La pluie avait redoublé de puissance sur la ville de Preychac. Les nuages cotonneux tachés de noir, gris, assombrissaient le paysage en apportant la pénombre bien avant la nuit.

Une silhouette nue était en équilibre sur le toit de la demeure. Matt écartait les bras vers le ciel en encaissant les impacts de la pluie. Désirait-il se laver de fautes impardonnables ? Espérait-il trouver le pardon en tombant malade ?

Il croisa les bras pour pleurer. Il était responsable d'un décès... pour la seconde fois ! Qui statuerait pour un crime involontaire ?

— Non, hurla-t-il en serrant les poings. Tu n'es pas prêt de me voir, sale enculé !

Il fit demi-tour pour regagner l'accès à l'escalier. Une fois revenu au sec, il observa ses affaires recouvertes du sang de l'homme en combinaison de protection pour épidémie virale. Il les ignora pour traverser le couloir afin de regagner la chambre des parents. Il longea une immense salle de trente mètres carrés contenant d'un côté les vêtements de madame, de l'autre ceux de monsieur, les chaussures occupaient la place du milieu. Il choisit la seconde porte pour avoir accès à la salle de bain, au sauna et hammam.

Une demi-heure plus tard, Matt observait le jardin depuis la baie vitrée de la chambre parentale. Il était vêtu de chaussures de randonnée, d'un pantalon de chasse, un ceinturon avec une immense lame de combat militaire, un gilet avec une multitude de poches, une casquette.

L'absence de souvenir de la semaine précédant son arrivée était à la fois reposante et anxieuse. Reposant, car il n'avait rien à archiver comme rappel. Anxieux, car il ignorait comment il était arrivé dans ce milieu étrange. Il s'était tout simplement réveillé dans la gadoue avec une bosse sur le front prête à péter !

Le plus lointain souvenir était Linéa enfilant sa culotte dans la salle de bain.

Quelle était réellement l'état de la situation ?

Matt avait stocké suffisamment d'insuline pour tenir trois mois et il en restait encore à la pharmacie. La nourriture ne serait pas non plus un problème ! Ce qui l'embarrassait le plus était l'incapacité de vérifier son taux de sucre dans le sang. Les capteurs étaient disponibles à la pharmacie, mais inopérants. Aucun n'était chargé et l'absence d'électricité n'arrangeait rien.

Dès le premier jour, il avait tenté de s'écarter de la zone, trouver une route, mais après une heure de marche sans réellement se situer il avait abandonné ! La peur de tout diabétique était de manquer de sucre. Partir à l'aventure même avec un sac rempli de nourritures restait trop inquiétant, incertain.

Les villes de Pompéjac, Bernos-Beaulac n'avaient pas réellement disparues, mais de hauts grillages barbelés l'avaient obligé à faire demi-tour. Il avait certes supposé qu'il se trouvait dans une large zone sécurisée, mais pourquoi ?

Mais, Matt désirait-il réellement partir ?

Un bruit de chute provenant du rez-de-chaussée l'avertit d'une présence, la bibliothèque ne bloquait plus l'entrée. De toute façon, que risquait-il réellement ? L'homme en combinaison de protection ne portait aucune arme, uniquement des appareils... électroniques ! Matt prit conscience que ses hommes devaient probablement venir de l'extérieur de la zone ou possédaient un abri pourvu d'électricité !

Il se pressa de rejoindre le couloir menant au hall d'entrée. Il stoppa en apercevant la chambre de la sœur cadette entrouverte. Il n'avait pas été suffisamment rapide.

Devait-il patienter ou rapidement regagner la chambre ? Il choisit la sécurité en restant caché. Les battements saccadés de son cœur résonnèrent dans ses tympans. Il cherchait chaque inspiration avec gêne. Une fatigue pesante le fit s'adosser au mur, les tremblements de ses jambes, la gorge sèche ne pouvaient confirmer qu'une seule chose, le taux de sucre augmentait dans le sang.

Ce n'était guère le moment, mais on ne choisissait pas !

Il devait agir tant qu'il le pouvait encore. Il sortit la lame de l'étui pour s'engager décidé dans le couloir.