Chapitre 7 : Timeless
Quelques jours après ma sortie de l'hôpital, la maison semblait enveloppée d'une tension subtile, mais constante. Papa, quant à lui, semblait absorbé dans ses pensées. Il passait des heures enfermé dans son bureau ou au téléphone. À chaque fois que je le croisais, il m'adressait un sourire rapide, mais distrait, comme s'il portait un poids invisible sur ses épaules.
Je ne pouvais m'empêcher de relier leur comportement à tout ce que j'avais découvert ou soupçonné ces dernières semaines. Et si tout cela avait un lien avec moi ? Avec mon état ? La question me hantait, mais je n'avais aucune réponse. Seulement un sentiment croissant que quelque chose clochait profondément.
Je repassais dans ma tête les bribes de conversations entendues, les regards échangés, les silences évocateurs. Tout cela formait un puzzle incomplet, mais j'étais certaine d'une chose : il manquait des pièces, et elles étaient quelque part, juste hors de ma portée.
Depuis quelques jours, des souvenirs flous et fragmentés de mon enfance refaisaient surface, comme des éclats d'un miroir brisé. L'un d'eux revenait plus souvent que les autres, à la manière d'un rêve qui refuse de s'éclipser. J'étais petite, peut-être six ou sept ans. Je me souviens d'avoir erré dans le couloir, attirée par une voix étouffée venant d'une pièce sombre. La porte était entrouverte.
À l'intérieur, j'avais aperçu Kate, assise sur un canapé, le visage enfoui dans ses mains, ses épaules secouées par des sanglots silencieux. Maman se tenait à côté d'elle, son expression indéchiffrable, mais son ton autoritaire. Quelques mots me revenaient, comme des fragments d'une langue étrangère : "Tu dois oublier ».
À l'époque, je n'avais pas compris. Pour moi, Kate pleurait simplement parce qu'elle était triste, et Maman essayait de la consoler, comme n'importe quelle mère. Mais maintenant... ce souvenir semblait différent, chargé de sens cachés que je ne pouvais ignorer.
Ce souvenir me hantait. Plus j'y pensais, plus il semblait se mêler aux récentes découvertes et à cette froideur inexplicable entre Kate et moi. Pourquoi me tenait-elle à distance ? Pourquoi Maman semblait-elle toujours si tendue quand il s'agissait d'elle ? Je commençais à croire que leur relation complexe cachait quelque chose de bien plus profond.
Je commençais aussi à remarquer des choses dans la maison. Des silences qui s'installaient brusquement quand j'entrais dans une pièce, des regards échangés entre mes parents comme s'ils s'interrogeaient sur ce que je savais ou devinais. Leur discrétion s'était encore amplifiée, et je ne pouvais m'empêcher de penser qu'ils essayaient de me protéger. Mais de quoi ?
Tout cela formait un étrange mélange d'inquiétude, de frustration et de curiosité. Je savais que je devais aller plus loin, creuser davantage. Ces souvenirs, cette tension palpable, l'attitude de Kate... tout cela était lié. Je le sentais. Et je ne pouvais pas continuer à l'ignorer.
Après avoir longtemps hésité, j'ai pris mon téléphone et cherché le nom de Kate dans mes contacts. Mon doigt flottait au-dessus de l'écran. Une part de moi voulait renoncer, mais une autre, plus obstinée, savait que je devais le faire. Inspirant profondément, j'appuyai finalement sur « Appeler ».
Elle décrocha au bout de quelques sonneries. Sa voix était posée, presque distante.
- Amelia ? Qu'est-ce qu'il y'a ?
Moi : J'aimerais qu'on puisse se parler, vraiment. Je sens qu'il y a quelque chose qui ne va pas, commençai-je, cherchant mes mots..
Un silence s'installa, pesant. Quand Kate répondit enfin, son ton était froid, presque mécanique.
- Tu réfléchis trop, Amelia. Tout va bien.
Cette réponse me fit l'effet d'un mur, mais je refusais de me laisser décourager.
Moi : Si tout va bien, alors pourquoi y a-t-il autant de tensions entre Maman et Papa ? Pourquoi interceptent-ils des lettres ? Pourquoi tout semble si... étrange ?
- Quelle lettre ? demanda-t-elle brusquement, son ton devenant plus acerbe.
Moi : Une lettre pour toi, répondis-je, testant sa réaction. Je l'ai vue. Et ce n'est pas la seule chose. Tout le monde agit bizarrement depuis quelque temps, et je veux savoir pourquoi.
Kate lâcha un soupir agacé.
- Arrête de chercher des problèmes là où il n'y en a pas, Amelia. Tu ferais mieux de te concentrer sur toi-même.
Sa réplique me blessa plus que je ne voulais l'admettre, mais je refusais de céder.
Moi : Maman et Papa me cachent quelque chose. Je sais que tu sais de quoi il s'agit.
Sa voix trembla légèrement, juste assez pour que je le remarque.
- Amelia, commença-t-elle, mais elle s'interrompit, comme si elle hésitait entre me répondre ou fuir.
Moi : Kate, s'il te plaît. Je ne peux plus supporter cette distance entre nous. Si quelque chose me concerne, j'ai le droit de savoir.
- Concentre-toi sur le lycée, rétorqua-t-elle sèchement. Et arrête de poser des questions inutiles !
Avant que je ne puisse répondre, elle raccrocha. Je restai là, le téléphone encore pressé contre mon oreille, la colère et la frustration bouillonnant en moi.
Mais quelque chose dans sa voix me hantait : ce n'était pas seulement de l'agacement. Il y avait une fragilité, une peur à peine dissimulée. Kate savait quelque chose. Et elle faisait tout pour ne pas le laisser sortir.
Cette conversation, bien que brève, avait renforcé ma détermination. Il était évident que ce secret ne pouvait plus rester enfoui, et je n'arrêterais pas tant que je ne découvrirais pas la vérité.
Plus tard dans l'après-midi, mon téléphone vibra. Une notification. C'était un message de Miles.
Hey, comment tu te sens ?
Ça te dirait de te poser dans un café après les cours ?
C'est moi qui invite. 😊
Un sourire se forma sur mes lèvres. Miles avait cette capacité étrange à apparaître au moment où j'en avais le plus besoin. Sans trop réfléchir, je répondis.
Ça marche.
À quelle heure ?
Quelques heures plus tard, je le retrouvai dans un petit café proche de l'école. L'endroit était chaleureux, avec ses murs en briques apparentes et l'odeur du café fraîchement moulu. Miles m'attendait déjà à une table près de la fenêtre, un sourire accueillant illuminant son visage.
Miles : Tu es pile à l'heure, lança-t-il en riant légèrement alors que je m'asseyais. C'est impressionnant.
Je roulai des yeux en souriant.
Moi : Je sais être ponctuelle quand je veux.
La conversation démarra simplement. Il me parla d'un nouveau projet photo qu'il préparait pour un concours. Son enthousiasme était contagieux, et pour un instant, j'oubliai mes préoccupations. Il sortit même son téléphone pour me montrer quelques clichés récents : un coucher de soleil spectaculaire, des visages capturés dans des instants d'émotion pure. Chaque photo semblait raconter une histoire.
Moi : Tu es vraiment doué, murmurai-je, sincèrement impressionnée.
Miles : Merci, répondit-il, un brin embarrassé. Mais assez parlé de moi. Toi, tu as l'air... ailleurs.
Je baissai les yeux sur ma tasse de thé, hésitant.
Moi : Je vais bien, répondis-je finalement.
Miles fronça légèrement les sourcils, mais il n'insista pas. Le silence qui suivit n'était pas inconfortable. C'était le genre de moment où les mots n'étaient pas nécessaires. Je pris une gorgée de thé, observant les passants par la fenêtre. Le brouhaha du café et la chaleur de l'endroit offraient un contraste agréable avec l'atmosphère lourde de chez moi.
Miles brisa le silence avec une anecdote amusante sur un professeur qui s'était trompé de classe pendant un cours. Sa capacité à transformer une situation banale en quelque chose de drôle me fit sourire.
Je sirotais distraitement mon thé, laissant mes pensées vagabonder. L'atmosphère chaleureuse du café n'arrivait pas à apaiser entièrement le tumulte dans ma tête. C'est alors que mon regard croisa celui d'une femme à quelques tables de là. Mon cœur se serra. C'était elle. Celle que j'avais vue devant notre maison.
Elle sembla me reconnaître à son tour. Après une légère hésitation, elle se leva et s'approcha de ma table. Miles, absorbé par son téléphone, ne remarqua pas immédiatement ce qui se passait.
Elle : Bonjour, excusez-moi, commença-t-elle poliment, ses yeux fixés sur moi. Je crois que je vous ai déjà vue quelque part.
Un frisson parcourut mon échine. Je tentai de garder mon calme et répondis doucement.
Moi : Peut-être... Vous étiez... devant ma maison, non ?
Ses sourcils se haussèrent légèrement, surprise par ma franchise.
Elle : Oui... Mais je ne savais pas que cette maison était la vôtre. Tu vis là-bas ?
Sans trop réfléchir, je hochai la tête.
Moi : Oui... Avec mes parents.
Une fois les mots prononcés, je réalisai que j'aurais peut-être dû être plus prudente. Un silence gênant s'installa. La femme me dévisageait, comme si elle cherchait à résoudre une énigme cachée sur mon visage. Je me sentais exposée sous ce regard scrutateur.
Elle : Victoria et Edward sont tes parents ?
Moi : Oui.
Elle : Tu es Ilona ?
Moi : Non. Amelia...
Elle : Mais... Comment es-ce possible ? Quel âge as-tu ?
Moi : Pourquoi ?
Elle : Tu ressembles beaucoup à... quelqu'un que je connaissais, murmura-t-elle finalement, sa voix teintée d'un étrange mélange de nostalgie et de méfiance.
Je forçai un sourire nerveux.
Moi : Ah, je dois juste avoir un visage commun.
Elle ne semblait pas convaincue. Elle resta immobile quelques secondes, son regard toujours rivé sur moi. Puis, d'un ton plus sérieux, presque grave, elle ajouta.
Elle : Peut-être... Mais parfois, ce qu'on voit nous raconte une autre histoire. Tu mérites de savoir qui tu es vraiment. Fais attention à toi, jeune fille.
Je fronçai les sourcils, déconcertée par ses paroles énigmatiques.
Moi : Que voulez-vous dire ? demandai-je, ma voix hésitante.
Elle sembla sur le point de répondre, mais se retint. Elle hocha la tête, comme pour confirmer quelque chose à elle-même, puis fit volte-face. Je la suivis du regard alors qu'elle s'éloignait, jetant un dernier coup d'œil dans ma direction, ses yeux toujours troublés.
Je restai figée. Miles releva finalement la tête et remarqua mon expression.
Miles : Tout va bien ? demanda-t-il, inquiet.
Je secouai légèrement la tête, essayant de reprendre mes esprits.
Moi : Oui... Juste quelqu'un... que je crois avoir déjà vu.
Mais au fond de moi, je savais que ce n'était pas qu'une simple rencontre fortuite. Cette femme savait quelque chose.
Miles : Amelia, tu es sûre que tout va bien ?
Je baissai les yeux, hésitant à répondre. Miles et moi venions à peine de commencer à mieux nous connaître, et pourtant, il semblait voir à travers mes murs.
Moi : Oui.
Il hocha la tête, mais je savais qu'il n'était pas convaincu.
Miles : Je sais qu'on ne se connaît pas depuis longtemps, mais parfois, parler à quelqu'un d'extérieur, ça aide.
Je lui adressai un faible sourire, touchée par sa sincérité.
Moi : Merci, Miles. C'est gentil. Je... Je traverse juste une période un peu compliquée avec ma famille. Rien de grave.
Il acquiesça doucement, respectant mes limites.
Miles : Les familles, ça peut être compliqué, oui. Mais tu as l'air forte. Je suis sûr que tu gères mieux que tu ne le crois.
Ces mots simples me réconfortèrent plus que je ne voulais l'admettre. Nous restâmes silencieux un instant, profitant de l'ambiance tranquille du café. Finalement, après avoir terminé nos boissons, Miles proposa de me ramener chez moi.
Le trajet en voiture fut agréable, ponctué de conversations légères. Alors qu'il s'arrêtait devant ma maison, il se tourna vers moi.
Miles : Je suis content qu'on ait passé un moment ensemble. Si jamais tu veux te changer les idées ou juste parler, je suis là, d'accord ?
Je le regardai, un peu troublée par la sincérité dans ses yeux.
Moi : Merci, Miles. Ça compte beaucoup.
Il me sourit, ses doigts tapotant légèrement le volant.
Miles : Je te trouve vraiment... intéressante. Différente des autres.
Je rougis malgré moi.
Moi : Merci. Toi aussi, tu es... différent.
Nous échangeâmes un sourire, tandis qu'il se pencha vers moi pour me faire la bise avant que je ne descende de la voiture. Un léger sourire flottait sur mes lèvres lorsque je refermai la porte derrière moi. Alors que je montais les marches du porche, je sentis son regard suivre mes pas.
Dans ma chambre, je m'efforçai de me concentrer sur mes devoirs, mais mon esprit vagabondait sans cesse vers la conversation au café et le regard perçant de cette femme. Une fois mes devoirs terminés, je m'apprêtais à descendre pour le dîner lorsque des voix me parvinrent du rez-de-chaussée. Je m'arrêtai net en haut de l'escalier, tendant l'oreille.
Maman : Nous devons lui parler avant que quelqu'un d'autre ne le fasse. Elle mérite au moins de savoir une partie de la vérité.
Mon cœur s'emballa. De quoi parlait-elle ? La réponse de mon père, plus calme mais tout aussi ferme, me glaça.
Papa : Pas maintenant. Elle est trop jeune, trop fragile. Si elle savait tout, ça détruirait tout ce que nous avons construit.
Je sentis mes jambes vaciller. Ils parlaient de moi. Cela ne faisait aucun doute. Je m'accrochai à la rambarde, essayant de calmer ma respiration. Des fragments de leurs paroles résonnaient dans ma tête.
La vérité... Trop fragile... Tout ce que nous avons construit...
Je me sentais perdue, bouleversée, incapable de relier les morceaux du puzzle. Mais une chose était certaine : ils cachaient quelque chose de bien plus grand que je ne l'avais imaginé.
...: Tu fais quoi ici, toute seule ?
Je sursautai en entendant la voix d'Ilona derrière moi. Mon cœur battait déjà à tout rompre à cause de ce que je venais d'entendre, et son apparition soudaine n'arrangeait rien.
Moi : Rien, je descendais pour le dîner, mentis-je en me retournant.
Ilona me lança un regard curieux, mais elle haussa simplement les épaules.
Ilona : Justement, c'est l'heure.
Je tentai de reprendre mon calme et descendis les escaliers à sa suite. Dans la salle à manger, mes parents étaient déjà installés. Maman m'adressa un sourire chaleureux, mais je décelai une certaine tension dans son regard. Papa, lui, restait fidèle à son silence habituel, se concentrant sur son assiette avec une intensité presque feinte.
Le repas se déroula dans une ambiance lourde. Je faisais de mon mieux pour participer aux discussions, mais mes pensées étaient ailleurs. Les paroles que j'avais entendues résonnaient encore dans ma tête, me faisant perdre le fil de la conversation.
Maman semblait essayer de combler les silences avec des questions banales sur ma journée, mais je savais qu'elle remarquait mon malaise.
Au bout d'un moment, une étrange fatigue m'envahit. Une douleur sourde me martelait les tempes, et ma vision semblait floue par instants. Je reposai ma fourchette et pris une profonde inspiration, espérant chasser cette sensation.
Maman : Amelia, ça va ? demanda-t-elle, son ton inquiet perçant le silence.
Je levai les yeux vers elle.
Moi : Juste un petit mal de tête. Rien de grave.
Mais ce n'était pas suffisant pour la rassurer. Elle fronça les sourcils, abandonnant son propre repas.
Maman : Tu devrais aller te reposer. Et prends tes nouveaux médicaments sur ma commode, d'accord ?
Je hochai la tête, trop épuisée pour protester, mais une pensée s'insinua dans mon esprit. Est-ce qu'ils savent quelque chose sur ma santé qu'ils ne me disent pas ?
J'entrai dans la chambre de mes parents, cherchant le flacon que ma mère avait sûrement rangé dans un des tiroirs de leur commode. Leur chambre, toujours impeccablement ordonnée, respirait une perfection presque intimidante. Je m'avançai vers le meuble et ouvris un tiroir au hasard.
Entre des papiers soigneusement empilés et des carnets de notes, une enveloppe attira mon attention. Son coin dépassait légèrement, comme si elle avait été glissée là à la hâte. Curieuse, et peut-être un peu coupable, je la tirai doucement. Mon intention n'était pas d'espionner, mais quelque chose en moi me disait que je ne pouvais pas ignorer ce que je venais de trouver.
À l'intérieur se trouvait un ancien article de presse, jauni par le temps. Les mots « Procès familial » et « Benett » captèrent immédiatement mon regard. Je parcourus les premières lignes : il s'agissait d'un homme impliqué dans une affaire judiciaire complexe.
L'article mentionnait également une famille afro-américaine, mais les détails étaient flous. Je continuai de lire, mon cœur battant de plus en plus vite, bien que je ne comprenne pas encore l'ampleur de ce que je tenais entre mes mains.
Le nom « Benett » me semblait étrangement familier, mais je ne pouvais pas dire pourquoi. Il était comme une ombre dans ma mémoire, une connexion que je n'arrivais pas encore à établir. Était-il lié à cette femme que j'avais vue ? À mes parents ? À Kate ?
Je glissai l'article dans l'enveloppe et remis tout à sa place, veillant à ce que rien ne paraisse déplacé. Mon esprit était en ébullition. Ce nouvel élément, bien que mystérieux, me donnait une piste, un point de départ pour continuer ma quête.
Je devais savoir. Peu importe combien de murs mes parents avaient érigés autour de ce secret, je m'étais jurée de tous les abattre.
Avec mes médicaments enfin en main, je quittai la chambre de mes parents, le cœur lourd mais résolu.
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