Trois ans plus tôt, 6 mai 2018.

Mathieu trépignait d'empressement devant l'aire d'arrivée de l'aéroport de Mérignac. La foule compacte de personnes comprises entre trente et cinquante ans confirmait des parents venus récupérer leurs enfants. Il n'avait pas revu Linéa depuis mi-juillet l'année dernière ! Serait-elle comme dans ses souvenirs ? Ne la décevrait-il pas après tant de promesses dans ses courriers ?

C'était la première fois qu'il venait chercher l'une de ses compagnes dans un aéroport. Cela faisait réel, comme dans une histoire d'amour au cinéma. Une silhouette gesticula subitement tout en secouant la main. Mathieu sourit en la découvrant, mais crissa les dents d'irritation en l'apercevant en compagnie de frères jumeaux de type surfeur. Qui étaient-ils ? Des cousins ? Pourquoi seraient-ils là ?

Il n'afficha aucune colère, longea la baie vitrée pour patienter à la sortie. Il oublia bientôt ses accompagnateurs pour suivre du regard la silhouette de sa compagne. Elle était encore plus belle que dans ses souvenirs. Il admira les jambes sous la jupe stoppant au-dessus des genoux. Il contempla la poitrine remuant sous le chemisier en déformant la veste en laine. Une joie immense le submergea en provoquant un sourire de satisfaction sur ses lèvres entrouvertes.

Elle venait le voir lui et pas un autre !

Il détourna avec une rancœur intérieure le regard en direction des frères jumeaux.

— Au revoir, Linéa annonça le plus blond en déposant un baiser sur ses joues. Au plaisir de te croiser en Normandie.

L'autre frère baisa la main de sa compagne avant de la quitter. Elle abandonna sa valise à roulettes pour courir dans la direction de son amoureux. Elle lui sauta dans les bras pour l'embrasser fougueusement.

Mathieu la serrait avec passion, pour garder en mémoire le plus longtemps possible les retrouvailles. Il affichait dignement sa compagne, la femme qui l'avait choisi parmi tant d'autres.

— Tu m'as tant manqué, Mathieu. Je suis trop contente de te revoir.

— Moi aussi, Linéa . C'est qui ses gugus ?

— Qui ? Ha, oui, Geoffrey et Jeff habitent en Normandie. Ils vont passer des vacances à Ibiza. T'imagines la...

— Tu es si belle, rompit-il le monologue.

— Merci. Toi aussi, tu es bien en pantalon toile et chemise.

Une demi-heure plus tard, Linéa déposait sa veste en laine pour observer les trente mètres carrés de l'appartement de Mathieu. Elle tournait sur elle-même en observant la pièce principale comprenant un canapé-lit, une armoire, une bibliothèque, une table, trois chaises, les accès à la cuisine, la salle de bain.

Mathieu l'empoigna des mains tremblantes pour la faire asseoir.

— Il faut qu'on parle de Marine, s'exclama-t-il !

Elle détourna le regard pour regarder la baie vitrée donnant une visibilité sur l'église. Linéa refusait de revenir sur le passage sensible, délicat. Mathieu s'agenouilla à ses pieds pour poursuivre.

— J'ignore ce qu'il s'est passé ce fameux jour, je me suis retrouvé les doigts sur sa poitrine. C'était involontaire, je n'avais rien prémédité, tenta-t-il de se défendre en commençant à pleurer. Je n'avais de regard que pour toi, mais je n'étais pas certain que cela soit réciproque.

— Tu te rends compte de ce que tu dis, s'insurgea-t-elle en le dévisageant ?

— Euh, tu es la seule à mon cœur !

— On pourrait croire qu'en dépit tu as tripoté ma sœur !

— Mais, non, ce n'est pas...

— Elle m'a tout avoué, je tentais de l'oublier et tu en reparles. Je ne voulais accuser personne, mettre sur une faute involontaire de chacun, mais tu ravives ce souvenir. Hé en plus à mon arrivée ! Je sais que Marine m'a souvent jalousé, même si je n'en comprends pas la raison, elle est beaucoup plus belle que moi. Tu peux m'avouer que tu l'avais choisi en dépit !

— Mais non, elle est loin d'être aussi belle que toi. Je ne vois que toi, n'ai envie que de toi !

Il la releva précipitamment pour la blottir contre son torse.

Mathieu l'embrassa tout en déboutonnant le chemisier.

Ils partagèrent leur tout premier moment de tendresse.