Le vaisseau du Cristal
Valhan de Nexa ne pense qu'à une chose, la vengeance. Pour lui, seul un meurtre permettra de réparer l'injustice dont il se sent victime. Lorsqu'il croise la route d'une jeune femme aux incroyables pouvoirs, il sait qu'elle sera le parfait instrument de sa revanche : obéissant aux ordres d'un étrange cristal, elle sème la mort et la destruction sur son passage. Elle va pourtant l'amener à se poser cette terrible question : où se situe la limite à ne pas franchir, au risque de perdre son humanité ?
Prologue
La jeune fille qui se déplaçait avec prudence entre les ruines n'était encore qu'une enfant. Ses cheveux sales étaient retenus par des lanières de plastique, et ses vêtements troués tombaient sur son corps trop maigre. Sa présence paraissait irréelle au milieu des restes de bâtiments écroulés, des composants technologiques et autres objets inconnus que le temps rongeait petit à petit. De grandes statues de métal, pour la plupart tombées de leur piédestal, se tenaient de part et d'autre de la salle, tels des gardiens abattus au combat. Lentement, pour être sûre de ne pas tomber dans un trou ou de se tordre une cheville, la petite brune évoluait tout en observant ce qui se trouvait autour d'elle. Le toit du bâtiment s'était en partie effondré et permettait à un peu de lumière de passer, aidant la petite lampe qu'elle portait au poignet à éclairer les restes d'une civilisation aujourd'hui disparue. L'humidité ambiante avait permis à ce qui ressemblait à des champignons luminescents de pousser dans les recoins sombres, ce qui accentuait l'aspect sinistre du lieu.
L'endroit où elle se trouvait semblait être un ancien centre scientifique : des débris d'écrans, du matériel de précision aujourd'hui en miettes, il y avait même ce qui ressemblait à des cages faites de barreaux. Mais en même temps, cela avait aussi l'air d'être une bibliothèque, un centre de stockage d'informations. Des milliers de blocs de données, irrécupérables pour la plupart, en témoignaient. Quel genre de personne pouvait faire des expériences au milieu d'une bibliothèque ? La jeune fille sourit à cette pensée, et bien que sa très modeste condition l'ait poussée à grandir plus vite qu'elle n'aurait dû, son jeune âge lui permit encore de s'évader dans quelques rêveries enfantines à propos des gens qui avaient vécus ici.
— Numéro 2 ! Arrête de glander et rends-toi utile !
Ce rappel à l'ordre la fit sursauter. Son père se trouvait quelque part sur sa gauche, et elle l'entendait souffler et peiner à soulever quelque chose de lourd. Elle se précipita vers lui pour l'aider à déplacer un morceau du plafond sous lequel gisaient des restes d'ordinateurs. Mais ils étaient bien trop abîmés pour servir encore à quelque chose, et surtout, ils étaient recouverts de champignons et de moisissures. Il n'avait jamais été doué pour trouver des choses intéressantes.
— J'ai un prénom, lui reprocha pour la centième fois la jeune fille.
Jurant devant l'état de sa trouvaille, il crachat dessus avant de se tourner vers son enfant. Son visage sale, mal rasé, et ses yeux fourbes reflétaient bien ce qu'il était : un pilleur d'artefacts, un récupérateur de technologies. Bref, un chasseur d'ordures, comme les appelaient la plupart des gens.
— Un prénom ! Encore une idée de ta mère ça ! éructa-t-il. Tant que tu seras avec moi en mission, tu ne seras que la numéro 2 du vaisseau ! En dehors fais-toi appeler comme tu veux, j'en ai rien à foutre !
Il jeta un regard dur sur cette bouche à nourrir, ce caprice de bonne femme qu'il avait eu la faiblesse d'accepter. La petite ne dit rien, elle avait l'habitude. Mais elle soutint son regard et cela lui déplut fortement. Il n'aimait pas qu'on lui résiste. Il se promit de remédier à cela une fois rentré au vaisseau. Mieux valait ne pas s'attarder dans les ruines, quelque chose pouvait encore être en fonction, un système de sécurité ou des droïdes de garde.
— Allez va voir là-bas ! aboya le pilleur. Et tâche de revenir avec quelque chose à vendre, qu'on puisse manger ce soir !
— Surtout pour que tu puisses boire ce soir... marmonna la fillette en se dirigeant vers une alcôve qui avait plutôt bien résistée au temps.
Profonde de plusieurs mètres et haute de la taille d'un homme, elle abritait trois sarcophages, dont deux étaient fermés et le troisième vide. Ils semblaient être en pierre, ou ce qui ressemblait à de la pierre. Des gravures en recouvraient toute la surface, des lignes parallèles, des courbes, des arabesques... La jeune fille s'amusa à passer la main sur ces dessins qu'elle avait déjà repérés sur les murs. Elle trouvait dommage que pratiquement personne ne s'intéresse aux belles choses, aux statues et aux images que laissaient derrières eux des peuples anciens. Seuls se vendaient les composants électroniques, les pièces de droïdes ou les sources d'énergie. Quand il trouvait quelque chose de récupérable, son père avait plus d'une fois vendu des objets dont il ne connaissait même pas l'utilité ou le fonctionnement. Seuls comptaient pour lui les crédits que cela lui rapporterait, et ce qu'il pourrait s'acheter avec.
Tandis qu'elle était absorbée par la contemplation des dessins qui couraient sous ses mains, un chuintement discret s'échappa du sarcophage. Elle se figea instinctivement et regarda le dessus glisser lentement vers le bas pour découvrir un squelette. Ce devait être un humain, mais d'une race plus grande et plus massive que la sienne. Ses vêtements en lambeaux laissaient voir que certaines de ses côtes étaient cassées et enfoncées vers l'intérieur. Il serrait dans une main un bloc de données, et dans l'autre elle pouvait apercevoir entre les os de ses doigts une petite pierre qui reflétait les rayons lumineux. Une fois la surprise passée, elle attendit quelques secondes pour être sûre qu'aucun système de sécurité ne se déclenche. Puis elle approcha sa lampe pour examiner l'objet sans encore oser y toucher. Gros comme un ongle, on aurait dit un cristal taillé de centaines de facettes. Pourtant quand elle le regarda attentivement, il semblait tantôt lisse, tantôt facetté, comme s'il changeait de forme constamment. Elle hésita. Cette pierre était très jolie et elle aurait beaucoup aimé la garder. Mais elle n'osait pas la toucher : quelque temps auparavant un dispositif de sécurité avait failli lui sectionner l'avant bras. D'un autre côté, si elle appelait son père et que cela n'était pas un piège, il revendrait aussitôt le joyau pour aller se saouler dans le premier dock rencontré. Elle passa ses doigts crasseux sur son visage pour réfléchir, et le souvenir du laser loupant sa main de peu prit le dessus. A contrecœur, elle se résolut alors à l'appeler.
— J'ai trouvé quelque chose ! cria-t-elle en tournant la tête.
Tout se passa si vite qu'elle n'eut même pas le temps de comprendre. Le cristal, mut par une force étrange, brisa les doigts qui le retenaient et se propulsa vers la fillette comme un projectile tiré par une arme. Il lui perfora la tempe et s'enfonça profondément dans son crâne. Elle s'effondra aussitôt, sans même avoir pu crier.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle vit en face d'elle le visage repoussant et colérique de son géniteur qui la houspillait. Mais elle n'entendit pas tout de suite ce qu'il lui disait. Sa tête lui faisait horriblement mal, et elle ressentait comme des battements de cœur sous ses tempes. C'était très désagréable et oppressant. Par-dessus tout cela, elle se sentit submergée par une multitude d'images, de pensées et de réflexions qui semblaient ne pas lui appartenir. Un bourdonnement lui embrumait l'esprit, elle n'arrivait pas à réfléchir. Mais elle avait l'impression que petit à petit cela se calmait, s'éclaircissait. Lorsqu'elle se fut un peu remise et que ces étranges sensations la quittèrent, elle fut assaillie par ses sens : l'odeur de sueur de son père, son haleine chaude et ses postillons sur son visage, et enfin, les insultes qu'il lui hurlait dans les oreilles.
— ...ain de sale gosse ! Je t'ai dit cent fois de ne rien toucher ! T'as du déclencher un système de sécurité avec tes conneries. Tu mérites même pas que je te nourrisse, bonne à rien ! Et qu'est-ce qui s'est passé avec tes cheveux ? Espèce de ...
Toujours confuse, elle porta la main à sa tempe et fut surprise de ne pas avoir de blessure. Sa peau ne portait pas de trace de sang mais sous ses doigts elle discernait une très légère cicatrice, si fine qu'elle ne devait presque pas être visible. Pourtant elle se souvenait bien d'avoir senti un projectile entrer dans son crâne, le souvenir de la douleur était bien là. Elle ne comprenait plus rien. Tandis qu'elle s'interrogeait sur ce qui lui était arrivé en laissant son père beugler dans le vide, celui-ci la saisit brutalement pour la relever. Elle perdit immédiatement conscience de ce qui l'entourait.
Lorsqu'elle s'éveilla pour la seconde fois elle était toujours dans le bâtiment, et il y régnait un silence de mort. Encore plus désorientée, elle mit quelques secondes à se rendre compte qu'elle se tenait debout, et eut du mal à remettre tous les éléments à leur place dans sa tête. Sans y penser elle porta la main à son front, puis se frotta doucement la tempe. Elle n'avait pas mal, mais ressentait comme une pression à l'intérieur de son crâne. Le bourdonnement avait presque disparu, et étrangement, elle se sentait l'esprit plus clair. La première chose qu'elle se demanda alors fut pourquoi son père l'avait laissée seule. Regardant à droite, puis à gauche, elle ne vit rien. Les ruines étaient toujours aussi lugubres et la lumière avait légèrement baissé. Quelque chose n'allait pas, mais elle n'arrivait pas à savoir quoi. Une étrange odeur métallique lui agressait le nez sans qu'elle ne sache de quoi il s'agissait. Elle se résolut à bouger, se disant qu'il valait mieux vite retourner au vaisseau avant qu'il ne décide de l'abandonner définitivement. Mais lorsqu'elle voulut faire un pas, son pied se trouva empêtré dans une sorte de tas mou qui faillit la faire trébucher. Elle baissa sa lampe dessus et poussa un cri d'horreur en voyant qu'il s'agissait d'un corps. Enfin, de ce qu'il restait d'un corps, transformé en bouillie sanglante comme s'il avait été broyé. Amenant ses mains devant ses yeux, elle se rendit alors compte qu'elle-même était pleine de sang et de restes humains. Elle poussa un dernier hurlement et s'effondra sur le sol.
1
Le prince Valhan de Nexa avançait dans un couloir sombre, entouré de quatre gardes qui le tenaient fermement. De prince il n'avait que le titre, et encore, depuis sa naissance il n'avait jamais été traité comme un membre à part entière de la famille royale. Comme un noble certes, mais pas au rang qui aurait dû lui revenir. Né sur une planète qui s'obstinait depuis des générations dans un système monarchique, il avait eu le malheur de sortir le premier. Son jumeau, né à peine quelques minutes après lui, avait alors été suivant d'obscures traditions considéré comme l'aîné des deux. Quelques minutes ... C'étaient ces quelques minutes qui avaient décidé de son destin. Son jumeau devint le seul héritier, le Vrai Prince. Lui ne fut considéré que comme le frère, l'indésirable, celui de trop. On en ferait éventuellement un conseiller, quelqu'un qui saurait se rendre utile.
Il se laissait faire docilement et avançait la tête baissée. A quoi bon résister ? Arrivés devant une cellule vide, les gardes le poussèrent sans ménagement ni égard dû à son rang. Ils enclenchèrent le champ de force et s'en allèrent sans un mot. Le jeune homme regarda ce qui serait à présent son lieu de vie : un espace clos de trois mètres par quatre, trois murs de pierres et un champ de force. Un petit muret cachait les commodités, lui assurant à peine un peu d'intimité, et le lit avait l'air d'un simple tas de couvertures moisies. Le calme qu'il avait difficilement conservé jusque-là s'envola, et sa colère éclata. De rage, il se mit à hurler et à frapper sur les murs.
— Calme-toi mon fils, dit une voix douce provenant d'un coin sombre du couloir.
Il s'arrêta net. Une dame très apprêtée s'approcha de la cellule. Elle était d'une grande beauté, et ses yeux gris reflétaient une profonde tristesse.
— Pourquoi Valhan ? Pourquoi a-t-il fallu que tu en arrives là ?
Le prince la fixa un instant, puis se rapprocha du champ de force qui le séparait de sa mère. Il la regarda dans les yeux et dit d'une voix à peine audible :
— Mère, regardez-moi !
La reine posa ses yeux tristes sur son enfant. Agé de maintenant vingt-sept ans il n'était plus un jeune garçon. Ses cheveux longs lui tombaient sur les épaules en ondulant, d'un brun presque noir. Ils contrastaient avec sa peau blanche qui ne voyait presque jamais le soleil, et ses yeux du même gris que les siens ne reflétaient que haine et colère.
— Je te vois mon fils, dit-elle doucement.
— Faux ! gronda ce dernier. Vous le voyez lui ! Lui qui a tout ! Lui qui pour quelques minutes, mérite que l'on s'incline devant sa personne !
De colère, il se mit à frapper sur la barrière qui les séparait. Elle sursauta et fit quelques pas en arrière en resserrant son châle autour de ses épaules.
— Nous avons le même sang ! Alors pourquoi Mère ? Pourquoi mérite-t-il tout cela, alors que je suis obligé de vivre dans son ombre ? De manger ses miettes !
La reine baissa les yeux et ne répondit rien. Tout cela était injuste, elle le savait. Mais elle n'avait pas eu le choix, la loi était la loi : à l'ainé revenait le trône, la formation militaire, les richesses et l'opulence de la cour. Au cadet il ne restait presque rien, sauf un accès à l'éducation et au savoir qui, au final, ne le conduirait qu'à servir son aîné en tant que ministre ou ambassadeur, sans aucun réel pouvoir. Jusqu'ici il n'y avait jamais eu de vrai problème. Si seulement ils n'avaient pas été jumeaux.
Elle leva à nouveau les yeux sur lui, qui continuait de l'invectiver en se défoulant sur la barrière énergétique. Elle savait que quand il était dans cet état, il ne servait à rien de lui parler : Valhan était d'ordinaire quelqu'un d'intelligent et de réfléchi, mais ses émotions prenaient trop souvent le dessus ces derniers temps. L'heure du couronnement de son frère approchait et il ne supportait plus l'injustice dont il était victime. Elle rabattit son voile sur sa tête et après un dernier regard le laissa seul dans ce couloir désert, se disant qu'un peu de calme lui ferait du bien. Cette partie de la prison était vide pour le moment, car comme le voulait la tradition la purge avait eu lieu la veille, et beaucoup avaient été exécutés. Mais de nouvelles arrestations viendraient bientôt apporter un nouveau lot de prisonniers. Elle espérait qu'il ne soit pas trop entouré de voyous et de criminels, mais après tout, c'était bien là le rôle d'une prison. Elle lui dit au revoir, mais il ne l'entendit pas. Tant pis, elle réessaierait le lendemain.
Valhan resta seul plusieurs jours. Puis, comme l'avait craint sa mère, les autres cellules autour de lui se remplirent petit à petit. Des voleurs, des meurtriers, des anarchistes, il n'y avait là que des êtres violents et irrécupérables. Une chance que les cellules soient assez éloignées les unes des autres. En tant que femme du roi elle n'avait pas beaucoup de pouvoir, mais cela était suffisant pour acheter quelques faveurs au gérant de la prison. Elle avait réussi à obtenir qu'on ne mette personne dans la cellule en face de celle de son fils, et qu'on lui fasse porter un peu de mobilier : une petite table, une chaise, et surtout, un matelas et des couvertures propres. Elle venait presque chaque jour, entourée de deux gardes, sous les sifflets et les insultes des autres prisonniers. La plupart du temps il refusait de lui parler, lui tournant obstinément le dos. Mais quand la solitude était trop grande, il acceptait de jouer silencieusement une partie d'échecs sur un plateau qu'elle lui avait offert. Il savait qu'elle prenait des risques en faisant tout cela, que si le roi ou son frère l'apprenaient ... Il lui en était reconnaissant, mais on n'efface pas si facilement plus de vingt années d'injustice, d'amertume et de colère.
Un jour, sa mère ne vint pas comme à son habitude. Cela le surprit et l'inquiéta, il craignait qu'elle n'ait été découverte. Mais en réalité un nouveau prisonnier allait être amené dans leur bloc. Et plus précisément, dans la cellule en face de la sienne. Il vit les gardes venir en faire le tour, en inspecter chaque recoin, puis tester le champ de force pour voir s'il n'était pas défectueux. Vers midi il entendit les autres prisonniers hurler des insultes, des mots de bienvenue douteux et des propositions à faire pâlir même les prostituées les plus endurcies. Il en déduisit que le nouveau prisonnier était de sexe féminin. Et en effet, au bout de quelques minutes il vit apparaitre une jeune femme escortée par deux matons. Il était difficile de lui donner un âge car elle avait les cheveux totalement blancs, coupés très courts. Plutôt petite, ses bras minces et musclés et son maintient dynamique la situait aux alentours de la trentaine, peut-être moins. Vêtue d'une simple combinaison de maintenance grise, rien ne permettait de deviner ses origines. La jeune femme semblait se laisser faire docilement, suivant les gardes sans broncher. Elle se laissa même enfermer après être entrée seule dans la cellule, sans qu'ils n'aient besoin de la bousculer. Elle les regarda partir puis s'assit sur le sol, le fixa durant de longues minutes de ses yeux bleus, puis les ferma pour plusieurs heures.
Les premiers jours la nouvelle prisonnière ne dit rien, se contentant de l'observer en ignorant ce que les autres détenus criaient à son intention. Ils se lassèrent petit à petit de son silence, et le bloc redevint relativement calme. A partir de cet instant les visites de sa mère reprirent, cependant elle ne venait plus aussi souvent qu'avant. Les cellules étaient pleines, et malgré tout l'amour qu'elle portait à son fils, elle ne supportait plus de passer au milieu de tous ces rebuts de l'humanité. Les journées se firent alors de plus en plus longues. Il les passait souvent assis, à tourner et retourner une pièce d'échecs entre ses doigts. Sa voisine de cellule l'observait de plus en plus souvent, et de plus en plus intensément. Il n'aimait pas cela mais après tout, que pouvait-il y faire ?
— Une petite partie ? lança-t-elle un jour.
Cela le surprit beaucoup, car elle n'avait jamais dit un mot jusqu'ici. Sa voix était claire et agréable, et confirmait son âge d'à peu près vingt-cinq ans.
— Je ne fricote pas avec les criminels, répondit-il sans la regarder.
— Tu en es pourtant un il me semble, ton Altesse, se moqua-t-elle.
Il ne répondit pas et lui tourna le dos.
Trois jours plus tard, sa mère n'était toujours pas revenue. Son absence lui pesait, la solitude le minait. Il avait toujours été solitaire, son frère ayant pour lui toute l'attention et tous les courtisans. Mais au moins sa mère et son précepteur avaient toujours été là et cela lui avait suffit, au début ...
— Une petite partie ? relança-t-elle.
Pour la première fois il l'observa attentivement. Elle n'était pas désagréable à regarder, même si ses cheveux blancs lui donnaient un air assez étrange. Elle paraissait calme et détendue, comme si être dans cette prison était quelque chose de naturel, de non contraignant. Il avait besoin de parler et comme sa mère semblait l'avoir oublié, il se résolut à lui répondre.
— Parce que tu sais jouer ? lança-t-il d'un air hautain.
— Je suis imbattable, affirma-t-elle avec le sourire.
Bien que cela le dérange grandement de se mêler à ce genre de personne, l'ennui et la curiosité l'emportèrent sur ses principes aristocratiques. Il s'assit face à elle, mit les pièces en place, et lui laissa même le privilège de commencer afin de rendre sa victoire plus satisfaisante. Il était en effet très sûr de lui, car il était invaincu depuis plusieurs années. La partie commença doucement, chacun tâtant les défenses de l'autre. Il n'était pas vraiment pratique de jouer ainsi car il devait avancer les pions selon ses indications, puis ensuite revenir aux siens sans perdre le fil des coups. Puis quand les choses sérieuses commencèrent, il se retrouva bien vite en difficulté : qu'importe la stratégie qu'il tentait, elle semblait toujours connaître la contre-attaque adéquate. En très peu de temps, la partie fut finie. Il enrageait intérieurement, mais refusait de perdre la face devant une vulgaire femme du peuple, une criminelle de surcroit. En l'observant en coin, il remarqua tout de même qu'elle ne semblait pas satisfaite de sa partie. Elle se massait doucement la tempe d'un air boudeur.
— Encore une ! exigea-t-elle au bout d'un moment.
Il ne lui répondit pas, amer d'avoir perdu dans un domaine où pourtant il excellait. Au-delà de la simple défaite au jeu, ce qui le minait était l'impression de rater tout ce qu'il entreprenait.
A partir de ce moment elle lui réclama une partie presque chaque jour, qu'il refusa durant toute une semaine. Puis sa mère revint le voir, s'excusant de son absence causée par ses obligations à la cour. Il lui proposa de jouer sitôt qu'elle arriva et gagna haut la main. Cette victoire lui rendit un peu de confiance, et lorsque le lendemain la jeune femme lui réclama une nouvelle fois de jouer, il accepta. Mais comme lors de la partie précédente, il se fit battre très facilement. Peu importe les choix qu'il faisait, elle s'adaptait aussitôt avec la meilleure stratégie possible. Mais à nouveau sa victoire semblait l'ennuyer, ce qui le rendit encore plus maussade.
Au fil des semaines leurs parties devinrent de plus en plus fréquentes. Toujours elle gagnait, et toujours cela l'agaçait de gagner. Un jour que la reine rendait visite à son fils, la prisonnière qui jusqu'ici restait toujours silencieuse en sa présence, l'apostropha de manière très familière :
— Ma bonne Reine, railla-t-elle, que diriez-vous si je vous demandais une faveur ?
La noble dame fit d'abord mine de l'ignorer, puis lui répondit tout de même, sans pour autant lui accorder un regard :
— Je vous répondrais que je ne vous dois rien, et que je ne traite pas avec la racaille.
Pensant avoir été assez claire, elle se prépara à partir afin de ne plus subir la présence de ces criminels qui l'entouraient.
— Savez-vous pourquoi j'ai été enfermée ? insista la jeune femme aux cheveux blancs.
— Peu m'importe ce pourquoi vous êtes en prison, répondit sèchement la souveraine. Si vous y êtes, c'est que vous le méritez.
— Tout comme votre fils, n'est-ce pas ?
Valhan la regarda d'un œil mauvais et la reine tiqua. Cet échange commençait à grandement l'agacer, et elle se décida à tourner les talons sans un mot de plus.
— Il se trouve que j'ai été prise la main dans le sac, ou plutôt le nez dans les blocs de données, de votre superbe bibliothèque, continua la prisonnière. Je vous prie de considérer ma requête, bonne Reine, car je suis tombée sur un journal fort intéressant.
Entendant ces mots la souveraine s'arrêta net et devint très pâle. Les deux gardes qui l'escortaient hésitèrent sur la marche à suivre, mais elle leur fit signe d'attendre là et retourna vers la cellule de l'intrigante. Valhan observait tout cela avec attention, ne comprenant pas de quoi elle avait voulu parler. La reine s'approcha du champ de force et chuchota rageusement :
— Vous mentez ! Vous ne savez rien du tout.
Ses lèvres tremblaient et toute sa personne transpirait la crainte. La prisonnière savoura quelques instants son emprise sur cette femme hautaine. Puis elle jeta un œil sur le prince, qui suivait toujours la scène sans pouvoir en entendre un mot, avant de se pencher vers la reine.
— Quatrième jour du sixième mois des enfants, se mit-elle à réciter, aujourd'hui j'ai tenté de noyer le deuxième. Je ne supporte plus de savoir quel triste avenir lui est réservé. J'ai prétexté vouloir m'occuper moi-même de sa toilette ...
— Assez ! hurla la Reine.
Surprise de son propre éclat de voix, elle se ressaisit et regarda la fouineuse d'un œil où se mêlaient la honte, le remord et la colère.
— C'était une bonne cachette que de le mettre avec ces traités sur les anatomies comparées, mais à mon avis vous auriez dû tout simplement l'effacer.
La noble dame se prit la tête entre les mains. Elle se sentait piégée, et avait du mal à réfléchir correctement.
— Que voulez-vous ? demanda-t-elle enfin dans un souffle.
— Simplement que vous me mettiez dans la même cellule que lui, répondit la prisonnière en désignant l'autre côté du couloir. Jouer aux échecs à distance est trop contraignant.
La reine regarda alors la jeune femme plus attentivement. Petite, mince, musclée mais pas plus qu'une femme qui travaille de ses mains, elle ne semblait pas dangereuse. Ses cheveux blancs lui donnaient un air étrange, tout comme ses yeux d'un bleu si limpide qu'on les aurait crus de glace. Elle se mordit la lèvre tandis qu'une tempête faisait rage dans son esprit. Elle ne voulait pas céder au chantage de cette voleuse, mais elle prenait ainsi le risque qu'elle se mette à tout raconter. Si elle faisait pression pour qu'elle soit exécutée, cela paraîtrait suspect et on se demanderait pourquoi un tel acharnement sur une simple fouineuse de bibliothèque. Elle se tourna vers son fils qui la regardait intensément, cherchant à comprendre la situation. Bien qu'elle ne voie pas pourquoi l'autre voulait se faire enfermer avec lui, elle se dit qu'au fond ça n'était pas forcément une mauvaise chose : il ne risquait probablement rien et cela lui permettrait de se sentir moins seul. Cela la déchargerait aussi du poids de venir le voir si souvent, car bien qu'elle aime son fils d'une tendresse particulière, elle avait tout de même du mal à lui pardonner son acte. De plus, venir dans cette prison remplie de vermine était un supplice pour elle.
— C'est accordé, finit-elle par dire avant de retourner voir les gardes pour leur donner des instructions et un pot-de-vin nécessaire à leur silence.
— Mère que se passe-t-il ? finit par demander Valhan tandis qu'elle s'éloignait.
Il n'obtint pas de réponse, mais regarda avec incompréhension les gardes procéder au transfert de cellule. Tout comme le jour de son arrivée, elle se laissa faire docilement en évitant tout contact physique avec les matons. Il remarqua néanmoins qu'elle paraissait étrangement tendue et très concentrée. La tête baissée, on aurait dit qu'elle prenait bien soin de ne pas regarder les matons et leurs armes chargées. Ceux-ci considéraient sans doute qu'une femme ne représentait aucune menace, et donc n'avait pas besoin d'être tenue en joug. Par contre ils le visèrent lui, le forçant à reculer avant de désactiver le champ de force pour la faire entrer. Une fois la manœuvre accomplie, ils s'en allèrent en ricanant, spéculant sur le sort de la jeune femme et sur le but de ce transfert.
Après l'avoir longuement observé, elle prit le plateau d'échecs et le posa à terre. Puis elle s'assit en face et entreprit de le préparer pour une nouvelle partie. Ses gestes étaient à nouveau détendus, elle semblait calme et paisible. Cela ne le mit pas en confiance, loin de là, car en dehors du fait qu'il ne comprenait pas que l'on puisse se sentir aussi à l'aise dans une prison, il se demandait ce qu'elle avait bien pu dire à sa mère pour la faire céder ainsi.
— Et bien, qu'attends-tu Altesse ? demanda-t-elle impatiente.
— Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai une quelconque amitié envers toi ? demanda-t-il avec mépris. Tu crois peut-être que quelques parties d'échecs auront suffi à ce que je te considère comme autre chose qu'une racaille ?
— Tant d'agressivité inutile, le taquina-t-elle. Ça n'est pas dans ton intérêt.
Toujours méfiant, il se décida à s'approcher, puis à s'asseoir en face d'elle de l'autre côté de l'échiquier. Il ne prêta cependant aucune attention au plateau, la fixant intensément comme si cela pouvait lui permettre de la percer à jour.
— Pose ta question, dit-elle au bout d'un moment.
Cela l'agaça grandement d'être aussi transparent, mais il n'y tint plus.
— Comment l'as-tu fait céder ? Que lui as-tu dit ?
— Gagne une partie et je te le dirai, répondit-elle dans un sourire.
Elle avança le premier pion, lui montrant ainsi qu'elle ne lui laissait pas vraiment le choix. Comprenant qu'il avait affaire à un être extrêmement têtu, il se décida à jouer le jeu, pour le moment du moins. La partie s'engagea doucement, comme toutes les autres. Comme d'habitude elle lui laissa quelques coups d'avance, puis commença à contrer sa stratégie. Voyant qu'il n'avait plus aucune possibilité de sauver son roi, il balaya le plateau d'un geste rageur. Elle leva les yeux au ciel, puis alla s'installer dans un coin pour s'y reposer. Toujours contrarié de cette intrusion, il lui lança :
— Qu'est-ce qui te dit que je ne profiterai pas de ton sommeil ?
— Ça n'est pas dans ton intérêt, répéta-t-elle sans ouvrir les yeux. Il faut toujours garder son intérêt en vue.
Décidément, il la trouvait très agaçante. Comme il ne savait quoi lui répondre à ce sujet, il décida de la reprendre sur sa politesse.
— Cesse de me tutoyer ! Je suis le Prince, tu me dois le respect dû à mon rang.
Toujours sans ouvrir les yeux, elle sourit en se massant une tempe. Puis elle se résolut à le regarder.
— Vois où tu te trouves Altesse, dit-elle en désignant la cellule de ses deux mains. En prison un être ne vaut pas plus qu'un autre. Et je reste persuadée que c'est aussi le cas en dehors des prisons.
Elle marqua une courte pause, sans doute pour lui laisser le temps de la contredire. Mais il n'en fit rien, et elle reprit :
— Nous sommes enfermés l'un avec l'autre, alors à moins que tu ne veuilles qu'on se batte, auquel cas faisons-le maintenant, je te conseille de faire preuve envers moi du même respect que tu veux me voir te témoigner. Je ne suis pas ton ennemie. Si tu ne veux pas me considérer comme une amie, alors contente-toi de me voir comme une alliée.
Sur ces paroles elle ferma de nouveau les yeux et mit peu de temps à s'endormir. Valhan se sentait perplexe, voir perdu. Ne sachant que faire d'autre, il s'installa dans le coin opposé et décida lui aussi de se reposer, bien qu'il soit loin d'être aussi tranquille qu'elle. Il se réveilla souvent pour voir ce qu'elle faisait, mais elle ne bougea pas d'un centimètre de toute la nuit.
Le lendemain, lorsqu'il s'éveilla, elle était déjà devant le plateau, prête pour une nouvelle partie. Cette fois elle lui avait laissé les blancs, espérant sans doute l'amadouer en le laissant commencer. La situation ne lui plaisait guère, mais il comprit vite que jouer contre elle serait sa seule distraction. Il se prépara donc à perdre, une fois de plus. Plus le jeu avançait, et plus il voyait dans son regard contrarié que cela ne se passait pas comme elle le voulait.
— De quelle maladie mentale souffres-tu donc pour ainsi détester gagner ? demanda-t-il au bout d'un moment.
Elle eut un petit sourire et joua son coup, mettant encore une fois ses pièces maitresses en grandes difficultés.
— C'est fatiguant, finit-elle par répondre en se frottant la tempe. C'est fatiguant de toujours gagner parce qu'on connait toutes les combinaisons par cœur. Tous les coups, toutes les configurations de parties, je les ai toutes en mémoire. Le jeu n'en est plus un.
Il fronça les sourcils devant cet aveu.
— Il est impossible de connaître toutes les configurations par cœur, dit-il en jouant à son tour. Même moi qui y joue depuis plusieurs années, il m'arrive parfois de me faire surprendre par une botte.
— Echec et mat, soupira la jeune femme en déplaçant sa tour.
Puis elle se redressa et se frotta le visage en haussant les épaules.
— Et pourtant je les connais toutes. Je sais tout ce qu'il y a à savoir sur ce jeu, depuis son origine terrestre très lointaine à ses dernières applications mathématiques, en passant par toutes ses phases d'évolution et de complexification.
Valhan observa attentivement la jeune femme pour chercher à voir si elle se moquait de lui ou non. Mais étrangement, elle paraissait sincère, tout comme l'ennui qu'elle manifestait à chacune de ses victoires semblait authentique.
— Et comment cela est-il possible ? Comment fais-tu pour savoir tout ça ?
Elle lui répondit par un nouveau sourire. Il y avait quelque chose chez elle qui l'intriguait, dans son attitude, son calme. A tout moment elle semblait être maîtresse de la situation, exactement comme dans leurs parties d'échecs. Comme elle voyait qu'il attendait une réponse, elle lui proposa d'un ton complice :
— Trouve-moi un jeu que je ne puisse pas gagner. Une seule victoire et je te livre tous mes secrets.
Il trouva cette proposition bien étrange, mais après tout, elle aussi l'était. Il se mit donc en quête d'un jeu de réflexion qu'elle ne pourrait gagner. Il lui proposa tout d'abord des énigmes, mais elle semblait toutes les connaitre. Des questions de mathématiques : idem, elle répondait sans avoir besoin de réfléchir, comme si tout était archivé dans sa mémoire. Il tenta alors de modifier le plateau d'échecs pour jouer à d'autres jeux semblables, mais en vain. Elle gagnait à tous les jeux connus avec une facilité déconcertante, et cela l'ennuyait de plus en plus.
— Pourquoi as-tu tenté de le tuer ? lui demanda-t-elle de but en blanc un jour.
Se braquant immédiatement à cette question, il serra les poings. Elle attendait la réponse, calmement assise face à lui.
— Parce qu'il le mérite, dit-il alors dans un souffle.
Durant ces quelques semaines passées avec elle, il avait réussi à se sortir son frère de la tête, à ne pas penser à lui et à l'injustice qu'il représentait. De quoi se mêlait-elle cette impertinente ?
— Qu'il le mérite ou non n'est pas la question, continua-t-elle sur le ton de la conversation. La vraie question est : était-ce dans ton intérêt ?
Il explosa à cette dernière remarque et jeta le plateau de jeu contre un mur. Il se leva et commença à se défouler contre le champ de force en hurlant. Elle se recula doucement pour se mettre hors de sa portée, sans pour autant manifester ni peur ni crainte. Il se calma plutôt rapidement, toute cette histoire le fatiguait. Lorsqu'enfin il se fut rassis, elle revint vers lui, toujours aussi calme, et repositionna le plateau et les pièces du jeu devant eux.
— Tu ne devrais pas laisser tes émotions prendre le dessus comme cela. Je n'ai pas dit tout cela pour t'énerver, ça n'est pas dans mon intérêt.
— Intérêt, intérêt, tu n'as que ce mot là à la bouche, finit-il par répondre agacé.
— C'est vrai, reconnu-t-elle, c'est parce que je l'ai compris très tôt, et j'ai grandi comme ça. Mon père buvait énormément et me frappait souvent. J'aurais pu m'enfuir, mais ça n'était pas dans mon intérêt de le faire car je serais probablement morte de faim rapidement. Ou pire, j'aurais fini dans un bordel sordide sur un astéroïde minier. De tous les maux il faut choisir le moins pire.
C'était la première fois qu'elle parlait d'elle-même, et étrangement la curiosité l'aida à se détendre un peu.
— Qu'as-tu fait alors ? demanda-t-il.
Elle porta la main à sa tempe, qu'elle massa doucement. Il se rendit compte qu'il l'avait vue faire ce geste très souvent.
— J'ai attendu patiemment qu'une occasion se présente, sans vraiment savoir ce que j'attendais. Et puis ...
— Et puis quoi ?
— Tu n'as pas gagné la partie, lui dit-elle dans un sourire, gagne et je te le dirai.
Ce refus le renfrogna. Il n'aimait pas qu'on lui résiste et il se rendit compte qu'elle n'avait fait que cela depuis le début. Gardant son calme avec difficulté, il regarda le plateau d'échecs. En remettant les pièces elle en avait inversé deux par mégarde. Un schéma naquit alors dans son esprit, et pour la première fois depuis longtemps, il eut un petit sourire. En coin certes, mais qui traduisait sa satisfaction d'avoir trouvé la solution à son problème. Il inversa deux cavaliers, ainsi que quelques autres pions. Elle le regarda faire avec beaucoup de curiosité. Lorsqu'il eut fini, il fouilla dans sa chemise et en ressortit un médaillon qui était accroché à son cou par une fine chaîne. Il le détacha et le lui montra. Etrangement épais, il portait sur l'une de ses faces les armoiries de la famille royale et sur l'autre son prénom, ainsi qu'une devise en langue ancienne. Après l'avoir observé, elle le regarda dans les yeux, attendant la suite avec impatience. Valhan resta bloqué quelques secondes devant ce regard, tant on aurait dit un enfant attendant un cadeau.
— Nous allons jouer une nouvelle partie d'échecs, expliqua-t-il après s'être repris. Mais dans chacun de nos rangs se trouvent des traîtres. C'est le médaillon qui décidera de leurs mouvements.
— Intéressant, dit-elle, le hasard est une bonne composante au jeu. Qui lancera le médaillon ?
— C'est moi. Et j'interpréterai les résultats des lancés selon mon propre système, que je ne t'expliquerai pas.
De nouveau la jeune femme porta la main à sa tempe et se gratta la tête.
— Donc rien ne t'empêche de tricher, finit-elle par dire.
— C'est vrai, mais je te donne ma parole que je ne leferai pas. Et après tout, quel autre choix as-tu ?
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