Trois jours plus tard, je suis convoquée dans les studios de Fame. Je vais rencontrer les équipes en communication qui vont s'occuper de moi. Je suis anxieuse, je n'ai pas dormi de la nuit, mes cernes en sont les reflets. La consigne a été donnée, il faut venir au naturel, je suis dépitée.

Je suis en avance au rendez-vous, n'y tenons plus. La sécurité vérifie mon identité et me laisse pénétrer dans la gigantesque structure. Je ne sais plus où donner de la tête, mes yeux tournent dans tous les sens. On me fait patienter à l'accueil, le stress monte d'un cran. L'hôtesse d'accueil vient me chercher et se dirige vers l'ascenseur. L'ascenseur s'arrête au vingtième étage, on longe un long couloir, on s'arrête devant une porte où est inscrit mon prénom et nom de famille.  On me fait entrer dans une pièce spacieuse où trônent des centaines de vêtements sur des cintres et des chaussures posés à même le sol. Une dizaine de personnes me scrutent, me déshabillent du regard. Je suis envahie par la gêne.  Une femme habillée en tailleur s'approche de moi.

— Elisabeth Storn, votre chargée en communication.
— Holly Brand.
Elle sourit chaleureusement. Un autre garçon se poste devant moi.

— Jason, ton assistant chérie.

Il me reluque comme un vulgaire morceau de viande, je me sens mal à l'aise. Toute la matinée, on me fait essayer des tenues. Tous les vêtements sélectionnés seront transférés dans mon futur dressing.

C'est la pause déjeuner, toutes les candidates sont conviées dans un restaurant gastronomique. Je regarde mes concurrentes, certaines ont une beauté surnaturelle, grande taille mannequin, un corps sans un gramme de graisse. Elles n'ont sûrement pas besoin d'un relooking. Je repère une célèbre animatrice, elle participe à l'émission. Je n'ai plus aucune chance, tout le monde l'adore. Jason m'interrompt dans ma contemplation.

— Lizzy Mcbrayer.
— Oui. Pourquoi participe-t-elle?
— Il paraît qu'ils ont eu une liaison courte et qu'elle en pince pour lui depuis.
— Mais ce n'est pas fairplay! Il est censé découvrir l'amour.
— C'est une compétition chérie, tu vas assister aux plus grands coups bas en tout genre.

J'imagine très bien la chose, elles sont là pour remporter leur prix, certaines visent le cœur de Keanan, d'autres son porte-monnaie et les dernières la récompensent. Peu importe leurs motivations, elles feront ce qu'il faut pour.  Les regards des participantes sont pour certaines hautaines, d'autres méprisants. Je me concentre sur mon assiette, je ne porte plus attention à ce qui se passe autour. Je finis de déjeuner, nous partons vers un salon de coiffure branché de Los Angeles, j'ai l'impression de vivre un rêve éveillé. Jason m'isole dans une pièce privée.

— On va passer aux choses sérieuses Holly.
Il regarde mon visage, touche mes cheveux bruns, me fait tourner sur moi-même. Je me laisse faire. Ce n'est pas du tout mon milieu.

— Qu'est-ce que tu vois ma chérie?
— Holly?
— Oh non, moi, je vois une beauté qui ne demande qu'à être révélée.

Je le regarde avec curiosité. Je ne comprends pas là où il veut en venir. Je me regarde dans le miroir, et je prends le temps de me regarder. Chose que je n'avais jamais faite en vingt-quatre ans.  Mon corps est homogène, je suis mince, j'ai des formes là où il faut. Je remonte jusqu'à mon visage, ma peau laiteuse n'a aucun défaut, mes yeux noisette ne sont pas exeptionnels. Mes lèvres pulpeuses roses sont très jolies, mon petit nez et mes pommettes saillantes sont un atout. Je me concentre sur mes cheveux noirs qui m'arrivent en bas du dos, n'ont ni formes ni coupes.

Je me tourne vers Jason et je souris. Je vois où il veut venir. Les équipes me prennent en charge des heures, je suis sur le point d'abandonner. Je ne sais pas combien de décolorations mes cheveux ont subi et des soins en tout genre. Mes sourcils ont été redessinés par un maître de sourcil et on m'a percé les oreilles. Une esthéticienne me fait un soin du visage.  Au bout de six heures, on m'autorise à regarder le résultat. Jason tire sur le drap qui couvre le miroir. J'ai failli avoir un arrêt cardiaque, je ne me reconnais pas. Mes cheveux arborent une teinte marron avec les pointes plus claires, les sourcils ont été teints dans les mêmes tons. Mon visage est sans défaut, ma peau laiteuse est magnifique. La seule chose qui ne change pas c'est la couleur de mes yeux.

— Tu aimes?
Je me tourne vers Jason.

— C'est magnifique.
Il sourit.

Jason m'apprend que je vais devoir poser un congé de trois mois. Je vais rejoindre le casting dans deux jours. Les filles devront cohabiter une semaine entière avant de rencontrer Keanan, crêpage de chignon garanti.
Un chauffeur me dépose chez moi, ma vie semble bien fade après la journée passée avec les meilleurs stylistes et coiffeurs. Chez moi, je garde les pieds sur terre et me délaisse des strasses et paillettes dans lesquelles j'ai baigné la journée entière.  Je n'ai pas besoin de préparer ma valise, tout sera fourni par la production, ils m'ont pris les mesures de la tête aux pieds.  Je me couche, la tête pleine de rêves et d'espoirs . Hier encore, ma vie me paraissait routinière et sans reliefs.

Le lendemain, je me rends d'abord au laboratoire, je pose un congé sans solde. Je préfère voir large, au cas où Keanan me choisit pour la finale. Je rejoins ensuite l'hôpital, je fais le tour des enfants que je suis habituellement. La plupart sont bien tristes de me voir partir quelques mois. Je salue mes collègues avant de rejoindre mon appartement.

Sur le retour, je suis passée acheter un carnet à la papeterie, j'aimerais y inscrire mes états d'âme, le déroulé de la sélection jour par jour.  Le reste de la journée, je mange au restaurant avec ma meilleure amie et son fiancé. Ils sont super excités de me voir derrière un écran. Ils me soutiennent et m'encouragent à sortir de ma coquille, pour enfin voler le cœur de celui que je chéris depuis des années. Ils adorent mon nouveau look, ils ne sont pas les seuls étant donné les regards que je surprends de la gent masculine. J'ai eu de nombreuses propositions que j'ai déclinées, mon coeur est déjà pris.

Je rentre chez moi, je me jette sur le lit et je suis prise d'un fou-rire. Tout est si irréel, j'ai l'impression de rêver. J'ai peur de me réveiller et de m'apercevoir que tout n'était qu'illusion.