Chapitre 13
Je finis de retirer la dernière guirlande de notre petite scène quand je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. Je pense que c'est ma tante, elle doit nous dire quoi faire de nos décorations. Je pose celles que j'avais dans les mains pour pouvoir attraper mon téléphone. Sur l'écran, c'est bien le nom de Sylvia qui apparaît.
Sylvia : J'ai regardé ce matin et je n'ai pas la place de les mettre dans la boutique donc rangez les décorations dans le grenier à la maison. Bonne journée, à ce soir.
J'explique aux autres ce que ma tante vient de me dire par message. Ils hochent la tête et emmènent les cartons qu'ils ont dans les bras jusqu'à la voiture. Nous avons tous fini, il est donc temps pour nous de rentrer.
Ma tante nous a dit que nous n'avions pas besoin de venir à la boutique avec Justin aujourd'hui. Avec la fête d'hier, il est peu probable que beaucoup de monde aille faire les magasins. Surtout que notre petit stand a fait sensation auprès des habitants, tout âge confondu. Je dois avouer que cette nouvelle a été bien accueillie, je pense que j'aurai eu beaucoup de mal à me lever à l'heure ce matin. À la place, nous avons donc été missionnés pour ranger et nettoyer l'espace de notre stand. Kate et Daisy, qui ont encore une fois un peu trop bu hier soir lorsque nous étions au bar pour finir la soirée, ne se sont même pas levées pour nous aider à tout ranger. Enfin, elles ont surtout profité du fait que nous n'ayons qu'une seule voiture pour descendre. Étant donné que ma tante a pris la sienne ce matin, elles ont choisi cette excuse pour esquiver, en nous disant qu'il n'y avait pas assez de place pour tout le monde dans la voiture des garçons.
Je pose le dernier carton dans le coffre, en serrant un maximum pour pouvoir le refermer. Lucy, Matthew et Justin m'attendent déjà dans le véhicule donc je me dépêche de prendre place à l'arrière. Heureusement pour nous, encore aujourd'hui, c'est Matt qui conduit, et donc je suis complètement installée et attachée quand la voiture démarre.
Une fois que tout est enfin rangé dans le grenier, et ce n'est pas une mince affaire de ranger des cartons plein de décorations et de costumes dans un grenier où l'ouverture est si petite, je décide d'aller jouer un peu avec Saphir. Le chat me suit en ronronnant quand il me voit aller chercher son jouet préféré. Je m'assois sur le canapé avec l'animal quand j'entends Matthew dire à son frère qu'il a une course à faire et qu'il doit prendre la voiture. Je n'y prête pas attention préférant éviter de me faire griffer accidentellement. Je vais pour attraper la télécommande et mettre quelque chose à la télé en bruit de fond, mais quelqu'un est plus rapide que moi. Je tourne la tête et remarque, sans grande surprise, que c'est Justin.
- Je suis arrivée ici la première, alors donne-moi la télécommande s'il te plaît.
- Trop tard Foster. Il fallait être un peu plus rapide.
Je n'ai pas vraiment la force de me battre avec lui et lève simplement les yeux au ciel. Je reste assise sur le canapé à jouer avec notre nouveau compagnon pour attendre de voir ce que Justin compte mettre. Je parie sur Friends.
Une minute plus tard, je manque d'exploser de rire. Il me lance alors un regard intrigué avant de demander :
- Je peux savoir ce qui te fait marrer comme ça ?
- Rien, juste, tu ne pourrais pas être un peu moins prévisible ? À chaque fois que je te vois regarder la télé, tu regardes cette série. Tu sais qu'il n'y a pas que ça.
- Très bien, alors donne-moi une série qui est vraiment bien si tu connais mieux.
- Je ne sais pas moi... Et puis de toute façon je te connais, je pourrais proposer n'importe quoi, tu dirais quand même que c'est moins bien.
Après quelques secondes, je lui lance :
- Sinon, on pourrait mettre un film par exemple
Avec un grand sourire moqueur, il me demande :
- Une comédie romantique je suppose ?
- Non, pas forcément, je ne regarde pas que ça ! Il y a des films d'action aussi.
Il ne répond rien, mais je vois qu'il éteint sa série pour mettre un film. Ça, je ne m'y attendais pas. Je tente de savoir si ce n'est pas une blague, il me semble qu'il a cédé trop tôt, mais son visage est complètement impassible. Après quelques secondes, il finit par lancer le film et c'est Iron Man 1 que je vois commencer à l'écran. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu alors je me concentre sur la télévision et délaisse un peu Saphir.
- Tu préfères Iron Man ou Captain America ?
La question m'a échappé, j'ai oublié pendant quelques secondes que c'était Justin à côté de moi et pas une de mes amies.
- C'est quoi cette question Foster ?
- Bah quoi, c'est juste une question...
Maintenant, la réponse m'intéresse.
- Iron Man évidemment, la question ne se pose même pas.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Il est intelligent, riche, il a une armure et un super humour. Captain America est beaucoup trop "monsieur je veux sauver le monde", ennuyant et trop vieux jeu. Et puis sérieusement, c'est quoi ce costume ?
J'explose de rire face à sa réponse. Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé pour qu'il soit comme ça, mais je suis assez contente de voir qu'il change petit à petit. Je ne suis pas sûre qu'il y a encore quelques semaines, on aurait pu juste discuter sur qui était notre personnage Marvel préféré.
- Et toi ?
Je suis d'abord surprise qu'il me pose la question, mais je continue rapidement :
- Moi, je dirais...
Mais avant que je puisse répondre à sa question, la sonnerie de mon portable m'interrompt. Je le récupère pour voir qui cela peut-être. Le nom de Tom s'affiche sur mon écran et je souris. Je décroche rapidement en me levant du canapé.
- Salut Tom, comment vas-tu ?
- Salut Eléanore ! Ça va très bien merci. Et toi ? Au fait, comment s'est passée la fête hier ? Vous vous êtes bien amusé ?
- Oui, c'était vraiment génial. Cette fête est vraiment incroyable !
- Tant mieux ! En fait, je t'appelle parce que je voulais te demander un service. Habituellement, on vient tous les ans avec mes parents à cette période pour pouvoir mettre des fleurs sur la tombe de ma famille, mais on ne pourra pas cette année. Je me demandais si tu pourrais y aller à ma place dans la journée. Je sais que ça a beaucoup moins de sens puisque ce n'est pas nous qui venons, mais ça me rend un peu triste que la tombe de mes grands-parents ne soit pas fleurie pour la Toussaint.
Je mets quelques secondes à réaliser qu'aujourd'hui, c'est effectivement le 1er novembre. J'aurais voulu être chez nous pour mettre des fleurs sur les tombes de Cinder et Mathis, mais nous sommes trop loin. Et puis je sais que c'est impossible pour nous de retourner là-bas. Mon sourire disparaît et je m'appuie sur un meuble comme pour m'empêcher de tomber. Je ne sors de mes pensées que lorsque j'entends la voix de Tom dans mon téléphone.
- Eléanore, tout va bien ? Tu ne me répondais plus.
- Oui, désolée, j'étais dans mes pensées. Oui, évidemment, ça ne me dérange pas du tout de faire ça pour toi, je vais m'en occuper.
- Merci beaucoup. La fleuriste a l'habitude, elle sait ce qu'on prend tous les ans, tu n'auras qu'à lui demander de faire pareil. Bon, je suis désolé, je dois te laisser, je dois m'occuper de mon frère. Mais il faudra qu'on se rappelle pour discuter un de ces jours. Et encore merci.
Je raccroche et retourne sur le canapé, mais je n'arrive plus vraiment à suivre le film. Repenser à Cinder et Mathis est toujours quelque chose de difficile, mais je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui, je sens que ce sera encore pire. Au bout de longues minutes, je finis par envoyer un message à Zack. Je préfère éviter de l'appeler, parce que j'ai peur de me mettre à pleurer si je lui demande ça à voix haute.
MOI : Salut Zack ! Comment ça va ? Je voulais te demander quelque chose. Est-ce que tu pourrais aller au cimetière pour mettre des fleurs pour Cinder et Mathis ? Bisous
Plus impersonnel, tu meurs, mais si j'écris autre chose, il est certain que je me mettrai à pleurer. Après quelques secondes à hésiter, je rajoute :
MOI : Si tu n'es pas chez toi en ce moment ou si tu n'as pas le temps, tant pis, ce n'est pas grave, je comprends.
J'ai à peine le temps de verrouiller mon téléphone que mon portable vibre déjà pour me faire signe d'un message.
ZACK : Coucou toi ! Ne t'inquiètes pas, ça ne me dérange pas. Pour tout te dire, j'y avais déjà pensé, alors j'ai déjà commandé les fleurs, j'allais partir pour m'en occuper.
En lisant son message, je ne peux que laisser échapper les larmes qui se mettent à couler sur mon visage.
- Euh... Foster, y a un problème ?
Je ne le regarde pas et lui répond d'une petite voix.
- Non, rien c'est bon.
Je sèche mes larmes et tente de me reconcentrer sur le film. Je n'ai pas le courage pour le moment de penser à Cinder et Mathis. Je préfère attendre d'être toute seule dans ma chambre pour pouvoir pleurer tranquillement. J'entends alors la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer à nouveau. Je suppose que ce doit être Matthew. En effet, quelques secondes plus tard, il se trouve à l'étage avec nous et me dit :
- Eléanore, est-ce que tu pourrais descendre avec moi s'il te plaît, et demander aux autres de venir aussi ? Je vous attends devant la maison.
Sur ces paroles énigmatiques, il redescend aussi vite qu'il est arrivé. Je passe dans les chambres des filles pour leur dire de venir avec moi, et environ cinq minutes plus tard, nous nous retrouvons toutes les quatre dehors, Justin derrière nous. Il doit être curieux de ce qu'a préparé son frère.
Face à nous, Matthew, et à côté de lui, posé sur le sol, une plante d'une cinquantaine de centimètres. Il doit comprendre grâce à nos regards plein d'incompréhensions que nous ne comprenons rien à ce qu'il fait avec ça. Il prend alors timidement la parole.
J'ai vu quelque part que parfois les gens plantaient des arbres pour penser à leurs proches qui sont décédés. Alors j'ai pensé que... J'ai pensé que vous pourriez planter un arbre ici, pour avoir un endroit pour vous recueillir pour penser à Cinder et à Mathis.
Un très long silence suit ses paroles. Personne ne sait vraiment quoi dire, et moi la première. Il finit par reprendre, les yeux fixés sur ses pieds.
- Je suis désolé, j'aurais dû savoir que ce n'était pas à moi de faire ça. Après tout, c'est de notre faute si...
Je ne le laisse pas terminer sa phrase et fonce dans ses bras en pleurant. Moi qui voulais attendre de me retrouver seule pour laisser couler mes larmes, c'est raté, car je ne parviens pas à les arrêter. Je lui chuchote simplement un merci et ses bras se resserrent autour de moi. Je ne pensais pas en me levant ce matin que cette journée serait si difficile pour moi. Nous finissons par nous écarter, et il nous dit.
- Bon, alors je vous laisse, c'est un moment pour vous, alors...
- Tu peux venir avec nous, en plus, c'était ton idée.
Je tourne la tête vers Daisy avec un sourire au visage. J'avais peur qu'elle prenne mal cette idée. C'est son frère qui est mort, la laissant seule, alors je craignais qu'elle ne rejette l'idée de Matthew.
- Vous êtes sûr les filles ?
- Oui, Daisy a raison, continue Lucy, tu as le droit de venir. On peut faire ça tous ensemble. Et comme ça, dans un certain sens, ce sera aussi pour enterrer ce passé qui nous hante un peu tous.
Matthew récupère l'arbre, et nous nous dirigeons tous ensemble vers le jardin. Après quelques minutes, nous nous mettons d'accord sur l'endroit. Lucy grâce à son don écarte facilement la terre et nous plaçons l'arbre au centre du trou avant qu'elle ne remette toute la terre correctement.
Tout se fait dans le silence, et pourtant, ce n'est pas gênant. Nous nous prenons toutes les quatre les mains quand je remarque Justin qui retourne vers la maison. Je peux comprendre qu'il reste un peu en arrière, il ne connaissait pas beaucoup Cinder et Mathis, mais là, je sens la colère monter en moi. Depuis que son frère est revenu et a parlé de son idée, j'ai bien vu qu'il n'en avait rien à faire. Il pourrait tout de même montrer un peu plus de respect. Nos amis sont tout de même morts il y a moins d'un an, c'est encore difficile pour nous, mais lui ne fait même pas l'effort de se montrer compatissant.
Après quelques minutes, nous retournons dans la maison. Une fois arrivée sur le palier, je remarque Justin, assis sur le canapé en train de regarder tranquillement la suite de son film. Comment est-ce qu'il peut être si tranquille après ce qu'il s'est passé ? Je ne vois pas la moindre émotion sur son visage. Comme s'il n'en avait rien à faire de nos amis morts. Je sens la colère monter de plus en plus et je finis par exploser :
- Comment est-ce que tu peux rester aussi indifférent ? Tu ne connais pas le mot respect dans ton vocabulaire ? Même si tu t'en fiche d'ailleurs, tu pourrais au moins faire semblant.
- C'est bon Foster. Tu voulais que je fasse semblant. Sérieusement ? Et puis quoi encore, que je pleure pour tes deux petits amis ? Je ne les connaissais pas, alors je m'en fiche, ce n'est pas mon problème.
- Je te rappelle tout de même que sans votre tentative de vengeance ridicule, nous serions toujours notre groupe de cinq amies, et Daisy n'aurait pas perdu le dernier membre de sa famille. Donc oui, tu pourrais faire un effort.
- Ce n'est pas ma faute si ton pote a été assez stupide pour sacrifier sa vie pour une meuf sans importance.
En entendant ces paroles, mon sang ne fait qu'un tour et je lance ma main vers son visage pour le gifler, mais il m'arrête avant en interceptant mon poignet.
- Tu m'as déjà giflé une fois, et je ne te laisserais pas faire une seconde fois, tu peux me croire sur parole Foster.
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La nuit est déjà presque tombée quand j'entends la voiture de ma tante rentrer. Je ne suis pas sortie de ma chambre depuis ma dispute avec Justin. Comment j'ai pu être aussi stupide ? Comment est-ce que j'ai pu penser ne serait-ce qu'une seconde qu'il pourrait changer ? Il est, et restera, un connard égoïste. Je finis par sortir de mes pensées quand j'entends des coups sur ma porte. Ça doit être ma tante puisqu'elle vient de rentrer. Le regard toujours dirigé vers le nouvel arbre dans le jardin, je lance :
- Oui, entre vas-y.
- Je peux te parler ?
Cette voix n'est définitivement pas celle de ma tante, je tourne la tête et demande :
- Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Dégage, je ne veux pas te parler.
- Lis dans mes pensées.
- On voit bien que tu n'écoutes jamais Miller. Je t'ai déjà dit que je n'écoutais pas dans les pensées des gens. Et puis franchement ce que tu m'as dit tout à l'heure m'a largement suffit je ne...
- Lis dans mes pensées, je te dis.
Je ne comprends pas bien pourquoi il me demande ça. Surtout qu'il avait l'air terrifié l'autre jour à l'idée que j'ai pu fouiller dans son esprit. Là, il me crie presque dessus pour que je le fasse. Je le regarde et finis par capituler. Je me concentre sur lui pour lire dans ses pensées en faisant bien attention à n'aller que là où il veut que j'aille. Tâche qui est plutôt compliquée.
" Je suis désolé, je n'aurais pas dû parler comme ça de tes amis tout à l'heure. "
En entendant ça, je suis partagée entre la surprise et la colère. Mais je suis aussi touchée, car j'ai enfin compris pourquoi il m'a demandé de lire dans ses pensées. Je crois que c'est ça manière à lui de me dire qu'il me fait confiance et que ce qu'il pense est sincère. Malgré ça, quelque chose me gêne, ce ne sont pas de vraies excuses, ce n'est qu'une mise en scène.
- Donc tu ne le diras jamais ?
- De quoi tu parles ?
- T'excuser, tu ne le feras jamais vraiment, tu refuses de le faire pour de vrai. En fait c'est si difficile que ça de le dire à voix haute que tu es désolé ?
Je m'emporte un peu plus que je ne l'aurais voulu mais l'image de mes amis et ses paroles de tout à l'heure me sont revenues d'un coup.
- Mais à ton avis, qu'est-ce que je viens de faire ?
- Le fait que je l'entende dans ton esprit ne signifie pas que c'est ce que tu ressens vraiment. Tu vois, je pensais que tu avais changé depuis quelque temps, mais je pense que je me trompais. Maintenant, j'aimerais que tu sortes. S'il te plaît.
Il se retourne mais fait immédiatement demi-tour pour me faire face.
- Très bien, tu as gagné, je suis désolé.
Il crie presque en disant cela, mais je sens dans sa voix qu'il est sincère. Puis il continue, d'une voix plus calme, comme un aveu :
- Je sais que je n'aurai jamais dû dire ça. Je sais à quel point ils étaient importants et à quel point c'est difficile pour vous. Si je me suis emporté comme ça, c'est parce que j'étais en colère contre moi-même, et puis, j'étais un peu jaloux aussi. Vous les pleurez, vous pensez à eux, même s'ils ne sont plus là. Et je sais très bien que s'il m'arrivait quelque chose, je n'aurais personne pour me pleurer. C'est comme ça. Je n'ai personne, peut-être Matthew, mais il a tout de même sa vie à lui. Moi, je suis seul. Et je sais aussi très bien que vous auriez préféré que ce soit nous à la place de vos amis, et je le comprends. Sans oublier que tu as touché juste tout à l'heure, tout est de notre faute, on a été stupide, on a été égoïste.
Nous restons quelques secondes en silence, puis Justin se retourne pour sortir de ma chambre. Mais avant qu'il ne ferme la porte, je dis seulement.
- Tu as tort, je serais triste s'il devait t'arriver quelque chose.
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