Chapitre 7
« Ceux qui pratiquent ouvertement la cruauté se vengent souvent des malheureuses conditions de leur existence. », Marie-Claire Blais
Lentement, le roi relâcha Céleste est fit un pas en arrière. Il avait les poings serrés et le visage légèrement rougi.
« Venez. », grogna-t-il. La jeune femme hésita un moment avant de faire un pas en avant en se massant la nuque pour pénétrer dans la pièce lugubre. Il n'y avait pas de fenêtres. Pas de décorations hormis des portraits déchirés et des miroirs brisés encore et encore, avec une violence apparente et effroyable. Au milieu de la salle se trouver une longue table presque noire avec deux chaises. Adrien avait posé le repas sur la table.
En hésitant, Céleste s'avança jusqu'à sa chaise : Adrien la tira en arrière, sourire en coin, pour qu'elle s'assoie. Faisant appel à toute la grâce dont elle était capable, Céleste plia les genoux délicatement et arrangea la lourde robe autour de ses jambes, allongeant ensuite avec élégance ces mains sur la table, le cou blanc tendu telle une danseuse. Le roi avait ses yeux fixés sur elle et lentement, alors qu'il ne bougeait pas d'un seul centimètre, elle sentit ses joues rougir et baissa les yeux.
« Excusez-moi un instant. », grommela soudainement le roi et sans une explication de plus, se retourna et sortit de la pièce. La porte retomba bruyamment dans ses gonds et Céleste bondit sur sa chaise tandis que les verres en cristal tremblaient sur la table et qu'une fourchette tomba au sol en tintant. Adrien se racla la gorge et effectua une petite courbette gracieuse.
« Excusez-le, Mademoiselle Céleste, cela fait longtemps que le roi a eu de la visite, il semble avoir oublié certaines... règles. »
Céleste hocha la tête sans un mot et se laissa servir du vin. Adrien soupira lourdement.
« Commencez. », dit-il doucement, en posant une petite assiette en porcelaine remplie de soupe devant elle, « Je vais voir ce que fais sa Majesté. Elle ne devrait pas tarder à revenir. »
A nouveau, la jeune femme hocha seulement la tête et pris lentement une des cuillères dorées posées à côté d'elle. Adrien effectua une énième courbette et d'un pas fluide, sortit de la pièce sombre, la porte retombant lourdement dans ses gonds. Le bruit résonna contre les murs et Céleste sentit un tremblement la parcourir tandis qu'elle menait la luxueuse cuillère à sa bouche maquillée.
Des voix résonnaient à l'extérieur : la voix calme d'Adrien et celle du roi, enragée et forte. Céleste les ignora du mieux qu'elle put et mena une deuxième cuillère à sa bouche. Une troisième. Elle se demandait alors comment elle allait survivre cette semaine aux côtés d'un roi tyrannique, incapable de garder son calme pour seulement une minute. La jeune femme soupira. Quatrième cuillère. La lourde porte de la salle à manger s'ouvrit violemment et Céleste sursauta, laissant tomber sa cuillère dans la soupe qui gicla sur la table sombre. Le roi entra à grands pas et retourna s'assoir à sa place, sa chaise raclant le sol dans un bruit désagréable lorsqu'il la tira en arrière pour s'assoir dessus. Adrien, les traits étonnement tendus, rentra dans la pièce après lui et ferma délicatement la lourde porte. Il se plaça alors à côté de son maître et un toussotement subtil lui échappa. Le roi émit un grognement. Céleste encore un peu sous la surprise, sortit d'un geste absent la cuillère de la soupe et tapota la tâche d'une des serviettes blanches posée à ses côtés. Le roi inspira profondément.
« Je m'appelle Orion. », annonça-t-il brusquement, d'une voix sombre et la jeune femme leva la tête vers lui en fronçant les sourcils. Pourquoi lui donnait-il son nom ? Ne devait-elle pas l'appeler par son titre car c'était ce que tous les rois souhaitaient ?
« Très bien, votre Altesse. », dit-elle d'une voix polie mais froide, comme le vin qui flottait dans son verre en cristal. Le roi leva les yeux au ciel.
« Vous êtes donc encore bien plus stupide que vous n'en avez l'air. Ne m'appelez pas votre Altesse. Ni mon roi, ni autre. Mon prénom est Orion. »
Céleste lui offrit un sourire distant, ignorant l'insulte qu'il lui avait jetée à la figure et plia précautionneusement sa serviette tâchée pour la coincer délicatement sous l'assiette en porcelaine. Elle évitait ainsi le regard du roi qui pesait sur elle comme une montagne.
« Si c'est ce que vous désirez, alors ainsi soit-il, Orion. » Cette fois, sa voix était tranchante. La jeune femme était décidée de ne pas faire la conversation à un homme qui se faisait un plaisir de la traiter de tous les noms comme si elle avait choisi d'être là. Une semaine, pensait-elle pour se retenir de lancer un commentaire cinglant, seulement une semaine à ses côtés.
L'homme grogna.
« Ce n'est pas parce que je vous donne mon prénom que je vous autorise à me parler avec tant d'arrogance, Mademoiselle. »
Céleste serra les poings quelques secondes. Oh combien détestait-elle ce roi qui lui parlait comme s'il était le roi du monde ! Elle regrettait maintenant profondément sa décision de rester au château plus longtemps. Elle aurait dû forcer Adrien à la ramener chez elle ! Elle serait maintenant en train de manger un potage au coin du feu, sa mère lui coiffant les cheveux avec douceur, son père maugréant en regardant les flammes danser. Elle relâcha ses mains et posa lentement ses paumes de main sur la table, une de chaque côté des couverts et de l'assiette et inspira profondément.
« Je m'excuse, Orion. Vous avez d'ailleurs un bien joli prénom : n'est-ce pas celui d'une constellation dans le ciel et d'un personnage mythologique ? », susurra-t-elle de la voix la plus aimable dont elle était capable. Le roi la récompensa d'un rire dure, sa tête retombant dans sa nuque. Il la regarda ensuite dans les yeux en se passant une main dans les boucles en désordre.
« Eh bien, je suis étonné de voir l'étendu de votre culture ! Vous êtes bien éduquée pour une paysanne. », cracha-t-il avant de tendre une main leste vers sa cuillère pour avaler un peu de sa soupe, l'air arrogant toujours inscrit sur son beau visage. Céleste se releva brusquement, tournant sa tête vers Adrien, les yeux plissés.
« Je n'ai plus faim. », cracha-t-elle, souleva sa robe et clopina jusqu'à la porte. Elle posa une main sur la poignée.
« Je ne vous ai pas autorisée à sortir ! », rugit le roi. Sa chaise se renversa lorsqu'il se leva d'un bond pour avancer à grand pas vers Céleste. La jeune fille inspira profondément et se retourna vers lui.
« Je suis navrée, Orion, mais mon état actuel ne me permet pas d'assister à ce repas. Permettez-moi de me retirer. », énonça-t-elle d'une voix morne, les poings serrés. Elle ne tenait pas à passer une seconde de plus avec cet homme impoli et méchant. De quel droit se permettait-il de la juger de telle sorte ? Un roi n'avait-il pas le devoir d'être bon et juste envers ses citoyens ? Ne lui devait-il pas au moins la plus petite reconnaissance pour avoir accepté de lui tenir compagnie ? Céleste secoua la tête intérieurement.
Ce roi ne souhaitait pas de compagnie.
Adrien, toujours à la même place qu'auparavant, se racla la gorge.
« Mademoiselle... Mon roi... Je vous prie de vous calmer ; le déjeuner va être froid. »
Céleste se retint pour ne pas éclater de rire. Cette situation était ridicule, incroyablement et terriblement ridicule, une gigantesque farce à laquelle elle regrettait participer. La jeune femme lança un regard en coin au serviteur qui tenait fermement le dos d'une chaise de ses mains élégamment gantées et lui lançait un regard suppliant. Elle hésita un instant, leva les yeux vers le roi qui la fixait intensément. Doucement, elle ôta sa main de la poignée sombre et la laissa retomber contre sa jupe richement ornée.
« Bien. Ne pas manger serait faire un affront à celui qui a pris la peine de cuisiner tous ces plats : c'est la seule raison pour laquelle j'accepte de rester ici une minute de plus. »
Ignorant Orion, elle passa à côté de lui et avança jusqu'à sa chaise sur laquelle Adrien l'aida gracieusement à s'installer.
« Merci. », lui souffla-t-il à l'oreille avant d'aller aider son maître. Ce dernier avait maintenant l'air fatigué et se passa plusieurs fois une main dans les cheveux en désordre, se mordillant la lèvre d'un air presque hésitant.
« Eh bien, Adrien, qu'as-tu à faire des messes basses ? », grommelle-t-il en plissant les yeux. Le serviteur lui murmure quelque chose à lui aussi puis se redresse.
« Rien qui ne serait convenable, Votre Altesse. », dit-il, la voix plus dure que d'habitude. Céleste lui sourit puis porta le verre de vin à ses lèvres, avala une gorgée puis le reposa.
« La curiosité est un bien vilain défaut. », dit-elle, sans lever les yeux vers Orion. Elle l'entendit grogner mais cette fois-ci, aucun commentaire tranchant ne sortit de sa bouche. Elle sourit un peu.
Le reste du déjeuner se déroula en silence, simplement entrecoupé par le bruit des assiettes posées sur la table et les verres de vins cliquetant. Une fois qu'elle eut fini, Céleste se leva doucement. Elle replia sa serviette et lança un regard souriant à Adrien.
« Merci pour ce repas. », dit-elle. Elle hésita quelques secondes puis sans réfléchir demanda : « Puis-je voir la bibliothèque ? »
Adrien ouvrit la bouche pour lui répondre mais ce fut le roi qui parla en premier.
« Je vais vous y mener. », grommela-t-il avant de se lever à son tour de la chaise.
Bonjour, bonsoir!
Alors voilà. Le roi s'appelle Orion - un personnage mythologique connu pour sa beauté et sa violence. Pour l'instant, il n'est pas très sympathique, en tout cas. On verra l'évolution.
Des bisous, les cocos ♥
Blondie
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