Chapitre 44: Je t'aime aussi.
Adèle fronça les sourcils légèrement, avant d'avoir un petit sursaut de recul et de murmurer:
- Aïe !
Lupa écarquilla les yeux. Tellement concentrée dans ce qu'elle ressentait, elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle mordillait les lèvres de la jeune femme. Celle-ci n'eut pas le courage de lui lancer un regard noir.
- Tout va bien, Lupa ?
- Ouais, répondit son interlocutrice en haussant les épaules, les yeux fuyant.
- Ne répond pas ça, je sais que c'est faux.
Lupa plongea son regard dans le sien, la vampirette s'accrocha à ses épaules. A ce moment-là, c'était elle qui baissa les yeux, ceux-ci brillant d'une lueur qui inquiéta la loup-garou:
- Ca... Ca va?
- Très bien, Lupa. Toujours très bien.
- Arrête de mentir.
- Je mens autant que toi qui dis que tu vas bien.
- Je... Okay, tu marques un point.
Elles déglutirent toutes deux, presque en même temps et Lupa se mordilla la lèvre:
- Si ça ne va pas, tu peux me dire.
- Elle t'a vraiment changé, n'est-ce pas ?
- De... qui tu parles ?
- Tu le sais très bien, dit amèrement Adèle alors que sa lèvre tremblotait. J'ai essayé de faire semblant de ne rien voir... De ne pas me sentir inférieure par rapport à elle... Mais c'est toujours le cas de toute façon. J'ai toujours été moins belle, moins gracieuse, moins gentille, moins désirable qu'elle.
- Je suis désolée, Adèle, murmura Lupa, atterrée, en faisant un pas en arrière, s'écartant légèrement d'elle comme si la vampirette tenait une bombe entre ses mains.
Cette dernière se replia sur elle-même, s'enlaçant de ses bras nus. Elle frissonna, n'étant plus collée contre Lupa. L'atmosphère autour d'elles avait soudainement chuté, la brune bégaya à nouveau:
- Je suis tellement désolée...
- J'ai toujours su, de toute façon. Ca crevait les yeux... Mais j'avais envie de me sentir aimée aussi. De voir tes yeux posés sur moi de la même façon que tu la regardais.
Elle renifla et essuya une larme, ayant un hoquet moqueur qui sonnait comme "bien fait pour moi, j'aurais dû savoir". Le coeur de Lupa se serra, elle aurait voulu la rassurer, la prendre contre son coeur pour les réchauffer et lui dire "non, tout ce que tu dis est faux, je t'aime !"
Seulement, elle savait au fond d'elle-même que Adèle avait raison, et qu'elle avait toujours vu cela. Lui mentir n'aurait servi à rien, mais le spectacle était déchirant. Elle resta plantée là, à se demander quoi faire. Elle avait envie de hurler, de devenir un loup et de hurler à la mort.
- Va la rejoindre. Je ne te retiens plus... Va la voir, avant que Ray ne revienne. J'ai entendu dire qu'il serait là demain matin, profites-en. Le coeur a ses raisons que la raison ignore, je ne t'en veux pas.
Lupa pinça ses lèvres, ses yeux doux la caressant alors qu'elle se tordait les mains, l'écoutant. Puis, après un silence dans lequel elle ne sut quoi faire... Elle s'élança dans la pénombre, sa queue se balançant après elle.
- Merci, Adèle.
Puis elle disparut dans un fourré, à la recherche de celle qu'elle aimait.
=^.x.^=
Lupa courait à travers le jardin, ses pas lourds sur le sol encore humide de rosée, son souffle court mais déterminé. Chaque battement de son cœur résonnait dans sa poitrine comme un tambour furieux. Les paroles d'Adèle résonnaient encore dans son esprit. Elle se sentait coupable, mais elle savait aussi qu'elle ne pouvait plus continuer à fuir ce qu'elle ressentait pour Perséphone.
Le manoir derrière elle s'effaçait peu à peu dans l'obscurité, et les lanternes accrochées dans les arbres ne faisaient qu'ajouter à la sensation d'irréalité qui la submergeait. Elle n'avait jamais eu autant de doutes, mais en même temps, elle n'avait jamais ressenti une telle clarté dans son esprit. Il fallait qu'elle avoue. Il fallait qu'elle parle. Qu'elle soit honnête avec elle-même et avec Perséphone.
Elle traversa le jardin secret, le cœur battant à tout rompre. Là-bas, à l'écart des autres, Perséphone était adossée à une vieille fontaine couverte de mousse, observant les étoiles, la tête légèrement inclinée vers le ciel. Sa robe noire semblait se fondre avec la nuit, mais ses cheveux blonds brillaient comme des rayons lunaires. Elle pleurait, dans ce petit jardin secret protégé des regards;
Lupa s'arrêta un instant, à bout de souffle, hésitant à faire le moindre pas de plus. Elle avait tout de suite sû où la jeune femme irait, et se sentait soudain si petite face à elle, qui lui semblait inaccessible, si parfaite, et pourtant si tourmentée. Allez, Lupa, c'est maintenant ou jamais, se murmura-t-elle à elle-même, se redressant et avançant lentement.
- Perce ... murmura-t-elle finalement, sa voix cassée par l'émotion.
- Tu viens encore me tourmenter ! Tu passes d'Adèle à moi, mais quel monstre est-tu pour te poser sur toutes les lèvres sans culpabilité ? demanda cette dernière, entre deux sanglots.
- Je... Je peux pas rester avec elle, dit Lupa en s'approchant lentement. Elle mérite mieux que moi, mieux que mes mensonges... mieux que ça.
- Tu crois que je n'ai pas assez souffert par ta faute ?!
Lupa resta silencieuse un instant, cherchant les mots, cherchant comment avouer tout ce qui bouillait en elle depuis des mois, des années même. Chaque pas la rapprochait un peu plus de cette vérité qu'elle s'était efforcée de cacher, même à elle-même.
— Je... Perséphone, je t'aime. Je t'aime depuis toujours, depuis que je t'ai vue. Je n'ai jamais su quoi en faire, je n'ai jamais su comment te le dire. Et je sais que c'est fou, que c'est mal, que tu es fiancée à Ray et que je ne devrais même pas avoir ces pensées... mais c'est plus fort que moi. C'est toi, toujours toi.
Elle s'arrêta enfin devant Perséphone, les yeux brillants d'une lueur fébrile, sa respiration haletante. Elle attendait la réaction, attendait le rejet ou peut-être la colère. Mais Perséphone ne dit rien. Elle resta silencieuse, ses yeux pâles emplis de larmes scrutant le visage de Lupa, ses lèvres légèrement pincées, comme si elle cherchait elle aussi les mots justes à dire. Son cœur battait plus vite, mais elle n'en montra rien. L'assurance habituelle de Perséphone, son masque de froideur, vacillait.
- Je sais que c'est compliqué, je sais que... tu es liée à Ray, que c'est peut-être impossible, mais je ne peux pas continuer à prétendre que ça ne compte pas. Que je ne ressens rien pour toi.
Perséphone baissa la tête, ses doigts effleurant les pierres de la fontaine. Elle avait l'air de réfléchir, de peser chaque mot. Puis, lentement, elle releva les yeux vers Lupa, ses lèvres formant une moue de dégout et de haine.
— Tu es si stupide, Lupa, murmura-t-elle. Si bête.
Lupa recula légèrement, surprise par ces paroles. Perséphone se recroquevilla contre elle même, près de la fontaine, alors qu'elle recommençait à pleurer.
- Et quand je t'entend pleurer, j'ai envie de pleurer aussi... Alors apaise toi, Perce... supplia la brune, les yeux humides.
Lupa recula légèrement, son cœur battant à tout rompre. Ses mains tremblaient, son esprit tourbillonnait, incapable de contenir l'ouragan d'émotions qui l'envahissait. Elle leva les yeux vers Perséphone, la gorge nouée, les lèvres tremblantes. Et tout à coup, tout éclata. Elle ne pouvait plus contenir ce qu'elle avait gardé en elle depuis si longtemps.
- Perséphone... murmura-t-elle d'une voix rauque, presque brisée. Tu ne comprends pas, tu ne pourras jamais comprendre à quel point je t'aime... À quel point je suis folle de toi.
Elle déglutit difficilement, ses yeux brûlant de larmes qu'elle refusait de laisser tomber.
- Depuis la première fois que je t'ai vue, j'ai su que tu étais différente. Que tu étais... tout ce que je n'avais jamais osé rêver. Tout ce que je pensais ne jamais mériter. Tu es la plus belle chose que j'aie jamais vue, et pas seulement à cause de ton apparence. C'est... c'est toi. Tout ce que tu es. Ta force, ta froideur, ta grâce, même ta cruauté parfois. Tout chez toi me fait perdre la tête.
Elle fit un pas en avant, ses doigts tremblant alors qu'ils effleuraient la main de Perséphone.
- Quand je te regarde, je me sens vivante. Et c'est fou, parce que... je suis un loup, un monstre, quelqu'un qui a appris à survivre dans la tromperie, dans la fureur. Je ne mérite même pas de poser les yeux sur toi, mais tu es là, et tu... tu es tellement pour moi. Tu m'as laissé entrer dans ton monde. Et même si c'est pour un instant, même si c'est une illusion, je ne peux plus me voiler la face.
Elle baissa la tête, sa voix se brisant un peu plus à chaque mot.
- Et j'pourrais faire beaucoup pour toi, Perce. Je suis loin d'être parfaite, tu dirais même le contraire. Mais pour toi je pourrais tuer. Pour toi je pourrais... Me fiancer à toi, si ça te permet de lui échapper. Je veux tellement pouvoir ressentir ce que je ressens pour toi réellement...
Ses yeux rencontrèrent de nouveau ceux de Perséphone, brillants d'une intensité désespérée.
- Quand je suis près de toi, tout disparaît. Le reste du monde n'a plus d'importance. Tu me donnes envie d'être quelqu'un de meilleur, tu me rends vulnérable, et c'est terrifiant. Tu pourrais me détruire d'un simple mot, d'un regard, et pourtant... je suis là, à te dire tout ça, parce que je ne peux plus me cacher. J'ai essayé. J'ai essayé de te fuir, de me convaincre que c'était une folie, que ça passerait. Mais ça ne passe pas. Ça ne fait que grandir.
Elle laissa échapper un rire nerveux, presque hystérique, tout en secouant la tête.
— Et je sais que je suis en train de me ridiculiser, que je devrais me taire, mais je m'en fiche. J'ai besoin que tu saches à quel point tu comptes pour moi. Tu es tout ce que je veux, tout ce que j'ai toujours voulu. Je pourrais passer ma vie à essayer de te rendre heureuse, à te protéger, à te prouver que je ne suis pas un simple animal. Que je suis digne de toi.
Elle fit un autre pas en avant, ses yeux se brouillant alors qu'elle approchait son visage de celui de Perséphone, son souffle chaud contre sa peau froide.
- Tu es la seule chose qui me fait peur. Pas parce que tu es plus puissante, pas parce que tu es intouchable, mais parce que tu as ce pouvoir sur moi. Parce que je t'aime tellement que je pourrais tout abandonner, tout sacrifier, rien que pour un moment avec toi. Rien que pour te voir sourire, ou pour entendre ton rire. Je te suivrais jusqu'au bout du monde, je te donnerais tout, même ce que je ne possède pas.
Lupa posa une main tremblante sur la joue de Perséphone, la caressant doucement, comme si elle était trop fragile, trop précieuse pour être touchée.
- Pleure pas...
Perséphone éclata en sanglots avant de se blottir contre elle, la frappant mollement de ses poings, furieuse et à la fois si rassurée de l'avoir contre elle, de sentir son odeur musquée, d'entendre son souffle rauque.
- Lupa, e-espèce de...
Lupa leva tendrement le menton de Perséphone qui la regarda docilement, les yeux bouffis et les joues luisantes de larmes, et l'embrassa passionnément.
Je t'aime, Lupa.
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