Matt cligna des paupières tout en prenant conscience de son reflet dans le miroir de la chambre de Laurine.

L'hypoglycémie tout comme l'hyperglycémie avaient son lot de malheur !
Il pouvait sombrer dans le coma pour les deux, mais ressentir des effets totalement différents pour chacun.

Le manque de sucre possédait la même similitude qu'un réservoir de voiture, on terminait sur la réserve. Plus d'essence, la panne sèche ! Bien avant cela, perte de contrôle des mouvements, difficulté à se concentrer, comportement maladroit.

L'excédent de sucre finissait par brouiller la vue, déséquilibrer, causer des maux de tête, provoquer de fulgurantes colères.

Il détourna le regard pour se diriger vers la boîte à gâteaux posée près de la lampe de chevet. Il souleva le couvercle pour prendre un marbré qu'il engloutit d'une seule bouchée. Matt possédait des gestes instinctifs, son esprit réagissait aussitôt au manque de sucre en l'orientant vers la nourriture proche.

Il avait dû involontairement s'injecter une piqûre trop forte en insuline.
À plusieurs occasions on lui avait relaté des comportements étranges dont il n'avait aucun souvenir précis. Conséquence du diabète !

Il traversa la chambre pour se coucher.

Plus tard dans la journée, Matt feuilletait un album de photos de Laurine, elle deviendrait splendide ! Avec ses dix-huit ans, elle devait déjà avoir un joli palmarès. Il reposa l'épaisse brochure contenant des centaines de photos de vacances. Il était assez rare de les entreposer ailleurs qu'en numérique.

Elle avait été conditionnée par sa famille survivaliste !

Il regretta l'absence de toute électricité, son portable ne fonctionnait plus depuis son arrivée. Batterie à plat ? Il l'ignorait le problème, mais regrettait l'incapacité de regarder la multitude de photos archivées.

Il se leva pour déambuler dans la chambre. Il avait déjà fouillé partout.

Il décida de s'occuper de l'autre sœur.

La chambre moins grande de Laurie, douze ans était remplis des posters de séries, Gossip Girl, Riverdale, Pretty Little Liars... Il ne connaissait que les deux derniers, Sex Education, Elite, qui de son goût auraient du être censurés pour son âge !

Laurie possédait un large lit rangement à trois tiroirs. Il ouvrit l'armoire pour fouiller sous plusieurs piles de livres entassés. Il finit par découvrir dans le fond une grande enveloppe. Elle contenait plusieurs lettres signées Tom. Il lut la dernière.

« Laurie, ma beauté, ma princesse éternelle, ma poupée Barbie, je t'aime. J'adorerai te masser, te caresser les pieds, les jambes, le ventre, le nombril. Tu es la plus belle femme qui existe. J'ai déjà croqué deux gonzesses. Je sais faire l'amour pendant toute une après-midi sans m'arrêter. Je serais te faire crier mon nom. Laisse-moi venir après le cours de français, jeudi. Tu le regretteras pas. Kiss, ma beauté. »

Il esquissa un sourire moqueur en lisant le texte maladroit.

Cela lui remémora son passé, son absence de courage, les éternelles fuites. Son refus à quinze ans de rejoindre Gabrielle dans son lit. Sa perte de confiance auprès de la jeune blonde, Sonia qui s'offrait à lui, cœur et âme. La rupture par courrier de Delphine à Montignac, juste après celle de son pote Gérald. Il avait tant de regrets, de gestes maladroits, qu'il les avait classés du pire aux meilleurs.

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, il ignore pourquoi il songeait à la citation tirée de spiderman ! La raison pourrait elle provenir de la ville désertée ? Mais, ne serait-ce pas orgueilleux d'apporter autant d'importance à être seul ?

Un comédien est fier de sa représentation.

Un écrivain vise le prix Pulitzer.

Un pompier est satisfait d'éteindre un incendie.

Matt avait-il un comportement édifiant, sortait-il vraiment du lot en évoluant seul en milieu hostile ? N'importe qui pourrait-il réellement y faire face ? Le vingt et unième siècle nous éloignait irrémédiablement des racines de nos ancêtres, vivre en autarcie au plus près de la nature.

La vie est dure, n'apporte rien aux faibles, aux dociles, aux indécis !

Matt en avait pris conscience, pas de la meilleure des façons, certes, mais il avait la sensation de vivre pour la première fois, d'exister ! Il n'avait pas un mauvais fond, il ne savait tout simplement pas l'exploiter à sa juste mesure.

Certains manquaient de chance !

D'autres attisaient la malchance intentionnellement.

Matt reposa les courriers sur le lit, puis longea une étagère pour regarder des figurines pokémon, de fées de toutes tailles. Il attarda son attention sur une statuette de jeune femme en tenue de soirée portant des ailes, le surnaturel se mélangeait à la perfection avec la réalité.

Une idée subite lui fit détourner le regard en direction de la chambre cadette. Il devait vérifier le cadavre !