Chapitre 19
Même si je ne perçois plus exactement les pensées d'Alex dans ma tête, j'ai toujours l'impression qu'il y a des bruits qui résonnent de tous les côtés. Je suis à genoux sur le sol, une main contre un tronc d'arbre. Je ne me souviens même pas être tombée. Peut-être que j'ai finalement tourné de l'œil quelques petites secondes. Cela ne m'étonnerait pas, je sens ma tête tourner. Je pense qu'avec la fatigue due au fait que je n'ai pas réussi à dormir cette nuit, le fait d'essayer de me concentrer sur Alex alors que je sentais que j'allais le perdre tout en écoutant ma tante, toute mon énergie a quitté mon corps pendant quelques instants. Je tente de respirer calmement pour reprendre des forces. Mais à peine levée et remise de mes émotions, je vois Kate s'élancer vers la porte. Je la comprends, elle sait comme nous qu'il s'est passé quelque chose de grave en entendant ce bruit, et elle n'a pas pu se retenir d'intervenir pour venir en aide à son petit ami. Une fois devant la porte, je la vois tirer dessus avec une violence inouïe, presque animale avant de s'engouffrer à l'intérieur. Mes autres amies, sonnées, n'osent pas bouger.
Ayant enfin repris mes esprits, je regarde ma tante et lui explique :
- Il a compris. L'homme a compris que le livre qu'Alex avait entre les mains était en réalité une copie. Je ne sais pas comment c'est possible, mais il l'a deviné avant même de l'avoir dans les mains, simplement en le voyant de loin.
- Alors ça signifie qu'il est, soit extrêmement puissant pour savoir que cet objet n'était qu'une copie, soit cela signifie qu'il l'a déjà eu entre les mains. En tout cas, il ne faut pas laisser Kate et Alex seuls dans cette situation. Lucy et Daisy, allez-y d'abord, je vous rejoindrai ensuite.
Elles acquiescent de la tête, elles se lancent, toutes les deux, un coup d'œil, et partent rejoindre le couple. Je sens dans leur pas toute la détermination qu'elles ont en elles.
Quant à moi, même si j'ai repris mes esprits, je sens toujours mes jambes un peu chancelantes. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il est en train de se passer. Je commence à réfléchir à tout ça, mais tout se met à nouveau à tourner dans ma tête. Même avec un plan, il faut toujours que ça tourne mal. Nous n'avions pas pensé que le sorcier comprendrait que le livre est un faux. Encore moins aussi vite. Je ne comprends même pas comment cela est possible. Ma tête se baisse sur Exponentia qui est toujours dans mes bras et je ressens comme un élan. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et je m'apprête à m'élancer à la suite de mes amies, mais quelque chose me retient. Ma tante me tient par l'épaule et m'empêche d'avancer. Je me retourne vers elle pour lui dire de me lâcher afin que j'aille me rendre utile auprès de mes amies. Le plan A, a lamentablement échoué, le plan B, a été oublié au moment même où Kate a franchi la porte, alors nous n'avons pas d'autres choix que d'improviser un plan C. Je dois aller aider mes amis, si nous attaquons tous ensemble, on pourrait avoir une chance. Mais ma tante n'est pas de cet avis puisqu'elle ne me lâche pas, ni des yeux, ni de sa main droite. Je n'entends même pas ce qu'elle essaie de me dire, je suis trop concentrée sur les bruits qui nous arrivent maintenant que la porte est ouverte. Je ne vois rien, j'entends seulement, et c'est presque pire.
- Eléanore !
L'énième cri de ma tante traverse mes oreilles et je commence seulement à me calmer. Si je reste en colère, je n'arriverai à rien. Une voix me dit aussi que si je ne bouge pas, je n'arriverai à rien non plus. Mais ce n'est pas le moment d'être dictée par mes sentiments, mais plutôt par ma raison. Et cette dernière me dit d'écouter ma tante. J'arrête donc de me débattre et m'assois sur le sol, serrant le livre fort contre ma poitrine, dans un geste protecteur vers cet objet qui pourtant nous a apporté tant de malheurs. Ma tante, qui comprend que j'accepte enfin de l'écouter calmement, retire sa main de mon épaule, se baisse à ma hauteur, et me dit :
- Maintenant qu'on sait que cet homme est au courant que nous avons créé un faux livre, il doit être encore plus en colère, donc nous devons rester extrêmement prudents Eléanore. On ne peut pas foncer tête baissée sans réfléchir, on doit savoir ce que nous allons faire.
Je la fixe et comprends qu'elle a raison. L'homme sait que le livre est une copie et a vu mes amies débarquer. Il ne faut pas être très intelligent pour comprendre que le vrai livre est entre les mains du reste du groupe et sûrement pas loin d'ici. Si nous entrons, nous sommes tous fichus. Je hoche donc la tête pour lui faire comprendre que j'ai compris. Elle me répond d'un sourire que je n'ai jamais vu aussi crispé et passe sa main dans mes cheveux pour me réconforter. Ce contact me redonne de l'énergie et je lui demande ce que nous pouvons faire.
- Notre seul espoir, c'est de retrouver un avantage sur la situation, il faudrait le surprendre. Si nous entrons directement après les autres, cela ne servira à rien.
- Tout à l'heure, tu as bien dit qu'il y avait une porte d'entrée à l'arrière ?
- Oui, c'est une bonne idée de faire ça. Il va être occupé avec les autres, et à mon avis, il doit rester à surveiller la porte à l'avant, voir si la suite du groupe va arriver. Si on passe par derrière, il ne s'y attendra pas.
- Ou justement, il ira derrière, car les autres sont passés par devant.
Elle hausse les épaules. Ma remarque ne doit pas être si bête. Elle s'assoit deux secondes et réfléchit. Nous sommes là, assises dans l'herbe alors que mes amis sont en train de se battre pour leur vie. Le contraste est trop saisissant. Après de très longues secondes, peut-être même trop longues au vu de la situation, ma tante reprend :
- De toute façon, il faut tenter le tout pour le tout. Je pense que passer par l'arrière reste notre meilleure solution.
Je lui fais un rapide signe de la tête et elle continue :
- Il faut que nous fassions le tour de la cabane très discrètement. Il ne doit rien soupçonner. Reste bien derrière moi.
Nous nous levons rapidement, mais tout en essayant de rester discrètes. D'ici, je ne pense pas qu'on puisse être vu, mais il faut tout de même rester sur nos gardes. Nous ne pouvons pas passer devant la porte encore ouverte, alors il nous faut faire le tour par le passage le moins dégagé. De ce côté de la cabane, les arbres et les ronces ont pris le dessus sur l'herbe contrairement à l'autre côté. Baissées pour ne pas que l'on nous aperçoive depuis les fenêtres, nous marchons le plus vite possible vers l'arrière. Les racines et les ronces rendent le chemin impraticable. Je lutte pour tenir sur mes jambes. Contre mon jean, je sens les piquants qui me lacèrent et je prie pour qu'ils ne traversent jamais le tissu. La main posée sur le bois humide, je longe les derniers mètres de la cabane derrière ma tante. Arrivées au coin, elle s'arrête et jette un œil pour vérifier que personne n'est là. Elle finit par me faire signe et avance un peu plus loin. La porte de derrière, sans grande surprise, est fermée à clé. Ma tante tente de l'ouvrir avec un sort, mais c'est peine perdue. Un sort doit protéger toute la maison. Il a dû prendre toutes ses précautions en faisant de cette cabane le lieu de rendez-vous. Le sort pour bloquer les bruits ne doit pas être le seul, il a sûrement verrouillé les autres issues avec la magie. Et la technique de Kate d'enfoncer la porte n'est clairement pas envisageable vu son manque total de discrétion. Nous sommes coincées. Je râle, mais vois ma tante faire apparaître quelque chose dans sa main. Je la questionne et elle me montre deux pinces à chignon. Je fronce les sourcils, pas sûre de comprendre, avant que les images de films et de séries que j'ai vues me reviennent en tête.
- Ne me dis pas que tu sais crocheter une serrure ?
- Je ne te le dirais pas alors.
Je manque de rire, mais la situation est trop grave pour ça. Je me contente donc d'un léger sourire et regarde ma tante s'exécuter.
- Mais comment est-ce que tu as appris à faire ça ?
- Ma chérie, tu sais, j'ai eu une vie avant de m'occuper de toi.
Je souris et la laisse se concentrer sur sa tâche. Elle se penche à hauteur de la serrure et y introduit les deux bouts de métal. L'un après l'autre, elles les fait bouger dans un schéma que je ne comprends absolument pas. Cette technique m'a toujours été étrangère. Je n'ai jamais saisi comment il était possible d'ouvrir une serrure de cette façon. Mais ma tante s'applique. Elle les tourne, et retourne et re-retourne jusqu'à obtenir ce qu'elle veut. Comme la cabane n'est pas de première jeunesse, la tâche semble être rude. Elle peste plusieurs fois avant de respirer un grand coup et de s'y remettre. Peut-être que la rouille ne rend pas le travail facile. Pendant qu'elle s'attelle à ouvrir cette fichue porte, je me concentre sur ce que j'entends. Des bruits de coups sont nettement audibles. Je ne sais pas qui les reçoit mais je prie pour que ça ne soit pas les filles. J'aimerais les aider. Vraiment. Mais si j'y réfléchis, je ne sais même pas si j'en serais capable.
Quand on y pense, c'est tout de même assez ironique comme situation. Se dire qu'un sort n'est pas capable de venir à bout de ce vieux cadenas, mais que c'est possible avec deux malheureuses pinces à chignons. C'est parfois étrange le fonctionnement de la magie.
Un petit cri de victoire de ma tante me sort de ces pensées pas très gaies. Je me tourne vers elle et remarque que la porte est entrouverte. Je n'y crois pas. Elle a réussi. Elle me sourit, fière d'elle, avant de pousser délicatement la porte afin que nous ayons accès à l'intérieur. Malheureusement pour nous, derrière cette porte, se trouve une petite pièce sans fenêtre. Malgré la pénombre, je crois apercevoir un lit. Comment pouvions-nous prévoir qu'il y avait une pièce ? Quand j'y pense, c'est même vraiment étrange. Je me souviens être venue dans cet endroit il y a peu, et je suis certaine que cette cabane n'était composée que d'une unique pièce. Il y avait peut-être une porte à l'arrière, mais je suis certaine qu'il n'y avait pas de chambre. Comment est-ce possible ? Je décide de laisser de côté cette question dans mon esprit pour ce qui est plus important actuellement. Et puis, ceci-dit, c'est plutôt une bonne nouvelle. Notre entrée ne pourra pas être remarquée. Ma tante me fait signe de me taire et s'engouffre la première à l'intérieur. Je la suis de près et vais me positionner contre le mur du fond. D'ici, le bruit est nettement plus clair. La cloison ne doit pas être très épaisse, et la magie ne doit fonctionner que sur l'extérieur. Non seulement les coups nous parviennent, mais également les paroles. J'entends mes amies distinctement et je comprends très vite que ce sont elles qui prennent les coups. Cela me rend folle d'entendre ça sans pouvoir intervenir.
Après seulement quelques secondes, un énorme cri nous parvient, vite suivi par un bruit sourd. Je connais la voix de mes amies et je sais que c'est Daisy qui vient d'être touchée et qui a sûrement heurté un mur ou qui est tombée violemment au sol. J'ai envie de crier que je vais venir l'aider, mais je sais que c'est impossible. Ma tante, qui en est venue aux mêmes conclusions que moi, me dit à voix basse.
- Tu te rappelles du plan B ? Je crois qu'on va le tenter. Je vais rentrer et essayer de l'occuper pour que les autres puissent sortir. Fait bien attention à ce qui va se passer à l'intérieur, si jamais un moment, je dois te faire un signe pour te dire de fuir. C'est bien compris ?
Je hoche la tête et la laisse continuer.
- Surtout, tu restes ici. S'il te plaît, ne tente rien.
Je sais que je ne peux pas lui promettre, mais je hoche une nouvelle fois la tête.
- Ah oui, et protège le livre s'il devait arriver quelque chose.
Je n'ai pas le temps de bien saisir le sens de sa phrase qu'elle est déjà en train d'ouvrir la porte. Je l'entends dire aux filles qu'elle est là et que ça va aller en entrant, tel un chevalier dans la bataille. Et moi, je suis là, je ne bouge pas. Je ne me suis jamais sentie aussi inutile de toute ma vie. Ma tante me dirait que j'ai le rôle le plus important, celui de protéger Exponentia, mais, à l'heure qu'il est, cela me semble être le cadet de nos soucis. Mais, docile, je reste là. Et je ne peux qu'attendre, et écouter ce qu'il se passe à côté. Ma tante mettre toute sa hargne dans le combat, Lucy se prendre un coup, Kate attaquer, Alex se prendre un coup, puis notre ennemi être touché à son tour. Les actions s'enchaînent et j'essaie de le représenter dans ma tête. Tous mes scénarios sont critiques. L'imagination est parfois bien pire que la réalité. En fait, c'est ce que je me répète pour m'auto-persuader. J'ai l'impression d'être ici depuis des heures. J'ai besoin de savoir depuis combien de temps je suis ici. Je sais que je n'ai pas mis ma montre ce matin, alors dans un geste habituel mais discret pour que personne ne m'entende, je vais pour récupérer mon téléphone dans ma poche. Sauf qu'il n'y est pas. Je réalise que je l'ai oublié à la maison, sur la console de l'entrée. J'étais tellement stressée que je ne l'ai pas récupéré avant de partir. En y réfléchissant bien, il n'avait plus de batterie donc il n'aurait même pas pu me donner l'heure.
Malgré l'entrée en scène de ma tante, le combat semble être des plus compliqué. Les cris de mes amis dominent sérieusement ceux de l'inconnu. Cela me démange d'aller les aider. Si je jette un œil, je ne risque rien, n'est-ce pas ? Doucement, je m'approche de la porte encore légèrement entrouverte. Je me baisse pour mettre mon œil dans la serrure mais le trou est rempli de saleté. Celle-ci ne doit pas beaucoup servir. J'écarte donc un peu plus la porte pour avoir une meilleure vue sur la pièce principale. Heureusement pour moi, la planche me cache. Je passe donc un peu la tête à côté de la porte pour pouvoir observer la scène. Alex et Kate, qui se protègent mutuellement, sont déjà à bout de souffle. Ma tante tente de garder le tempo, mais il est évident qu'elle fatigue. Il est impossible de fournir un tel effort très longtemps. Daisy est bel est bien sonnée, allongée sur le sol, mais je vois qu'elle tente de se relever. Je voudrais lui crier de ne pas le faire, mais je sais que je ne peux pas. Alors que j'allais enlever ma tête un grand courant d'air passe près de moi. C'est Lucy, projetée dans les airs, qui vient de passer devant la porte avant d'aller taper contre le mur faisant ainsi trembler l'ensemble de la cabane. Cette fois, c'en est trop. Je ne peux pas regarder ça sans rien faire, même si protéger le livre est une "noble tâche". Ne réfléchissant pas plus, je me redresse et ouvre la porte en grand avant de quitter cette petite chambre pour me lancer dans le combat.
Lorsque j'ouvre la porte, ce qui me frappe en premier, c'est que la table que ma tante avait décrite comme étant en plein milieu de la pièce est totalement explosée. Des morceaux de bois jonchent le sol à différents endroits. La plupart d'entre eux sont le long du mur comme s'ils avaient été repoussés grâce à la magie pour libérer l'espace. L'un deux est juste à côté de l'endroit où Lucy a été projetée. J'espère qu'il n'y en avait aucun là où elle est tombée. Pour en être sûre, avant de faire quoi que ce soit, je me précipite sur elle. La première chose qu'elle me dit est de partir, mais je fais comme si je n'avais pas entendu. Je la soulève délicatement pour vérifier que tout va bien. Heureusement, aucune trace de bois arraché ne semble être à son emplacement. Elle a eu beaucoup de chance. Je l'aide à se relever, mais je vois bien qu'elle a du mal à tenir sur sa jambe droite. Elle a dû se blesser, il va donc falloir attendre qu'elle guérisse avant de retourner dans le combat. Elle me dit de la laisser pour la quatrième fois quand je finis par l'écouter. Contrairement à ce qu'elle voudrait, je ne rejoins pas la pièce attenante, mais je me concentre sur ce qu'il se passe ici. C'est à ce moment-là que j'aperçois l'homme qui nous traque depuis plus d'un an.
Enfin.
Il est de dos et attaque sans ménagement mes amis. Je ne peux contenir toute la colère que je ressens et une boule de magie commence à se former dans ma main libre. Mon autre main tient toujours fermement le livre Exponentia. J'ai décidé d'aider les autres à combattre, mais je dois aussi protéger ce livre coûte que coûte.
- Eléanore pars tout de suite !
Ma tante, qui semble seulement me remarquer, me hurle dessus encore deux fois avant de comprendre que cela ne servira à rien. Je suis déterminée à agir. A tout faire pour que cette journée ne se termine pas comme ont terminé les deux autres. Lucy, elle aussi, essaie de crier pour m'arrêter, mais elle est bien trop faible. Sa voix se perd dans les autres cris qui résonnent dans la pièce. La boule de magie maintenant énorme dans ma main, je tends le bras et l'envoie à travers la pièce avec toute l'énergie que je suis capable de produire. Malheureusement, le sorcier se décale pile à ce moment-là et le coup ne vient que percuter le mur et y ajouter une grosse tâche noirâtre. Je peste. Il ne se retourne même pas, il reste concentré sur ma tante, Alex et Kate, mais il arrive tout de même à éviter mes attaques sans difficultés. Je renouvelle l'opération, une nouvelle fois sans succès. Le fait de n'avoir qu'une main n'aide pas non plus dans un combat. Il me manque de l'équilibre. Je suis déstabilisée d'autant plus que ce vieux grimoire pèse son poids. Je tente de changer de position pour me rendre la tâche plus facile, mais cela reste compliqué. Je lance, encore et encore, des sorts, mais très peu d'entre eux atteignent leur cible. Ma tante me regarde et voit bien que je suis dans une posture délicate. Elle me fait signe, mais je lui dis que ça va. Je rassemble une nouvelle fois un gros paquet d'énergie avant de me concentrer. Il faut que ça atteigne ce sorcier pour donner un peu de répit à mes amis. Je prends une grande respiration, et mets en pratique ce que m'a appris ma tante pour viser. Je visualise bien l'homme, tente d'anticiper ses mouvements. Je crée une nouvelle flamme rose dans ma main, mais alors que je m'apprête à la lancer sur l'homme, le livre manque de glisser et de me tomber des mains. Alors je fais rapidement disparaître la magie que je venais de créer pour replacer Exponentia fermement contre moi. Même si je veux me battre correctement, ça reste très difficile, car je dois absolument protéger ce livre. Nous ne sommes pas suffisamment entraînés face à lui, et ce poids en plus, ne me facilite absolument pas la tâche. Je me reprends et recommence ma pratique en prenant bien garde à ce que ça n'arrive plus. Cette fois-ci, mon coup part et vient atterrir en plein milieu du dos du sorcier. S'ensuit un cri de douleur, mais je vois bien qu'il se reprend rapidement. Je tente donc, tant bien que mal, de réitérer la même attaque pendant qu'il n'est pas complètement remis, mais je suis encore une fois gênée par le livre. C'est là que ma tante me dit.
- Passe-le-moi ! Je vois bien qu'il te gêne !
C'est à cette phrase que l'inconnu qui nous attaque sûrement depuis plus d'une heure sans jamais rien dire réagit enfin. Sa voix retentit dans toute la pièce quand il dit :
- Non, Eléanore, ne fait pas ça !
Sur ces paroles, il se retourne vers moi. Je n'ai pas le temps de me demander d'où il connaît mon prénom que son visage m'apparaît clairement malgré la relative obscurité dans laquelle nous sommes plongés, bien qu'il soit midi. La vie est pleine de surprises, toujours. J'ai lu de nombreux romans et vu de nombreux films dans lesquels les personnages s'en plaignent. A l'heure qu'il est, je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Je fixe cet homme qui me fixe aussi. Il réitère sa demande d'une façon bien plus calme, mais je ne l'écoute plus. Je n'entends pas non plus les phrases qui sortent de la bouche de ma tante. A ce moment-là, tout est flou dans mon esprit. Je suis complètement perdu par ce que je vois, par cette personne. Je n'arrive pas vraiment à réfléchir normalement. J'ai tellement de questions. Pourquoi ? Comment ? Mais, bien plus fort que cette question, la seule chose cohérente que j'arrive à me dire, c'est que même si je n'ai pas de souvenir de lui, je sais exactement qui il est.
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