Chapitre 13 : Peekaboo
La journée avait commencé comme n'importe quelle autre. Je traînais près des casiers avec Clara et Elliott, écoutant d'une oreille distraite les bavardages tout en essayant de me motiver pour le cours à venir. Clara racontait une histoire, comme elle le fait toujours, et je souriais, même si une fatigue inhabituelle alourdissait mes mouvements.
Elliott, lui, lançait quelques commentaires sarcastiques qui me faisaient rire malgré tout. Mais soudain, quelque chose changea. Un vertige me saisit, comme une vague soudaine, et ma vision devint floue. J'essayai de me concentrer, de rester debout, mais mes jambes tremblèrent, refusant de me porter.
Moi : Attends... je..., balbutiai-je en posant une main contre mon casier pour me stabiliser.
Tout sembla basculer.
Clara : Amelia ! Hé, qu'est-ce qu'il y a ?
Je sentis Elliott m'attraper, essayant de m'empêcher de tomber. Mais mon corps ne répondait plus, comme si mes forces m'avaient soudainement abandonnée. Tout autour devenait flou, des bruits indistincts, des cris étouffés. Je savais que je tombais, mais je ne pouvais rien faire pour l'arrêter. Puis ce fut le noir complet.
Quand je repris vaguement conscience, je distinguai des voix paniquées, mais mes paupières semblaient trop lourdes pour s'ouvrir. Je sentis une surface dure sous mon dos et des mains qui m'entouraient.
Elliott : Reste avec nous, Amelia !
Sa voix semblait si proche et si lointaine à la fois. Je tentai de parler, mais aucun son ne sortit. Mon cœur battait trop vite, ma poitrine oppressée. Puis, une nouvelle vague de noirceur m'engloutit. La seule chose dont je me souviens après, c'est une sirène lointaine et la sensation d'être soulevée par des bras solides.
Quand j'ai rouvert les yeux, la lumière blanche de l'hôpital m'a presque aveuglée. Tout semblait flou et confus, mes pensées brouillées par la douleur sourde dans ma tête et le poids de mon propre corps. Je clignai des yeux, essayant de m'orienter, quand j'entendis des voix.
Mes parents étaient là, bien sûr. Maman murmurait à Papa, leur ton pressé et bas, comme s'ils ne voulaient pas que je les entende. Je me redressai légèrement, une douleur me traversant aussitôt les bras.
Moi : Maman ?
Ma voix était rauque, à peine un murmure. Elle accourut immédiatement à mon chevet.
Maman : Chérie, tu es réveillée. Ça va ? Tu te sens comment ? demanda-t-elle, son ton faussement apaisant trahissant une inquiétude intense.
Moi : Qu'est-ce qui... s'est passé ?
Le médecin entra dans la pièce, tenant un dossier.
Docteur : Amelia, tu as eu un malaise préoccupant, et nous avons dû faire quelques tests.
Son ton était sérieux mais bienveillant. Je le regardai, puis mes parents, dont les visages fermés ne faisaient qu'augmenter ma peur.
Docteur : Tes symptômes correspondent à une condition que nous surveillons depuis un certain temps avec tes parents. Nous pouvons désormais confirmer que tu souffres d'Ataxie de Friedreich.
Moi : Ataxie de quoi ? demandai-je, ma voix tremblante.
Docteur : C'est une maladie génétique rare, poursuivit-il. Elle affecte la coordination, la force musculaire et, dans certains cas, le cœur. Les symptômes que tu as ressentis récemment, comme les vertiges et la faiblesse, sont typiques des stades moyens de la maladie.
Je sentis mon cœur se serrer.
Moi : Mais... pourquoi moi ? Pourquoi j'ai ça ? Comment ça se fait ?
Ma voix se brisa légèrement. Maman posa une main sur mon bras, mais je l'écartai.
Maman : Chérie, c'est... compliqué. Nous avons découvert que tu pouvais porter un gène pour cette maladie il y a quelques années. Mais... on espérait que ça ne se déclencherait jamais.
Moi : Vous saviez ? Depuis des années ? Et vous ne m'avez rien dit ?
Mon ton monta malgré moi, une colère froide s'infiltrant dans mes paroles. Papa tenta d'intervenir .
Papa : Nous voulions te protéger, Amelia. Les médecins n'étaient pas certains que ça évoluerait. Nous pensions que c'était la meilleure chose à faire.
Moi : Protéger ? Vous appelez ça me protéger ? Vous avez joué avec ma santé, ma vie !
Je me redressai brusquement, ignorant la douleur.
Moi : Et de qui je tiens ça ? Qui, dans notre famille, m'a transmis ça ? Crachais-je.
Papa : Cela peut venir de plusieurs générations au-dessus. C'est difficile à déterminer précisément, dit-il d'une voix maladroite.
Je secouai la tête, les larmes brouillant ma vue.
Moi : Vous mentez. Comme toujours.
Je me sentais trahie. Une partie de moi aurait préféré rester dans l'ignorance. Une autre voulait hurler pour obtenir des réponses. Mais tout ce que je pouvais faire, c'était pleurer silencieusement, sentant le poids de leur silence et de leurs demi-vérités s'écraser sur moi.
Docteur : Amelia, il est important que tu comprennes bien ce qui se passe, commença-t-il doucement. C'est une maladie génétique. Elle affecte principalement le système nerveux et musculaire. Les symptômes varient, mais ce que tu as ressenti récemment... les vertiges, la faiblesse musculaire... sont des signes que la maladie est bien active chez toi.
Je l'écoutais en silence, ma gorge sèche, mes mains tremblantes. Chaque mot semblait s'incruster dans mon esprit comme une pierre de plus sur une montagne de questions.
Moi : Est-ce que... ça va empirer ?
Je détestais à quel point ma voix sonnait faible, presque enfantine. Le médecin inclina légèrement la tête.
Docteur : Dans certains cas, la progression peut être lente. Chez d'autres, elle peut évoluer plus rapidement. Nous allons devoir surveiller de près ta condition et ajuster les traitements en fonction de tes symptômes. Ce qui est important, c'est de ne pas paniquer. Nous sommes là pour t'accompagner.
Moi : Et... le cœur ? Vous avez dit que ça pouvait aussi affecter le cœur...
Mon souffle s'accélérait, mais je tentais de rester calme.
Docteur : Oui, dans certains cas avancés, il peut y avoir des complications cardiaques. C'est pour cela que nous allons effectuer des tests réguliers et travailler pour maintenir ta santé au mieux.
Il posa une main rassurante sur le bord de mon lit.
Docteur : Pour l'instant, nous allons te garder en observation pour la journée. Si tout se passe bien et que vos symptômes diminuent, tu pourras rentrer chez toi ce soir. Mais rappelles-toi: repose-toi et sois attentive à tes sensations. Tu ne dois pas ignorer ce que ton corps te dit.
J'hochai la tête mécaniquement, incapable de formuler une réponse. Le médecin se leva, ajustant légèrement sa blouse.
Docteur : Je reviendrai plus tard pour vérifier ton état. D'accord ?
Je hochai faiblement la tête avant de le regarder sortir de la pièce. Un silence lourd s'abattit alors que mes parents restaient plantés là, l'air mal à l'aise. Je pris une grande inspiration, sentant la colère remonter comme une vague.
Moi : Vous saviez pour cette maladie depuis des années et vous avez attendu que je m'écroule pour m'en parler. Et maintenant, vous voulez me faire croire que vous n'avez rien d'autre à cacher ?
Papa croisa les bras, évitant mon regard.
Papa : Amelia, il n'y a rien d'autre. Nous voulions te protéger, rien de plus.
Je laissai échapper un rire amer.
Moi : Protéger ? répétais-je, incrédule. C'est toujours la même excuse avec vous ! Vous pensez que cacher la vérité, c'est me protéger ? Alors dites-moi, pourquoi je sens que vous me mentez encore ? Pourquoi j'ai l'impression que tout ça ne colle pas ?
Maman tenta de poser une main sur mon bras, mais je la retirai.
Maman : Ma chérie, tu traverses beaucoup en ce moment. Nous comprenons que c'est difficile, mais tu dois nous faire confiance. Nous faisons tout pour ton bien.
Je secouai la tête, mon regard passant de l'un à l'autre.
Moi : Je ne peux pas vous faire confiance si vous continuez à agir comme ça. Vous voulez que je reste calme, mais tout ce que vous faites, c'est alimenter mes doutes.
Papa ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais il se ravisa, fixant Maman. Je compris que je n'obtiendrais aucune réponse aujourd'hui. Comme toujours.
Moi : Vous savez quoi ? Laissez-moi seule, dis-je finalement, ma voix tremblante. Vous avez fait assez pour aujourd'hui.
Maman voulut protester, mais Papa posa une main sur son bras, la guidant vers la porte. Ils sortirent sans un mot de plus, me laissant seule avec mes pensées et une montagne de questions toujours sans réponses.
L'après-midi avançait doucement, et je m'étais résignée à fixer les motifs fades du plafond de ma chambre d'hôpital. Mes pensées tournaient en boucle autour de ce que le médecin avait dit, mais aussi des non-dits de mes parents. J'étais à la limite de l'épuisement mental quand un coup léger retentit à la porte.
... : On peut entrer ? demanda une voix familière.
Je tournai la tête pour voir Clara et Elliott dans l'encadrement de la porte, portant chacun une petite boîte de friandises. Je ne pus m'empêcher de sourire légèrement.
Moi : Qu'est-ce que vous faites là ? murmurai-je, ma voix encore un peu rauque.
Clara : On a séché le dernier cours pour venir te voir. Et puis, qui d'autre va illuminer ta journée si ce n'est moi ? ajouta-t-elle avec un sourire éclatant.
Elliott, quant à lui, s'approcha plus discrètement, déposant une boîte sur la table de chevet.
Elliott : On s'est dit que tu aurais peut-être besoin de compagnie... et de sucreries, dit-il, sa voix plus douce.
Leur présence m'apaisa immédiatement, même si une petite part de moi se demandait pourquoi Elliott semblait si attentif, presque... protecteur. Clara, fidèle à elle-même, s'assit au bord de mon lit et commença à déballer les friandises.
Clara : Alors, raconte ! Est-ce qu'ils t'ont annoncé que tu avais développé des super-pouvoirs ?
Je ris faiblement, même si la situation pesait sur moi.
Moi : Pas vraiment. Juste une maladie rare et pas très glamour.
Son visage s'assombrit légèrement, mais elle reprit rapidement son sourire.
Clara : Eh bien, on va trouver un moyen de rendre ça glamour malgré tout.
Je leur expliquait rapidement, sans trop entrer dans les détails.
Elliott : Tu as peur ? demanda-t-il, son ton sincère.
La question me prit au dépourvu. Je le regardai, hésitant.
Moi : Je ne sais pas. Peut-être. C'est surtout... le fait de ne pas savoir à quoi m'attendre.
Elliott hocha lentement la tête et s'approcha un peu plus.
Elliott : Tu n'es pas seule là-dedans, d'accord ? murmura-t-il, son regard ancré dans le mien.
Ses mots, simples mais chargés d'émotion, me touchèrent plus que je ne voulais l'admettre. Je sentis une gêne étrange monter en moi, un mélange de gratitude et de confusion. Je me contentai de hocher la tête, incapable de formuler une réponse. Clara, comme si elle avait senti la tension, intervint.
Clara : Bon, assez de sérieux ! Et si on mangeait ces bonbons !?
Il roula des yeux, mais un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Après une demi-heure de discussions et de plaisanteries, ils se levèrent pour partir. Clara me donna une étreinte rapide, promettant de revenir avec plus de blagues. Elliott, lui, resta quelques secondes de plus, me regardant avec une intensité qui me déstabilisa.
Elliott : Prends soin de toi, Amelia, dit-il doucement avant de partir.
Je restai seule dans la chambre, fixant la porte qui venait de se refermer. Les mots d'Elliott résonnaient dans ma tête. Mais pourquoi ce ton, cette proximité soudaine ? Je soupirai, secouant légèrement la tête. Ce n'était pas le moment de réfléchir à ça. Pourtant, malgré moi, le comportement d'Elliott restait gravé dans mon esprit.
Je m'étais endormie sans m'en rendre compte, le bruit régulier des machines m'ayant bercée dans un demi-sommeil agité. Mais des voix dans le couloir, juste derrière la porte entrouverte de ma chambre, m'avaient réveillée. Encore groggy, je n'osai pas bouger, préférant écouter.
Docteur : C'est un traitement expérimental. Il pourrait ralentir la progression, peut-être même stabiliser certains symptômes. Mais pour cela, il faudrait un donneur compatible, idéalement un membre de la famille.
Maman : Et s'il n'y avait pas de donneur familial ? demandait-elle, sa voix trahissant une angoisse qu'elle essayait de contenir.
Docteur : Dans ce cas, il faudrait envisager d'autres options. Mais cela rallongerait les délais et diminuerait les chances de succès.
Un silence pesant suivit. Puis, la voix plus basse de mon père résonna.
Papa : Et si... ça venait d'une autre source ? Est-ce que ça pourrait marcher ?
Je fronçai les sourcils. Une autre source ? De quoi parlait-il ? Cette conversation me laissa un goût amer. Il y avait clairement plus que ce qu'ils me disaient. Une autre source ? Un donneur ? Tout cela semblait enveloppé d'un secret bien plus grand que ma maladie.
Plus tard, une fois seule, j'attrapai mon téléphone, cherchant une distraction. Une notification attira immédiatement mon attention : un nouveau message du compte anonyme. Mon cœur s'emballa légèrement en lisant :
Tu es plus forte que tu ne le penses.
Ils ne te diront jamais la vérité.
Cherche les réponses par toi-même.
Je sentis une montée de colère et de frustration. Pourquoi ce compte semblait-il en savoir plus sur ma propre vie que moi ? J'appuyai sur le clavier avec un mélange de défi et de désespoir.
Qui êtes-vous ?
La réponse ne tarda pas, comme si cette personne attendait que je me manifeste.
Quelqu'un qui veut t'aider.
Regarde au-delà des apparences et de ce que tu crois savoir.
Je restai figée, relisant ces mots plusieurs fois. Le ton était énigmatique, presque cryptique, mais il frappait juste. Au-delà des apparences ? Et de ce que je croyais savoir ? Que savais-je vraiment, après tout ?
Chaque mot, chaque phrase, tournait dans ma tête comme un puzzle incomplet. Je savais que je devais fouiller plus profondément, mais pas maintenant. Mon corps réclamait du repos, et mon esprit, bien qu'en ébullition, capitula face à la fatigue.
Je fus arrachée à mes pensées par une voix familière. Ma mère était entrée dans la chambre sans que je m'en rende compte. Elle s'assit sur le bord de mon lit, l'air plus fatigué que jamais.
Maman : Amelia, commença-t-elle doucement. Je sais que tu es en colère. Mais tout ce que nous faisons, c'est pour toi. Nous voulions te protéger. Je te le jure.
Je la regardai, le cœur lourd mais la gorge serrée. Ses yeux brillaient d'une sincérité que je ne pouvais nier, mais cela ne changeait rien à ma douleur.
Moi : Protéger ?
Ma voix était froide, presque tranchante.
Moi : Vous appelez ça me protéger ? Me mentir, me cacher des choses sur ma propre vie ? Au lieu de me laisser décider ce qui est bon pour moi.
Ma mère baissa les yeux, visiblement touchée par mes mots. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Après un long silence, elle posa une main hésitante sur la mienne, mais je la retirai doucement, détournant le regard. Elle se leva lentement.
Maman : Je suis désolée, Amelia.
Puis elle quitta la pièce, me laissant seule avec mes pensées. Le poids de cette confrontation ajoutait une nouvelle couche à ma frustration. Je ne savais pas quoi faire de leurs excuses, de leurs décisions prises "pour mon bien". Tout ce que je savais, c'était que je me sentais de plus en plus seule au milieu de tout ça.
En quittant l'hôpital en début de soirée, je suivis mes parents dans le hall. Papa reçut un appel juste avant que nous atteignions la sortie. Son expression, d'abord neutre, changea brusquement. Sa mâchoire se crispa, et il serra son téléphone si fort que j'eus peur qu'il ne le brise.
Il finit par raccrocher, visiblement irrité, et rejoignit ma mère. Ils échangèrent quelques mots à voix basse, mais je ne pouvais pas les entendre clairement. Leurs visages, en revanche, parlaient d'eux-mêmes : une inquiétude palpable, presque étouffante.
Moi : Tout va bien ? demandai-je.
Papa : Oui, tout va bien.
Je n'insistai pas. Pas maintenant, du moins. Je n'avais pas l'énergie pour une autre confrontation. De retour à la maison, je montai directement dans ma chambre. Mon téléphone vibra sur la table de chevet, affichant le nom de Miles. Un sourire se dessina sur mon visage malgré tout.
Moi : Salut, répondis-je doucement.
— Salut, Amelia. Je voulais juste m'assurer que tu vas bien. Tu m'as vraiment fait peur aujourd'hui.
Sa voix, pleine de sincérité et d'inquiétude, fit battre mon cœur un peu plus vite.
Moi : Je vais mieux maintenant, dis-je, même si je savais que ce n'était qu'à moitié vrai.
J'hésitai à lui parler de ma maladie. Je ne voulais pas l'effrayer ou lui donner une raison de s'éloigner.
— Tu sais que tu peux m'appeler si tu as besoin de quoi que ce soit, hein ? Tu sais que je suis là pour toi...
Moi : Je sais, répondis-je, un léger sourire sur les lèvres.
Miles : Je vais te laisser te reposer, mais on s'appelle demain. D'accord ?
Moi : D'accord. Bonne nuit, Miles.
— Bonne nuit, Amelia.
Je posai mon téléphone, me sentant un peu plus légère malgré tout ce qui pesait sur mes épaules. Mais ce répit fut de courte durée. Une dernière notification apparut sur mon écran, cette fois du compte anonyme.
Le temps presse, Amelia.
Prépare-toi à découvrir ce qu'ils ne veulent pas que tu saches.
Mon souffle se coupa. Ces mots étaient si directs, si pressants. Qui était derrière tout ça ? Que savaient-ils de ma vie que j'ignorais encore ?
Je verrouillai mon téléphone et me glissai sous les couvertures. Mais malgré la fatigue, je savais que le sommeil ne viendrait pas facilement. Ces mots, ce message, cette journée... tout me hantait. Les ombres de mes pensées murmurèrent des secrets à moitié devinés alors que mes paupières se fermaient enfin.
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