Chapitre 2
« L'ange, parfois, reprend du poil de la bête. », Gilbert Cesbron
Peu de temps après que le roi ait disparu dans un couloir sombre, un autre homme rejoignit Céleste. Il était lui, plus âgé que le prince, et son visage aux allures sages, semblait creuser par les soucis et le temps. Il hocha la tête d'un coup bref.
« Mademoiselle. », dit-il d'une voix étrange, sombre et un peu cassée, « Suivez-moi. »
Sans attendre sa réponse, il s'avança jusqu'à la lourde porte d'entrée et l'ouvrit d'un geste brusque. Céleste hésita quelques instants avant de le suivre, d'un pas incertains. Elle détacha l'âne puis continua à suivre le serviteur, l'animal tenu au bout d'une corde. L'homme marchait vite, malgré son dos courbé et ses jambes trop petites pour le corps. Brusquement, il s'arrêta et la fixa de ses petits yeux tandis qu'un coup de vent lui secouait les cheveux.
« Qu'attendez-vous! », s'exclama-t-il et la jeune femme accéléra un petit peu en continuant à regarder le paysage autour d'elle, surprise par l'allure désertique et le silence oppressant des environs. Elle avança jusqu'à être à hauteur de l'homme.
« Dites-moi », demanda-t-elle doucement, « N'y a-t-il personne qui vit au château hormis le prince et vous ? Je n'ai vu personne et il n'y a pas un bruit, pas une voix appartenant à-»
L'homme lui coupa la parole d'un geste de la main.
« Vous êtes bien curieuse, mon enfant, ne vous a-t-on donc jamais dit que la curiosité est un vilain défaut ? » Il baissa d'un ton, jeta un regard méfiant autour de lui avant de se pencher un peu vers elle, « Le prince vous a prévenu. Vous ne devriez pas remettre les pieds ici. Ne posez pas de questions. Ne cherchez pas à comprendre. Les arbres ont des oreilles et si vous ne faites pas attention... »
Céleste déglutit, tentant d'organiser les informations dans sa tête, tentant de décider si elle allait suivre ou non le conseil du serviteur. A quoi bon ces airs de grands mystères ?
« Mais que sommes-nous censé faire à propose de cet animal qui décime la population ? Les gens ont peur ! Ils posent des questions, se demandent pourquoi leur roi ne réagit pas ! Lorsque je vais revenir et leur annoncer que rien ne peut être fait... Il y aura des révoltes ! »
L'homme lui lança un regard paniqué, lui faisant geste de se taire.
« Que vous ai-je dis, malheureuse ! », murmura-t-il rapidement entre ses dents serrées, « Arrêtez avec vos questions et ne parlez plus de ce sujet ! » Il avait pâli et ses petites mains jouaient nerveusement avec le bas de sa veste tandis que ses yeux fouillaient anxieusement le paysage derrière la jeune femme. De quoi avait-il peur ? Céleste sentit soudainement une colère impuissante monter en elle : des gens mouraient et elle était censée descendre leur dire qu'il n'y avait ni solution, ni roi véritable ! Ses joues rougirent un petit peu : l'homme s'était remis à avancer mais la jeune femme refusait de faire un pas de plus jusqu'à ce qu'elle n'ait eu ne serait-ce que le semblant d'une réponse. Lorsqu'il s'en aperçut, l'homme se retourna, de la peur inscrite sur le visage.
« S'il-vous-plaît », demanda-t-il d'un ton fatigué et suppliant, « Mademoiselle, venez. Vous ne trouverez pas ce que vous cherchez ici et nous devons atteindre le village avant la tombée de la nuit. »
« Avant la tombée de la nuit ? Et pourquoi donc ? »
Il leva les yeux au ciel et grommela une injure incompréhensible avant de regarder Céleste dans les yeux.
« Les bois ne sont pas sûrs lorsque la lune est levée – voleurs et autres malfrats y exercent leur métier. De plus, les chemins ne seront plus visibles et nous n'avons pas d'éclairage à notre disposition. »
La jeune femme serra ses doigts plus fermement autour de la corde de l'âne. L'homme semblait extrêmement pressé, incapable de tenir en place : pourtant, même si la route était encore longue, il restait un bon nombre d'heure jusqu'au coucher du soleil si bien que Céleste savait que même si elle avançait lentement, elle arriverait bien avant que les étoiles illuminent le ciel.
« Vous semblez avoir bien peur de la nuit. », remarqua-t-elle doucement, ne faisant toujours pas un pas de plus. L'homme se passa une main nerveuse dans les cheveux, se mordillant un peu la lèvre.
« Je suis seulement inquiet pour vous. », grommela-t-il et la jeune femme éclata ne put retenir un léger rire avant de redevenir sérieuse. Peut-être que cet homme avait raison : elle était montée au château à cause des agissements sauvages d'une bête qui faisait son apparition la nuit, peut-être ne devrait-elle pas se sentir aussi insouciante et se dépêcher de rentrer, comme l'homme le lui disait. Mais Céleste voulait des réponses et son cœur était incapable de ressentir de la peur alors même que le soleil lui réchauffait le visage et que des oiseaux chantaient encore dans les arbres.
« Vous ne croyez donc pas non plus à cette histoire de bête ? » Céleste feignit l'innocence. L'homme serra les dents et cette fois, son visage se tordit en grimace de colère.
« Sa Majesté vous l'a dit. », grogna-t-il, « Il n'y a pas de bête, maintenant cessez ce discours stupide et venez ! »
« Ce que le roi a dit n'est peut-être pas ce que vous pensez. », murmura Céleste en baissant un peu les yeux, se résignant lentement. Cet homme ne parlerait pas, il n'y avait rien à faire. Elle sentit un voile de désespoir s'abattre sur elle et ses pieds se mirent à avancer à nouveau. L'homme lui lança seulement un regard un peu apitoyé. Ils avancèrent en silence, passant les arbres, les pieds crissant sur le sol froid. Au bout d'une éternité, l'homme s'arrêta, légèrement essoufflé.
« Nous allons faire une courte pause. », annonça-t-il avant de s'assoir lourdement sur un tronc d'arbre. Céleste hocha la tête et regarda un peu les environs. Le bout de chemin sur lequel il s'était arrêté débouché sur une petite clairière à l'entrée de laquelle se trouvait un petit portail en métal joliment courbé. Profitant d'un instant où le serviteur avait fermé les yeux, Céleste, après avoir jetée un coup d'œil derrière elle, ouvrit le portique et se faufila à l'intérieur du petit pré. La jeune femme sourit doucement à l'image qui se présentait devant elle, une image d'innocence et de pureté. La neige avait recouvert l'herbe de sa froide blancheur et pas un seul son ne troublait le calme paisible du lieu. Un point attira brusquement l'attention de Céleste : au fond de la clairière, entre deux buissons dégarnis, fleurissait un rose.
Surprise, elle s'avança à pas lents jusqu'à la plante dont les pétales tremblaient un peu au vent et dont la tige semblait si fragile et vulnérable. Céleste passa un doigt sur un pétale rouge sang. Comment était-il possible qu'une seule rose fleurisse ici, par un temps pareil ? Il y avait quelque chose de magique, dans cette fleur, un contraste étonnant avec la pureté de la clairière. La jeune femme sourit à nouveau. Si elle racontait ça au village, personne ne la croirait. Elle se passa une langue sur les lèvres. Et si elle l'emmenait ? Si elle la sortait délicatement de la terre pour s'en occuper à la maison, pour qu'au printemps elle est un buisson plein de jolies roses ? Elle hésita un instant. Elle ne voulait pas perturber le calme du lieu et avait peur qu'enlever la fleur troublerait l'équilibre du lieu. Elle soupira.
Cette pauvre rose, miraculeusement jaillit de la terre, ne survivrait pourtant pas longtemps et dès qu'il y aurait des gelées plus fortes, risquait de perdre sa jolie tête. Céleste décida alors d'ignorer ses doutes et doucement, presque tendrement, extirpa la fleur de la terre froide.
Brusquement, elle entendit le portail en métal grincer derrière elle.
« Mademoiselle ? Où êtes-vous Mademoiselle ? Nous devons repartir, le temps presse ! »
Céleste sursauta et se retourna, la rose pressée contre son cœur. Lorsque l'homme l'aperçut, il eut un soupir de soulagement. Ses yeux tombèrent alors sur la fleur dans les mains de la jeune femme et son visage se draina de toute couleur. Ses mains se mirent à trembler et se yeux s'écarquillèrent.
« Bon dieu... Qu'avez-vous fait ! Mais qu'avez-vous fait ! », s'exclama-t-il tandis que Céleste eut un moment de recul. Son cœur accéléra tandis qu'elle cherchait désespérément à comprendre la colère de l'homme devant elle. Qu'avait-elle bien pu faire de si horrible ? Elle avait seulement cueilli une fleur ! Elle eut soudainement l'impression que les pics de la rose s'enfonçaient avec violence dans la paume de ses mains délicates et lorsqu'elle souleva un doigt, une goutte de sang tomba dans la neige au sol, la tâchant de rouge. Céleste trembla un petit peu et sa tête se mit à tourner.
Elle trébucha en arrière, entendant le serviteur crier quelque chose mais ne comprenant pas les mots. Elle ouvrit la bouche, tenta de comprendre ce qui lui arrivait. Elle sentit brusquement le froid dans son dos lorsque son corps heurta le sol. Elle leva les yeux au ciel où les nuages cachaient maintenant le soleil, où maintenant tout tournait, tournait, tournait et lui donnait mal à la tête. Elle porta une main à son front et essaya de fixer un point précis, en vain. Des petites taches noires dansaient devant ses yeux écarquillées et avalaient peu à peu le reste du paysage, jusqu'à ce que Céleste perde brusquement connaissance.
La rose rouge, la rose d'hiver couleur sang, tomba à côté d'elle.
Bonjour, bonsoir, les cocos!
Je me suis décidée - libre à vous de choisir quand, où, comment se passe l'histoire. Je ne vais pas placer de contexte temporelle tout simplement car ceci est lié à beaucoup de contraintes - il faut respecter un code vestimentaire, les croyances du moment... Et puis cette histoire s'inspire après tout d'un conte, et les contes ne sont-ils pas intemporels?
Alors voilà. J'essaie vraiment de trouver un équilibre entre conte de fée, ambiance sombre, langage formel mais pas trop, j'espère que vous prenez plaisir à lire - n'hésitez pas à me donner vos avis, ça fait toujours plaisir d'entendre ce que vous pensez!
Des bisous, des bisous,
Blondie♥
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