ne veut rien dire, il a pu s'éloigner à pieds. Tu retournes à l'Agence et tu me suis à la trace. Si je perds sa piste, alors je reviendrai ici et je vous rejoindrai au bureau en voiture, d'accord ? Une fois là-bas, dis aux deux autres de se pencher plus précisément sur cette odeur de roses. Qu'ils voient si dans nos fichiers on a quelque chose comme ça, une sorcière enregistrée ou... n'importe quoi. Qu'ils passent en revu ce qu'on a déjà avec cette piste.
Mika saute sur ses pieds en acquiesçant vivement. Elle sort son téléphone, pianote dessus quelques instants.
— J'ai un traceur dans mon bureau, dit-elle en passant à côté de lui. Et une oreillette, si jamais j'ai besoin de te transmettre des infos. Je reviens.
Elle passe devant les enfants, s'échappe par la porte déjà ouverte et court presque jusqu'à chez elle.
Les mains un peu tremblantes, l'adrénaline et la panique menaçant de le submerger complètement, il sort également son téléphone. Son doigt presse le bouton appel.
Kieren ne répond pas. Ni à cet appel, ni aux deux suivants. Mais il sonne tout de même, ce qui est une bonne chose : il n'a pas pensé à l'éteindre.
— Ad'...?
Il tourne la tête vers Lizzie, qui pointe la louve du doigt. La petite fille a perdu toute l'irration adolescente qu'elle avait en réveillant Adrian un peu plus tôt. A présent, elle laisse son frère se serrer contre elle, assise sur l'une des marches de l'escalier.
— On dirait qu'elle veut sortir.
— Sans blague, souffle-t-il. Elle couine en continue depuis presque dix minutes.
— Non, je veux dire on dirait qu'elle veut mais qu'elle peut pas.
Adrian fronce les sourcils et s'approche de la porte. Effectivement, la louve ne cesse de frotter le sol de ses griffes, juste à l'embrasure. Elle approche son museau, grogne un peu, paraît complètement frustrée de ne pouvoir mettre une patte dehors.
Sauf que la porte est ouverte.
— Il est resté avec elle, dit soudain Ari.
Ses yeux rouges et bouffis lui font mal au cœur, mais Adrian se tourne vers lui.
— Il m'a dit de retourner dans la maison, mais il est resté avec elle après. Pas longtemps. Et quand elle est revenue, elle avait pas l'air de vouloir le faire. C'est parce qu'elle pleurait que j'ai pas osé retourner dans ma chambre.
Adrian se retourne lentement vers elle, et s'approche. Il voit Mika revenir au loin, trottinant avec un sac sur l'épaule.
— Tu sais où il est parti ? demande-t-il à la louve sans trop y croire.
Mais à sa grande surprise, elle jappe encore plus bruyamment et s'écarte à peine pour laisser Mika passer. Son regard est fixé sur le ciel, derrière les arbres, qui commence doucement à s'éclaircir. Le soleil n'est pas encore là, mais l'aube approche.
— Tiens, lui dit Mika en s'approchant. Celui-ci est autocollant et il restera sur toi même si tu te transformes.
Elle soulève son t-shirt, et lui plaque une sorte de badge noir entre le ventre et le pectoral.
— Et ça, c'est à mettre dans ton oreille. C'est moi qui l'ai fait, le tour est en mousse alors ça épousera le changement de forme.
Il acquiesce vivement, et obéit sans discuter. Lorsqu'il s'agit de technologie, il ne remet jamais la parole de sa sœur en doute.
— Je pars tout de suite pour l'Agence, Océane m'a dit qu'elle était en route et qu'elle prenait Lace au passage. Elle a parlé à Ruby de notre découverte d'hier et elle aurait peut-être du nouveau. Je te tiens au courant, ajoute-t-elle en tapotant son oreille.
Elle se détourne presque aussitôt, non sans lancer un regard en direction de la louve — et Adrian la voit laisser traîner sa main le long de son museau alors qu'elle s'éloigne. Le pick-up gronde quand elle met le moteur en marche, et bientôt la voiture s'éloigne le long du chemin en terre, vers la route qui traverse la forêt depuis l'Atrium.
Le ciel continue de s'éclaircir, les yeux d'Adrian se perdent sur l'horizon.
Tout à coup, un rayon de soleil passe entre les branches, un vertige le prend, venant directement de son lien, et la louve hurle en l'air avant de sauter les marches d'un long bond.
— Merde, dit-il en s'élançant à sa poursuite.
Il a tout juste le temps d'ordonner à Lizzie et Ari de prévenir leurs parents et de ne pas bouger de là avant de se transformer, et de la suivre en direction de la forêt.
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