Chapitre 43
Combien y a-t-il d'heures en 24 heures, déjà ? Si on enlève les pauses obligatoires pour aller aux toilettes, celles pour manger (puisque je ne suis pas chez moi, je n'ai pas le choix) et les moments où je m'endors ? Je dirais que ça tourne dans les 26.
26 épisodes.
Oui, ça doit être ça, depuis hier soir, j'ai regardé 25 épisodes. D'abord, les 11 de la série Netflix que j'ai adorée. Puis j'ai cherché la saison 2, que je n'ai pas trouvée. J'ai finalement trouvé un site sur le net ou streamer légalement une autre série dans le même genre... mais encore mieux.
Le grand maître de la cultivation démoniaque.
Wow.
Ma nouvelle série préférée. Tellement que j'ai dévoré tous les épisodes de la saison 1 et que je n'enchaîne pas sur la seconde uniquement parce que Magalie vient de m'appeler à table.
En furetant dans les commentaires, j'ai pu voir que cette série est tirée d'un roman. Une recherche rapide m'a appris que le tome un vient tout juste de sortir en français, autant dire qu'il attend déjà dans mon panier Amazon.
Je ne m'étais jamais intéressé à la fantasy chinoise et je dois admettre qu'elle dépasse toutes mes espérances. J'ai toujours été fan de fantasy. De magie. D'Elfe, de Nain et autres créatures fantastiques. De Mages. Jamais je n'aurais imaginé mêler les arts martiaux à la magie et eux le font à la perfection. C'est rafraîchissant. Fascinant.
Je suis accroc. J'ai envie de dévorer cette série et de chercher absolument toutes celles qu'il existe du même type. De la même autrice et de ses collègues chinoises. Peut-être aussi devrais-je creuser du côté du Japon. Et de la Corée du Sud !
Je devrais demander à Jeonho s'il en connaît, tiens !
Demander à Jeonho... Jeonho ! Bon sang, j'ai totalement oublié Jeonho ! Et Steph ! Et tout ce qui n'est pas « Cultivation » ! Et quand je dis cultivation, je ne parle pas agriculture.
Fébrile, je me lève pour fouiller mes draps : mon téléphone est quelque part par là, je le sais. Je me souviens l'avoir entendu vibrer. Le problème, c'est que j'ai retourné le lit plus d'une fois en gloussant de joie lors de scènes particulièrement satisfaisantes. Ou en trépignant de frustration quand les passages me contrariaient.
Je secoue tout une première fois. Coussins. Couette. Draps. Puis une deuxième. Une troisième, toujours en vain. Je peste. Grogne. Me fige d'un coup alors que mon cerveau anesthésié par les heures d'écran connecte enfin deux neurones.
— Mais j'suis con ou quoi ? J'ai insta sur l'ordi !
Je commence par répondre quelques mots rapides à Jeonho, qui n'est pas connecté pour le moment. Il va bien, il rentre actuellement au « dortoir » avec ses « membres » (les membres de son groupe, j'imagine, parce que je ne le vois pas rentrer sans ses bras ou ses jambes) et me reviendra me parler sitôt qu'il le pourra, vers 20 heures. Ce qui me laisse une bonne encore pour réfléchir à ce que je vais bien pouvoir dire. Il n'a plus évoqué le cadenas. N'a plus rien évoqué de personnel. Pas d'anecdote, pas d'émoji, pas de petits mots doux, même s'il reste très... amical.
À Steph, je résume mes dernières péripéties « Jeonhoesques », comme elle dit (puisqu'aujourd'hui, Steph se genre au féminin et que je respecte toujours la manière dont elle se genre). Steph me félicite pour le cadenas. Me houspille de n'avoir pas encore envoyé la photo à Jeonho. Me sermonne quand je lui fais part de mes doutes. Me rabroue quand j'utilise les derniers messages de Jeonho pour justifier mon comportement.
Ses mots exacts sont « Mais t'es pas possible, tu vas pas recommencer ! Sinon je te force à prendre ta sœur en vacances pendant un mois !". Puis elle me mortifie d'un « Et je n'ai même pas eu mon chapitre ce soir. »
Son chapitre. Que je dois finir d'écrire.
Que je dois commencer d'écrire.
Que je n'ai pas envie d'écrire. Parce que la saison deux du grand maître m'attend. Et Wei Wuxian est bien plus intéressant que Chris.
Steph grogne encore. Me rappelle que j'ai aussi son prochain chapitre de notre quatre mains à relire, annoter, corriger et qu'elle est certaine qu'il y a matière à martyriser. Je me rembrunis et rentre les épaules comme si elle pouvait me voir. Mes doigts se déplacent d'eux-mêmes sur mon pad, ouvrent la fenêtre du site de streaming. D'un clic, je copie l'adresse.
Quoi de mieux, pour me déculpabiliser de ne rien faire, que d'entraîner ma co-autrice sur la pente de la procrastination ?
Je n'ai même pas besoin d'insister pour que Steph s'engouffre dans la brèche et bientôt, nous nous livrons à une véritable bataille de gif jusqu'à ce que Kloé s'invite dans ma chambre sans frapper.
Elle a l'air de mauvaise humeur.
— T'attends quoi pour venir manger ? Ton ordi est plus intéressant que nous ?
— Que toi et ta copine, c'est certain, répliqué-je en m'excusant par écrit auprès de Steph avant de fermer le capot de mon ordinateur.
Son nez se fronce. Elle grimace. S'approche du lit.
— Hey, t'as encore twitter ?
Je demeure immobile.
— Parce que ma mère a bloqué mon X. Elle dit que je suis trop créduble et que j'écoute trop les bêtises qu'il y a dessus. Tout ça parce que pour hier, c'était juste une rumeur et elle était pas contente qu'on ait attendu quatre heures sous la neige pour rien ! Alors que franchement, on l'a pas forcé à venir, hein ! Et puis, c'était créduble que Seo Changbin il ait un...
J'arrête de l'écouter et me mords les lèvres. Tout ce que j'ai envie de faire, là, c'est de corriger ses « crédubles » en crédibles ou crédules. Je n'arrive à penser à rien d'autre.
— Et c'est pour ça que j'ai besoin de savoir si tu l'as encore. J'peux regarder sur ton tel ?
— Je sais pas où il est.
Elle me jette un regard blasé avant d'indiquer la table de chevet de l'index. Oh. Il était donc là. Sans attendre mon autorisation, elle s'empare de l'appareil et le déverrouille (ne connaissant pas le modèle et n'ayant plus de Rémi dans ma vie, je n'ai pas remis de sécurité ; maintenant, je sais que je dois le faire).
Un frisson me parcourt quand elle commente mes messages instagram. Par bonheur, elle ne comprend pas l'anglais et ne lis pas les notifications venant de Steph. J'ai juste le droit à un double sifflement de mépris.
Le premier parce que je parle à un compte fan d'un ThunderFlop, le deuxième parce que je n'ai qu'Instagram d'installé sur le téléphone.
— T'es trop nul, sérieux, comment on va survivre sans X ? On doit aller à Jeju, là !
Je crois que je ne me ferai jamais à ce nom. Pour moi, le X n'a rien à voir avec un réseau social...
— C'est pas facile, la vie, hein ? me moqué-je en récupérant mon téléphone pour l'avoir à portée quand Jeonho répondra. Bon, faut aller manger, non ?
— T'as intérêt à pas le sortir, ma mère veut pas de ces trucs à table. Si elle te voit avec, elle t'écoutera jamais !
— Pourquoi elle devrait m'écouter, déjà ? marmonné-je, contrarié à l'idée de louper Jeonho.
Ce qui est assez paradoxal puisque je l'avais totalement oublié pendant que je bingais. Mais mon cerveau est comme ça : il peut oublier quelqu'un sans problème si rien ne m'y fait penser, mais une fois que mon esprit se focalise dessus, impossible de penser à autre chose !
— Tu dois la convaincre de me laisser remettre X ! On peut pas s'éloigner trois jours du fandom !
Une fois encore, je reste impassible et quitte la pièce, la gamine sur les talons.
Même si je le voulais (et ce n'est pas le cas), je ne pourrais pas intervenir en faveur des vipères. Thierry et Magalie passent la totalité du repas à nous parler du formidable voyage à Jeju. Nous partirons demain à l'aube pour l'aéroport. Nous louerons une voiture sur place, gagnerons un gîte qu'ils ont loué pour les trois jours à venir. Ils nous listent ensuite toutes les activités que nous ferons, les endroits que nous visiterons, les lieux que nous découvrirons. J'écoute tout. Ne retiens rien.
Trop d'informations lancées trop vite, elles entrent par une oreille et ressortent par l'autre.
— Ça va Stan ?
— Euh, ça fait un peu beaucoup...
— Écoute, je vais te faire un café et on va reprendre plus lentement ! C'est important que tu saches ce qu'on va faire, quand même !
Je hoche la tête par pure politesse. Je n'ai aucune envie de subir un nouveau flot de paroles. Quand Thierry se lève, mon regard accroche l'horloge digitale posée sur un buffet. 20 heures. Il est 20 heures.
Une idée de génie me traverse l'esprit.
— Je peux prendre des notes sur mon téléphone ?
Magalie hésite. Refuse. Envoie les vipères ricassantes aller se laver les dents avant de se pencher vers moi pour accepter : elle ne voulait juste pas créer de précédent en m'autorisant le téléphone à table devant Kloé.
C'est parfait !
On dirait que le scénariste a enfin lâché l'affaire avec les péripéties à la con !
Le café que m'a préparé Thierry est parfait. Mousseux, avec pile la bonne dose de lait. Ils me donnent ensuite un emploi du temps extrêmement précis que je prends le temps d'enregistrer sur la conversation discord de Step (mon moyen préféré de prendre des notes quand je n'ai rien sous la main).
Un frisson de joie me traverse lorsque l'appareil vibre dans ma main lors d'un blanc dans la discussion. Décidément, tout s'emboîte à la perfection ce soir !
Mes yeux parcourent les mots. Mon cœur s'emballe de joie. Steph avait raison, bien sûr : je me suis inquiété pour rien ! Jeonho ne plaisantait pas quand il m'a proposé de mettre un cadenas, il était même très sérieux... s'il a écrit de manière très formelle, c'est qu'il s'en voulait d'avoir voulu aller trop vite. Parce que nous avons peu de temps devant nous. Il espère ne pas m'avoir fait peur, il a même craint que je ne veuille plus lui parler et a été soulagé d'apprendre que j'étais juste absorbé par une série.
Contenir le sourire béat qui menace de faire exploser mes zygomatiques est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire ces derniers jours. Mois. Années ?
Magalie et Thierry ne doivent rien soupçonner.
Et puis, Jeonho m'envoie un nouveau message. Et je n'ai plus besoin de contrôler quoi que ce soit puisque je n'ai plus du tout envie de sourire.
Le Scénariste de ma vie a décidé de m'emmerder, finalement. J'aurais dû m'en douter, c'était trop beau pour être vrai.
Jeonho a bataillé dur avec son manager et son Leader, mais il a obtenu deux jours de congé qu'il espère bien passer avec moi pour me faire visiter tous les lieux les plus beaux et secrets de Seoul.
Après-demain et le jour suivant.
Pile-poil pendant que je serai à Jeju.
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