La navette Focus traversait l'atmosphère sombre de Titan, une des lunes de Saturne.

Fabian pilotait l'appareil pendant que sa sœur scrutait minutieusement les scanners. Contrairement à la Terre possédant une masse atmosphérique de quatre-vingt-dix-neuf pour cent en dessous de cent kilomètres, celle de Titan était comprise entre deux cents et huit cents kilomètres d'altitude. Elle était opaque sur une large gamme de longueurs d'onde, empêchant ainsi d'obtenir depuis l'extérieur un spectre de réflectance complet de la surface.

— Alors, demanda-t-il en traversant l'atmosphère brouillée?

— La sonde envoyée en 2036 avait eu son système spectromètre infrarouge défaillant à son arrivée en orbite, expliqua Lydia ! Les Systèmes de Radar terrestre restent les seuls en fonctions. Le géoradar, ainsi que le Scanner 3D sont devenus inopérants.

La température à la surface de Titan approchait les moins cent quatre-vingts degrés. L'atmosphère était presque entièrement dénuée de vapeur d'eau. La navette évoluait dans une pluie de composés carbone.

— Prends la direction C8, ordonna sa sœur.

— À vos ordres mon commandant, s'exclama son frère.

Une alerte sonore résonna en faisant clignoter une lumière rouge.

— Danger, danger, un concentré acide perfore la première couche du bouclier thermique.

— Nous ralentissons, remarqua Fabian, mais nous encaissons encore du 5 G. La couche externe ne va pas supporter la pression.

— Elle tiendra, confirma sa sœur en maintenant les paupières fermées.

— Lydia, ne quitte pas des yeux le moniteur, concentre-toi sur les valeurs affichées !

— La couche externe va se solidifier.

— Et comment ? Tant pis, nous devons l'expulser afin de protéger la couche interne, s'écria-t-il en pianotant le clavier.

Lydia l'empoigna.

— Non, elle va s'écraser, perforer la coque de la navette.

— Nous n'avons pas le choix, hurla Fabian.

— Si ! Crois en moi.

Le capitaine retira sa main pour déclencher la procédure de détachement du bouclier thermique. Les deux spationautes furent violemment projetées contre le dossier, empêchant ainsi à Fabian de confirmer l'opération.

— Des composés de carbone terminent de se solidifier sur les brèches en stoppant l'acidité recouvrant la texture du bouclier de protection, annonça l'IA...

— Merci, Tess, s'exclama Lydia. Tu vois, frérot, j'avais raison.

— Mais ? Comment ? C'est...

— Regarde, s'exclama Lydia en observant l'écran d'analyse spectrale, les capteurs CAB dessinent les contours de l'entrée du tunnel. Non, attends, ce n'est pas un simple tunnel, mais un ascenseur, regarde les...

Les hurlements de son frère la coupèrent dans ses pensées. Une lumière aveuglante recouvrait la salle de pilotage. Lydia referma immédiatement les vitres de la navette. Son frère hurlait toujours de douleur en plaquant ses mains sur ses yeux. Elle retira immédiatement une trousse de survie sous la console de navigation pour récupérer deux lingettes. Elle déchira la protection, puis saisit la main de Fabian pour déposer la compresse humide sur chaque paupière. Le concentré actif de chacun des cataplasmes possédait un mélange permettant de soigner, cicatriser toute brûlure de la cornée.

Le capitaine cessa de hurler pour pencher sa tête en arrière.

— Tess, que s'est-il passé, demanda Lydia ?

— Un halo de lumière atteignant les trois mille degrés a frappé la navette pendant trois secondes.

— D'où provenait-il ?

— De la base de ce que tu nommes ascenseur ! Attention, je n'ai plus le contrôle de la navette Focus, le contrôle de navigation nous a été retiré par une IA déviante.

— Ou se situe-t-il ?

— Je l'ignore !

— Quoi ?

— Désolé, Lydia, baisse du taux d'oxygène, vous allez perdre connaissance dans moins de trois minutes.

La commandante s'extirpa de son siège de commandement pour se diriger vers le masque de secours qui refusa de se mettre en fonction.

— Tu me fais quoi, Tess ?

— Je n'ai plus aucun contrôle. Les bases... sa probable conception... terrestre !

— Quoi ?

Lydia restait inactive, elle ne pouvait rien faire, mise à part attendre la mort ! Fabian se leva précipitamment pour la contourner en aveugle, les compresses s'étaient solidifiées le temps de la guérison. Il approcha d'un des casiers contenant le nécessaire d'urgence pour le frapper d'un coup de pied précis, la sécurité se désactiva pour ouvrir la porte métallique.

— Vas-y, sœurette, sers-toi.

Elle récupéra les gants, le casque spatial pour les enfiler à son frère. Ils devinrent aussitôt opérationnels en réglant l'apport d'oxygène, la chaleur nécessaire à la survie dans le vide spatial pendant quinze minutes. À peine venait-elle de s'en revêtir que le taux d'oxygène de la salle de commandement ne permettrait que de survivre dans un coma profond.