Chapitre 39 - Partie 1
« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu." », Bertolt Brecht
Céleste ouvrit lentement les yeux. Sous ses mains, le sol était dur et elle fut incapable de bouger ses pieds. La jeune femme cligna plusieurs fois des yeux. Lorsqu'elle bougea un peu ses mains, elle se rendit compte que ses dernières aussi étaient incapables de grands mouvements. La jeune femme sembla brusquement se réveiller de sa transe, regardant paniquée ce qui se trouvait autour d'elle.
Il faisait presque noir. Sur un large mur, quelques bougies minables éclairaient d'un halo faible la pièce dans laquelle elle se trouvait. La jeune femme plissa un peu les yeux, jusqu'à ce qu'elle arrive à distinguer les alentours. Le mur était en pierre. Le sol était en pierre. Ses mains et pieds... Ses pieds étaient liés entre eux et autour de ses mains étaient enroulées des chaînes ancrées dans le mur.
Un tremblement parcourut la jeune femme.
Où était-elle ?
Que faisait-elle ici ?
Elle tira plusieurs fois sur ses liens, tentant en vain de les défaire. Un hissement furieux lui échappa lorsque ni la corde, ni les chaînes ne daignèrent libérer ses membres. Céleste inspira profondément, une respiration anxieuse et tremblante. Elle referma les yeux et tenta de comprendre comment elle était arrivée ici.
Elle avait été allongée dans son lit. Elle avait lu, Orion à côté d'elle un moment. Il avait fini par sortir de la pièce et elle avait continué sa lecture. S'était-elle endormie ? Qui avait bien pu l'enfermer ici ?
La jeune femme tira à nouveau sur ses liens.
« Il y a quelqu'un ? », appela-t-elle une première fois dans le noir, puis une deuxième fois, plus fort : « Il y a quelqu'un ?! »
Pas de réponse. Elle était seule, attachée dans la pénombre. Le cœur de Céleste se mit à accélérer jusqu'à ce que le battement résonne et vibre lugubrement contre ses tempes. La jeune femme serra les dents. Elle devait sortir d'ici. Elle tira sur une de ces mains et commença à tortiller son poignée dans la chaîne qui n'était pas à sa taille et un petit peu trop grand. Comme elle avait les mains moites, le métal se mit à glisser faiblement le long de sa paume.
La respiration de Céleste devint erratique. Elle se concentra de toutes ses forces – il fallait à tout pris qu'elle ait au moins une main de libre. L'anneau glissa jusqu'à la partie la plus large de sa main et cessa de bouger. La jeune femme jura et tira un peu plus. Le morceau de métal s'enfonça dans sa peau et lui coupa lentement la circulation. Un gémissement de douleur échappa à Céleste. Elle ferma les yeux et continua à bouger sa main, la recroquevillant et tirant dessus aussi bien qu'elle le pu.
La douleur devint plus forte.
La main de Céleste cessa de bouger.
Une larme de détresse et de souffrance roula le long de sa joue. Elle serra les dents et se força à inspirer profondément. Ignorant le tremblement de son bras, les battements hystériques de son cœur et le sentiment de déchirement dans sa main, elle rassembla ses forces.
Lentement, elle compta jusqu'à cinq dans sa tête.
Elle tira une dernière fois.
Avec un craquement, sa main sortit brusquement de l'anneau. Céleste rouvrit brusquement les yeux et poussa un cri de douleur. Le dos de sa main était en feu et en sang, les clous maintenant le cercle métallique de l'intérieur ayant cruellement meurtris sa peau. Les lèvres de Céleste se mirent à trembler. Elle essuya frénétiquement sa main contre sa cuisse.
« Ce n'est rien. », murmura-t-elle dans le vide, pour se rassurer, « Simplement une petite égratignure. »
Elle se tourna un peu de côté et se mit à tirer sur sa deuxième main en s'aidant de la première. Les membres de son corps s'étaient mis à trembler violemment et une deuxième larme de détresse roula sur sa joue. Elle souffla lentement, jetant quelques fois des regards inquiets à la lourde porte métallique qu'elle discernait dans la pénombre. Après un grincement sonore et un hissement douloureux, la deuxième main de la jeune femme sortit de la menotte. Céleste perdit l'équilibre et s'écroula sur son dos avant de se rassoir douloureusement.
Sa première main avait enflé. Elle renifla et se pencha en avant, jusqu'à atteindre ses pieds. Elle tira sur les liens et les chevilles. Néanmoins, contrairement à ses poignets, la corde épaisse et douloureuse était extrêmement serrée et chaque essai de la défaire ne faisait que plus mal à la jeune femme. Jurant, cette dernière se passa une main sur le front en sueur avant de ramper vers le mur derrière elle. S'aidant de ses mains, elle parvint à se lever en chancelant. La respiration erratique, elle resta ainsi quelques instants, réfléchissant à ce qu'elle pouvait faire.
Elle ne savait pas comment elle était arrivée ici, ne savait pas où elle était, ni qui l'avait porté dans cette pièce et attachée. Sûrement pas Orion. Elle ne s'imaginait pas non plus Adrien commettre un acte pareil.
Chaque seconde, l'inconnu qui l'avait attaché et enfermé pouvait revenir.
Le cœur de Céleste accéléra tandis que ses jambes faiblir.
Que lui pouvait-on bien lui vouloir ?
Inspirant profondément, elle utilisa le peu d'espace autour de ses pieds pour faire des pas minuscules et fatigants, dandinant son corps de manière maladroite jusqu'à la porte massive. Essoufflée, elle tendit une main. Les doigts tremblant, elle traça le métal de l'index. Il était lisse, sans aucune ornementation – Céleste finit par trouver le trou d'une serrure et une poignée. Elle poussa sur la poignée, le cœur battant. Elle savait pertinemment que la porte ne s'ouvrirait pas, après tout, pourquoi l'enfermer ici si la porte s'ouvrait –
Le lourd battant s'ouvrit dans un grincement sonore.
Céleste cligna plusieurs fois des yeux. Lentement, elle avança un peu et passa une porte à l'extérieur. Elle se retrouva face à un long couloir aux murs en pierres, éclairé par des torches aux flammes vacillantes. Il faisait horriblement froid et un frémissement glacé traversa le corps peu couvert de la jeune femme.
Elle inspira profondément puis se remit à faire des petits pas. Elle resta proche du mur, la nervosité brillant dans les yeux. La sueur lui dégoulinait les tempes. De temps en temps, un craquement résonnait bruyamment dans l'entièreté du couloir et le corps entier de la jeune femme sursautait.
« Ce n'est rien. Ce n'est rien. », marmonna-t-elle en se forçant à continuer d'avancer. Le couloir semblait interminable et les pas ridiculement petits et maladroits que faisaient Céleste l'empêchaient d'avancer à une cadence normale. Elle s'essuya le front. Un gémissement de douleur quitta ses lèvres lorsque sa main blessée heurta sa peau. Elle se mordit la lèvre et cessa d'avancer quelques instants avant d'obliger ses pieds à avancer de nouveau.
Le plafond devint subitement plus bas et la jeune femme manqua violemment heurter sa tête. Elle courba son dos en grimaçant et se faufila sous les arcs sombres et bas. Céleste commençait peu à peu à être angoissée par l'espace extrêmement restreint et sombre dans lequel elle était forcée d'avancer.
Une lueur finit par apparaître eu fond du couloir et elle se dépêcha d'avancer, plissant un peu les yeux.
Elle se retrouva subitement devant une porte.
Céleste déglutit. Elle se redressa un peu et appuya lentement son oreille contre la porte, retenant sa respiration. Aucun son ne lui parvint. Lentement, elle tendit une main vers la poignée et posa ses doigts dessus. Hésita. Elle ne savait pas ce qui l'attendait de l'autre côté et l'inquiétude lui retournait l'estomac. La jeune femme passa sa langue sur les lèvres et avant de se laisser plus de temps pour réfléchir encore, appuya d'un coup brusque sur la poignée. La porte s'ouvrit silencieusement et Céleste trébucha à l'intérieur.
Ses jambes s'emmêlèrent dans leur lien et elle virevolta au sol, n'ayant même pas le temps de tendre ses mains blessées pour se rattraper. Durant quelques instants, elle eut la respiration coupée. La pièce était illuminée par deux énormes lustres et la jeune femme dû plusieurs fois cligner des yeux, aveuglée par la luminosité subite.
Elle se releva avec précaution. Le regard fébrile, elle regarda autour d'elle. Les murs en stucs étaient peints en bleu ciel : au plafond, des dorures représentaient la voie lactée. De nombreux tableaux à moitié déchirés ornés les murs. Des poutres peintes semblaient soutenir la fondation. La jeune femme se tourna un petit peu plus.
« Céleste ! »
Un cri de surprise lui échappa et elle se retourna d'un bond.
Adrien.
Un tremblement parcourut son corps tandis qu'un pleur déchiré et étouffé quitta ses lèvres gercées et sèches. Le serviteur s'approcha d'elle à grands pas. Se mettant à genou devant elle, il l'observa de haut en bas, ses yeux finissant par se poser sur les liens autour de ses chevilles.
« Bon dieu ! », grogna-t-il. Il se pencha en avant et tira un peu sur les cordes. Celles-ci s'enfoncèrent à nouveau dans la peau fine de la jeune femme. Céleste gémit et secoua la tête.
« Non ! Ne tire pas ! »
Adrien déglutit et releva la tête une fraction de seconde avant de lentement chercher à défaire le nœud sans faire mal à Céleste. Elle frotta sa main la plus amochée, clignant des yeux.
« Où sommes-nous ? », souffla-t-elle, la voix rauque et incertaine. Gardant son attention fixée sur la corde, Adrien répondit d'une voix grave :
« Je ne suis pas sûr, Mademoiselle. Je pense néanmoins que nous nous trouvons dans une des salles secrètes du château, à laquelle on accède à la fois par la chambre aux roses et la cave. Sa Majesté la reine l'avait fait construire alors que le pays était ravagé par la guerre. Il existe néanmoins plusieurs pièces comme celle-ci dans le château mais je n'y ai jamais eu vraiment accès. » Un sourire amer caressa le visage de l'homme « Je ne suis que le servant, après tout. »
De ses doigts habiles, Adrien défit un premier nœud. Céleste fronça les sourcils et tendit une main qu'elle posa sur l'épaule du serviteur.
« Tu es bien plus que ça, Adrien, et tu le sais. »
Il hocha faiblement la tête, clignant plusieurs fois des yeux.
« Vous dites ça, mais sans moi, vous ne seriez jamais arrivée dans une telle situation. Je m'excuse pour tout, Céleste. Je m'excuse de vous avoir demandé de rester au château, d'avoir tenté de pousser Orion à vous séduire. J'ai été égoïste, ne pensant qu'à ma malédiction et en oubliant votre bien-être. »
Céleste se figea.
« Ta malédiction ? »
Le corps d'Adrien trembla légèrement.
« Oui. Orion n'est pas le seul à avoir été maudit par la fée. »
La jeune femme secoua la tête, les yeux écarquillés. Pourquoi voudrait-on du mal à Adrien ?
« Pourquoi ? », souffla-t-elle doucement, posant sa main meurtri sur l'épaule du jeune homme qui tourna sa tête vers elle et lui lança un regard ravagé par la tristesse.
« Mauvais endroit, mauvais moment et mauvais poste. », répondit-il lourdement, la voix résignée. Il laissa sa tête basculer un peu en avant. Céleste déglutit, laissant les mots du jeune homme vibrer en elle.
« Est-ce que tu sais pourquoi nous-sommes ici ? », demanda-t-elle soudainement, ignorant un sort auquel elle ne voulait pas croire, « Et pourquoi tu n'es pas attaché ? »
Adrien la regarda à nouveau. Il se gratta le menton, un air pensif voilant ses yeux aimables.
« Je ne suis pas sûr. », soupira-t-il, « Je... Je ne me souviens plus. J'étais dans la cuisine et la seconde d'après, allongé sur le sol, ici. J'ai essayé de sortir mais la porte est bloquée par quelque chose à l'extérieur. Elle ne peut s'ouvrir que par là et nous sommes définitivement du mauvais côté. »
« Qu'est-ce que tout ça signifie... », grommela Céleste. Se poussant sur ses pieds, elle tangua jusqu'à la porte presque invisible sur le mur pastel. Rassemblant ses forces, elle poussa avec ses mains.
La porte resta silencieusement fermée tandis que de l'autre côté, un objet sembla vibrer, un autre tomber au sol.
« Céleste ! », grogna Adrien en se levant à son tour, « Mademoiselle, arrêtez, je vous avais bien dit que la porte est fermée ! »
La jeune femme jeta un coup d'œil par – dessus son épaule, décidée à ne pas cesser. Elle ignorait qui s'était fait le plaisir malin de les enfermer ici, elle ignorait quel rôle elle jouait dans un jeu de chat et souris qui semblait déjà duré depuis trop longtemps. Elle ne se laisserait pas faire comme ça et même si tambouriner contre une porte barricadée était stupide, Céleste était incapable de s'assoir au sol sans rien faire. Elle ne fit pas attention à Adrien et donna un nouveau coup à la porte. Derrière, quelque chose vibra sourdement encore une fois.
Elle sentit brusquement les mains du serviteur entourer fermement son torse pour la tirer en arrière.
« Mademoiselle », siffla Adrien, sa bouche près de son oreille. Céleste tenta de se défaire puis se laissa finalement retomber, fatiguée, contre le corps du jeune homme. Il soupira et la laissa doucement glisser au sol. Le servant lui lança un regard presque souriant.
« Laissez-moi faire. Vous êtes blessée. »
La jeune ouvrit la bouche, prête à rétorquer, mais finit par la refermer. Adrien avait raison. Ses mains étaient sang, ses jambes tenaient à peine debout et la panique lui faisait tourner la tête et battre le cœur bien trop fort. Si elle ne sortait pas d'ici bientôt, Céleste était persuadée qu'elle perdrait la tête. Un bruit fracassant lui fit relever rapidement la tête.
Adrien s'était jeté de toutes ses forces contre la porte.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
A chaque coup, l'objet de l'autre côté semblai céder et au bout du quatrième coup, la porte s'ouvrit de quelques millimètres. Un rayon de lumière ridicule filtra à travers la porte et Céleste sentit l'espoir renaître en elle. Elle se releva à nouveau et avança jusqu'à la porte. Adrien tourna la tête vers elle, essoufflé, la sueur lui coulant le long des tempes et les épaules tremblantes.
Il respira bruyamment.
« Qu'est-ce que vous faites ? », demanda-t-il d'une voix coupée et Céleste lui sourit.
« On est plus fort à deux », annonça-t-elle, « A chaque fois que tu tapes la porte, je vais la pousser. »
Adrien hésita quelques instants avant d'hocher la tête.
« Très bien. »
Cinquième coup : il se jeta contre la porte et Céleste pressa ses mains et ses avant-bras contre le bois peint, un grognement lui échappant.
Sixième fois.
Septième fois.
Le rayon de lumière s'agrandit et Céleste s'émerveilla quelques instants devant la rougeur matinale s'infiltrant dans la pièce avant de pousser à nouveau.
Huitième coup.
Brusquement, un hurlement retentit. Un hurlement animal, lancinant, juste devant la porte. Céleste se figea et écarquilla les yeux, se tournant vers Adrien.
« C'est Orion ! », souffla-t-elle une première fois avant de crier plus fort : « Orion ! »
Un fracas assourdissant résonna devant la porte, un amas d'objet virevoltant au sol. Tout d'un coup, la porte s'ouvrit et Céleste trébucha à l'extérieur. Elle tendit les bras pour se rattraper, la lumière du soleil naissant aveuglant ses yeux. Lorsqu'elle fut sur le point de s'écrouler au sol, elle sentit le poil d'Orion sous ses doigts, son corps soutenant son corps, sa tête soutenant sa tête. La jeune fille se mit à trembler, faisant gémir le gigantesque loup qui tenta de lui donner un petit coup de tête.
Les yeux d'Orion tombèrent sur les mains meurtris de Céleste. Le gémissement devint grondement féroce et la jeune femme sentit le poil du loup s'hérisser sous elle. Elle tenta de le calmer, caressant gentiment sa tête vibrante de colère.
Adrien apparut soudainement derrière eux. Il jeta des regards nerveux de droite à gauche.
« Vous devez partir. », annonça-t-il, anxieux.
Le grondement d'Orion s'intensifia et Céleste déglutit, s'accrochant au poil de la bête.
« Vous ? Tu dois venir avec nous, Adrien. », souffla-t-elle, le regard anxieux. Pleins de regrets, le serviteur hocha lentement la tête, les yeux rougis.
« Je ne peux pas. », souffla-t-il la voix rauque, « Je dois rester ici. »
Céleste sembla réfléchir un instant jusqu'à ce qu'elle comprenne. Un frisson lui chatouilla l'échine.
« Ta malédiction ? », murmura-t-elle doucement et Adrien hocha la tête. Orion gémit à nouveau, baissant un peu sa tête comme pour s'excuser, la queue basse.
Tout d'un coup, un bruit d'explosion résonna dans le château.
Adrien écarquilla les yeux, jetant un regard affolé aux alentours.
« Partez ! Maintenant ! », hurla-t-il, lorsqu'une deuxième explosion, plus proche cette fois, retentit. Orion ne laissa pas à Céleste de réfléchir.
Avant de lui laisser le temps de protester, jetant un dernier regard à Adrien, il poussa sur ses pattes pour partir de ce lieu maudit avant que la fée ne les atteigne. Céleste poussa un cri de surprise, ses yeux voyant vaguement qu'ils avaient été dans la bibliothèque, voyant vaguement portes et couloirs défilés à un rythme effréné. La respiration d'Orion était erratique. Céleste se cramponna à lui, espérant de tout son cœur qu'ils arriveraient à sortir rapidement.
Encore une explosion, comme un bruit de verre qui explose.
Orion pantela et tourna à gauche, son corps comme poussé par des forces imaginaires.
Brusquement, Céleste hurla.
Devant eux, dans toute sa gloire, se tenait la fée.
LE GRAND FINAL EST LA
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