Chapitre 42
Il n'y a rien de mieux que de se prélasser dans un lit moelleux, le PC sur les genoux, à la recherche d'une série à binger. Du moins, c'est ce que je croyais il y a dix minutes encore. Avant que la température ne chute et qu'il ne commence à neiger.
À présent, je sais qu'il n'y a rien de mieux que de chiller en furetant sur netflix tout en sachant que deux adolescentes idiotes se pèlent les fesses en vain. Il est évident que ce chanteur (qui qu'il soit) ne viendra pas. Si tant est qu'il ait un jour eu l'idée de venir, si des fans comme les KK sont tombées sur cette information, il y a fort à parier que cet homme, ses amis ou le personnel de son agence en ait eu connaissance également.
J'ai bien essayé de l'expliquer aux vipères, mais ces mômes sont hermétiques à la logique. Pour elle, ces chanteurs internationaux ne sont pas sur les réseaux sociaux et pire encore, n'ont pas la moindre idée de ce qu'il s'y passe. C'est pour ça, selon elles, qu'il est autorisé d'insulter qui on veut, de rabaisser, d'humilier ; ils ne le sauront jamais.
Si Kamilla était un Iphone, je l'aurais foutu dans du riz, c'est son seul espoir.
Pour une fois, j'ai presque hâte de les entendre râler ce soir. Presque seulement.
Je m'étire observe un moment la paresseuse danse des flocons avant de replonger le nez dans mon ordinateur. Je ne sais pas trop ce que j'ai envie de regarder... de la fantasy, peut-être ? Oui, la fantasy, c'est bien. Mais j'ai envie de quelque chose de nouveau.
Pendant quelques minutes, je regarde du côté des séries américaines, que j'ai déjà toutes vues. Je m'égare sur les quelques animés, dont je connais la plupart. Soudain, un résumé attire mon attention. Un Dieu banni chez les mortels. Un démon. Des secrets... et une histoire d'amour entre les deux protagonistes. Un Boy's love chinois. Je n'ai jamais regardé de boy's love chinois !
J'ai jamais vraiment regardé de boy's love tout court, si on oublie les deux animés quand j'avais seize ans.
Avant de lancer la vidéo, je me dégourdis un peu les jambes. Un petit tour aux toilettes, un autre dans la cuisine pour récupérer un verre d'eau et prendre un antidouleur (un des derniers, je pense, mon poignet ne me fait presque plus souffrir). Thierry, le mari de Magalie me surprend au moment où j'allume l'eau. Bien évidemment, j'en mets partout. M'excuse platement. Me trouve stupide et maladroit. Lui rit, me montre l'éponge de l'index avant de me proposer un café que je ne peux pas refuser. Je meurs d'envie de boire du café depuis que je suis rentré, sauf que n'étant pas chez moi, j'ai dû résister avec vaillance et bâillement.
— C'est calme quand elles ne sont pas là, soupire-t-il en déposant les deux tasses sur la table.
Mon sourire de façade n'a d'égal que la grimace que j'esquisse intérieurement : si je veux ce café, je vais devoir m'asseoir et discuter.
Non, mais Stan, même si tu veux plus du café, tu peux pas te barrer, là. C'pas ton père.
Docile, je m'installe en face de l'homme d'une cinquantaine d'années. Le haut du crâne dégarni, des yeux bleu délavé, athlétique, plutôt bel homme avec ses traits de statue grecque. Kloé ne tient de lui que la forme du nez et la couleur des iris.
Il ne me propose ni sucre, ni lait, alors j'avale la première gorgée en essayant d'ignorer l'amertume du breuvage. J'adore le café. Je suis fan de café. Mais avec du lait. Avant, j'y ajoutais aussi du sucre, mais allez savoir pourquoi, après avoir contracté le covid, j'ai arrêté du jour au lendemain. En revanche, arrêter le lait, ça, je ne peux pas.
À la deuxième gorgée, Thierry soupçonne quelque chose. À la troisième, un sourire fleurit sur son visage. À la quatrième, il abrège mes souffrances :
— Si tu veux du sucre, tu peux me demander, tu sais ? Je ne mange pas les grands garçons comme toi !
— Heureusement que je suis pas petit, alors. Je veux bien du lait s'il vous plaît.
Il se met à rire, va chercher le lait pour m'en verser une dose généreuse. Je revis !
— J'aime ton humour, mon grand ! J'aurais voulu un fils comme toi !
Évitons de lui dire que ma réplique est sortie sans réfléchir et était très sérieuse, alors. Concentrons-nous plutôt pour ne boire ni trop rapidement ni trop lentement.
Chez moi, j'ai la fâcheuse tendance à boire trop vite et à m'en faire couler partout. Rémi détestait ça.
— Je rêvais d'avoir un garçon à qui apprendre le rugby, avec qui jouer aux échecs, poursuit Thierry, des paillettes dans les yeux.
Oui, enfin, je ne joue ni à l'un ni à l'autre.
— Mais ne va pas croire que j'étais déçu d'avoir une fille, loin de là ! J'ai même essayé de lui apprendre le rugby et les échecs aussi ! Mais Kloé... non. CA ne fonctionne pas avec cette enfant. Peut-être que si elle avait eu un grand-frère comme toi... d'ailleurs, elle te voit un peu comme son grand-frère !
Je suis prêt à parier que non, mais jamais on ne me prendra à dire à un père que sa fille crush sur moi. Je tiens à la vie.
Thierry continue de parler. De sa fille, beaucoup (alors qu'il n'y a franchement rien à en dire). De sa femme, un peu (c'est beau de les voir encore si amoureux après vingt ans de mariage). De son travail, pour me délivrer des anecdotes (même si je ne comprends rien à son métier). Nos tasses sont depuis longtemps vides quand il me libère enfin pour aller faire des courses. Avant de quitter la maison, il a la (très) bonne idée de me préparer une cafetière entière de café. Que j'ai même le droit d'emmener dans la chambre d'amis : il prendra l'entière responsabilité de toute tâche éventuelle.
C'est donc avec une nouvelle tasse fumante que je m'installe sur le lit (après avoir retiré la grosse couette moelleuse, quand même) et récupère mon ordinateur.
Je ne sais pas trop à quoi m'attendre avec la série que j'ai choisie, d'autant qu'elle n'existe pas en français, seulement en VO sous-titrée anglais.
Ma vie entière est sous-titrée anglais en ce moment, je crois.
Je remue. Me cale confortablement dans les coussins. Lance enfin le premier épisode.
Au pire, je m'endormirai dessus !
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