Chapitre 16
« Dans les relations humaines, le drame ne commence pas quand il y a un malentendu sur les mots, mais que le silence reste incompris. », Thoreau
Céleste se réveilla lentement, très lentement, ouvrant avec douceur ses yeux. Elle eut un instant de stupeur en ne reconnaissant pas la pièce où elle se trouvait : cependant, elle se rappela rapidement la soirée précédente et un sourire timide apparut sur ses lèvres encore un peu endormies. La bête. Les étoiles, le balcon. C'était... Elle se passa une main dans la crinière blonde ornant sauvagement sa tête dans un amas de boucles désordonnées. Un grincement interrompit ses pensées : elle vit le rideau la séparant de la pièce à la coupole être ouvert. Elle plissa les yeux quelques secondes, ébloui par la lumière pour finalement reconnaître Orion, tenant une sorte de plateau sur le bras, l'air gêné.
« Oui ? », murmura-t-elle de sa voix rauque matinale. Le roi s'avança.
« Adrien a souhaité que je vous apporte votre petit-déjeuner. », grommela-t-il, son ton aussi désagréable que d'habitude, son regard baissé, ses joues étrangement colorées.
« Adrien a souhaité et vous l'avez fait ? », répondit-elle, surprise. Il ne répondit rien. Posa le plateau avec un claquement sur la table de nuit disposée à côté du lit à baldaquin. La jeune femme se redresse un peu, se sentant rougir. Avec ses cheveux hirsutes, ses yeux mi-clos et ses habits en désordre, elle n'était ni élégante, ni féminine et se sentait toute petite sous le regard inquisiteur et sombre d'Orion qui semblait la dévorer dans ses pupilles vert clair. Elle se redressa et se racla la gorge, mal à l'aise.
« Vous semblez apprécier me voir au réveil. », marmonna-t-elle et un sourire ironique passa sur les lèvres du roi.
« Apprécier ? Votre apparence matinale se compare à celle d'un cadavre sous terre depuis des lustres. »
Céleste écarquilla les yeux un instant puis, brusquement, rejeta sa tête en arrière et rit.
« Et moi qui vous croyez incapable de la moindre plaisanterie ! » Elle secoua la tête « Eh bien, vous me voyez navrée de devoir vous confronter à mon apparence matinale si peu flatteuse – vous êtes libre de partir vous réfugier autre part. Je tiens quand même à vous apprendre que les femmes si joliment peintes dans vos tableaux ou décrites dans tous ces livres que vous possédez ne sont que fictions – les femmes sont des êtres humains comme vous l'êtes et ainsi aussi imparfaites que tout homme. »
« Vous avez la langue bien rapide pour quelqu'un qui vient de se réveiller. », grogna Orion et Céleste lui offrit seulement un sourire arrogant, imitant sa mimique. Oh, cette arrogance ! Nous sommes deux à pouvoir jouer à ce jeu, pensa-t-elle en se redressant un brin de plus et papillonnant candidement de ses longs cils.
« Et vous bien lente, pour quelqu'un déjà debout depuis un moment. », rétorqua-t-elle. Elle vit le roi froncer les sourcils.
« Aimable, comme à votre habitude. », marmonna-t-il, plus pour lui-même, puis se passa une main dans les cheveux « Je vais vous laisser déjeuner et vous préparer. Vous connaissez le chemin pour la bibliothèque. A ce soir, Mademoiselle. » Il fit une petite révérence et Céleste leva imperceptiblement les yeux au ciel.
« Attendez », finit-elle par ajouter doucement, « Pouvez-vous... Pouvez-vous dire à votre frère que je lui suis reconnaissante pour hier soir ? Malgré quelques petits... moments de tension, j'ai passé une très agréable soirée. » Un sourire chaleureux illumina son visage et Orion écarquilla un peu les yeux, sentant son cœur accéléré dans sa cage thoracique. Il mit quelques secondes à comprendre le début de la phrase.
Frère ? De quel frère parlait-elle ?
Il se sentait comme paralysé sur place, ses yeux fixés sur le visage tout juste réveillé de Céleste. Elle pencha un peu la tête de côté, en fronçant les sourcils.
« Eh bien ? », demanda-t-elle et Orion se souvint à nouveau de son mensonge. Que la bête était son frère. Si seulement elle savait. Il avait envie de rire à l'ironie de son sort, cela faisait plusieurs jours qu'il espérait entendre ces mots sortir de la bouche de la jeune femme assise en face de lui et maintenant qu'elle les avait dit, il les regrettait presque parce qu'elle pensait les dire au roi tendit qu'elle appréciait la bête. Orion hocha brusquement la tête.
« Je lui transmettrai. », dit-il, le ton froid avant de sortir à pas lourds de la pièce, laissant une Céleste sidérée dans son lit. Qu'avait-elle dit qui avait pu le provoquer ? Le roi semblait très peu apprécier son frère et elle soupira. Elle aurait eu mieux fait de garder son commentaire pour soi et le dire en personne à la bête le soir. Elle avait trop vite parlé et trop peu réfléchit. Céleste tressa rapidement sa tignasse désordonnée avant de sortir du lit chaud, frémissant lorsque ses pieds touchèrent le sol froid. Elle sortit rapidement de la pièce et courut se réfugier dans sa chambre où l'attendait déjà la servante étrange.
« Votre bain est près, Mademoiselle. », dit-elle de sa voix glaciale et Céleste déglutit intérieurement, son visage restant pourtant calme et distancé. Elle hocha la tête.
« Très bien. »
« Suivez-moi. », grinça la servante et à nouveau, elles avancèrent vers le souterrain où était logée la baignoire. La servante sortit à nouveau un drap blanc de la lourde armoire et le tendit à Céleste avant de disparaître silencieusement. La jeune femme se dévêtit en analysant la scène. L'atmosphère était encore plus étouffante que la première fois et lui brûlait les narines d'une odeur désagréable, un mélange de citron et de lavandin qui l'étouffait. Elle cligna des yeux plusieurs fois et porta un doigt à sa tempe, sidérée. De grosses gouttes de sueur lui roulaient déjà sur le visage et elle avait la tête lourde.
Il faisait plus chaud que la dernière fois.
Céleste s'enroula dans le drap et avança jusqu'à la baignoire avant de plonger son corps délicat à l'intérieur, décidée de ne pas rester plus longtemps que nécessaire dans cette pièce. L'eau était presque brûlante et elle eut un sursaut de recul, se projetant au-dehors et glissant violemment sur le sol, son corps basculant douloureusement sur le carrelage, le drap chaud et humide lui collant au corps. La jeune femme gémit et se frotta le visage.
La chaleur et l'odeur devenait de plus en plus insoutenable.
Elle devait sortir d'ici.
La tête tournante, elle avança jusqu'aux escaliers menant à la lourde porte métallique pour sortir, montant ensuite les marches le plus rapidement possible, la respiration lourde, le corps traverser d'un picotement. Elle appuya sur la poignée, son cœur battant la chamade tandis qu'elle ne souhaitait que partir, sortir de cet endroit qui l'étouffait...
La porte ne s'ouvrit pas.
Céleste écarquilla les yeux.
La servante l'avait-elle enfermée ?
Elle appuya plus fort sur la poignée, tira, poussa. Rien n'y fit. La porte ne bougea pas d'un centimètre et Céleste sentit sa gorge se resserrer, la panique lui tordre les entrailles pendant que sa respiration angoissée devenait de plus en plus laborieuse et qu'elle réfléchissait désespérément à une solution.
« Il y a quelqu'un ? », finit-elle par appeler dans le vide, d'abord d'une voix hésitante puis plus fort, un cri rauque, « Il y a quelqu'un ?! »
Le silence lui répondit et la jeune femme se mit à tambouriner aussi fort qu'elle put contre la porte en métal.
« Ouvrez-moi ! », cria-t-elle, « Je veux sortir ! Je... J'étouffe ici ! Ouvrez-moi, s'il-vous plaît ! S'il-vous-plaît ! »
Toujours rien. Une quinte de toux secoua le corps de Céleste et elle décida de s'assoir sur les marches. La servante ne tarderait pas, se disait-elle et s'assit en titubant sur la pierre dure. Elle ferma les yeux un instant et tenta de calmer sa respiration, tenta d'ignorer le brûlement dans ses narines, dans sa gorge, son cœur battant la chamade, la petite voix qui devenait hystérique dans sa tête. Elle plia ses mains contre ses cuisses et attendit.
Et attendit encore.
Et encore.
La servante ne venait pas et le corps de Céleste était maintenant secoué par une toux douloureuse, tandis que son corps était maintenant plus allongé sur les marches qu'assis et que ses mains cherchaient en vain un appui en se fermant et se refermant sur du vide. Elle tenta de se calmer. Il faisait seulement un peu plus chaud, l'air était seulement un peu plus lourd, comme en été...Elle toussa plus fort, la sueur lui brouillant la vue. La douleur au-dessus de son cœur était de retour et la jeune femme se recroquevilla un peu plus sur elle-même.
La servante allait arriver, se répétait-elle sans cesse, elle allait la sortir de là et tout ira bien. Tout ira bien.
Sa respiration haletante et saccadée résonnait contre les murs épais. Elle pouvait crier, gémir, pleurer, tousser autant qu'elle le voulait, pas un son, pas un seul ne pénètrerait à l'extérieur. Le sérieux de la situation frappa Céleste en plein visage et elle déglutit. Peut-être que la servante l'avait oublié ? Elle remarquerait sûrement son absence ? Ou Adrien ? Ou même Orion ? Ils ne pouvaient pas tous l'abandonner dans une cave sans air ! Elle se passa une main sur le front et cligna plusieurs fois des yeux. L'air en haut des escaliers était si mauvais, si brûlant – elle devait redescendre. En bas, l'air serait plus respirable. Elle inspira profondément et se traîna jusqu'en bas des marches où elle resta allongée, sa tête sur une des pierres dures. Elle grimaça et se posa les deux mains sur le visage en tentant d'ignorer la pression lui faisant tourner encore et encore la tête.
Elle devait rester consciente.
Quelqu'un devait venir et cette fois, elle ne laisserait pas la faiblesse de son corps l'emporter.
Céleste serra les dents.
Et attendit encore.
~***~
Orion était assis à son bureau lorsqu'Adrien toqua à sa porte.
« Entrez. »
Le servant effectua une légère révérence, un air un peu paniqué sur les traits. Le roi fronça les sourcils.
« Que se passe-t-il ? »
Adrien se racla la gorge.
« Nous avons un problème avec les fours. »
« Les fours ? »
« Oui. Ils semblent surchauffer et j'ai bien peur que cela ait des conséquences sur certaines pièces du château, notamment la cave où sont stockées toutes les réserves de nourriture. La chaleur ne leur fera pas de bien. »
Orion grogna et se pressa deux doigts contre les tempes.
« Bon sang. Comment une telle chose a pu arriver ? »
Adrien haussa les épaules.
« Je l'ignore. Je vais appeler le serviteur pour qu'il tente de les refroidir. » Adrien sembla brusquement se rappeler un détail important, « A propos serviteur : celui-ci est de retour du village avec le docteur pour vérifier que Céleste soit bien en bonne santé. »
Le roi soupira et hocha la tête.
« Allez la chercher. », grommela-t-il, « Et faites là monter dans sa chambre. »
Adrien hocha la tête et sortit silencieusement de la pièce. Orion se pencha en avant et posa sa tête entre ses mains, fatigué. Il n'avait pas dormi de la nuit et lorsqu'il avait aperçu son reflet dans un miroir ce matin, il avait pu voir les cernes lui creusant le visage et la couleur maladive de sa peau. Il grimaça un peu. Il avait réfléchi encore et encore à une nouvelle surprise pour Céleste quand brusquement, quelque chose lui avait glacé le sang. Cette nuit, cette maudite nuit, la pleine lune brillerait dans le ciel et il se transformerait complètement en un loup. Un animal, une bête, dépendante de ses instincts et de ses sens. Un sentiment nauséeux lui pris le ventre. Il perdrait une nuit avec la jeune femme car sous aucunes circonstances, elle ne devait le voir dans cet état. Il ne devait en aucun cas quitter le château – les meurtres au village... Il avait beau affirmer qu'il n'était pas coupable, il n'en avait pas la certitude. Il sentit la culpabilité le ronger tandis que ses mains se mirent à trembler.
Avait-il tué quelqu'un ?
Etait-il un meurtrier ?
Non !
Il ferma ses yeux fermement et tenta de reprendre ses esprits. Il ne devait pas... Ne devait pas se laisser prendre au piège par cette stupide faiblesse qui avait fait son apparition ces derniers jours.
On toqua soudainement à nouveau à sa porte et il se redressa rapidement.
« Entrez ! », rugit-il, sa voix plus violente et plus dure que quelques minutes auparavant. Adrien entra à nouveau, le visage blanc. Un mauvais pressentiment rongea le roi.
« Adrien... »
« Mademoiselle a-a disparu. », bégaya-t-il et Orion sentit son cœur se figer.
« Disparu ? », répéta-t-il d'une voix lente. « Avez-vous demandé à la servante ? »
Adrien hocha la tête.
« Oui. Mademoiselle a pris son bain, s'est habillée et a dit à la servante qu'elle allait à la bibliothèque seulement... Elle ne s'y trouve pas. »
« Regardez dans le reste du château ! Peut-être s'est-elle perdue ! »
Le servant secoua la tête, les yeux écarquillés, le visage pâlissant encore plus et devenant presque gris.
« Nous avons déjà cherché, mon roi. Elle n'est nulle part. »
Orion poussa un rugissement et se leva d'un bond violent de sa chaise, sortant de son bureau à pas rapide, poussant Adrien d'un coup brutal de côté, son cerveau ne voulant pas comprendre ce qu'Adrien était en train de lui dire.
Céleste était partie.
Elle l'avait abandonnée. Encore une fois.
Cette garce.
Bonjour, bonsoir les cocos!
Et voilà, malentendus sur malentendus... ça me frustre rien que de l'écrire parce que... Orion, non, Céleste n'est pas partie, elle est en train d'étouffer dans ta cave! Et cette servante... Reste à savoir pour quels motifs elle agit comme ça. A-t-elle un lien avec la malédiction ou agit-elle pour des raisons personnelles?
Et puis Orion... a-t-il réellement tué tous ces petits villageois?
Nous verrons bien.
Préparez-vous pour la pleine lune, sortez le coca et les chips, je vous embrasse (parce que vous êtes cool) et j'espère que vous aimez toujours!
Blondouille ♥
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