𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟺𝟹, 𝙺𝚒𝚎𝚛𝚎𝚗
Note d'auteur.
My bad !! J'ai encore oublié de poster, toutes mes excuses :(
J'espère que le chapitre vous plaira histoire de rattraper le coup ❤️
☾
Il a pris soin de lui ordonner, les yeux brillants, de retourner dans la maison et de ne pas en sortir avant l'aube. Elle a gémi, l'a observé d'un air légèrement trahi, mais ses pattes ont tout de même fini par obéir, incapable de résister à l'autorité que lui confère son statut.
Adrian peut mettre n'importe quel loup à genoux, se faire obéir de n'importe quel ordre. Kieren n'a presque jamais essayé, mais force est de constater qu'il le peut également, et que cela lui vient aussi naturellement que de respirer.
Debout, dans la forêt, il avance lentement.
C'est plus compliqué que la première fois : quand il est venu pour retrouver Ari, la magie qui traînait dans l'air était censée bloquer l'odorat des loups. Camoufler le parfum de la meute toujours présent sur le garçon, et les empêcher de le suivre à la trace jusqu'à leur cachette. Kieren, lui, n'avait pas suivi son odeur, il avait suivi son sang.
S'il n'avait pas brûlé l'usine, peut-être qu'il aurait pu le retrouver, même séché et dispersé dans un lieu digne d'une scène de crime. Mais à présent, il ne peut que se contenter d'avancer à tâtons en direction du nord ouest de la forêt, suivre les souvenirs flous qui lui sont revenus à la seconde où il est entré dans la ruelle, là où la cousine d'Adrian et Mika a disparu.
L'odeur des roses, la même qu'il a senti en regardant ce parterre de fleurs mortes, au manoir d'Evelyn Swan. La même qu'il a senti face au tueur, le soir où Mika a manqué de se faire enlever. Celle qu'il lui a semblé sentir sur cette femme, alors que l'alcool lui faisait tourner la tête dans ce bar de sorcières. Celle qu'il a senti, alors qu'Ari était enfermé dans cette usine abandonnée, au milieu de plusieurs autres bâtiments du même style, allongé sur un vieux matelas humide et terrifié outre mesure.
Il n'y a pas fait attention sur le moment, croyant à une senteur naturelle de la forêt, mais à présent cela lui paraît ridicule. La magie des sorcières, aussi unique que leur utilisatrice, est comparable à l'odeur d'une fleur lorsqu'elle est utilisée à proximité d'autres personnes. Mais si on fait suffisamment attention, ce n'est rien qu'une contrefaçon, une imitation pour camoufler les senteurs âcres de la moisissure et du pourrie.
Les vampires sont considérés comme des monstres car la mort les a déjà pris une fois, et que leurs pouvoirs sont, d'après les vivants, incontrôlables. Leur soif fait peur. Leur force terrifie. Mais seuls les humains éveillés savent que les vampires sont aussi dangereux que n'importe quelle autre race magique.
Son père le lui a dit, c'était une punition, pas un don. Les Représentants ont été les premiers, et ont condamné toute leur future descendance — ou leurs prochaines victimes.
Les loups sont condamnés à combattre leur instinct, leurs émotions à vif, l'animal qui se trouve au plus profond d'eux et qui semble pouvoir refaire surface à tout moment. C'est un combat éternel, continu.
Les mages ne trouveront jamais aucune réelle satisfaction dans le monde des humains, dans leur technologie et leur nouveauté. Éternellement insatisfaits, leur corps voudra sans cesse se rapprocher de leur élément, jusqu'à parfois les rendre fous : nés de la nature, ils retourneront toujours à la nature. Leur vie n'est qu'une lutte, jusqu'à finalement la perdre.
Les sorcières utilisent une magie qui va à l'encontre du possible. Les dons sont nombreux, différents, mais leur permettent à chaque fois de briser la nature. Et chaque utilisation les pourrie un peu plus de l'intérieur.
Si aujourd'hui ces condamnations sont moins évidentes, c'est uniquement grâce au temps qui a passé, aux générations qui les séparent tous des Représentants originaux. Les vampires eux, ne peuvent se reproduire, continuer une lignée : les plus anciens sont contraints de s'abandonner à la malédiction, mais plus les transformations s'éloignent de Cole, le Représentant, plus les Types sont faibles et plus leur humanité refait surface.
Kieren laisse échapper un rire creux dans le silence de la nuit.
L'histoire qu'il a raconté à Adrian était réelle, simplement légèrement édulcorée. Peut-être que c'est cela, sa punition à lui : fils du Représentant de la malédiction des vampires et d'une sorcière que la pourriture ne pouvait plus cacher, comment peut-être croire que son humanité est un don ?
Lui aussi doit combattre à chaque instant pour que l'équilibre ne se rompe pas. Lui aussi va devoir souffrir jusqu'à la fin.
— L'arrogance, c'est tout moi, ça.
Sa voix s'égare parmi les arbres, à travers la brume et la nuit.
Il a été arrogant de croire que sa simple naissance pouvait changer la nature solitaire de son père, d'un vampire forcé à une vie déserte, qui s'y est habitué, qui y a pris goût, et qui a réussi à mettre ce qu'il connaissait de côté juste pour lui pendant de longues années.
Il a été arrogant de croire que la vie à l'extérieur de la forêt n'était qu'un vaste monde à découvrir, que c'était simplement amusant, facile.
Il a été arrogant de croire que les relations charnelles n'avaient laissé aucune trace sur lui, que cette première fois avec Adrian n'avait pas été spéciale parce que personne ne pouvait réellement l'atteindre, n'est-ce pas ?
Il a été arrogant de croire qu'il pouvait travailler, vivre au milieu des autres sans s'attacher ne serait-ce qu'un peu. Qu'il pouvait intégrer l'Agence, accepter de se rendre chez Mika, de s'entraîner avec Lace, ou de boire des coups avec Océane : tout ça sans chercher à nouveau leur compagnie, leur affection, leurs compliments.
Et là, il est sûrement encore arrogant de croire qu'il peut tout régler seul, sans prévenir personne et surtout sans plan précis.
Mais il connaît sa force, c'est bien la seule chose qu'il connaît mieux que n'importe quoi d'autre : il sait ce qu'il peut faire, et il sait que dans un combat il s'en sortirait mieux sans personne pour le déconcentrer.
Alors il avance, dans la forêt, en direction de l'usine d'où Iris s'est échappée.
Un bruit dans les fourrés, à sa droite, le stop soudain dans sa marche. Il voit des buissons remuer, fronce les sourcils en entendant soudain un cœur battant juste à côté, et quelque chose se glace dans sa poitrine.
Une force écrasante le cloue au sol.
Et l'instant d'après, un immense loup sort du bosquet et commence à s'avancer vers Kieren.
Il a déjà pensé à plusieurs reprises qu'Adrian, sous sa forme de loup, était immense. Qu'il dépassait largement les autres loups, semblables finalement à des gros chiens là où Adrian faisait au moins la hauteur d'un bœuf. Ses pattes étaient plus grosses, son poil plus touffu, et son ossature sûrement plus épaisse.
Mais à côté de la bête qui s'approche de lui, Adrian ressemble à un chiot.
Sa tête fait à elle seule la taille d'un pneu. Son corps, tout en muscles et en épaisseur, ondule sous chacun de ses lents pas qui traverse plus de distance que Kieren le ferait avec le triple. Quelque chose en lui impose le respect, la peur, et le vampire devine son identité avant même que son regard ne croise le sien.
Deux grandes billes prunes, qui luisent dans la nuit.
Lennox McHale, le Représentant des loups.
Kieren sent ses genoux faiblir, et sourit bien malgré lui.
Le loup s'arrête à moins d'un mètre, et penche doucement la tête sur le côté.
— Je ne suis pas un ennemi, dit Kieren doucement.
Il serre les dents en constatant que sa voix tremble légèrement. Il peut utiliser son sang, soulever des voitures par la pensée, se déplacer plus vite que n'importe quel vampire. Mais il sait aussi qu'un seul coup de patte de sa part l'enverrait directement dans le décor, et il n'aurait alors plus qu'à lui arracher la tête d'un simple coup de mâchoire.
— Je veux juste passer.
S'il s'était douté que le Représentant se baladait encore dans l'immense forêt de la réserve depuis des décennies, il ne l'aurait pas arpenté avec autant de désinvolture. Il ne sait pas où il se terre, comment personne ne l'a vu depuis deux générations, et il n'a pas très envie de le savoir.
Ce qu'il voit, ce n'est pas un homme transformé en loup.
C'est une bête, qui a laissé l'animal en lui gagner.
— S'il vous plaît, dit-il sans pour autant amorcer un mouvement. C'est important.
Ça l'est sûrement plus que tout le reste. Parce que le temps file, et que c'est peut-être déjà trop tard pour Tara, si la sorcière possède déjà le sang puissant d'un vampire comme Eliott.
Mais soudain, une voix rauque résonne dans sa tête. C'est étrange, comme un grondement. Un homme à peine réveillé, qui souffle un seul mot.
Cole.
Kieren sent un picotement derrière ses yeux et son nez, et se refuse à y penser.
— Je ne... (Il fronce les sourcils) Je ne suis pas lui.
Cole, répète-t-il.
En entendant son ton, l'émotion derrière, Kieren se demande si, à un moment dans leurs vies si longues, qui durent depuis des centaines et des centaines d'années, ils se sont connus. Appréciés. Combien de temps ont-ils passé ensemble ?
Il repense à son père, à son profil, à ses rares sourires, à ses yeux bleus si vifs. Aux caresses dans ses cheveux près de la cheminée, sa beauté saisissante, son rire quand Kieren était plus petit et qu'il s'amusait à le porter très haut. Son air heureux quand il lui rapportait des cadeaux lors de ses sorties — que Kieren comprend maintenant comme des fuites, des besoins d'être seul, loin.
Il repense à cet homme qu'il aime encore plus que tout, et sa poitrine s'alourdit. Il n'a pas l'impression de lui ressembler tant que ça.
— Je ne suis pas Cole, répète-t-il. Je suis son fils.
Le loup penche la tête sur le côté. La terreur s'envole petit à petit, il ne lui paraît plus si dangereux : il l'est, sûrement, mais ne semble pas avoir envie de tuer Kieren.
Aucun d'eux ne dit rien de plus. Jusqu'à ce que Lennox se mette à renifler l'air de plus en plus fort. Il baisse finalement la tête.
Meute, dit-il.
Et c'est presque comme un coup de poing, parce que cette fois il accepte le mot. Il reste figé, tétanisé alors que Lennox tourne les talons et s'éloigne en direction des arbres, vers les montagnes au nord. Il disparaît finalement, relâchant Kieren de cette pression qu'il avait fini par oublier.
Il tombe à genoux.
— Meute, répète-t-il à voix basse.
C'est un mot loup, qui n'a rien à faire dans sa bouche. Pour lui, ça n'a pas le sens que ça a pour eux.
Pour lui, c'est simplement famille.
Et c'est peut-être tout ce qu'il a toujours voulu.
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