Thaïs

J'ai mal.

Une douleur insoutenable envahissait mon esprit, ma tête, mon cerveau, mes membres, mes muscles,  mon cœur. Comme si quelconque esprit maléfique tentait de s'emparer de moi en m'arrachant chaque particule de mon corps de ses longues mains noires déchiquetés aux longs ongles griffus, ou de ses longues dents abîmés. Un esprit de chair et de souffrance qui se pencherait vers moi, ouvrant sa bouche béante vers mon organe vital pour planter ses dents de vampire dans mon cœur, puis le déchiquetant lentement avant de m'arracher l'organe entre les dents, faisant dégouliner des larmes de sang sur ma peau nue.

Je voudrais crier, hurler ma douleur. Mais je ne peux pas. Je ne contrôle plus aucun muscle de mon corps, et reste ainsi, dégoulinante de larmes et de sang, laissée seule sur le sol, dans le noir, pantelante, comme un pantin désarticulé.

La douleur revint, plus vive, à coups irréguliers. Le sang et les larmes salées dégoulinaient dans ma bouche comme un goût horrible pour m'étouffer. Les griffes et les dents revinrent et m'attaquèrent en même temps, déchiquetant ma peau, mes membres, mes cheveux, mes yeux, pour me les arracher un à un dans une douleur indomptable, rugissante, sauvage.

Douleur.

Douleur.

Et douleur.

Petit à petit, mon corps et mon esprit sombré dans la folie devinrent comme gelés, particule par particule, cellule par cellule, dans une douceur et une lenteur insupportables. Le froid m'envahissait en faisant rugir de douleur tous mes muscles. Soudain, tout bascula et ce fut l'inverse. Je vis un feu brûlant et effroyable s'approcher de moi pour me dévorer de l'extérieur et de l'intérieur, me brûlant vive, m'emplissant de souffrance, me faisant perdre la raison. Le feu me dévorait, m'arrachait sans pitié chaque particule de vie qu'il me restait.

Mon hurlement se perdit dans les démons de l'obscurité tandis que ce qu'il me restait de vie, d'esprit et de corps se changeait en cendres impertinentes, avalées ensuite par le néant infini.

J'ai mal.