Il se redresse, troublé.

— C'est-à-dire?
— Depuis tes vingt ans.
— Comment peux-tu me connaître si je ne te connais pas?

Les larmes qui me menaçaient de couler, noient mes joues. Il me tend un mouchoir. Il vaut mieux qu'il garde ses distances.

— Je t'ai aidé à guérir.

Sa poitrine se gonfle d'air. Il se remémore ces douloureux souvenirs, lui, mourant à petit feu d'une leucémie.

— Tu m'as fait un don de plaquettes ?
— Non, j'ai fait plus que ça.
Il s'approche de moi.

— Quoi?
— Un don de moelle osseuse .

Il s'assoit dérouté.

— Oh seigneur, c'est glauque.
— J'ai fait un don de plaquettes il s'est avéré qu'on était compatible. Mais la greffe n'a pas tenu. Ils ont découvert que c'était une leucémie.
— Attends, j'ai tellement de questions! Je ne sais pas par où commencer. C'est trop!

Je lui laisse le temps de mettre de l'ordre dans ses idées.

— Pourquoi mes parents te détestent?

Je relève les yeux vers lui.

— On s'est mis d'accord sur un prix, mais avant de pratiquer le don de moelle osseuse, je leur ai fait du chantage pour avoir plus d'argent.
— C'est ignoble! Je crevais ! Tu as marchandé pour du fric ! Tu me dégoûtes!
Il est silencieux.

— Barre-toi!

Une semaine plus tard, je suis convoquée par courrier recommandé chez les avocats de Keanan.
Je comprends qu'il va commencer les hostilités, mes conseils se chargeront des négociations. J'ai peur de vers quoi, on se dirige, un procès hyper médiatisé. Je ne pourrais pas voir ma vie privée déballée, j'ai beaucoup à perdre.

On pénètre dans la salle de réunion de leur cabinet, l'ambiance est tendue. Keanan referme les jointures de ses mains. Ça ne va pas bien se passer. Les avocats parlent en son nom, ses yeux sont sur mes mains. Il souhaite renforcer l'accord de confidentialité signé par ses parents, contre une compensation financière.

— Je ne veux pas de ton argent.
— Ça ne t'a pas empêché de prendre celui de mes parents.

Mon cœur se brise en mille morceaux, je suis meurtrie.

— J'avais mes raisons!
— Ils ont dû prendre une deuxième hypothèque, on a perdu la maison à cause de ta folie des grandeurs.

Les avocats se raclent la gorge, ce n'est pas le lieu pour déballer notre linge sale en public.

— Notre client demande une mesure d'éloignement contre votre cliente.
— Quoi? Tu n'es pas sérieux Keanan?

Il me fixe avec haine.

— Notre client souhaite que cette histoire n'entache pas sa carrière.
— Sa carrière? Je t'ai sauvé la vie.
— Si vous refusez notre accord, il va de soi que nous irons au procès. Et dans votre état émotionnel, ce n'est pas très approprié.

Ma respiration se bloque, je suffoque, mes poumons se vident et sont incapables de se remplir d'air . Je me relève, je fais quelques pas mal assurés et je tombe au sol.

— Appelez un médecin.

Je reprends mes esprits, il souhaite me faire taire , une vérité trop gênante. Je lui ai sauvé la vie, j'étais son dernier espoir.