Chapitre 1
Des éclairs balayaient l'épaisse forêt de pins entourant le château privé de Préchac. En plein cœur de l'Aquitaine, à proximité de Bordeaux, du bassin d'Arcachon et des vignobles du Sauternais, surgissait le Château royal de Cazeneuve, joyau des Ducs d'Albret. L'ombre de grands personnages historiques planait dans ce lieu entièrement meublé d'époque. La haute muraille de pierres dépassant les trois mètres de haut la mettait hors du temps, des regards.
Les branches d'un chêne s'acharnaient sur le contrevent en bois massif d'une maison centenaire perdue au milieu de nulle part. Une pluie battante de vingt-quatre longues heures avait rendu le sol boueux, impraticable. On finissait par s'habituer aux battements, aux impacts, aux tambourinements incessants, rythmés, de la pluie, du vent !
Une silhouette reposait la tête à plat sur une vieille table poussiéreuse. L'épais meuble de deux cent cinquante kilos avait supporté les deux guerres mondiales. Elle serait toujours là dans cent ans.
Matt concentrait son attention sur une photo éclairée par la bougie tremblante. Il la discernait avec peine, mais ne la quittait pourtant pas du regard. La crasse sous les ongles se mêlait à l'humidité persistante souillant la silhouette d'une jeune femme en maillot de bain posant devant la mer. Il repoussa de l'index un amas de terre collant recouvrant les jambes de la jeune blonde, mais le regretta amèrement en arrachant la peau blanche pour la recouvrir d'un marron aux teintes orangées et sombres. Il relâcha la photo qui retomba en flottant. Il la rattrapa avant qu'elle n'ait pu toucher la table. Il observa une toute dernière fois le souvenir d'une rencontre amoureuse ayant désormais l'aspect dégradé, trempé, déchiré de la photo.
Le jeune homme aux cheveux gras détourna son attention vers la fenêtre à triples barreaux. Son installation avait été bien plus complexe que les indications de la notice. Il abaissa les yeux pour retourner à la photo abîmée qu'il n'aurait jamais du retirer de sa pochette. Il ouvrit un vieux livre pour le coincer entre les pages.
Il s'était habitué aux toiles d'araignées, à l'épaisse poussière, aux cadavres d'insectes à moitié dévorées, aux restes de repas éparpillés.
Quelle importance !
La puanteur ne gênerait personne. On ne jugerait pas l'absence de propreté, l'odeur exécrable de ses jean, sweat et sous vêtements.
La barbe le démangeait, il ne cessait de gratter de douloureux boutons enfouis à l'intérieur. La peau grasse avait besoin de respirer.
Le tonnerre le fit sursauter. Les ombres provenant des éclairs le terrifièrent. Sa solitude le conduisait peu à peu aux portes de la folie.
Matt détourna subitement le regard en direction de l'entrée de la cuisine. Il empoigna le manche du marteau en aluminium forgé tout en se levant. Ses pieds trempaient dans une immense flaque d'eau, mais l'humidité ambiante, le froid neutralisaient la sensation.
Il avança vers la cuisine tout en serrant le marteau. Plus il avançait, plus il voulait faire demi tour. En approchant de la pièce grouillant d'insectes dans l'évier, la peur le submergea.
Les soirées dans un salon chauffé, un canapé confortable, un pyjama propre, un café chaud, ressemblaient désormais à une utopie. Les jours étaient tous les mêmes.
Devait-il calculer en jours, semaines, mois ?
Il trébucha sur une caisse pour tomber lourdement sur le sol jonché de détritus, rempli de flaques d'eau. De sa position, il était dans l'incapacité de voir l'intérieur de la cuisine. Il tenta de se relever pour défaillir en se levant. Il fut dans l'obligation de poser un genou à terre pour garder un semblant d'équilibre.
Il saisit la petite lampe torche dans la poche de sa veste pour l'allumer. Il pointa le halo de lumière en direction de la cuisine pour éclairer une ombre furtive. Matt retomba en arrière pour reculer sur les fesses afin de se caler contre la table. Avait-il oublié de verrouiller l'entrée ? Si cela s'avérait exact, c'en était fini de lui.
Il chercha vainement le marteau sans parvenir à le débusquer dans la pénombre. Il escalada une chaise pour se lever, puis empoigna le rebord de la table pour maintenir un équilibre précaire. Le halo de lumière ne cessait de trembler en éclairant le sol, l'entrée de la cuisine, une armoire. Sa vision commença à se troubler, il peinait à réfléchir en lâchant la lampe. Il voulut la reprendre, mais ne percevait que le halo de lumière sur le mur sans parvenir à en débusquer l'origine. Il longea la table en ignorant totalement sa crainte d'une éventuelle présence. Il heurta brutalement une chaise du genou pour se plier sous la douleur.
Ses doigts fouillèrent les environs proches à la recherche du seul remède à son mal. Il aurait dû être plus alerte aux prémices ! Sa main bouscula la bougie qui s'éteignit en touchant la table humide.
Matt s'écroula lourdement sur le bois robuste pour perdre connaissance !
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