Nous nous tenons sous la pluie, devant le conservatoire. Alexandra n'a même pas pensé à prendre de parapluie.
- C'est à quelle heure déjà que les portes ouvrent pour voir les résultats ? demandais-je.
- Normalement c'est à 10h, répondit Alexandra.
- Ils sont en retard ! Et moi qui pensais que la ponctualité était une qualité anglaise !
Elle soupire.
- On voit bien que ce n'est pas eux qui sont là à geler dehors sous la pluie en plus ! poursuivis-je.
- Arrête un peu, tu veux ?
- Oooh, si on a même plus le droit de s'exprimer...
Si il y a une chose que je déteste encore plus que l'impolitesse, c'est bien les retards. J'ai horreur quand on me fait attendre. Et si en plus on me fait attendre sous la pluie, c'est un comble ! Vraiment, pour qui se prennent-ils ?
- Hé Sacha ! crie quelqu'un au loin.
Je fais volte-face en même temps qu'Alexandra. C'est alors que j'aperçois Paul qui s'approche de nous, enfin, plutôt d'elle puisqu'il ne me voit pas techniquement.
- Stressée ? demande-t-il.
- Bien sûr, qu'est-ce que tu crois ?
- Mais tu m'as bien dit que tu pensais avoir réussi, non ?
- C'est ce que je pense oui, continue-t-elle, mais c'est peut-être pas ce que pensent les jurys.
- Je suis sûre que tu as réussi !
J'aperçois alors Paul prendre la main gauche d'Alexandra dans la sienne. Je sourie et m'arrange pour qu'Alexandra ne se rende pas compte que j'ai remarqué ce geste.
Soudain, une vague d'agitation saisit la petite troupe massée devant les portes du conservatoire : on ouvre les portes. Des élèves accompagnés de leurs parents se ruent dans le hall du conservatoire et quant à moi, comme je suis invisible, je sens avec horreur que quelqu'un me traverse. Ils ne pourraient pas faire attention ?
C'est la bousculade, les gens se poussent pour arriver aux panneaux les premiers. Je vois Alexandra et Paul essayer de se frayer un passage à travers la foule. Moi, je préfère rester à l'écart, je n'ai pas envie de me faire traverser encore une fois.
Cependant, ça ne m'empêche pas de croiser les doigts pour qu'Alexandra réussisse.
Les minutes qui passent me paraissent des heures. Je vois alors Alexandra émerger seule de la foule. Elle se dirige vers moi à toute vitesse, comme une tornade humaine :
- J'ai réussi ! Je vais intégrer le Royal College !
Je remarque alors qu'elle a les larmes aux yeux. Sans prévenir, elle se jette sur moi pour me prendre dans ses bras. Je la serre à mon tour.
- Sans toi je n'y serai jamais arrivée Amanda ! chuchote-t-elle. Je te remercie...
- De rien...
Je caresse ses cheveux doucement.
- C'est toi qui a fait le plus gros du travail, tu le mérites vraiment Alexandra...
Elle me lâche quand elle entend des pas qui arrivent derrière nous.
- Qu'est-ce que tu fais Sacha ?
C'est Paul qui la regarde sans comprendre. En effet, je conçois très bien qu'une fille qui fait visiblement un câlin au vide en plein milieu du hall d'un conservatoire bourré de gens surexcités, soit un peu étrange.
- Mais rien du tout, réponds le plus innocemment possible Alexandra.
- Tu viens ? On va boire un café, dit-il.
A ces mots, il lui prend la main. Je vois Alexandra hésiter un instant, je lance alors :
- Vas-y, je rentre.
Je me faufile vers la sortie. Je brave la pluie et me dirige vers l'arrêt de bus.
Pendant le trajet, je réfléchis. Je pense à ma mission. Je devais aider Alexandra, donc, maintenant qu'elle est admise au Royal College, ma mission est-elle terminée ? Je soupire. Si c'est le cas, cela signifie que je vais devoir m'en aller. Je sais que pendant longtemps je me suis plainte de devoir rester à Liverpool... Mais maintenant, j'ai comme changé d'avis. Je n'aime toujours pas Liverpool bien sûr, mais ici j'ai l'impression que pour la première fois de ma vie, j'ai trouvé des personnes qui m'apprécient pour qui je suis. Alexandra n'aurait pas fait semblant de m'apprécier. Quant à moi, j'ai aussi appris à apprécier cette gamine insupportable au caractère bien trempé. Bref, j'ai un petit pincement au cœur.
Quasi-mécaniquement, depuis les semaines que je suis là, mes pas me guident vers la porte de la maison des Barringer. Je traverse la porte et monte les escaliers pour parvenir dans la chambre d'Alexandra.
Quand je travers la porte, la chambre est baignée d'une lumière beaucoup trop forte pour qu'elle soit naturelle. Je relève donc les yeux et voit la même silhouette d'un blanc immaculé qu'il y a de cela plusieurs semaines.
Je décide de prendre immédiatement les choses en mains :
- Si vous êtes venu pour me chercher, je vous dis tout de suite qu'il est hors de question que je bouge d'ici avant d'avoir dit au revoir à Alexandra !
- Je ne viens pas vous ramener dans le monde des morts immédiatement, Amanda Blackfields, me répondit la silhouette. Je viens seulement vous prévenir que maintenant que vous avez accompli votre mission, vous avez réussi à vous racheter. Vous disposez de 24 heures pour faire vos adieux.
- Bon, c'est mieux que ce que je pensais...
- Je viendrais donc vous chercher demain, à 14h précise.
Les contours de la silhouette commencent à se faire flous, je devine qu'elle s'en va. Non mais, quelle impolitesse ! J'ai des dizaines de questions à lui poser et elle ne reste même pas pour y répondre ?
- VOUS POURRIEZ AU MOINS ECOUTER CE QUE J'AI A VOUS DIRE AVANT DE DISPARAITRE COMME CA ! hurlais-je.
Brusquement, tel un screamer de film d'horreur, la silhouette refait surface.
- Je n'ai pas de temps à perdre avec vos enfantillages, Amanda Blackfields.
- Je voulais simplement poser une question !
Elle semble attendre ma question, alors je me lance :
- Où est-ce que vous comptez m'emmener ?
- Vous le saurez bien assez tôt, répond-t-elle.
- Je ne pourrais plus jamais revenir ici, n'est-ce pas ?
- Vous verrez par vous-même.
- Je serai donc définitivement morte ?
- Vous vous en rendrez compte.
- Est-ce que je pourrais voir d'autres morts ?
- Vous le découvrirez demain.
- Est-ce que vous pouvez arrêter de ne pas me donner de réponses claires, m'énervais-je.
- Certainement.
A ces mots, la silhouette disparait.
- Ce n'est pas croyable comme les morts peuvent être impolis, marmonnais-je pour moi-même.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre le retour d'Alexandra pour lui apprendre la nouvelle. J'avoue que sa réaction m'intéresse plutôt. Comment va-t-elle le prendre ? Elle va sauter de joie au plafond ? Elle va se mettre à pleure ? Elle va rester de marbre ?
Intérieurement, j'espère qu'elle versera une petite larme, rien que pour mon amour-propre. Si elle se moquait éperdument de mon départ, je pense que je regretterai de l'avoir si gracieusement aidée. Enfin, « gracieusement aidée », j'ai quand même été obligée.
Je m'allonge sur son lit avec un sourire un peu triste aux lèvres et j'attends patiemment le retour d'Alexandra.
Je suis restée immobile au moins trois heures et je l'entends enfin qui revient.
Quand elle pour la porte, je ne peux pas m'empêcher de lancer un « c'est pas trop tôt ! ». elle se retourne vers moi et demande :
- Pourquoi ? Tu es pressée peut-être ?
Elle ne croit pas si bien dire.
- Alexandra, j'ai reçu de la visite quand tu n'étais pas là.
- Comment ça ? Tu invites tes amis dans cette maison sans en demander la permission ?
- Mais non !
- Alors quoi ?
- J'ai quelque chose à t'annoncer.
Elle se laisse tomber sur le lit à côté de moi.
- Wow, ça m'a tout l'air sérieux, fait-elle remarquer moqueusement.
- Ça l'est : je dois repartir dès demain, lâchais-je.
Bonjour, bonsoir !
Vous sentez que c'est la fin, pas vrai ?
Vous avez parfaitement raison, ce roman se termine.
Le chapitre suivant paraîtra demain à 14h (du génie, non?), heure où Amanda nous quittera pour rejoindre ses copains les morts. J'essayerai d'être un maximum à l'heure.
A demain !
Raven.
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