Chap 21 bis
Je parcours la maison qui est censée être la mienne pour rejoindre le club de Kidoh qui lui sert de couverture et de lieu de transactions. En chemin, je garde la tête haute, fixe mon regard droit devant, évite de regarder où je marche, ou ce qu'il peut se passer aux horizons. Je sais déjà que je pourrais tomber sur des hôtesses à moitié dénudées et des clients venus dépenser leur pognon dans ce lieu immonde.
C'est le monde dans lequel j'évolue. Un monde d'hommes. Mais d'hommes hétéros. En quelques mots : l'univers de mon père. Et malheureusement, le seul héritage qu'il veuille me léguer.
On a fait un deal lui et moi : il me laisse tranquille jusqu'à ma majorité et à partir de là, je me consacre uniquement à Topp Dogg. Je n'aime pas faire semblant mais c'est la seule solution que j'ai trouvé. Changer, faire semblant d'être comme lui, pour mieux pouvoir m'enfuir.
Il a été surpris lorsque je lui ai fait cette proposition mais s'est laissé convaincre. Il ne m'a même pas obligé à posséder une puce à nouveau. Et je n'ai même pas eu besoin de sortir ma pièce maîtresse. Je garde toujours précieusement ces photos trouvées chez MinGyu et qui révèle ô combien il n'est pas si hétéro qu'il veut le laisser croire. Puis il devrait aussi savoir que ces femmes qui travaillent pour lui, qui passent parfois dans son lit, peuvent être bavardes. Elles cherchent toujours un appui, une sécurité, et entre le fils et le père, il faut parfois faire un choix. Même si la plupart navigue entre nous, elles se confient. Et j'adore entendre qu'il n'y a pas qu'avec moi qu'elles ne font que discuter et dormir. Et il doit très bien comprendre qu'il n'est pas le mieux placé pour me questionner au sujet de ma sexualité.
Je rejoins le bureau de Kidoh de l'autre côté du club où ses bras droits et lui-même sont réunis. Je suis le dernier à arriver mais mon uniforme scolaire me donne la bonne excuse quant à mon retard. Ils ne savent pas que Xero est vivant. Que leur si talentueux meilleur tireur a raté sa cible et, j'en suis certain, intentionnellement. Mais Jenissi fait profil bas et je préfère garder cette information pour moi également.
Je me courbe devant Kidoh et rejoins ma place en silence. Comme un roi sur son trône, ce dernier sourit à son assemblée.
_ On a la fille.
Certains sourient en haussant simplement leur lèvre supérieure, de façon arrogante et méprisante. D'autres se contentent de féliciter l'exploit.
La princesse de Bangtan est ici. Chez nous. Kim Jiae. Sans doute dans la cave de la maison, comme il était convenu.
_ WonWoo.
Je relève la tête vers Kidoh. Je ne m'attends pas à ce qu'il me remercie, simplement qu'il me dise ces mots que j'attends avec impatience.
_ Elle est à toi.
Je me courbe à nouveau. C'était notre deal. Je lui donnais le plus d'infos possibles sur le lieu et l'endroit où ses hommes pourraient l'enlever sans problème et j'aurais le droit de la garder avec moi.
Pour pouvoir la protéger des autres.
_ Certains vont être déçus de ne pas jouer avec, souligne quelqu'un.
_ C'est WonWoo qui nous a fourni les renseignements alors c'est son jouet. Tâche de la garder vivante. Et qui sait, je serais peut-être grand-père l'année prochaine.
Il me lance un regard amusé sous le rire gras de ses hommes et je force un de mes sourcils à se hausser puis redescendre, comme pour lui signaler « nous verrons bien ». Agir comme lui. Lui montrer que je deviens lui.
Mais il est bien évidemment que je ferais tout mon possible pour qu'elle sorte de cette histoire avec le moins de séquelles possibles.
Kidoh me congédie d'un signe de la main et les autres se marrent, me souhaitant de bien m'amuser.
Au moment où je quitte la table, Kidoh continue de parler.
_ La première attaque a été lancée il y a quelques minutes. Alors pendant que GOT7 se font massacrer du côté du port, une autre attaque a été lancé de l'autre côté de leur zone.
Je sors de la pièce, repasse dans le club plus tranquille que d'habitude et tente de ne pas sursauter lorsqu'une des filles se jette sur moi.
_ WonWoo-shi, j'ai reçu ton message.
Elle me sourit, attend que je lui dise ce que je veux d'elle. Gyuri est gentille, très jeune et, si elle n'aimait pas autant la cocaïne, aurait fait une bonne alliée.
Je lui tire le bras, nous poussant dans un coin de couloir désert. Le pire qu'il pourrait arriver serait de tomber sur une oreille indiscrète.
_ J'ai besoin que tu viennes dans ma chambre à minuit.
_ Bien sûr WonWoo-shi.
La plupart des filles, en plus de se sentir flattées, adorent venir dans ma chambre. Pour la simple et bonne raison que je leur fiche la paix. Je leur offre un lit immense, avec des draps propres et doux, et les laisse dormir seule. Je ne les ai jamais touchées et ne compte pas le faire un jour. Et moi, je vais dormir dans ma chambre d'enfant qui est juste à côté. Celle que j'ai montré à MinGyu parce que c'est la seule pièce de la maison où je me sens vraiment moi-même. Je ne lui montrerais jamais la chambre où je suis censé dormir, plus luxueuse et honteuse.
_ J'ai besoin que tu viennes avec des vêtements de rechange aussi. Un jean, un pull et des baskets.
J'hésite à lui demander des sous-vêtements mais finis par ne pas le faire, priant pour ne pas rougir.
_ On va faire des trucs crades ? Demande-t-elle, curieuse.
Ça serait bien la première fois, doit-elle penser. Mais je m'en fiche.
_ Contente-toi de ramener tout ça. Et aussi un élastique pour attacher les cheveux. Mais sois discrète, mets tout ça dans un sac. Et si on te pose des questions, dis n'importe quoi.
_ Okay WonWoo-shi. Tout ce que tu voudras, sourit-elle.
Je lui lâche le bras et lui fais signe de partir. Elle me lance un clin d'œil et je continue mon chemin jusqu'à la maison.
Je rejoins le sous-sol sans avoir croisé personne, ce que je trouverais suspect en temps normal, mais me rends vite compte qu'il n'est pas désert. Je m'y attendais mais j'espère qu'il n'est pas trop tard.
_ Ôte tes sales pattes de moi ! Crie une voix de femme, furieuse et dégoûtée.
Elle ne semble pas vraiment avoir peur. Kim Jiae ne m'a pas donné l'impression d'être une fille fragile lors des peu de fois où je l'ai croisée. Elle a l'air plutôt butée et ça m'a bien amusé de savoir que c'était Woozi qu'elle allait épouser. Un peu distraite aussi. Parce que laisser son agenda ouvert aux yeux de tous avec tous ses lieux de rendez-vous m'a beaucoup aidé.
Lorsqu'un claquement aigu et un cri étouffé retentissent, je presse le pas vers eux. Au fond de la cave, une silhouette géante est penchée vers Jiae qui s'est recroquevillée dans un coin.
_ T'as plutôt intérêt à être gentille.
_ Dégage de là, je clame.
Le géant se retourne et je reconnais Nakta. Un grand nigaud idiot mais impulsif. Il me regarde de haut en bas et je sens bien qu'il a envie de me cracher à la gueule.
_ Évidemment, faut que le fils à Papa vienne réclamer son jouet.
_ Casse-toi d'ici.
Il souffle bruyamment son mécontentement par le nez mais décide de m'obéir. En passant à côté de moi, il fait exprès de me percuter et même s'il fait une bonne tête de plus que moi, je ne me laisse pas impressionner. Je l'entends monter les escaliers puis la porte du sous-sol claquer.
Lorsque je suis sûr et certain d'être seul avec Jiae, je m'approche d'elle. Je ne sais pas vraiment quoi lui dire, comment l'amener à me faire confiance, alors je commence par me racler la gorge.
_ Jiae-shi...
_ Laissez-moi tranquille ! Rugit-elle, entourant ses genoux repliés contre son torse.
Okay, ça ne va pas être facile mais je dois le faire. C'est pour elle. Et pour moi.
_ Vos désirs ne sont pas des ordres.
Mon trait d'humour semble fonctionner puisqu'elle tourne la tête vers moi.
_ Pardon ?
Elle me regarde droit dans les yeux et je vois une lueur y passer. Elle semble surprise, et un poil en colère aussi.
_ On se connaît, non ?
_ Nous nous sommes croisés dimanche au parc.
_ Tu es un Topp Dogg ? S'écrie-t-elle. Non mais j'y crois pas ! C'est une blague ?
Elle se lève d'un bond, plus agacée qu'énervée.
_ Qu'est-ce que tu fichais dans notre zone ? Es-tu vraiment ami avec mon cousin ? C'est à cause de toi que je suis ici ? Non mais je rêve, c'est pas possible.
Puisqu'elle semble répondre elle-même à ses questions, je préfère en poser une à mon tour.
_ As-tu une puce ou un traceur sur toi ?
_ Une puce ? Répète-t-elle, outrée. Tu me prends pour un chien en plus ? C'est bon, où est la caméra cachée ? C'est vraiment plus drôle.
Elle commence légèrement à m'agacer. Je ne sais pas s'il s'agit de sa technique de défense mais je ne voudrais pas l'apeurer plus que nécessaire.
_ J'ai besoin de savoir si Bangtan peut te retrouver à l'aide d'un système de géolocalisation quelconque.
_ De quoi tu me parles ? Vous m'avez pris mon sac après m'avoir ligoté dans une camionnette. Comment voudrais-tu que je contacte quiconque pour lui dire où je me trouve si je n'ai plus mon téléphone portable ?
Elle ignore quelque peu ma question, ce qui me fait penser qu'elle a effectivement un système de géolocalisation. Mais puisqu'elle a parlé de son téléphone, ce doit être une simple application.
Je ne dois pourtant pas oublier quel est son statut au sein de Bangtan. Une simple application de géolocalisation me semble trop faible. Elle doit avoir une puce également. Reste à savoir où.
_ On peut avoir mis une puce dans tes chaussures, une de tes dents ou...à l'intérieur de toi.
Je lui montre ma cicatrice sur ma main. La blessure a été désinfectée plusieurs fois mais se taillader la peau soi-même laisse forcément une trace.
Ses yeux s'ouvrent tel des soucoupes.
_ C'est horrible. Je n'ai pas de puce en moi.
_ Dans une dent ou...
_ Non ! S'offusque-t-elle.
_ Je voudrais en être sûr.
Vu l'air agacé et un poil dégoûté qu'elle a pris, soit c'est une bonne actrice, soit elle dit la vérité.
_ Soit. On sort d'ici.
Je monte les escaliers mais à la moitié, je m'arrête, notant l'absence de bruit derrière moi. En jetant un coup d'œil dans mon dos, je vois qu'elle ne me suit pas.
_ On sort, je répète.
_ Je ne sais pas où tu veux m'emmener.
_ Si tu comptes croupir ici, c'est ton choix mais sache que tu recevras de la visite si tu restes ici.
Elle repense à Nakta, ça se lit sur son visage dégoûté.
_ Et je suis censée te faire confiance parce que tu portes un uniforme scolaire et que tu traînes avec mon cousin ? Tu n'es qu'un traître ! Ça se trouve, tu n'es même plus un lycéen.
_ Je ne suis pas ami avec ton cousin mais je suis bien un lycéen. Suis-moi maintenant.
_ Non, je veux une preuve.
_ Une preuve de quoi ?
Je me retiens de soupirer. Jamais je n'aurais eu autant de mal si mon prisonnier avait été MinGyu. Il est plus naïf et beaucoup moins buté qu'elle. Mais Topp Dogg ne veut pas s'attaquer tout de suite à Visual et jamais je ne ferais de mal à MinGyu.
_ Que je peux te faire confiance.
Je redescends les marches pour me rapprocher d'elle. Si quelqu'un faisait le guet à l'entrée, il nous entendrait. En face d'elle, j'hésite à lui parler de MinGyu. Elle le connaît, elle comprendrait. Mais je préfère ne pas l'évoquer. Tout ce qui pourrait lui faire du mal ou le salir, je l'écarte.
_ Rien ne peut prouver que tu puisses me faire confiance mais...
Je me penche vers elle mais elle a un mouvement instinctif de recul. Au moins, elle est sur ses gardes. Je presse mes mains sur ses avant-bras et me rapproche d'elle pour pouvoir susurrer plus facilement à son oreille.
_ Crois-moi, j'ai besoin vraiment de toi vivante pour plaider ma cause auprès de Bangtan.
Je m'éloigne ensuite d'elle et remonte les escaliers. Cette fois, elle me suit sans faire d'histoire. Qu'elle me croit ou pas n'est pas vraiment mon problème à cet instant.
En ouvrant la porte, je m'attends à ce que des hommes de Kidoh soient là mais le couloir est désert. Je la laisse sortir mais avant qu'elle n'ait fait un pas de plus, je lui prends le poignet.
_ Je n'ai pas envie de te menotter à moi, alors s'il te plaît, ne fais rien de stupide.
Elle se racle la gorge. Je prends ça pour un signe de coopération. Nous empruntons le couloir central de la maison qui mène vers l'entrée de devant. En passant dans le hall, je récupère une arme chargée dans le tiroir d'une commode et la mets à la ceinture de mon pantalon. Même s'il est dans mon dos, je sais que Jiae se tiendra plus tranquille en l'ayant vu. Et je ne pense pas qu'elle soit assez idiote pour tenter de s'en emparer. De ce que je sais, elle n'a jamais suivi d'entraînement quelconque.
La porte d'entrée est déserte pour une fois. Mais ça ne m'étonne pas vraiment. La plupart des hommes sont en train d'attaquer Bangtan. Ceux qui ont enlevé Jiae doivent être en route pour prêter main forte aux hommes déjà sur place.
Je nous fais descendre la rue jusque chez Yano. Comme avec MinGyu, nous passons par l'arrière et descendons directement dans son sous-sol. Il est censé surveiller les Go-pro que portent certains des hommes sur le terrain. En plus de suivre tout ce qu'il se passe en direct, ça permet à Kidoh de se faire un plan plus précis de la zone Bangtan.
Quand je passe le portique, je bipe, signalant ainsi ma présence à mon seul ami ici. Et derrière moi, le bip retentit également lorsque Jiae passe devant. Je souris en me tournant vers elle.
_ Tu as une puce, petite menteuse.
_ Bien sur que non, s'insurge-t-elle. Je ne suis pas une menteuse.
_ Pourquoi tu ramènes la princesse ici ?
Je me tourne vers Yano hyung qui la regarde des pieds à la tête, n'y croyant pas ses yeux.
_ Kidoh va me buter. Tu veux qu'il me butte, gamin ?
_ Elle a une puce. Trouve-la.
_ Mais je croyais que Kidoh comptait justement sur sa puce pour attirer les fils Bangtan ici.
_ C'est son plan mais pas le mien. Trouve sa puce.
Yano hoche la tête, pas vraiment convaincu.
_ Okay gamin, c'est toi le chef après tout. Princesse, si vous voulez bien ôter vos chaussures et votre veste.
_ Non ! S'écrie-t-elle.
Elle tente de se protéger la poitrine avec ses bras mais son poignet étant toujours dans l'une de mes mains, elle l'avance vers son corps malgré elle. Je force un peu pour que son bras reste tranquille mais vois que je lui fais mal alors je la lâche complètement.
_ S'il te plaît Jiae-shi. C'est important de savoir où est ta puce.
_ Je ne sais même pas si j'ai vraiment une puce sur moi mais si c'est le seul moyen pour que quelqu'un vienne me chercher, je n'y renoncerais pas !
_ Pas conne la princesse, souligne Yano mais je n'y prête aucune attention.
_ Je te prêterais un téléphone. Tu pourras les appeler quand je te laisserais tranquille. Mais s'il te plaît, il nous faut ta puce.
_ Promets-le moi.
Son ton n'est pas suppliant, c'est même plutôt un ordre qu'elle me donne. À nouveau, je me dis que MinGyu a peut-être trop facilement confiance en moi. Ou alors il n'a simplement pas envie de croire que je peux être mauvais. Pas avec lui en tout cas. Et il a bien raison.
_ Je te promets de t'aider à t'enfuir et de te donner un téléphone pour appeler ceux qui viendront te chercher.
Si elle ne semble pas soulagée, elle semble tout de même convaincue. Elle enlève alors sa veste et se déchausse. C'est là que je me rends compte qu'elle ne porte qu'un short et un haut fin. Même s'il fait très chaud dehors, je me remercie d'avoir demander à Gyuri d'apporter des vêtements.
Yano les inspecte mais le portique reste muet.
_ Bijoux.
Jiae enlève ses boucles d'oreilles, son collier mais oublie un gros détail.
_ Ta bague aussi, signale Yano.
_ Sûrement pas ! Je ne vous laisserais pas prendre ma bague de fiançailles !
_ On te la rendra, promis, je lance.
Alors qu'elle la retire doucement de son doigt, j'ai l'impression qu'on lui enlève douloureusement une partie d'elle-même.
Et coup de chance, c'est la bague qui éveille le portique.
_ Il est malin le petit Woozi. Un gros diamant pour cacher une petite puce.
À côté de moi, j'ai l'impression que Jiae se sent plus honteuse que surprise ou en colère.
_ Je ne savais pas, murmure-t-elle.
Alors que Yano s'occupe de désactiver la puce, je m'efforce de rassurer Jiae.
_ Kim MinGyu en a une dans chacune de ses chaussures. Dans toutes ses paires de chaussures.
L'étonnement se lit sur le visage de ma prisonnière avant qu'un sourire ne vienne l'éclairer.
_ Tu ne me feras pas de mal, pas vrai ?
Je hoche la tête. Elle semble soulagée pour la première fois de la journée.
_ Mais il faudra suivre toutes mes directives.
À son tour de hocher la tête.
_ Et pour ma bague ?
_ Tu la récupéreras quand tout sera terminé. Pour l'instant, je la garde. Merci hyung, bonne nuit.
_ Bonne nuit gamin, me répond-il en jouant avec la bague.
Je sors de chez Yano, Jiae me suivant comme mon ombre.
_ Où on va maintenant ? Qu'est-ce que tu comptes faire de moi ?
_ D'abord, on retourne à la maison et on mange. Tu n'as pas faim ?
_ Je suis un peu trop stressée pour avoir faim là tout de suite.
Comme elle n'est pas d'humeur à bavarder amicalement, je me remets à la rassurer.
_ On mange puis on appellera Bangtan un peu plus tard. Ça te convient ?
Elle ne me répond pas, semble songeuse.
_ Tu me dis ça pour que je la ferme ?
_ Non, je soupire. Je sais qu'une fille comme toi a besoin de s'exprimer beaucoup.
_ Une fille comme moi ? Tu sais l'âge que j'ai ?
_ Désolé Jiae-shi, je ferais plus attention.
De retour dans la maison, je la conduis directement dans la cuisine. Atom y est déjà, les bras croisés et les sourcils froncés. Lorsqu'il nous voit débarquer, il lève les yeux au ciel.
_ Vous êtes en retard. Tant pis pour vous si c'est froid.
Je m'excuse et fais signe à Jiae de prendre place sur le comptoir où la table est dressée.
_ Princesse, la salue Atom poliment.
_ Énième inconnu qui me séquestre.
Il ne peut s'empêcher de pouffer alors que je soupire à nouveau. Vraiment grande gueule la Jiae.
_ Penses-tu vraiment qu'on te séquestre ?
_ Vous m'avez enlevée et je ne peux pas rentrer chez moi. J'appelle ça de la séquestration.
_ Je fais de mon mieux pour que ton séjour ici soit des plus agréables, je ne sais pas si tu l'as remarqué, je me défends. J'aurais très bien pu te laisser dans la cave avec Nakta et d'autres gars qui ont très envie de s'amuser avec toi. Et j'hésiterai pas une seconde si tu ne te montres pas patiente.
_ Merci, se contente-elle de répondre, malgré elle je le vois bien.
Nous nous installons et mangeons ce qu'Atom nous a préparé. Ce n'est pas le meilleur cuisinier mais Yano hyung a confiance en lui alors j'apprends à le compter parmi mes alliés. Lorsque je lui ai demandé de préparer à manger pour la princesse, il a écarquillé les yeux en me demandant ce qu'on donne aux prisonniers généralement. Je lui ai expliqué que je n'avais pas prévu de l'enfermer dans la cave et de la traiter comme une prisonnière. Ça l'a plutôt rassuré. Et je dois dire qu'il cuisine plutôt bien.
_ Des nouvelles du front ? Je lance pour faire la discussion.
Parce qu'il doit forcément en avoir.
_ Soit on mange, soit on papote mais il est hors de question que je vous écoute parler de ça en ma présence, intervient Jiae.
_ Princesse, vous serez ravie d'entendre que vos chers Bangtan se défendent bien et que la majorité de GOT7 a déjà été neutralisé.
_ Vraiment ? Je m'étonne. Ça ne fait même pas trois heures.
_ Et on sait tous que les gars de GOT7 n'étaient pas assez bons pour survivre plus longtemps. Tous des grandes gueules dans cette bande. C'est bien pour ça qu'ils ont été envoyés en première ligne.
_ Oh bon sang, c'est horrible.
_ Comment ça ? S'écrie Atom. C'est pas bon ? J'ai mis trop de sel ? Ou c'est la sauce ? Je l'ai trop chargée ? Putain, je le savais.
_ Elle parle des morts Atom.
_ Ah, ça...
Puis il hausse les épaules, nonchalamment. Quand on fait partie d'un gang depuis longtemps, notre rapport à la mort change. Pour la plupart des membres en tout cas.
_ Par contre, les gars sont étonnés de ne pas croiser de gens dans les rues. Tout est désert. Comme si les habitants s'étaient envolés. Les maisons sont éclairées mais personne à l'intérieur. Du coup, ils en ont cramé quelques unes pour être sûrs. Aucun cri, aucune personne sortie précipitamment. C'est bizarre, non ?
À côté de moi, Jiae sourit. Elle semble fière. Et je pourrais lui tirer les vers du nez, lui demander ce que tout ça signifie mais je ne le fais pas. Parce que je n'ai aucune envie de le savoir. Si les habitants de la zone de Bangtan sont en sécurité, tant mieux pour eux.
_ Ça vous dérange si je vous laisse ? Demande soudainement Atom. C'est l'heure de mon drama et comme je suis pas encore réquisitionné pour aller là-bas, j'aimerais pouvoir le regarder...
_ Vas-y.
_ Cool, merci !
Tout sourire, il commence à s'éloigner.
_ Merci, c'était bon, lui lance Jiae.
Cela semble le toucher parce qu'il se retourne et se courbe très poliment.
_ À votre service princesse.
Une fois loin de nous, Jiae se remet à parler.
_ Il y a des jours où je déteste ce surnom. Mais parfois, j'aime bien, sourit-elle.
J'évite d'éclater de rire. Je n'ai aucune idée de ce à quoi sa vie ressemble mais une chose est sûre : elle n'a pas la vie d'une jeune femme banale.
_ Alors, tu as dit qu'on...
_ Chut.
Je la coupe avant qu'elle ne puisse dire quoique ce soit. Même si Atom n'est plus dans les parages, hors de question de prendre le risque d'être surpris par une oreille indiscrète.
_ Oui, on va aller dans ma chambre.
_ Mais...
Je lui signe de se taire et elle obéit miraculeusement.
_ Seulement une fois dans ma chambre.
_ Okay.
Je débarrasse nos assiettes, remarque qu'elle a mangé un peu, et les place près de l'évier. Ensuite, je lui fais signe de me suivre. À l'étage non plus il n'y a pas un bruit. Je m'en serais inquiété un autre jour.
J'ouvre la porte de ma chambre luxueuse et lui dis d'y entrer. Elle y jette un coup d'œil avant d'y mettre un pied, peu convaincue qu'il n'y a aucun danger. Mais je ne la presse pas à l'intérieur. Ce serait idiot de lui mettre la pression alors que je gagne peu à peu sa confiance. Après avoir fait un tour sur elle-même, elle se tourne vers moi tandis que je ferme la porte.
_ Tu vas m'enfermer ici ?
_ Ce n'est pas vraiment comme ça qu'il faut voir les choses...
_ Mais c'est ça.
Je renonce à soupirer d'agacement.
_ C'est ma chambre. C'est ici qu'on va attendre.
_ Attendre quoi ? Que tous mes proches se fassent décimer ? Que quelqu'un vienne me chercher et tombe dans votre piège ?
_Non ! Je m'offusque. J'ai demandé à quelqu'un de venir à minuit. Et juste après, on s'en ira. Et tu pourras t'en aller aussi.
Elle fait la moue, ne semble pas vraiment convaincue. Peut-être parce qu'il n'est que vingt heures et qu'il faut donc attendre encore quatre heures pour que quelque chose se passe.
_ Tu as dit que je pourrais téléphoner chez moi.
_ Pas maintenant.
_ Mais tu as dit que...
_ J'ai menti, je la coupe. Ça ne t'arrive jamais ?
Et avant même qu'elle puisse m'insulter, je continue.
_ J'ai des devoirs à faire mais tu peux regarder la télé si tu veux. Ou dormir.
Elle pousse un soupir agacé tout en levant les yeux au ciel. Faisant semblant de ne plus m'intéresser à elle, je me tourne vers mon bureau et défais mon sac de cours. Je n'ai pas tant de devoirs que ça, et ce n'est pas non plus comme si je me souciais réellement de mes résultats scolaires, mais ça me tiendra occupé pendant quelques temps.
Du coin de l'œil, je la vois se balader dans la chambre. Comme il n'y a rien de personnel dans cette pièce, elle se ravise vite. Elle se laisse tomber dans le canapé et cède à la tentation de regarder la télé. Elle l'allume mais à peine ai-je plongé la tête dans un de mes cours que je l'entends parler.
_ T'es en quelle année ?
J'hésite à lui répondre. Commencer à parler à mon tour, ça l'encouragerait à continuer. En même temps, si ça peut la faire patienter gentiment...
_ Dernière.
_ Eurk, la pire. Et tu t'en sors ?
_ Je me débrouille.
_ Moi c'était l'horreur. J'ai jamais été bonne à l'école. J'étais même dans les dernières de ma classe au lycée. Mes parents, ça les rendait dingue, rit-elle. Ils sont super intelligents eux, personne comprend pourquoi je suis pas comme eux. Mais bon, je suis pas non plus courageuse ni très forte. J'ai même un corps de lâche. J'arrêtais pas d'être malade quand j'étais petite. C'est pour ça qu'on a déménagé loin du quartier de Bangtan. Alors que toute ma famille paternelle y est depuis des années, mon père a préféré tout laisser tomber pour que je sois en meilleure santé. Bon, j'ai toujours de l'asthme mais...
Même si je suis persuadé qu'elle débite sa vie juste pour s'occuper, je tends l'oreille quand elle parle de sa santé. Si son asthme est grave, une partie de mon plan tombe à l'eau.
_ Tu sais courir ? Je la coupe.
_ Courir ? Rit-elle. Et puis quoi encore ? Le seul sport qui me fatigue pas trop, c'est le yoga.
_ Jiae, il faudra certainement que tu coures à un moment cette nuit.
_ Quoi ? Comment ça ?
_ Je ne pourrais pas faire tout le chemin avec toi. Je ne sais pas si des hommes de Kidoh vont nous poursuivre ou pas.
Ses yeux s'écarquillent au fur et à mesure que je parle.
_ Mais à l'instant où je te dirais de courir, il faudra que tu le fasses. Je n'ai pas envisager le fait que tu puisses ne pas en être capable. Je suis désolé.
_ Tu crois vraiment que ça pourrait mal se passer ? Je veux dire...Topp Dogg me préfère vivante, non ?
_ Oui mais...
J'hésite à lui dire la vérité.
_ Mais quoi ?
_ Personne ne sait dans quelles conditions je te garde. J'ai dû faire une chose horrible pour que Kidoh me laisse m'occuper seul de toi. Et à chaque instant, quelqu'un peut débarquer et te ramener dans la cave. Si Kidoh le souhaite, il pourrait même te renvoyer dans une des zones de Bangtan et se servir de toi comme une proie vivante, juste pour faire enrager les membres de Bangtan.
_ Tu as dit que tu ne me ferais pas de mal.
_ Ça ne signifie pas que je pourrais te protéger contre tout.
Elle déglutit péniblement, les yeux brillants et presque désespérés.
_ Mais tu vas m'aider, pas vrai ?
Je hoche la tête. Je ne peux pas le lui promettre, juste la rassurer un peu.
Et c'est à ce moment-là que mon téléphone portable sonne. Au bruit de sa sonnerie, Jiae se lève d'un bond. Son regard se fait de nouveau vif et agité.
_ Tu as un téléphone ? Pourquoi je ne peux pas...
_ Parce que mes appels sont tracés. Tu téléphoneras avec un autre.
Je regarde qui m'appelle et je me sens plus léger lorsque je vois le nom de MinGyu s'afficher. Sauf que je sais pourquoi il m'appelle. Ça se devine à des kilomètres.
_ Je n'ai pas envie de te bâillonner alors s'il te plaît, ne dis pas un mot.
Elle hoche la tête, même si elle n'a aucune envie de rester bien sagement muette. Je prie cependant pour qu'elle n'ouvre pas la bouche et décroche.
_ Oui ?
_ WonWoo ! Tu vas bien ?
La voix de MinGyu semble paniquée et je peux comprendre pourquoi. Visual doit être au courant depuis plusieurs heures que Bangtan est attaqué. Et comme MinGyu a toujours les infos après tout le monde...
_ Oui, et toi ?
_ Dis-moi que tu n'es pas là-bas, me supplie-t-il.
_ Je ne suis pas là-bas.
_ C'est vrai ?
Il peut vraiment être naïf par moment mais j'aime ce côté chez lui. Ça le rend très mignon.
_ Crois-tu vraiment que j'aurais le temps de te répondre si j'étais là-bas ?
Je souris malgré moi, amusé. À l'autre bout du fil, je l'entends soupirer de soulagement.
_ Tu es en sécurité ?
_ Je suis chez moi, et toi ?
_ Je suis...
Il ne continue pas sa phrase mais ça aussi, je le devine. Il n'est pas chez lui. Il est à l'hôpital, auprès de Xero. Ce qui signifie que ce dernier n'est pas encore mort.
_ JungHan hyung m'a déposé avant de partir. Il est là-bas.
Je ne sais pas vraiment pourquoi il me dit ça. Ni même pourquoi il me parle de JungHan. Je ne comprends pas non plus pourquoi il s'attache à ce gars. Je sais qu'il ne ferait jamais de mal à MinGyu mais je sais que c'est uniquement parce qu'il obéit à son chef.
_ Est-ce que...
MinGyu tente de continuer mais les mots semblent avoir du mal à sortir.
_ Je ne vais pas aller là-bas, si c'est ce que tu te demandes.
_ D'accord. Je suis soulagé. Et tu...
_ Je suis désolé MinGyu, je ne peux pas t'en dire davantage.
_ Je sais mais...Il paraît que Kim Jiae a disparu. Tout le monde pense que c'est à cause de Topp Dogg...
Je sais qu'il espère que je lui dise que ce n'est pas vrai. Mais jamais il ne pourrait s'imaginer qu'elle est à deux pas de moi, et qu'elle tente de deviner à qui je parle.
_ Je ne peux rien te dire MinGyu.
_ Ça veut dire oui ?
Près de moi, Jiae me dit quelque chose silencieusement mais il ne faut pas être champion de lecture sur les lèvres pour deviner. « Kim MinGyu ? » Parce qu'avec la chance que j'ai, tous les gens en dehors de Topp Dogg se connaissent entre eux. Je lui jette un regard noir pour lui dire de se taire.
_ Je dois raccrocher. On se voit en cours.
_ WonWoo, attends !
Mais je raccroche, même si ça me fait mal au cœur.
_ C'est ton ami ? Me demande Jiae.
_ C'est compliqué.
Dans ma main, mon téléphone vibre. Je la quitte deux secondes des yeux pour lire le sms qui provient de MinGyu. « Je voulais juste te dire que je t'aime » Si j'étais seul et que je ne devais pas me contrôler un minimum, je me laisserais rougir. Je lui réponds en vitesse que moi aussi, je l'aime, puis éteins et range mon téléphone.
_ Est-ce que c'est Kidoh qui t'a demandé d'être ami avec lui ? Vous avez le même âge je crois. Est-ce qu'il t'a aussi demandé d'être ami avec mon cousin ? Pourquoi traînerais-tu avec des ados d'autres clans sinon ? Quel est ton lien avec Kidoh ? Il n'a pas d'enfant. Tu es son neveu ? Ou alors, tu es plus âgé et tu fais croire que tu es un lycéen ? Réponds-moi ! J'ai le droit d'avoir des réponses, non ?
_ Tu en poses trop, je réponds, un peu agacé. Je ne sais pas laquelle te semble la plus importante.
_ Qui es-tu ? C'est ça que je veux savoir. Tu n'es pas un membre lambda, Kidoh semble te faire confiance et tu as de l'autorité sur d'autres membres. Mais tu n'es pas encore adulte donc tu dois forcément avoir un lien privilégié avec Kidoh. Mais tu sembles sincèrement proche de Kim MinGyu. J'ai vu comment tu le regardais au parc. C'est même la seule personne à qui tu souriais. Sait-il qui tu es ? Te sens-tu coupable de lui mentir ? Sais-tu que ma mère est amie avec son père ? L'acteur, pas le chef de Visual. Alors, qui es-tu ?
_ Tu n'as vraiment pas besoin de le savoir. Tu devrais te reposer maintenant.
Je lui tourne le dos pour montrer que je n'ai plus aucune envie de discuter et me replonge dans mon cours. Je l'entends soupirer bruyamment puis s'installer de nouveau dans le canapé. Tout en faisant mes devoirs, je lui jette de temps à autres un coup d'œil. Elle semble calme mais je devine qu'elle est stressée. Elle ne sait pas ce qui l'attend cette nuit, ni quand elle pourra enfin appeler chez elle. Ni même si elle pourra effectivement le faire.
Une heure passe sans aucun mot échangé. Le son de la télé crée un bruit de fond reposant. Je finis mes devoirs tranquillement et au lieu de me mettre à réviser, je préfère faire autre chose. En quittant mon bureau, je remarque que Jiae s'est assoupie sur le canapé. Ou alors elle fait semblant. J'aimerais aller me changer mais je ne veux pas prendre le risque de la laisser seule si elle ne dort pas vraiment. Elle pourrait faire n'importe quoi sans surveillance.
Après un coup d'œil à l'heure, je décide d'appeler quelqu'un à la rescousse. Je dois aussi prendre des nouvelles.
_ Ton drama est fini ?
_ Ouais, c'était grave triste.
_ Tu peux venir cinq minutes ?
_ Pas de soucis Won'. Dis-moi où vous êtes.
_ Dans ma chambre.
_ Okay j'arrive.
Alors que je parlais doucement, je n'ai pas perçu le moindre changement sur le visage de Jiae. Elle aurait certainement réagi si elle avait tendu l'oreille mais il n'en est rien. Elle semble vraiment endormie.
Deux minutes plus tard, la porte de ma chambre s'ouvre sur Atom.
_ Nakta fait le guet dans le couloir. Il râle parce qu'il entend pas de bruit.
_ C'est son problème. Est-ce que Kidoh a déjà appelé ?
Atom hoche la tête. Il était convenu que le chef de Topp Dogg appelle celui de Bangtan à vingt-deux heures, peu importe ce qui ce passait à l'extérieur, pour établir le montant de la rançon. Et elle ne consiste pas en une somme d'argent monstrueuse mais en territoire.
_ Je vais me changer, garde un œil.
Je désigne Jiae du menton.
_ Ne dis rien.
_ Je serais muet comme une tombe.
Je hoche la tête et passe dans ma chambre, celle où seul MinGyu a eu le privilège d'entrer. Je retire mon uniforme, file sous la douche puis passe quelque chose de plus confortable. J'aurais bien voulu aller me coucher mais je sais que je ne dormirais probablement pas cette nuit. Sur mon lit trône mon sac déjà rempli. J'arrive à y fourrer mon uniforme sans trop le froisser. Je n'aurais plus qu'à récupérer mon sac de cours et je serais prêt. Je boucle mon sac de voyage et retourne dans l'autre chambre.
Jiae est réveillée et tente de soutirer des informations à Atom. Et je vois clairement qu'il a du mal à rester de marbre. Lorsqu'il me voit revenir, il semble vraiment soulagé.
_ Merci, tu peux nous laisser, je lui lance. Et dis à Nakta de dégager.
Il se courbe à nouveau très poliment devant Jiae et sort de la pièce. Cette dernière se tourne vers moi.
_ Pourquoi il ne m'a plus parlé ? Il semblait très sympa au dîner pourtant.
_ On va bientôt appeler Bangtan.
_ Vraiment ?
Pleine d'espoir, son corps quitte le canapé.
_ Encore une demi-heure et le téléphone arrivera.
_ Une demi-heure...
_ Mais tu ne pourras pas dire ce que tu voudras, d'accord ? Tu ne parleras que si je t'en donne la permission et tu n'évoques pas ta bague. Compris ?
_ Oui, oui, tout ce que tu voudras.
_ Bien. On va attendre alors.
Elle se rassoit mais semble avoir du mal à rester en place.
_ C'est long d'attendre, lance-t-elle.
_ Oui mais c'est nécessaire.
_ Pourquoi ?
_ Parce que le restant des hommes de Topp Dogg vont se diriger vers Bangtan à minuit. Il n'y aura presque plus personne dans notre zone. On ne pourra pas partir avant ça.
_ Tu vas venir avec moi ?
_ Au début, oui.
_ Et après, tu reviendras ici ? Tu diras quoi ? Personne ne croira que je me suis échappée.
_ Ne t'inquiète pas pour ça.
_ Quand est-ce que tu me rendras ma bague ?
_ Pas avant quelques jours.
_ Quelques jours ? Clame-t-elle, furieuse. Mais j'y tiens !
_ C'est nécessaire.
Je ne lui dis pas que je devrais d'abord la récupérer auprès de Yano et seulement une fois que Kidoh n'aura plus besoin d'elle.
Je retourne à mon bureau, range mes affaires de cours dans mon sac, vérifie que tout y est et le ferme. Puis je sors une feuille et note le discours que devra prononcer Jiae au téléphone. Il me trotte en tête depuis ce matin. Une fois terminé, je lui fais lire à haute voix. Elle pose quelques questions entre deux phrases mais je ne réponds à aucune, lui indiquant de se contenter de lire.
_ Tu crois qu'ils vont accepter ? Me demande-t-elle alors qu'elle les connaît mieux que moi.
_ Ils te croiront toi et mes exigences ne sont rien à côté de celles de Kidoh.
_ Ce n'est pas très flatteur d'être une monnaie d'échange, relève-t-elle. Mais quand ces hommes me sont tombés dessus en pleine rue cette après-midi, j'ai vraiment cru que...que ça sera épouvantable. Je me suis passée les pires scénarios et quand ce type a débarqué dans la cave, je me suis dit « C'est bon, ça va m'arriver. Je serais une victime toute ma vie ». Sauf que...
Elle lève son regard vers le mien et me regarde droit dans les yeux, sans ciller.
_ Merci. Je sais que ce n'est pas encore fini et que tout peut encore tourner au vinaigre mais vraiment, merci. J'espère que tout ira bien pour toi.
Je n'ose rien répondre. Je ne saurais même pas quoi lui dire si je décidais de parler. Et pour mon plus grand bonheur, quelqu'un toque à la porte.
_ Oppa !
Je reconnais la voix de Gyuri. Il est l'heure.
Je lui ouvre la porte et la fais rentrer. Elle a un sac à dos sur l'épaule et un sourire splendide sur les lèvres. Même si ses yeux sont fatigués et vitreux.
_ J'ai tout ce que t'as demandé ! Oh, une nouvelle copine !
Elle sourit à Jiae, parcourt les quelques pas qui les sépare et pose un de ses bras sur ses épaules.
_ On va bien s'amuser !
Je referme la porte et la verrouille. Quand je me tourne à nouveau vers elles, Jiae semble mal à l'aise.
_ Gyuri, calme-toi. As-tu tout ce que je t'ai demandé ?
_ Oui chef !
Elle se détache de Jiae, pose le sac sur le canapé et l'ouvre en grand.
_ J'ai un pull, un jean, des baskets, un chouchou pour les cheveux, un vieux téléphone à carte prépayée, une enveloppe pleine de frics et les clés de la voiture garée à l'endroit où tu voulais.
Elle déballe le contenu et je suis soulagé qu'elle n'ait rien oublié. Je récupère l'enveloppe, la fourre dans mon sac de voyage, puis me tourne à nouveau vers Jiae.
_ Tu dois te changer. Tu seras plus à l'aise et il fait frais dehors la nuit.
Je lui mets les vêtements dans les bras et lui désigne la salle de bain attenante.
_ On appelle Bangtan direct après.
Elle hoche vivement la tête et se dépêche de s'enfermer dans la salle de bain.
_ Alors, qu'est-ce qu'on va faire ? Me demande Gyuri.
_ Toi, rien. Tu vas dormir ici et tu ne diras rien à personne. Tu trouveras un cadeau dans le tiroir de la table de chevet.
Elle sait très bien ce qu'est le cadeau. Parce que c'est facile d'acheter une droguée. Dès que j'ai besoin d'elle, je sais comment la remercier.
_ Et toi, tu vas où ? Tu vas faire quoi avec elle ?
_ Pas grand chose.
_ Allez, dis-moi oppa.
_ Gyuri, s'il te plaît, sois gentille.
Elle fait la moue mais se tait.
_ Et mets de la musique. Forte.
_ Okay chef !
Elle sourit de nouveau et la seconde d'après, allume la stéréo et danse sur je ne sais quelle chanson. J'espère juste ne pas attraper mal à la tête. Je vérifie que mes sacs sont prêts, que le téléphone fonctionne et la porte de la salle de bain s'ouvre. Elle a fait vite.
_ Je suis prête, lance Jiae, en haussant la voix. C'est nécessaire ce boucan ?
_ Oui. Appelle qui tu veux mais il faut que ce soit lui qui vienne te chercher.
Elle hoche la tête et se jette sur le téléphone que je lui tends. Ses doigts s'activent à taper un numéro et pendant une seconde, j'ai l'impression qu'elle va faire une connerie.
_ Et mets le haut-parleur.
Elle hoche la tête en lançant l'appel et m'obéissant. On entend à peine les deux sonneries à cause de la musique et Gyuri qui chante avant qu'une voix ne prenne la parole.
_ Allo ?
Ce n'est pas une voix grave et glaciale, plutôt une voix inquiète, brisée et vraiment peu sûre d'elle.
_ Papa, c'est moi.
_ Oh mon Dieu Jiae ! Tu vas bien ?
_ Oui, oui, ça va. Hum...J'ai quelque chose à te dire.
Jiae se racle la gorge avant de me lancer un regard et de lire une énième fois ce que j'ai écrit.
_ C'est quoi ce bruit ? Où es-tu ?
_ Papa, écoute-moi. N'acceptez pas l'arrangement de Kidoh. Mais s'il appelle, dites-lui que c'est d'accord.
_ Mais c'est pour toi que...
_ Je ne suis pas avec Kidoh, le coupe-t-elle. Je vais bien, je t'assure. Il ne m'a fait aucun mal. J'ai même mangé.
_ Avec qui es-tu ?
Voyant que la discussion se fait longue, je désigne du doigt mon papier.
_ Ah oui, pardon, s'excuse Jiae. N'acceptez pas l'arrangement de Kidoh, ça je l'ai dit. Ah oui, il veut autre chose. Il veut un billet d'avion pour le vol qui décolle à midi le dix-sept juillet, peu importe la destination, peu importe la classe. Il veut aussi une chambre à partir de maintenant dans un hôtel géré et surveillé par Visual.
_ Doit-on te retrouver là-bas ?
_ Papa, arrête de me couper.
On entend ce qui ressemble à un sanglot. Je ne pensais pas l'ancien chef de Bangtan aussi sensible. Jiae est vraiment son point faible. Alors qu'elle se mord les lèvres, le regard vide, les sanglots deviennent lointain.
_ Continue noona.
Un petit sourire vient se dessiner sur les lèvres de Jiae à la voix de cette autre personne. Je devine qu'il s'agit de Woozi.
_ Amenez la clé de la chambre, la carte de l'hôtel et le billet d'avion à deux heures à cette adresse.
Alors que Jiae lit l'endroit indiqué, qu'elle ne doit certainement pas connaître, je me dis que tout se jouera dès qu'elle aura raccrocher. Il y a forcément quelqu'un qui aura vu Gyuri se ramener ici ou qui entendra le boucan qui provient de ma chambre. Si tout le monde n'est pas parti se battre, certains curieux vont venir toquer à ma porte pour venir s'amuser aussi. Sauf qu'ils trouveront forcément Gyuri défoncée et aucune trace de Jiae. Je ne sais pas combien de temps on a devant nous. J'espère avoir au moins une demi-heure pour quitter la zone tranquillement.
_ C'est noté. On se retrouve là-bas à deux heures. On aura tout ce qu'il a demandé.
_ Merci JiHoonie.
Elle raccroche puis me lance un coup d'œil.
_ Tu gardes le téléphone mais ne fais rien de stupide. Maintenant, on s'en va.
Je récupère mes deux sacs, ouvre la fenêtre, vérifie que la voix est libre et balance les sacs dans la rue. Il n'y a qu'un étage mais je croise les doigts pour que personne ne se blesse. Yano a eu le temps d'y déplacer quelques tapis de sol pour amortir notre chute. Même s'il reste discret, je sais qu'il surveille au coin de la rue. À peine entendra-t-il la voiture démarrer qu'il va remettre les tapis à leur place.
Je me tourne vers Jiae et lui fais signe d'approcher.
_ Tu vas sauter juste avant moi. À droite, au bout de la rue, il y a une voiture noire. Tu montes dedans, je serais juste derrière toi.
_ Tu veux que je saute ? T'es malade ?
_ Maintenant !
Je la pousse vers la fenêtre, ne lui laissant pas le temps de réfléchir. Il faut faire vite maintenant.
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