Chap 23 - Tourner la page
La peur se lit dans les yeux de TaeHyung. Et tout son corps trahit son désir de fuir. Le plus loin et le plus vite possible. Je ne peux pas lui en vouloir. Pas après ce qu'il a dû vivre. Yeri m'a raconté qu'il avait tenté de divertir les enfants dans le bunker en jouant mais tout le monde avait trop peur pour ça. Alors il avait commencé à chanter des comptines amusantes pour les faire sourire et peu à peu, tout le monde s'était joint à lui. Yeri m'a confié que s'il n'avait pas été là, elle aurait sûrement fait une crise de panique.
Le jour de l'enterrement, j'ai vu Choi SeungCheol discuter avec Yein et Chan. On m'a raconté que Yein avait suivi les gars pour aller sécuriser le bunker défectueux. J'aurais préféré qu'elle reste tranquille avec TaeHyung et Yeri mais quand je l'ai su, je me suis surpris à éprouver une certaine fierté. Et le lendemain, elle est venue me voir : elle m'a demandé si elle pouvait commencer l'entraînement. Comme Chan, comme les autres jeunes qui habitent le quartier de Bangtan. Il y a toujours peu de filles dans les recrues mais je n'ai pas su le lui refuser. Parce que je sais qu'elle en est capable. Elle est réfléchie et courageuse, exactement comme Seohyun noona, la grande sœur de TaeHyung et mon modèle. Je lui ai simplement demandé de ne pas en parler à TaeHyung. Ni à Yeri, pour le moment. Elle le saura bien assez tôt et elle est encore trop innocente pour connaître tous les détails.
_ L'embarquement va bientôt commencer.
Je reviens sur terre et me tourne vers TaeHyung, prêt à s'envoler pour un autre continent, une autre vie. Je vois Yeri souffler d'exaspération mais les deux autres ne disent rien. On a passé la douane avec lui, pour passer un peu plus de temps ensemble. Nos derniers moments en famille. C'est ironique quand j'y pense. C'est lui qui voulait des enfants et c'est moi qui reste avec eux.
Je croise le regard de mon ex-mari mais n'ose pas être le premier à lui dire au revoir. Et les secondes semblent passer, embarrassantes parce que personne n'ose faire le premier pas. Nous nous retenons de soupirer de soulagement lorsque nous voyons Yein se diriger la première vers TaeHyung. Ils se serrent dans les bras, échangeant des paroles que je n'entends pas. Parce qu'à côté de moi, je sens Yeri reculer. Encore et encore.
Je me tourne vers elle, prêt à tendre le bras dans sa direction pour qu'elle ne s'enfuie pas.
_ Je ne veux pas lui dire au revoir, souffle-t-elle.
Je sais qu'elle est en colère. Je sais que depuis plusieurs semaines, elle voue une véritable haine envers son père. Mais je ne peux pas la laisser faire ce qu'elle veut.
Voyant du coin de l'œil que Chan succède à Yein, je prends Yeri par le coude et nous emmène plus loin.
_ Tu dois lui dire au revoir.
_ Personne ne peut m'y obliger ! s'exclame-t-elle.
Depuis notre rencontre, son caractère n'a pas changé. Elle a toujours du mal à faire des concessions, à entendre le point de vue des autres, différent du sien.
_ Yeri, s'il te plaît.
Elle secoue la tête de droite à gauche, têtue.
_ Pense que c'est peut-être la dernière fois que tu le vois. Qu'il va peut-être mourir là-bas. Est-ce que tu veux vraiment que ce soit ça ton dernier souvenir avec lui ? Tu t'en voudras toute ta vie si tu le laisses partir comme ça, sans même lui dire au revoir. Je ne veux pas t'obliger à le prendre dans tes bras, à lui pardonner ou à lui dire que tu l'aimes. Mais tu ne peux pas rester en colère éternellement Yeri.
_ Ma mère aussi m'a abandonnée. Est-ce que toi aussi tu vas le faire un jour ?
Je suis pris de court. J'ai toujours du mal à imaginer ce qu'il peut se passer dans sa tête. J'étais loin de penser qu'elle vivait la situation aussi mal.
_ Ce n'est pas... La situation est différente, Yeri. Il ne nous abandonne pas pour les raisons que tu... Enfin ce que je veux dire, c'est qu'il quitte Bangtan avant tout. Ce n'est pas contre nous, il...
Je perds mes mots. Quand je vois ses yeux larmoyants, son regard plein d'espoir, je comprends que ce n'est pas la réponse qu'elle attend. Alors je me reprends et lui caresse les cheveux pour la rassurer.
_ Moi je reste. Et je resterai aussi longtemps que tu auras besoin de moi.
_ Mais si Bangtan est encore attaqué et que tu meures...
_ Ça n'arrivera pas. Je te le promets.
Elle hoche la tête et essuie ses larmes.
_ Okay, dit-elle.
Elle renifle, redresse les épaules et me fait signe qu'elle est prête. Qu'elle ne se rebellera plus.
Je la laisse se diriger vers TaeHyung qui retient ses larmes comme il peut en discutant avec Yein et Chan. En voyant Yeri, son sourire géométrique reprend place sur son visage et il ouvre les bras pour la recevoir. Notre fille ne se fait pas prier pour l'enlacer et ça soulage tout le monde.
Je viens me placer à côté de Yein et Chan et nous les regardons pleurer, discuter, s'enlacer et nous devinons naturellement que c'est plus dur pour eux deux que pour nous.
Lorsque Yeri lâche enfin TaeHyung, il se tourne vers moi et je comprends que c'est mon tour. Je n'ai jamais imaginé à quoi pourrait ressembler ce moment. Je lui ai offert tout ce que j'avais, tout ce qu'il a toujours souhaité, mais lui donner cet au revoir, je trouve ça étrange.
Il tend la main vers moi pour m'encourager à bouger et, comme par automatisme, par habitude, je m'avance vers lui. Il me sourit mais je n'arrive pas à retrousser mes lèvres. Je devrais me réjouir pour lui mais j'en suis incapable. Ma main touche la sienne et je me laisse guider. Il me rapproche de lui pour m'enlacer et je me laisse faire.
Corps contre corps, je m'enivre de son odeur, de son toucher. Pour la dernière fois. Après des mois à ne plus pouvoir me tenir aussi près de lui, il m'offre une dernière chance. La toute dernière sans doute. Alors je profite.
_ Au revoir JungKook.
Le moment de béatitude s'en va aussi vite qu'il est arrivé.
_ Je vais faire de mon mieux.
_ Je sais.
Je le sens sourire, rassuré, mais je voudrais qu'il soit fier de moi.
_ Je ne partirais pas aussi rapidement si je n'étais pas aussi confiant. Je sais que tu vas gérer.
Dans nos oreilles, nous entendons une hôtesse de l'air annoncer le début de l'embarquement. Il se détache de moi et j'ai pendant une seconde l'impression d'être complètement démuni. Il recule alors que je sens trois présences prendre place à mes côtés. Il nous sourit et nous faisons de notre mieux pour afficher le même air.
Nous le regardons embarquer, presque dans un état second. C'est la troisième fois que je le laisse partir. Mais cette fois, je ne l'attendrai pas. Même si c'est l'homme de ma vie, il faut que je tourne la page. Seul Chan semble s'émerveiller de voir l'avion décoller, Yein pense déjà à trouver le chemin de la sortie et Yeri se cramponne à moi.
- - -
Je ne suis pas des plus ravis, et c'est peu de le dire.
Je me souviens encore de la discussion houleuse que j'ai eu avec Yein quelques semaines auparavant.
_ Papa, s'il te plaît. Ce n'est pas si grave que ça.
J'avais grogné, m'empêchant de crier, agitant les bras dans tous les sens comme un fou. Yeri m'aurait encore traité de vieux buté si elle avait été présente à ce moment-là.
_ J'ai accepté que tu le côtoies mais là, c'est trop. Et c'est non.
_ Je suis désolée que tu agisses de la sorte mais sache que je ne vais pas attendre ta mort pour vivre ma vie comme bon me semble.
Elle était restée droite, calme et intègre. Elle a toujours été intelligente mais ces dernières années, elle avait grandi sans que je ne m'en rende compte. C'était une femme à présent, et c'était sûrement ce que j'évitais de voir.
_ Tu as toujours refusé de le rencontrer, m'a-t-elle rapprochée.
_ Parce que je le connais déjà !
_ Faux. Tu le connais en tant que membre de Visual seulement. Pas en tant que mon...
_ Ne t'avise même pas de prononcer ce mot Yein.
Elle m'avait fusillé du regard. J'avais toujours été fort à ce jeu et n'avais pas détourné le mien. Mais elle n'était pas Chan ou Yeri. Elle savait soutenir le mien, et longtemps.
_ Je me fiche de l'image que tu as de lui. Ça fait cinq ans que nous sommes ensemble et je vais l'épouser, que ça te plaise ou non.
J'avais mal aux dents à force de serrer la mâchoire.
_ J'aurais simplement apprécié que tu sois content pour moi.
Sa voix semblait plus douce, plus touchée et je me suis rendu compte que j'y allais peut-être un peu fort. TaeHyung l'aurait félicité dans la seconde.
_ Yein... Si tu es heureuse, je le suis aussi. C'est juste que je ne comprends pas. Pourquoi lui ? Tu sais ce qu'il fait...
_ Je sais. Et je sais aussi ce que toi tu peux faire pour Bangtan. Si ça peut te rassurer, je n'épouse pas juste un membre d'un gang rival. J'épouse surtout mon ami d'enfance, celui que j'ai rencontré à l'orphelinat et que j'ai retrouvé des années plus tard. C'est mon meilleur ami. J'ai confiance en lui.
Elle avait l'air sûre d'elle et je savais que rien de ce que j'aurais pu dire ne l'aurait fait changer d'avis. Alors elle a enchainé, et m'a achevé.
_ Il est mon TaeHyung.
Ça m'a convaincu.
J'ai soupiré et elle a compris que je venais de céder. Elle n'est pas du genre à sauter de joie mais son sourire suffisait.
_ Merci Papa. Et j'espère que tu ne vas pas lui fermer la porte au nez lorsqu'il viendra te demander ma main.
_ Parce qu'il va venir me voir en plus ?
_ Bien sûr que oui. Il tient à faire les choses correctement.
J'avais levé les yeux au ciel devant une bêtise pareille.
Mais elle avait à nouveau raison. Parce que le Yoon JeongHan que j'ai rencontré le lendemain n'avait rien à voir avec le bras droit de Jin. Il n'avait pas le regard froid et calculateur. Il était toujours ce jeune homme sûr de lui mais n'avait rien d'arrogant. J'ai même deviné que si j'avais voulu lui faire sa fête, il se serait laisser battre. M'aurait même tendu le bâton. Parce qu'il s'agissait de ma fille.
Ma fille qui allait devenir sa femme. Et qui semble être la plus heureuse du monde à cette idée.
Aujourd'hui, Bangtan et Visual se sont réunis au Centre de Loisirs et de Sports pour lire le contrat de mariage. Du côté du futur marié, seul Jin est présent pour l'épauler. En tant que chef de Visual et témoin. De notre côté, nous sommes plus nombreux. Suga a été ravi d'apprendre la nouvelle : quoi de mieux qu'un mariage pour certifier une alliance ? Yein n'est pas seulement la nièce par alliance de l'ancien chef de Bangtan, elle est aussi la cousine de la femme du futur chef. Ce ne devrait plus être long avant que Suga ne prenne sa retraite et tout le monde sait que Woozi aura affaire à JeungHan tôt ou tard.
Je n'ai jamais lu de contrat de mariage. Nous n'en avions pas lorsque nous nous sommes mariés, TaeHyung et moi. Je m'assure seulement que les clauses sont équitables. Je ne voudrais pas que Yein soit piégée. Grâce à ses études de droit, elle s'y connaît beaucoup plus que moi. Peut-être même plus que n'importe qui autour de cette table. C'est également elle qui nous fait la lecture de toutes les clauses. Elle met le ton, insistant sur les passages qui sont plus importants ou qu'il faudra modifier par manque de clarté. En jetant des regards vers mon futur beau-fils, je remarque qu'il semble vraiment fier d'elle. Je ne le porte toujours pas dans mon cœur mais le voir aussi impassible que d'habitude m'aurait agacé.
Trois longues heures plus tard, nous signons un document attestant que toutes les parties - futurs époux, témoins de ceux-ci ainsi que les chefs de gangs - sont d'accord avec le contenu. Nous convenons de la date du mariage puis les Min prennent congés.
Lorsque nous sortons de la salle de réunion, Jimin vient se joindre à nous. Les banalités s'enchaînent et je ne fais que très peu attention à la conversation. TaeHyung a toujours eu plus de facilité avec les liens sociaux. Je suis simplement surpris de voir ma fille aussi à l'aise avec sa belle-famille. Comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Je sais que c'est de ma faute, parce que je n'ai jamais cherché à m'intéresser à sa vie de couple avec un Visual, mais je me promets de faire des efforts. Pour elle. Aussi pour Chan, en lui laissant plus de responsabilités au garage. Et aussi pour Yeri, avec qui je me prends encore régulièrement la tête mais qui a une peur profonde de couper le cordon. Je serais là pour eux. Comme je l'ai promis à TaeHyung et même s'ils sont adultes.
En voyant Yein avec l'homme qu'elle va épouser, en l'imaginant devenir l'épouse d'un chef de gang, je me sens pourtant serein. Elle est forte et sait se défendre.
Je n'ai pas peur.
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