Chapitre 32
— Je suis désolée, murmure Magalie alors que nous retournons vers sa voiture.
Elle pose un regard contrit sur l'orthèse que je dois porter au moins jusqu'à mon retour en France.
— T'as pas à t'excuser, la rassuré-je. Et pour les frais médicaux, je demanderais à mon père de te rembourser.
— Non, non ! Hors de question ! C'est de ma faute, tout ça.
— C'est surtout de la faute d'une doline qui a cru marrant de s'ouvrir dans un champ.
Magalie secoue la tête, m'ouvre la portière du côté passager, mais m'empêche de m'installer en posant une main sur mon épaule.
— J'ai fait erreur sur erreur hier soir. J'ai foiré l'annonce à Kloé, j'ai trop bu pour oublier son regard déçu, je n'ai même pas vu qu'elle avait fugué avec Kamilla et j'ai été totalement inutile dans les recherches. Alors que toi... tu as dû tout gérer de A à Z sans parler un mot de coréen, tu as fini blessé et tu as même trouvé une solution pour le concert ! Je ne voulais pas laisser ma fille avec toi parce que j'avais peur que tu ne sois pas à la hauteur, et finalement, c'est moi qui ne l'ai pas été.
J'attends qu'elle bouge après sa tirade, qu'elle me laisse m'asseoir et gagne sa place, mais elle n'en fait rien. Alors je lui réponds.
— On peut pas toujours être au top...
Moi, je le suis jamais, haha.
— ... et franchement, je comprends pourquoi tu as craqué ! Déjà Kamilla toute seule, je la supporte pas, mais alors les deux ensemble, là, c'était juste explosif !
— Mais toi, tu n'as pas cédé à la facilité du soju.
— Parce que j'aime pas l'alcool : je trouve ça dégueulasse. Mais si j'avais eu des pots de glace sous la main, crois-moi que j'en aurais avalé jusqu'à me freezer le cerveau.
Elle ne fait toujours pas mine de bouger.
— Quand même... je me sens coupable. En plus...
— Pardon de te couper, mais peut-être qu'on devrait en parler en roulant ? Je veux dire, on a laissé les VIP... les filles avec ton mari, j'ai peur pour lui.
Elle roule des yeux. Se met à rire. Me libère enfin pour aller s'installer au volant. J'en profite pour balancer à l'arrière la doudoune de Jeonho, que je n'ai pas remis après que le médecin m'a mis l'orthèse. Après une hésitation, je fais rejoindre le même chemin au bonnet.
— Tu as raison, rit Magalie en fermant sa portière. Mon mari a beaucoup de patience, mais peut-être pas assez survivre à deux adolescentes surexcitées en train de se préparer pour le « concert de leur vie ».
Elle démarre, se retourne à demi pour effectuer une marche arrière. J'utilise l'occasion comme excuse pour ne pas répondre : une manœuvre nécessite de la concentration après tout.
Comme Magalie ne semble pas disposée à reprendre la parole (à ma grande joie !), je m'installe contre la vitre pour observer la ville qui défile au-dehors.
J'abandonne rapidement ; je ne parviens pas à me concentrer et les immeubles finissent par se mélanger sous mes yeux. Ça me donne la nausée.
J'extirpe mon téléphone de ma poche, le range avant de le déverrouiller. Steph est au travail, donc je ne pourrais pas discuter avec et je refuse d'aller traîner sur les réseaux sociaux. Parce que je sais très bien ce que je finirais par faire : aller voir les images des SixThunderLights. Aller voir une de ces vidéos qui n'a rien à voir avec la musique, mais où il est tellement beau.
Je sais que je le ferais parce que ce matin, alors qu'on rentrait à Séoul après avoir remercié Mi-sook des dizaines de fois, je me suis fait avoir. C'est ridicule : ce n'est qu'un coup d'un soir que je ne reverrais jamais.
Et pourtant, je suis attiré par lui comme un papillon de nuit par une lampe.
Il me manquait plus que ça pour gagner le bingo de la vie merdique !
Un job que personne comprend : check
Pas de paye : check
Une rupture à la con : check
Une famille dysfonctionnelle : check
Un cerveau qui refuse d'oublier ce mec magnifique qui habite à l'autre bout du monde : check
Ligne validée.
Bravo Stan. Tu as gagné !
Gagné quoi ? Oh, probablement une emmerde bonus à récolter au pire moment !
J'ai hâte de le découvrir ! (Non.)
En tout cas, ça me fait une raison de plus de ne surtout pas aller sur mon téléphone. Avec mon karma négatif, je vais m'abonner par errer à Jeonho, et je n'oserais plus me désabonner, et il va finir par venir me parler et je serai obligé de lui répondre. Ou alors, j'irai sur google traduction alors que ça, j'ai vaillamment réussi à ne pas le faire, et je chercherai enfin la foutue traduction de ce mot mystérieux que m'a lancé Jeonho et...
Et je devrais dormir. Pas pour me reposer parce que plus je fractionne mon sommeil, plus je suis fatigué, mais parce qu'endormi, je ne risque rien.
Prendre la doudoune de Jeonho pour me faire un coussin est tentant, mais je résiste avec vaillance et ferme les yeux.
— Stan, m'appelle Magalie qui choisit évidemment ce moment pour me parler. C'est toi qui devrais les accompagner à ce concert, pas moi. Si tu veux reprendre ton billet...
Ça me fait l'effet d'un coup de tazer. Moi ? Aller à ce concert ? Écouter de la KPOP sans pouvoir faire de pause pendant trois heures ? Supporter les deux terreurs toute une soirée ?
Mais surtout... risquer de croiser Jeonho ? J'entends déjà le scénariste de ma vie ricaner en se frottant les mains. Hors de question de lui donner satisfaction !
— Tu veux me punir ? ironisé-je. J'ai fait quoi de mal ?
— Pardon ?
Elle se tourne brièvement vers moi, sincèrement surprise.
— Franchement, j'ai aucune envie d'y aller, à ce concert !
— Oh... tu n'aimes pas la foule ?
— J'aime pas la KPOP. Et j'aime pas Kamilla non plus, au passage. No comment.
— Tu... non, ça ne me regarde pas après tout. C'est vrai que ta situation familiale est peu banale. Si tu veux en parler...
— J'irai voir un psy, ouais, t'inquiète.
Je sais très bien qu'elle sous-entendait être une oreille attentive, mais je ne vois pas pourquoi je devrais déballer mes états d'âme à une quasi-inconnue pour me sentir bien. Bon, je vois les psychologues de la même manière : des inconnus à qui je n'ai pas envie de parler, mais ça, Magalie ne le sait pas.
— Tu es sûr de ne pas le regretter ? insiste Magalie après seulement deux minutes de silence. Après tout, il y aura tes amis !
— Mes amis ?
— Les membres du groupe SixThunderLight... Minjin et Jeonho. Tu as de la chance, tu sais ? D'ordinaire, les idols ne se lient pas si facilement aux gens ! Ils s'en méfient plutôt. Tu es une exception.
J'ai pas spécialement envie d'être une exception.
— C'était juste par politesse. Ce sont pas mes amis.
Je récupère mon téléphone et le déverrouille, cette fois, pour faire mine d'être occupé et dans l'espoir qu'elle s'arrête là.
— Non, non, non ! Insiste Magalie. J'ai l'habitude de côtoyer les idoles, Stan ! Seongwa n'a agi que par politesse, oui. Mais Minjin et Jeonho t'apprécient vraiment !
Pourquoi ne comprend-elle pas mon refus de poursuivre cette conversation ? Vais-je être obligé de le formuler ? Non, je ne peux pas. Je risquerais de me montrer désagréable.
— Ça n'en fait pas des amis. Juste des personnes rencontrées par hasard et qui font partie d'un autre monde que le mien. Pourquoi je devrais avoir envie de les voir au concert d'un groupe que j'écoute pas ? Non, vraiment, Mag, vas-y avec les filles. Parce que j'ai l'impression que toi, tu aimes ça, la KPOP.
Elle pince les lèvres. Secoue la tête. Ses joues rougissent un peu et elle souffle par le nez.
— Je sais que j'ai passé l'âge, mais j'admets qu'il y a quelques groupes que j'aime beaucoup ! C'est fou parce qu'avant de venir en Corée, j'étais comme toi. Je n'aimais pas du tout le genre. Et puis, il a suffi d'une chanson. D'un groupe qui m'a parlé et je suis tombée dedans ! Va savoir, ça t'arrivera peut-être un jour !
— Peut-être, va savoir.
Mes propres mots sonnent étrangement à mes oreilles.
Moi ? Accepter l'idée d'être fan de KPOP un jour ? Pourtant, il y a peu, je pensais que ça n'avait pas la moindre chance d'arriver.
Je me raidis. Tente d'empêcher une pensée parasite de s'infiltrer en moi.
Elle n'accepte pas mon refus. Elle se fraie un passage. Abats les murs que je peine à bâtir.
Elle détruit tout sur son passage, rebondit dans ma tête.
Si, si, si, si !
Si Stan est capable d'envisager de devenir fan de KPOP alors...
Je tente une dernière fois de faire taire l'idée. En vain.
Alors, alors, alors, alors !
Alors Stan devrait être capable d'envisager se rapprocher de Jeonho !
Raah ! Non !
C'est non !
Hors de question !
Je suis le maître de ma vie ! Je suis le maître de mes décisions !
Je suis... je suis...
Je suis en train de m'abonner à Jeonho sur instagram.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro