Chapitre 24
Cinq jours plus tôt, 21 octobre 2021
Mathieu n'avait pas bougé d'un centimètre depuis presque une heure. Il restait figé devant la photo de Linéa en robe de soirée. Les larmes séchées démontraient ses pensées, ses regrets.
Son dernier repas remontait à quarante-huit heures, tout comme sa dernière nuit de sommeil. Il portait encore les vêtements de l'accident à l'université. Il détourna le regard pour regarder les traces de sang sur le casque dans le canapé.
Qu'avait-il fait ?
Il ignora les sonneries du téléphone fixe, tout comme le troisième message du chef cuisinier, « Mathieu, c'est Charles, je suis au courant, ma fille suit les mêmes cours que ta compagne. Le patron pourrait comprendre la situation, mais prend le temps de l'avertir. Tu es un chic type, cela peut... » Il se pencha pour débrancher le câble du téléphone.
Il fit demi-tour pour pénétrer dans la chambre. Il scruta longuement le lit défait en se remémorant Linéa dévêtue. Il avait fait une connerie irréversible ! Il l'aimait plus que tout, désirait caresser à nouveau son corps, ses formes avantageuses. Elle devait lui pardonner. On pardonne tout par amour. Il prit le téléphone portable pour l'appeler.
— Ma puce, c'est encore moi. Je suis désolé de m'être emporté. Tu m'excuseras auprès de Justine, j'espère que je ne lui ai pas fait mal, c'était... involontaire. Tu sais que je t'ai aimé dès le premier regard. Je n'oublierai jamais le tintement de cloches de la porte d'entrée de Occaz, la douce odeur de rosée, toi dans l'entrebâillement. Mes jambes chancelaient, mon cœur battait la chamade. J'avais l'impression de rêver. Quand tu t'es retrouvé de l'autre côté du stand de BD, je n'ai pu m'empêcher de lever les yeux vers toi. Tu étais si belle, trop belle pour faire attention à moi. Tu ne peux imaginer...
Le répondeur coupa le message sans aucun avertissement au préalable.
— Merde, merde, merde, hurla Mathieu en jetant le portable sur le canapé.
Il ignorait totalement ou Linéa avait emménagé. Certainement pas chez son amie car elle habitait avec son compagnon. Il ne lui connaissait aucune autre camarade proche pouvant la loger. Il restait bien évidemment l'autre, mais elle mettait longtemps à accorder sa confiance.
Elle ne pourrait vivre sans son poupounet, elle reviendrait !
Mathieu avait ses défauts, comme tous les hommes, mais il l'aimait vraiment, d'un amour sincère.
La sincérité, un bien grand mot ! Chacun le traduit de différentes manières, mais lequel a raison ?
Une idée germa dans son esprit, l'application de localisation de son portable lui indiquerait son emplacement.
Une heure plus tard, Mathieu longeait en moto un supermarché de Mérignac centre, une zone industrielle, une résidence. Il coupa le moteur pour continuer en roues libres. Il stationna ensuite devant un portail en bois. C'était la position !
Il se tenait devant une habitation avec jardin, probablement une maison familiale. Qui logeait ici ? Toute la famille de Linéa se trouvait en Normandie. Il descendit de moto pour faire des allées venues devant le portail.
— Pardon, s'exclama une voix dans son dos !
Il fit demi-tour pour découvrir une adolescente en jean, pull en col roulé évitant son regard.
— Salut, je suis un pote de cours de Linéa, tu sais si elle est là.
— Tu es en cours avec mon frère ?
— Oui, c'est ça !
— Tu aurais dû sonner, mes parents sont au boulot.
— Peux-tu lui demander de sortir, je suis assez pressé ?
— OK, confirma-t-elle en déverrouillant le portail pour entrer.
Mathieu tremblait des jambes, il redoutait de se retrouver face à l'amour de sa vie.
La porte d'entrée de la maison s'ouvrit, Linéa sortit pour l'observer dans l'embrasure en serrant les poings. Mathieu empoigna les barreaux du portail.
— Je suis désolé Lin, j'ai tellement eu peur de te perdre. Je sais que je suis loin d'être parfait, mais je peux tout arranger. Donne-moi une chance.
Elle descendit une marche, deux, puis stoppa.
— Laurent va porter plainte. Je suis désolé.
Il poussa le portail pour entrer dans le jardin. Elle remonta les marches pour empoigner la porte.
— On s'aimait tellement, qu'est ce qu'il s'est passé, interrogea Mathieu ?
— Je t'aime toujours, mais ce n'est plus possible.
— Quoi ? Pourquoi ? Tu n'imagines pas la douleur quand j'ai vu ce Laurent te pincer, te caresser. C'était trop horrible à supporter.
— Je suis désolé, ce n'est pas de ta faute !
Le bruit d'ouverture de la porte du garage le fit sursauter. Une voiture stationna à l'intérieur, le chauffeur sortit dans le jardin pour approcher du motard. Le cinquantenaire en costume, à la taille robuste, coupe de cheveux impeccable lui fit face.
— Vous êtes sur mon jardin, partez, je vous prie, ordonna-t-il.
— Je suis venu chercher Linéa.
— Je ne crois pas, confirma-t-il en l'empoignant.
Il tenta de se libérer, mais la poigne solide tint bon.
— Lâchez-moi !
— Linéa ne veut pas vous parler, laissez la tranquille.
— En quoi, ça vous regarde ?
Il détourna le regard pour apercevoir sa compagne en pleurs. Mathieu bouscula brutalement son agresseur pour le faire trébucher. L'homme percuta violemment un rocher du crâne pour ne plus bouger. Les cris de terreur de sa compagne attirèrent l'attention de passants. Certains se dirigeaient dans leur direction. Il obliqua vers Linéa pour la dévisager dans une incompréhension la plus totale. Il n'arrivait pas à assimiler la situation. Elle traversa le jardin pour s'agenouiller auprès de son père.
— Papa ! Réveille-toi ! S'il te plaît, papa...
Elle dévisagea son compagnon les yeux en pleurs.
— Pourquoi, hurla-t-elle, pourquoi ?
Linéa secoua à nouveau son père pour finalement pleurer sur son torse.
— Il l'a tué, hurla une femme dans la rue en le pointant du doigt.
Mathieu entendit le freinage brutal d'une voiture de police. Il la regarda une toute dernière fois sa compagne figée.
— Je t'aime, murmura-t-il à son encontre.
Il quitta le jardin aux pas de course.
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