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«Je vous dépose ici madame ?
- Oui, merci monsieur, passez une agréable journée.
- Vous de même, profitez de ce beau printemps»
La portière qui se referme doucement et la voiture qui redémarre, soulevant la jupe plissée et les mèches lissées, cela a un air presque nouveau, presque différent dans les embruns.
Ces petits pas aux talons cliquetants et cette pochette appuyée sur cette chemise repassée, elle semble marcher vers la sortie de son travail, comme tout les soirs, mais aujourd'hui, ce n'est pas cette porte-là qu'elle est venue empruntée.
Les jambes qui se croisent gracieusement sur ce petit banc devant l'océan sont plus détendues qu'à l'accoutumée, le léger sourire sur ses lèvres maquillées à l'identique d'hier est plus profond que sur les photos rangées dans un album glissé sur une étagère dépoussiérée, et les battements du coeur dans cette poitrine bien couverte sont cette fois vivant, toujours aussi réguliers et synthétiques, emprunt d'une vitalité presque inchangée.
La serviette déposée contre le dossier peint dans un beau blanc est abandonnée, bien à plat pour ne pas froisser les documents bien rédigés et bien classés, une brise légère agite la chevelure soigneusement nattée, et une veste sans plis, pliée avec précaution, se pose face à la mer.
Tout est bien ordonné, joliment disposé, et la jolie femme dans la trentaine, parfaite couverture d'une revue féminine, a un air apaisé sur son visage sans imperfections.
Elle fait un pas en avant, regarde le reflet du soleil sur l'écume, et disparait sans faire de vagues dans les eaux calmes et bleues.
Parce que l'illusion du bonheur est pire que le malheur, parce que c'est quand tout semble parfait qu'on se rend compte d'à quel point l'imparfait était beau, parce que les sourires dessinés par l'habitude n'ont de sincérité que celle de la monotonie sans âme, et parce que la vie idéale qu'on nous vend n'est qu'un risible mirage pour donner un exemple dont personne ne veut vraiment mais que tout le monde poursuit sans savoir pourquoi.
J'espère que cette histoire vous a plu, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire et si elle n'est guère joyeuse, elle reflète une partie de ce que je pense quand je vois "l'idéal" qu'on essaye de nous faire avaler dans la vie de tout les jours.
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