Chapitre 3 : Goosebumps
Depuis aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu une santé... disons, capricieuse. Rien de dramatique, mais mon système immunitaire semblait toujours en retard par rapport à celui des autres. Les rhumes, les fatigues inexplicables, les petites maladies qui s'enchaînent sans vraiment se justifier : c'était mon quotidien. Au fil des années, j'ai appris à vivre avec. Après tout, ce n'est pas comme si je pouvais y faire grand-chose.
Mes parents, en revanche, ont toujours pris ça très au sérieux. Maman surtout. Elle s'est toujours assurée que je prenne mes vitamines, que je mange équilibré, et que je consulte régulièrement des médecins. Parfois, j'avais l'impression que chaque rhume était pour elle une alerte rouge.
Pour être honnête, je ne trouve pas tout ça si contraignant. C'est devenu une habitude, une routine. Mais, parfois, je me demande si cette attention incessante est vraiment nécessaire. Est-ce que je suis vraiment fragile, ou est-ce que c'est simplement Maman qui s'inquiète un peu trop ? J'ai arrêté de poser des questions. Je me dis que c'est plus simple comme ça.
Je m'étais résignée à passer la journée dans ma chambre. Le mal de tête que j'avais traîné depuis la veille semblait s'être installé pour de bon, et même la lumière qui filtrait par les rideaux semblait trop agressive. Allongée sur mon lit, j'essayais de me distraire avec un livre, mais mes pensées n'arrêtaient pas de dériver.
C'est alors qu'un léger coup résonna contre ma porte, suivi presque immédiatement de l'entrée d'Ilona. Comme d'habitude, elle n'attendit pas ma réponse pour débarquer, un sourire espiègle accroché à ses lèvres.
Ilona : Alors, la grande malade ? lança-t-elle en s'appuyant contre le cadre de la porte.
Elle haussa un sourcils.
Ilona : Tu veux que je te chante une berceuse ?
Je levai les yeux au ciel, mais je ne pus m'empêcher de sourire. Ilona avait ce don de rendre n'importe quelle situation moins lourde.
Moi : Très drôle, répondis-je d'un ton faussement blasé.
Elle s'approcha, s'assit au bord de mon lit, et commença à trifouiller l'oreiller à côté de moi.
Ilona : Sérieusement, Meli, tu devrais profiter de ton statut de malade pour te faire chouchouter un peu. Maman est déjà sur les nerfs, alors autant la mettre à profit, non ?
Je fronçai les sourcils.
Moi : Sur les nerfs ? Pourquoi ?
Ilona haussa les épaules.
Ilona : Aucune idée. Elle est tout le temps au téléphone, à murmurer comme si elle avait peur que quelqu'un l'entende. Hier, quand je lui ai demandé si tout allait bien, elle m'a carrément envoyée balader.
Je relevai légèrement la tête.
Moi : Maman t'a envoyé balader ?
Je pensais être la seule mais visiblement non. Elle acquiesça, croisant les bras.
Ilona : Ouais. Elle m'a dit de m'occuper de mes affaires. C'était... bizarre, même pour elle.
Je restai silencieuse un moment, repensant au comportement récent de ma mère. Je savais qu'elle pouvait être tendue, surtout quand Papa était en déplacement, mais cette fois, quelque chose sonnait faux. Est-ce que cela avait un lien avec moi ? Avec ma santé ? Ou bien était-ce... autre chose ?
Ilona, visiblement satisfaite d'avoir semé une graine de curiosité, se releva et secoua sa crinière blonde.
Ilona : Bon, sur ce, je vais te laisser ruminer ça toute seule.
Je roulai des yeux.
Moi : Merci pour ton soutien...
Elle m'envoya un baiser imaginaire et quitta la pièce, me laissant seule avec mes pensées. Et, comme elle l'avait prédit, je ne pouvais m'empêcher de me demander : que se passait-il réellement ?
Mon téléphone vibra doucement sur ma table de chevet, interrompant le fil de mes pensées. Je tendis la main pour le récupérer, m'attendant à une notification quelconque, mais mon cœur fit un petit bond lorsque je vis le nom qui s'affichait. Une notification Instagram.
Miles Carter vous a envoyé un message.
Je fixai l'écran pendant quelques secondes, prise au dépourvu. Pourquoi Miles m'envoyait-il un message ? Nous n'avions jamais vraiment échangé, à part ces quelques sourires en passant au lycée. Mon doigt hésita au-dessus de l'écran avant que je ne cède finalement à ma curiosité quelques minutes plus tard en ouvrant le message.
Hey, tu vas bien ?
Simple. Amical. Et pourtant, mon cœur battait un peu plus vite. Je pris quelques secondes pour réfléchir à ma réponse. Il n'était pas question que je montre à quel point ce message m'avait surprise. Après une brève hésitation, je tapai :
Salut ! Oui, ça va. Et toi ?
Il ne tarda pas à répondre :
Ça va, merci.
Je travaille sur un projet photo pour le club. Et toi, quoi de beau ?
Je souris en imaginant Miles, appareil photo à la main, probablement en train de capturer des images artistiques dans un coin de Boston.
Pas grand-chose, je me repose.
Un weekend tranquille.
Sa réponse arriva presque immédiatement :
Pas mal aussi.
Tu dois être super productive, j'imagine.
Genre en train d'écrire un roman ou un truc impressionnant ?
Je ris doucement, secouant la tête.
Pas vraiment.
J'ai passé la journée à traîner au lit.
Ah, une experte en farniente, je vois.
Je suis jaloux.
Moi, je me sens coupable si je ne fais rien, même un weekend.
Je souris à son message, imaginant le sourire malicieux qu'il aurait probablement eu en le tapant.
La conversation continua un moment, légère et agréable. Nous parlâmes de ses projets photo, de ses idées pour capturer la lumière dans les rues de Boston, et je finis par lui avouer que j'admirais les gens capables de transformer des choses banales en œuvres d'art.
Je pourrais te montrer un jour, si ça t'intéresse !
Pourquoi pas !
Ce moment, si simple, allégea un peu le poids que je sentais sur mes épaules depuis des jours. Miles avait cette manière de rendre les choses légères sans effort, et pour cela, je lui en étais presque reconnaissante. La conversation continua, chaque réponse venant plus facilement que la précédente.
Tu sais, je suis persuadé qu'on pourrait faire un projet photo ensemble.
Genre, toi et moi, en mode exploration de la ville.
Tu pourrais même me montrer ton côté artistique.
Je ris doucement en lisant son message.
Mon côté artistique ?
Pas sûre que ça intéresserait grand monde.
Il répondit instantanément.
Moi, ça m'intéresse.
Je parie que t'as des trucs cool à partager.
Je sentis mes joues chauffer. Miles était populaire, talentueux, et pourtant, il semblait sincèrement curieux à mon sujet. C'était étrange, mais... agréable.
Tu risques d'être déçu, mais qui sait, peut-être que je te surprendrai.
Sa réponse fit naître un sourire sur mon visage.
J'aime les surprises.
Je ne savais pas quoi répondre à ça, alors je laissai le silence s'installer, mais ce n'était pas un silence lourd. Au contraire, il semblait juste... naturel. Après quelques minutes, il relança la conversation.
Bon, je dois y aller, mais j'espère qu'on aura l'occasion de parler plus souvent.
Et repose-toi bien, ok ?
Je tapai rapidement ma réponse.
Promis.
Passe une bonne fin de journée.
Son dernier message arriva avant que je ne verrouille mon téléphone.
Toi aussi, Amelia 😘
Je fixai l'écran un instant, son emoji planté dans ma tête. Le reste du monde semblait un peu moins pesant, juste pour un moment. Alors que je terminais ma conversation avec Miles, on toqua à ma porte avant que Maman ne passe la tête à l'intérieur. Elle avait cet air à la fois pressé et préoccupé qui lui était propre.
Maman : Amelia, on doit y aller. Ton rendez-vous chez le médecin, tu te souviens ?
Je soupirai, reposant mon téléphone. Bien sûr que je m'en souvenais. Ces rendez-vous étaient devenus une sorte de routine, presque au point d'être ennuyeux.
Moi : Oui Maman, je me prépare.
Quelques minutes plus tard, nous étions en route. Je regardais distraitement par la fenêtre tandis que Maman, silencieuse, gardait ses mains bien ancrées sur le volant. Elle semblait concentrée, comme si elle avait quelque chose en tête qu'elle ne voulait pas partager. Je me demandais si elle pensait au travail ou à autre chose, mais je n'osai pas poser la question.
À notre arrivée, le médecin, un homme d'âge moyen aux gestes posés, nous accueillit avec un sourire professionnel. Je connaissais bien sa voix et son attitude rassurante. Il commença par les questions habituelles.
Médecin : Comment te sens-tu ces derniers temps ? Des maux de tête récents ? Toujours cette fatigue occasionnelle ?
Je répondais mécaniquement, habituée à ce genre d'échange. Rien de dramatique, rien de nouveau. Juste mon corps qui semblait toujours avoir un coup de retard sur le reste du monde. Après un rapide examen, il conclut que tout semblait normal. Mais, comme à chaque fois, il préférait attendre les résultats des tests pour en être certain.
Médecin : Nous devrions avoir les résultats dans quelques jours, dit-il en tapotant mon dossier. Mais tout me paraît bien.
Je me détendis un peu, mais pas autant que Maman, qui gardait ce regard attentif et inquisiteur. Puis le médecin se tourna vers elle.
Médecin : Madame Harrington, puis-je vous parler en privé un instant ?
Je levai un sourcil, surprise. Ce n'était pas inhabituel, mais cela me donnait toujours l'impression que quelque chose m'échappait. Maman posa une main légère sur mon épaule.
Maman : Attends-moi dans le couloir, ma chérie. Je reviens vite.
Je quittai la pièce et m'installai sur l'un des bancs froids du couloir, observant distraitement le personnel médical aller et venir. Une infirmière pressée, un patient feuilletant un magazine. Des scènes ordinaires, mais mon esprit n'y était pas.
Je me retrouvai à repenser à la conversation de ce matin avec Ilona, à la nervosité de Maman, aux bribes de conversation entendues entre mes parents il y a quelques semaines. Pourquoi avais-je l'impression que quelque chose se tramait, que je ne comprenais pas ?
Maman sortit enfin du bureau, et dès qu'elle croisa mon regard, je sus que quelque chose n'allait pas. Elle était plus silencieuse que d'habitude, et son sourire semblait... forcé.
Moi : Tout va bien ? demandai-je en me levant.
Elle hocha la tête rapidement.
Maman : Oui. Ne t'inquiète pas.
Mais je n'étais pas convaincue. Je connaissais Maman. Elle évitait mon regard, et son ton manquait de sin assurance habituelle.
Moi : Tu es sûre ? insistai-je, essayant de lire dans ses gestes.
Maman : Absolument.
Elle posa une main douce mais ferme dans mon dos pour me guider vers la sortie. Je savais que je n'obtiendrais pas plus de réponses pour l'instant. Mais ce trouble chez Maman ne me quittait pas. Quelque chose n'allait pas, et je sentais que cela me concernait directement, même si elle refusait de l'admettre.
Après un rapide arrêt à la pharmacie pour récupérer mes vitamines habituelles, nous prîmes enfin la direction de la maison. Le trajet fut étrangement silencieux. Maman semblait perdue dans ses pensées, et je n'avais pas envie de briser le calme pesant.
Mais en arrivant devant notre domicile, la scène qui nous attendait fit aussitôt disparaître ce silence. Une femme se tenait devant l'entrée principale, en pleine discussion animée avec l'un des gardes. Même depuis la voiture, je pouvais sentir la tension dans l'air.
La femme était grande, afro-américaine avec des cheveux tirés en arrière, et portait une veste sombre qui tranchait avec les décorations impeccables de l'entrée. Il y avait quelque chose dans sa posture : un mélange de détermination et de colère retenue. Maman se raidit immédiatement.
Maman : Reste ici, dit-elle sèchement en arrêtant la voiture juste avant le portail.
Elle sortit précipitamment, laissant la porte côté conducteur entrouverte. Je m'adossai à mon siège, mais ma curiosité était trop forte. Par la vitre, je regardai Maman marcher d'un pas rapide vers la femme. Elles commencèrent à parler, mais même de là où j'étais, je pouvais voir que leur échange n'avait rien de cordial.
Les gestes de Maman étaient précis, tendus, presque défensifs. La femme, quant à elle, croisait les bras ou pointait légèrement du doigt, comme si elle tenait à affirmer un point crucial. Que se passait-il ?
Incitée par une impulsion que je ne pus retenir, j'ouvris la portière et descendis discrètement. Je me postai à distance raisonnable, m'assurant de ne pas être immédiatement vue. C'est alors que j'entendis des bribes de leur conversation.
... : Vous ne pouvez pas le garder enfermé pour toujours Victoria, disait la femme d'une voix basse mais vibrante de colère. Mon fils mérite de retrouver sa vie et sa liberté.
Ces mots me frappèrent avec une étrange familiarité. Maman tenta de répondre, mais la femme l'interrompit.
... : Vous et votre mari avez détruit bien trop de choses. Il est temps que ça cesse !
Je sentis mon estomac se nouer. Ces paroles résonnaient trop avec ce que j'avais entendu il y a quelques semaines. Je me souvins immédiatement de la conversation entre mes parents sur cette mystérieuse libération de prison.
C'est alors que la femme tourna la tête et posa son regard sur moi. Son expression changea immédiatement, passant de la colère à quelque chose d'autre. Elle me fixa longuement, presque comme si elle voyait un fantôme. Je me figeai, mal à l'aise sous son regard.
Maman, remarquant sa distraction, tourna la tête et me vit.
Maman : Je t'ai dit de rester dans la voiture ! Remonte immédiatement !
Mais la femme ne détourna pas les yeux de moi. Je sentais son regard insistant. Maman s'approcha de moi rapidement, attrapant mon bras.
Maman : Faites-la partir. Et ne la laissez plus jamais revenir ici.
Le garde acquiesça sans un mot, tandis que la femme, visiblement furieuse, se redressa. Maman m'entraîna jusqu'à la voiture sans ajouter un mot, mais je pouvais sentir la tension dans la poigne ferme de sa main. Lorsqu'elle monta à son tour et démarra, son visage était fermé, ses lèvres pincées dans un silence glacial.
Je savais qu'elle était bouleversée, mais elle faisait tout pour ne rien laisser transparaître. Ce que je venais de voir, en revanche, ne quitterait pas mes pensées de sitôt.
Une fois la voiture garée dans l'allée, Maman me guida directement vers l'intérieur. Elle marchait d'un pas rapide, et je dus presque trottiner pour la suivre. Dès que nous fûmes dans le vestibule, je n'attendis pas plus longtemps pour poser mes questions.
Moi : Maman, qui était cette femme ? demandai-je, le souffle court.
Maman : Personne d'important Amelia, répondit-elle en retirant ses gants d'un geste nerveux.
Moi : Alors pourquoi elle te reprochait quelque chose lié à son fils ? Et pourquoi elle disait que toi et Papa avez détruit sa vie ?
Maman se figea une fraction de seconde, mais reprit presque aussitôt. Elle posa ses gants sur la console d'entrée et se tourna vers moi, le visage fermé.
Maman : C'était juste une inconnue en colère. Rien qui te concerne.
Mais ses mots sonnaient faux. Je n'étais pas dupe.
Moi : J'ai entendu ce qu'elle a dit. Elle te connaît, Maman. On ne parle pas à une inconnue comme ça. Elle te reprochait quelque chose, et c'était sérieux.
Elle soupira, visiblement agacée, et passa une main dans ses cheveux soigneusement coiffés. Ses yeux se rétrécirent légèrement, et son ton se fit plus dur.
Maman : Va te reposer, Amelia.
Je sentis mes poings se serrer malgré moi. Mais je savais que continuer à insister ne servirait à rien. Quand Maman adoptait ce ton, la discussion était terminée. Sans un mot de plus, je montai à l'étage, laissant derrière moi son air tendu et sa posture rigide.
Dans ma chambre, je m'assis sur le lit, le regard perdu. Le visage de l'inconnue ne quittait pas mes pensées. Elle m'avait fixée si intensément, comme si elle voyait quelqu'un d'autre en me regardant. Pourquoi ? Pourquoi ce regard, presque comme si j'étais un fantôme ?
Je pris une grande inspiration, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Cette femme connaissait mes parents, c'était évident. Mais pourquoi cela semblait-il aussi me concerner ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro