[ J'ai peur ]
"CréaLuna !! T'es fière de moi ? T'es fière de moi ?!"
Au travers de l'écran d'ordinateur, Personne se révélait complètement surexcité, abordant son habituel sourire beaucoup trop grand pour son adorable petite bouille. Et Luna, bien qu'attendrit par son attitude, eut un soupir devant tous ses cris. Elle eut tout de même un sourire :
"Yep, plutôt fière. T'as assuré avec Nyx ! Continue comme ça, je veux continuer à le voir sourire autant !"
Personne pencha le crâne sur le côté, prenant une moue perdue :
"CréaLuna, pourquoi tu retournes pas le voir Nyx ? Il a l'air triste de t'avoir oublié."
La jeune fille se crispa, détourna le regard en tapotant contre son bureau, mal à l'aise. Elle vint à se masser la nuque, cherchant ses mots, avant de soupirer :
"Ecoute ... Je peux pas faire ça. C'est trop risqué. Les Créateurs ne devraient pas avoir à interagir avec les créations. Ca fou un bordel monstre après, comme avec Monika."
Personne la regarda, la scruta même, de ses pupilles dorées si enfantines et innocentes. Il vint à coller son front contre l'écran, comme s'il essayait d'en sortir :
"Tu es triste ? Les codes me disent que oui."
Luna pouffa :
"Comment les codes pourraient-ils te le dire ? Je ne suis même pas sous ma forme virtuelle !
- Les codes n'ont pas besoin que tu sois virtuelle pour voir que tu es triste ! Ils sont comme nous, ils voient !
- ... Ils voient ... ? A t'entendre, ce sont vraiment des choses conscientes.
- Ben ... oui ils sont conscients ! Et d'ailleurs ils m'ont dit qu'on était ... qu'on était ..."
Il s'écarta un peu, tirant légèrement la langue alors qu'il recherchait ce mot, ce petit mot qu'il trouvait pourtant plaisant. Il jeta un oeil sur le côté, interrogeant les codes du regard, et les lignes vertes vinrent lui donner sa réponse :
"Ah oui ! Les codes et moi, on est amis ! Oh, et toi aussi tu es mon amie CréaLuna !"
L'auteure eut un tendre sourire posant son menton sur sa main tout en observant Personne :
"T'es vraiment beaucoup trop cute, petit squelette. Fais gaffe à pas te faire bouffer par les loups hein.
- Pourquoi ? Les loups mangent les squelettes ?
- Ahah, c'est une façon de parler Pers' !"
Et elle continuait de sourire, encore et encore, de ce sourire qui se voulait si naturel, si joyeux, si apaisant. Ce genre de sourire qu'on a en se répétant que "Tout va bien", que "Tout va très bien même". Ce sourire tellement adorable, gentil, compréhensible ... ce sourire trop pur pour être honnête, ce sourire qu'on déteste regarder car il n'y a rien de plus faux, de plus mensonger.
Et Personne avait beau ne pas savoir grand chose, il n'était pas complètement naïf pour autant. Il voyait des choses que nul ne voyait, et c'est d'un manque total de tact qu'il prit la parole :
"Pourquoi tu fais semblant ?"
Le sourire de Luna se crispa, pour finalement s'évanouir pour de bon quand Personne ajouta :
"Pourquoi tu fais semblant d'être heureuse ?"
Elle ne répondit pas. Pas tout de suite. Les mots venaient doucement atteindre son esprit, sa compréhension, tandis que dans un silence de mort elle continuait à observer Personne. Personne qui lui rendait son regard sans le moindre jugement. Simplement avec une mine curieuse, le genre d'expression que possède ceux qui ne savent pas avoir poser une question lourde, très lourde.
Luna ne détourna pas les yeux :
" ... Heureux ... ou ne pas être heureux ... Je ne saurais te dire si je suis réellement malheureuse au fond. Parce que mine de rien ... mine de rien, je suis dotée d'une chance inouïe. J'ai la sensation de sans cesse me répéter ... Mais j'ai une famille incroyable. Un frère et une soeur adorables. Des grands parents aux petits soins avec moi. Des oncles et des tantes qui me chouchoutent, des cousins et cousines avec qui je rigole comme une folle. J'ai des amis qui ne me comprennent pas forcément, mais avec qui j'ai un lien puissant. Et puis ... puis j'ai réalisé un rêve. J'ai publié un livre. Donc tu vois ... ai-je vraiment le droit de me plaindre avec tout ça ?"
Elle prit un petit temps pour observer les réactions de son camarade, mais celui-ci attendait la suite, l'écoutait attentivement. Alors elle reprit :
" ... Je pourrais trouver mille raisons d'être malheureuse, tu sais ? On a tous ... On a tous cette part d'ombre, cette part de lumière. C'est tellement cliché à dire, mais tellement vrais. On est vivant. On est instable. On a toutes les raisons de sourire, toutes les raisons de pleurer. Et très honnêtement ... je ne sais pas du tout lequel est le meilleur point de vue. De quelle façon nous devons prendre la vie."
Ca n'avait pas vraiment de sens ce qu'elle disait, si ? N'était-elle pas en train de s'écarter du sujet principal ? Elle n'était pas bien sûre .. En fait .. Elle avait juste besoin de vider son sac, quitte à ce que ça n'ait aucun sens.
" ... Tu sais ... Parfois je m'enferme dans la salle de bain, toute seule. Je m'y enferme, et je me regarde dans la glace. Je souris. Je répète haut et fort 'tout va bien'. J'aime ces trois mots, ces trois tout petits mots. Parce qu'ils sont le plus beau mensonge du monde. Car tout ne va pas bien. Tout ne va pas mal non plus. Et pourtant, je ne sais pas pourquoi, mais je me répète sans cesse que 'tout va bien'. "
Ses lèvres s'étirèrent en un pauvre sourire plain d'amertume :
"... c'est bizarre .. mais c'est quand je dis 'tout va bien' que je finis par fondre en larme. Parce que j'essaie désespérément de me convaincre, peut être ? Je suis têtue ... puis je vie dans ma bulle. Du moins j'essaie. J'essaie de me corrompre l'esprit en pensant être dans un monde de bisounours. Je sais que c'est faux, mais que veux tu ? Je suis stupide, j'aime me faire de fausses idées."
Et Personne ne l'arrêtait pas. Il ne l'arrêtait pas et elle ne comprenait pas pourquoi. Car qui avait-il d'intéressant à écouter quelqu'un parler de sa vie ? Les gens n'aiment pas écouter les autres se plaindre. Les plaintes font déprimer. Les gens déprimés entrainent les autres vers le fond.
" ... Si je me dis que ça va mal, c'est foutu, tu comprends ? Je suis pas courageuse. Je peux pas faire face aux problèmes. Tu saisis ? Je suis même pas foutue de rappeler mon père. C'est un gamin immature, tu vois ? Mais je l'aime comme une dingue, et ... et j'ai jamais fait les efforts qu'il fallait, depuis toujours. J'ai pas été habitué à sa présence, j'ai pas été habitué à ... à ce qu'il s'occupe de moi. Tout le monde repporte nos disputes sur lui, mais je suis aussi en faute, y a jamais qu'un seul fautif. Et là tu vois, là ... j'aurai pu éviter notre dernière dispute. J'aurai vraiment pu. Mais j'ai pété un câble. J'ai craqué, parce que je me suis dis "ça va pas" ... J'ai ... Je sais même pas si ça a du sens."
Elle rigola :
"Je sais même pas si tu comprends. Je comprends pas non plus. Ahah, pourquoi je parle de ça ? Je ... Tu sais ... Je ... "
Elle passa une main sur son visage :
"... J'aime Nyx, tu vois ? Et ... j'ai déjà merdé, tu vois ... ? J'ai risqué ce que j'ai créé ... et j'ai risqué ce que d'autres ont créé ... seulement pour faire l'intéressante. Je n'étais même pas censé être dans l'histoire. Alors .. Alors juste ... Je peux pas revenir. Je ... je veux pas revenir ..."
Le dernier mot s'était achevé dans un sanglot étranglé. Elle se mordit la lèvre, bien plus fébrile que précédemment :
"... J'ai peur, tu comprends ... ? Je suis juste ... Juste une putain de trouillarde. Et ... "
Elle s'interrompit à nouveau, pour prendre son visage entre ses mains. Elle était incapable de dire un mot de plus, pas sans craquer par la suite.
Et Personne le comprit.
Il posa délicatement sa main contre l'écran, observant la Créatrice en silence. Puis finalement, quand il perçu une première larme s'échouer sur le bureau, il comprit qu'il ne devait pas insister davantage. Qu'il ne devait pas assister à ça.
Il s'écarta, laissant l'ordinateur s'éteindre, observant l'image de Luna disparaitre sous ses yeux.
Et il ne comprenait pas pourquoi son âme faisait si mal.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro